Revascularisation du pied diabétique

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Presse Med. 2011; 40: 10–16 ß 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mise au point

Me´ decine vasculaire/ Diabe´ tologie

Revascularisation du pied diabétique Charles Pierret1, Jean-Pierre Tourtier1, Lise Bordier2, Emmanuel Blin3, Vincent Duverger4

1. HIA Val-de-Grâce, service de chirurgie viscérale et vasculaire, 75005 Paris, France 2. HIA Bégin, service d’endocrinologie et maladies métaboliques, 94160 Saint-Mandé, France 3. HIA Bégin, service de cardiologie et de médecine vasculaire, 94160 Saint-Mandé, France 4. HIA Bégin, service de chirurgie viscérale et vasculaire, 94160 Saint-Mandé, France

Correspondance : Disponible sur internet le : 25 octobre 2010

Charles Pierret, HIA Val-de-Grâce, service de chirurgie viscérale et vasculaire, 74, boulevard du Port-Royal, 75005 Paris, France. [email protected]

Key points Subintimal angioplasty and diabetic foot revascularisation Diabetic wounds foot are responsible for 5–10% minor or major amputation in France. In fact, amputation risk of lower limbs is 15– 30% higher for diabetic patients. University of Texas classification (UT) is the reference for diabetic foot wound. It distinguish non ischemic and ischemic wound with more amputation. If ischaemia is combined, revascularization may be considered for salvage of the limb. Some revascularization techniques are well known: as surgical by-pass, angioplasty with or without stent, or hybrid procedures with the both. Subintimal angioplasty is a more recent endovascular technique, in assessment for old patients who are believed to be unsuitable candidates for conventional by-pass or angioplasty.

L’ 10

objectif de cet article est de présenter une mise au point axée sur la revascularisation chirurgicale du pied diabétique. Les différentes classifications utilisées sont rappelées. Elles

Points essentiels Les plaies du pied du diabétique sont responsables en France d’une amputation mineure ou majeure dans 5 à 10 % des cas. En effet, le risque d’amputation au niveau des membres inférieurs est 15 à 30 fois plus élevé dans la population diabétique que dans la population générale. La classification de l’Université du Texas (classification UT) est la classification de référence des plaies diabétiques. Elle distingue les plaies non ischémiques de celles ischémiques au taux d’amputation nettement supérieur. Quand une ischémie associée est diagnostiquée, une revascularisation est à envisager pour sauvetage de membre. Certaines techniques de revascularisation sont bien connues, comme le pontage chirurgical, l’angioplastie avec ou sans stent, ou les procédures hybrides qui associent les deux. La recanalisation sous-intimale est une technique endovasculaire plus récente. Elle peut être proposée aux patients âgés dont on pense qu’ils ne peuvent bénéficier d’un pontage conventionnel ou d’une angioplastie.

étayent la démarche diagnostique, dont l’objectif est de différencier le pied non ischémique de l’ischémique. En effet, seul ce dernier nécessite une revascularisation. Les différentes

