Rougeole au CHU de Nantes au cours de l’épidémie 2008–2009

Rougeole au CHU de Nantes au cours de l’épidémie 2008–2009

Médecine et maladies infectieuses 41 (2011) 415–423 Article original Rougeole au CHU de Nantes au cours de l’épidémie 2008–2009 Measles in the Nante...

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Médecine et maladies infectieuses 41 (2011) 415–423

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Rougeole au CHU de Nantes au cours de l’épidémie 2008–2009 Measles in the Nantes Teaching Hospital during the 2008–2009 epidemic C. Biron a,h,∗ , O. Beaudoux a , A. Ponge b , V. Briend-Godet a , F. Corne c , D. Tripodi d , I. Hazart e , J. Esbelin f , A. Biron g , D. Boutoille h , F. Raffi h b

a Centre de vaccinations polyvalentes, immeuble Le Tourville, CHU de Nantes, 1, place Alexis-Ricordeau, 44093 Nantes cedex, France DDASS de Loire-Atlantique, maison de l’administration nouvelle (MAN), BP 96219, 6, rue René-Viviani, 44262 Nantes cedex 02, France c Unité de soins intensifs de pneumologie, hôpital Laënnec, CHU de Nantes, 1, place Alexis-Ricordeau, 44093 Nantes cedex