tome 40 > n81 > janvier 2011 doi: 10.1016/j.lpm.2010.09.005

Revascularisation du pied diabétique

Évaluation des plaies diabétiques De nombreuses classifications des plaies diabétiques ont été proposées. La classification de l’Université du Texas (classification UT) [1] (tableau I), facile à utiliser, devrait être désormais la classification de référence des plaies diabétiques. Elle comporte 4 grades en fonction de la profondeur :  grade 0 : plaie e ´ pithe´liale ;  grade 1 : plaie superficielle ;  grade 2 : plaie profonde (atteinte du tendon ou de la capsule) ;  grade 3 : oste ´ ite ou arthrite. Et elle comporte 4 stades selon la présence ou non d’une infection et/ou d’une artériopathie :  stade A : plaie non ische ´ mique, non infecte´e. Il s’agit de l’hyperke´ratose secondaire a` la neuropathie diabe´tique ;  stade B : plaie infecte ´ e non ische´mique. Il s’agit du mal perforant. Il fait suite a` la fissuration d’un durillon hyperke´ratosique qui se surinfecte en profondeur en regard d’une zone d’hyperpression comme la teˆte des me´tatarsiens ;  stade C : plaie ische ´ mique non infecte´e. Le trouble trophique est secondaire a` l’association d’une ische´mie et d’un mal perforant (stade B). Ce stade correspond a` la ne´crose se`che (figure 1) ;  stade D : plaie ische ´ mique infecte´e. Il s’agit d’une gangre`ne secondaire a` l’infection du stade C. Il s’agit de la ne´crose humide. Une classification complémentaire de l’infection de la plaie a été définie dans le Consensus international sur le pied diabétique [2]. Cette classification comprend 4 grades :  grade 1 : absence d’infection ;  grade 2 : minime dermo-hypodermite limite ´ e a` 2 cm ;  grade 3 : dermo-hypodermite > 2 cm ou abce ` s profond, lymphangite, oste´ite, arthrite septique ou fasciite ;  grade 4 : pre ´ sence de signes ge´ne´raux (fie`vre, frisson, hypotension, tachycardie, confusion, hyperleucocytose, acidose). Les caractères histologiques des lésions artérielles n’ont pas de spécificité chez le diabétique. L’artériopathie oblitérante des

Glossaire AOMI artériopathie oblitérante des membres inférieurs IPS index de pression systolique IRM imagerie par résonance magnétique TASC Transatlantic intersociety consensus TcPO2 pression transcutanée d’oxygène TDM tomodensitométrie UT Université du Texas

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membres inférieurs chez le patient diabétique touche préférentiellement les artères sous-inguinales, en particulier les artères fémorales profondes et les artères de jambes. Elle épargne souvent les artères du pied, en particulier l’artère pédieuse, tandis que les troubles trophiques prédominent au niveau des pieds et des orteils [3].

Démarche diagnostique L’examen clinique, aidé d’un stylet, précise la profondeur et l’extension du trouble trophique. Il cherche un contact osseux ou une atteinte articulaire. L’infection se traduit au début par une cellulite. Elle peut évoluer vers un abcès à pyogènes (gangrène) et une lymphangite. On cherche alors une fièvre et une élévation du taux de la protéine réactive C, associée à une hyperleucocytose. Les prélèvements bactériologiques ne sont indiqués qu’en cas d’infection établie cliniquement [4]. Le but est d’obtenir l’isolement et l’identification du ou des microorganismes responsables de l’infection à partir d’un prélèvement, en évitant sa contamination par la flore commensale qui colonise la peau. Il n’existe pas de consensus quant à la meilleure technique à appliquer. Avant tout prélèvement, la plaie doit être préparée. L’écouvillonnage superficiel de la plaie est la méthode la plus utilisée car la plus aisée, mais il peut trouver des germes saprophytes sans rapport avec l’infection. Le curetage-écouvillonnage profond de l’ulcère peut être effectué à l’aide d’une curette ou d’un scalpel stériles. La biopsie tissulaire, rendue possible par la neuropathie est une méthode à privilégier. Enfin, l’aspiration à l’aiguille fine est une bonne méthode pour les plaies profondes. En cas d’évolution défavorable, des prélèvements répétés sont conseillés [4]. Des radiographies du pied à la recherche de signe d’ostéite ou d’arthrite sont effectuées en première intention. Les signes évocateurs en regard de la plaie (réaction périostée, ostéopénie et ostéolyse) ne deviennent évidents qu’après la destruction de 30 à 50 % de l’os [4]. En début d’évolution, les clichés peuvent être normaux. Il faut donc savoir les répéter toute les deux à quatre semaines. L’imagerie par résonance magnétique (IRM) peut être envisagée. Cet examen semble avoir une bonne sensibilité et spécificité, notamment pour les atteintes de l’avant-pied. La description anatomique précise des zones osseuses atteintes et est très utile pour guider un éventuel geste chirurgical. La recherche d’une participation ischémique est primordiale puisqu’elle étaye l’indication de revascularisation. Cette démarche vise à différencier le stade B du stade C de la classification « UT ». Cliniquement, cette distinction n’est pas toujours aisée. La diminution ou l’abolition des pouls périphériques confirme le diagnostic d’ artériopathie oblitérante des membres inférieurs (AOMI). L’abolition du pouls tibial postérieur a une meilleure valeur prédictive positive que l’abolition du pouls pédieux [5]. Toutefois, il peut exceptionnellement exister des signes

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techniques chirurgicales sont présentées, en mettant en exergue leurs indications et leurs résultats.

Mise au point

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C Pierret, J-P Tourtier, L Bordier, E Blin, V Duverger

Tableau I Classification de l’Université du Texas (UT).

Pas d’infection

Grade 0

Grade 1

Grade 2

Grade 3

Lésion épithéliale (pourcentage d’amputations %)

Plaie superficielle (%)

Atteinte du tendon ou de la capsule (%)

Atteinte de l’os ou de l’articulation (%)

Stade A

Pas d’ischémie

Stade B

Pas d’ischémie

Stade C

Ischémie

Pas d’infection

0C (25)

1C (20)

2C (25)

3C (100)

Stade D

Ischémie

Infection

0D (50)

1D (50)

2D (100)

3D (100)

Infection

0A (0)

1A (0)

2A (0)

3A (0)

0B (12,5)

1B (8,5)

2B (28,6)

3B (92)

[()TD$FIG] Quelles investigations sont nécessaires ? En cas de difficulté, des examens paracliniques sont utiles pour distinguer le stade B du stade C.

Échodoppler et mesure de l’index de pression systolique

Figure 1 Plaie ischémique non infectée [stade C de classification de l’Université du Texas (UT)]

La mesure de l’index de pression systolique (IPS) est l’examen standard indispensable. Elle est réalisée à l’aide d’une sonde à Doppler continu. Elle correspond au rapport entre la pression systolique mesurée à la cheville en mmHg et celle au niveau du bras (humérale). Un index compris entre 0,7 et 0,9 traduit une AOMI compensée, tandis qu’une valeur inférieure à 0,5 témoigne d’une ischémie sévère [10]. Un IPS supérieur à 1,4 signifie que les artères distales sont calcifiées et incompressibles (médiacalcose pour 30 % des diabétiques) [11]. Un IPS>1,4 peut donc être associé à des lésions endoluminales. Cette mesure n’est donc fiable que dans 70 % des cas, mais affine la clinique.

Mesure transcutanée de la pression partielle d’oxygène (TcPO2)

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ischémiques sévères (nécrose d’orteil) alors que les pouls distaux sont présents, du fait de l’extrême distalité des lésions vasculaires. La claudication intermittente du mollet ou de la plante du pied, la douleur de décubitus calmée par la déclivité, sont de bonne valeur diagnostique, mais l’artérite étant fréquemment associée à une neuropathie périphérique [6], l’absence de douleur n’écarte pas le diagnostic. D’ailleurs, dans l’étude de Alpelquist et al. [7], la moitié des patients porteurs d’une gangrène n’avaient pas de douleur de décubitus. L’examen de la peau, des phanères et de la plaie peut apporter des arguments complémentaires en faveur d’une artérite : peau fine, atrophique, rosée, lisse et luisante, froideur distale du pied, érythrose de déclivité, aspect cyanique, dépilation, ongles épaissis, stratifiés et couleur bistre avec onychomycose, plaies localisées sur des zones de frottement (parties latérales et dorsales du pied), aspect nécrotique [8,9].

Il s’agit d’une méthode indirecte pour quantifier la sévérité de l’ischémie cutanée. La pression obtenue est un indicateur de l’oxygénation de la couche superficielle de la peau. Elle est un indicateur de l’efficacité nutritionnelle de la microcirculation. C’est une méthode simple, non invasive et reproductible, même en cas de médiacalcose. Les sites de mesure sont le dos du pied et le premier espace interosseux en évitant un positionnement sur une zone tendineuse. La TcPO2 habituelle du diabétique est d’environ 50 mmHg contre 65 mmHg chez le non diabétique [12]. Une TcPO2 inférieure à 35 mmHg témoigne d’une hypoxie de repos et présage de la non cicatrisation spontanée des troubles trophiques. Une mesure inférieure à 10 mmHg atteste d’une impossibilité de cicatrisation car la viabilité tissulaire est totalement compromise. La mesure peut être sensibilisée par une mesure jambes pendantes. Cependant, l’infection et l’oedème du dos du pied sont des contre-indications à la réalisation de la mesure qui est faussement abaissée [13]. tome 40 > n81 > janvier 2011

Revascularisation du pied diabétique

L’intérêt de cette mesure chez le diabétique est la moindre fréquence de la médiacalcose au niveau des orteils [14]. Elle est donc avant tout indiquée en cas de neuropathie qui s’accompagne de médiacalcose, lorsque l’IPS > 1,4 [15–17]. Auparavant, cette mesure, basée sur la photoplethysmographie nécessitait un appareillage sophistiqué et coûteux qui n’était disponible que dans des centres spécialisés. Un photopléthysmographe complètement automatique et facile d’utilisation est en cours d’évaluation [18]. Une AOMI est définie par un index orteil/bras inférieur à 0,55. La guérison d’une ulcération peut être espérée grâce à des soins locaux si la mesure est supérieure à 30 mmHg. Au-dessous de 30 mmHg, l’ischémie est critique et une revascularisation doit être envisagée.

Prise en charge d’un trouble trophique infecté Les abcès doivent être drainés en urgence. Une cellulite qui ne répond pas rapidement à un traitement antibiotique bien conduit ou qui évolue vers un phlegmon doit être débridée chirurgicalement. Une gangrène surinfectée d’un orteil ou d’un avant pied doit être traitée par amputation en laissant la plaie ouverte. En effet, l’infection des troubles trophiques aggrave l’ischémie du fait de l’oedème interstitiel et peut brutalement mettre en jeu le pronostic du membre. Le traitement de l’infection (décharge, débridement, antibiothérapie) doit être débuté sans délai et la revascularisation envisagée une fois la situation infectieuse contrôlée. Dans tout les cas où une mise à plat ou une amputation est réalisée, il est impératif d’effectuer un bilan vasculaire préalable pour éviter les échecs de cicatrisation et les amputations itératives.

Indication d’une revascularisation Une fois l’ischémie sévère (critique) confirmée par la froideur du pied, une pâleur, des pouls abolis, une nécrose et des signes d’exploration vasculaire évocateurs (pression artérielle de cheville inférieure à 50 mmHg ou TcPo2 inférieure à 30 mmHg ou une pression systolique à l’orteil inférieure à 30 mmHg), tout doit être tenté pour revasculariser le membre. L’objectif de cette revascularisation est d’assurer le sauvetage de membre grâce la cicatrisation du trouble trophique. Pour cela, il faut que le lit d’aval soit satisfaisant, avec au moins un axe artériel receveur : artère distale de bon calibre, présence de l’arche plantaire. L’évaluation du réseau artériel est réalisée soit à l’aide d’une angio-tomodensitométrie (TDM), ou d’une angio-résonance magnétique (RM) s’il existe une insuffisance rénale. Une artériographie est nécessaire si le lit d’aval n’est pas clairement visualisé. Le bénéfice de la revascularisation doit être supérieur à son risque : un bilan d’opérabilité, le plus complet possible, est effectué sans retarder ce geste chez ces tome 40 > n81 > janvier 2011

patients fragiles. La recherche d’autres atteintes artérielles, repose sur l’exploration des troncs supra-aortiques et des coronaires, qu’il est préférable, bien sûr, de réaliser avant toute chirurgie des membres inférieurs. Enfin, l’indication d’une revascularisation chirurgicale perd beaucoup de son intérêt chez des patients grabataires.

Prise en charge chirurgicale Le chirurgien vasculaire peut choisir entre les pontages, les techniques endovasculaires (angioplastie transluminale associée ou non avec la pose de stent et la recanalisation sousintimale, plus récente, que nous développerons plus bas). Les techniques hybrides associent les deux. Le choix d’une technique de revascularisation est proche de celui des patients non diabétiques [19]. Il dépend du niveau lésionnel, de la présence ou non de sténoses et de thromboses ainsi que de leur longueur. Les recommandations de Transatlantic intersociety consensus (TASC) I [20], réactualisées en 2007 (TASC II) [21] classent en 4 types les lésions aorto-iliaques ou fémoropoplitées. Le traitement endovasculaire est le traitement de choix pour les TASC A et la chirurgie pour les TASC D. Le traitement endovasculaire est à privilégier pour les lésions TASC B, tandis que c’est la chirurgie pour les lésions TASC C. Les résultats des revascularisations des membres sont évalués en fonction de la perméabilité primaire, de la perméabilité secondaire, c’est-à-dire après traitement complémentaire d’une resténose ou d’une occlusion à distance du geste initial, et enfin du pourcentage de sauvetage de membre.

Pontages Ils sont indiqués en cas de stade III ou IV de Leriche et Fontaine liée à des sténoses et/ou des thromboses artérielles étendues (TASC C ou D) [20,21]. Il doit persister au moins un axe receveur. Ils ne doivent être réalisés qu’une fois l’infection maîtrisée, en privilégiant le matériel veineux autologue (veine grande saphène homo ou controlatérale le plus souvent). Cette veine est soit inversée pour que les valvules ne s’opposent pas au flux artériel, soit utilisée in situ avec dévalvulateur. Cette veine doit être de bon calibre, d’un diamètre de 3 ou 4 mm au moins et de bonne qualité (absence de varicosité). S’il existe une indication de revascularisation, un échodoppler veineux des 2 membres est réalisé en préopératoire pour évaluer ce capital veineux. Si le capital veineux est insuffisant ou de mauvaise qualité, on peut soit utiliser une allogreffe, soit un pontage composite (prothèse anastomosée en distalité à un greffon veineux) qui permet de passer le pli de flexion du genou. On peut aussi utiliser un pontage entièrement prothétique avec cuff. Ces pontages concernent le plus souvent l’étage sous-inguinal. Ils sont soit fémoropoplités sus- ou sous-articulaire, soit fémorodistaux. Certains principes fondamentaux qui régissent la réalisation des pontages doivent être connus.

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Autre examen : la mesure de la pression systolique au gros orteil

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Plus un pontage est court, meilleure sera sa perméabilité. La perméabilité d’un pontage fémoropoplité sous-articulaire prothétique est inférieure à celle d’un pontage veineux, du fait du pli de flexion du genou [22]. On parle de pontage aléatoire quand l’axe artériel receveur est unique. En effet, la survenue d’une occlusion du pontage est délétère pour le seul axe restant car elle aggrave l’ischémie, avec parfois nécessité d’amputer. L’inconvénient de cette technique est qu’elle nécessite une anesthésie générale sur un terrain diabétique et polyvasculaire. Parfois, notamment chez la femme, le geste chirurgical envisagé ne peut être réalisé car l’artère distale se révèle trop petite ou trop calcifiée en peropératoire. Aussi, il faut redouter les retards de cicatrisation inhérents aux larges voies d’abord distales en territoire ischémique, les complications infectieuses et surtout le retard de la verticalisation du patient qui est très délétère chez le sujet âgé. Dans une étude prospective qui concernait 795 pontages artériels (87 % sous-articulaires) réalisés en raison de troubles trophiques chez des patients diabétiques, le taux de sauvetage de membre à 5 ans était de 87,5 % auquel correspondait une perméabilité secondaire de 76 % pour des pontages fémorodistaux [23].

Angioplastie transluminale avec ou sans stent

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Elle est indiquée en cas de sténoses ou de thromboses artérielles courtes (TASC A et B) [20,21]. Les procédures endovasculaire nécessitent un plateau technique important qui comporte un amplificateur de brillance, une table radiotransparente, un stock de guides et d’introducteurs, des ballons d’angioplastie et des stents de différentes tailles et différents calibres pour les artères iliaques, fémorales superficielles, poplitées, et de jambes. Le principal avantage de tous ces gestes est la possibilité de leur réalisation sous anesthésie locale, qui autorise une sortie rapide, dés le lendemain. Par ailleurs, elle ne compromet pas la possibilité d’une intervention chirurgicale ultérieure en cas d’échec. Il existe un certain nombre de complications : hématome au point de ponction dans 2 % des cas. Des emboles périphériques avec « Blue-toe », ou syndrome des orteils bleus, surviennent dans 1 à 2 % des cas. Enfin, une dilatation peut être la cause d’une dissection laquelle nécessite la pose de stent. Dans une étude qui rapportait 66 angioplasties effectuées chez des patients diabétiques, le taux de sauvetage de membre à 2 ans était de 85 % avec une perméabilité secondaire de 69 % pour les angioplasties [24]. Cependant, une étude qui compare les résultats de l’angioplastie par rapport à ceux d’amputations effectuées d’emblée en cas d’ischémie critique chez des patients inopérables ne donne qu’un très léger avantage à l’endovasculaire. Il n’y a pas de différence significative pour la mortalité à 1 mois, ni pour la survie ou l’autonomie à 2 ans [25].

Les patients diabétiques ont une perméabilité primaire après angioplastie moins bonne que les non diabétiques. Cependant, au prix de procédures itératives, la perméabilité secondaire et le taux de sauvetage de membre à 1 an ne présentent pas de différence significative que les patients soient diabétiques ou non [26].

Recanalisation sous-intimale (figure 2A, 2B, 2C) La technique princeps a été décrite par A. Bolia [27,28] en 1994. Le principe est d’effectuer une dissection sous-intimale au niveau de la thrombose à l’aide d’un guide pour le faire ré-entrer dans la lumière artérielle juste en dessous de l’occlusion. Le matériel nécessaire est identique à celui des angioplasties. Cette réentrée peut être effectuée à l’aide d’un guide ou de dispositifs dédiés qui optimiseraient la réalisation de cette phase délicate (OutbackW LTDW de Cordis). Une injection de contraste iodé, par la sonde descendue sur guide, contrôle son bon positionnement dans la lumière artérielle en aval de la thrombose. Ensuite, une angioplastie est effectuée en plaquant le thrombus athéromateux. Dans la technique initiale, la pose de stent n’était réalisée qu’en cas de sténose résiduelle supérieure à 30 %. Désormais, l’intérêt de la pose d’un stent après recanalisation est controversé car sa rigidité diminuerait la perméabilité primaire. En effet, le critère de réussite n’est pas l’obtention d’une image radiologique parfaite mais celle dynamique, d’un bon flux. Cette technique est le plus souvent indiquée en cas d’ischémie critique (douleur de décubitus, troubles trophiques) en présence de thromboses artérielles étendues (TASC C et D) [20,21]. Certains praticiens la réalisent pour une claudication sévère. Initialement effectuée en fémoropoplité [29], cette procédure a été étendue aux artères de jambe grâce à l’utilisation de ballons d’angioplastie de petit calibre. Actuellement, la pose de stent à l’étage jambier est à proscrire du fait du calibre trop faible des artères. L’inconvénient est le nombre d’échecs. Il faut déplorer 14 % d’échec technique (extrême : 10–20 %) et 20 % d’échecs cliniques qui nécessitent soit une amputation, soit un pontage à court terme [27–31]. À 1 an, le taux de sauvetage de membre est de 80–90 %, la perméabilité primaire de 45–50 % et secondaire de 76 %. À 3 ans, le taux de sauvetage de membre est de 75 % avec une perméabilité primaire de 25 % et secondaire de 50 %. Il n’y avait pas de différence significative entre le groupe diabétique et non diabétique [29]. Les mauvais résultats de la perméabilité primaire sont donc contrebalancés par un taux de sauvetage de membre satisfaisant. C’est le concept de pontage temporaire : l’essentiel est de passer le cap pour obtenir la cicatrisation du membre. Son avantage est de proposer une alternative aux pontages ce qui évite l’anesthésie générale et les larges voies d’abords. Elle permet de rétablir un flux par voie endovasculaire en cas de tome 40 > n81 > janvier 2011

Revascularisation du pied diabétique

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Figure 2 A. Recanalisation sousintimale A : Début de la dissection sousintimale. B : Dissection sousintimale. C : Réentrée intraluminale. D : Angioplastie. 2 B Thrombose de l’artère poplitée sus-articulaire. 2 C Recanalisation de l’artère poplitée sus-articulaire.

Procédures combinées [32] Elles associent l’angioplastie et la recanalisation sous-intimale. Une étude, qui concernait uniquement des ulcères ischémiques de patients diabétiques retrouve des résultats similaires. Le taux d’échec technique initial est de 16 %. La perméabilité primaire et secondaire à 1,2,3 et 4 ans sont respectivement : 62 %, 45 %, 41 %, 38 % et 80 %, 69 %, 66 %, 66 %. Le taux de sauvetage de membre à 1,2,3 et 4 ans est de 89 %, 83 %, 80 %, 80 %. Les résultats pour le sauvetage de membre sont satisfaisants au prix de procédures itératives.

Procédures hybrides [33] Elles associent pontage et techniques endovasculaires ou 2 techniques endovasculaires. Par exemple, une angioplastie de l’artère fémorale superficielle associée à un pontage fémorodistal ou une angioplastie d’une artère iliaque externe associée à un pontage fémoropoplité. tome 40 > n81 > janvier 2011

Le principe de cette technique est d’avoir recours à des pontages plus courts et donc perméables plus longtemps. Les études sur le traitement des ischémies critiques publiées entre 2003 et 2006 confirment la diminution de la réalisation des pontages chirurgicaux en faveur des techniques endovasculaires, sans que pour autant, une augmentation des taux d’amputation ait été observée [34].

Conclusion Toute la difficulté de la prise en charge du pied diabétique est de savoir si une revascularisation est indiquée. Pour cela, il faut qu’il y ait une ischémie associée à la neuropathie diabétique. S’il existe une ischémie, l’indication de revascularisation pour sauver le membre est portée à condition que le lit d’aval soit correct (au moins un axe receveur). Ensuite, il faut savoir définir une stratégie avec tout l’arsenal thérapeutique disponible : pontage chirurgical, angioplastie ou plus récemment recanalisation sous-intimale, technique d’avenir qui a fait ses preuves. Cette dernière est à mettre en avant chez les sujets très âgés et/ou inopérables. Enfin, tout espoir de cicatrisation après revascularisation est illusoire sans une prise en charge pluridisciplinaire. Une fois le pied cicatrisé, la prévention est fondamentale pour éviter toute récidive. Conflits d’intérêts : aucun.

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thrombose artérielle longue. On peut donc proposer cette technique en première intention chez les sujets âgés et/ou inopérables stade C ou D de UT. Cependant les résultats par rapport à une amputation d’emblée chez ces patients inopérables, ne montrent pas de différence significative en terme de survie ou d’autonomie à 2 ans [25].

C Pierret, J-P Tourtier, L Bordier, E Blin, V Duverger

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tome 40 > n81 > janvier 2011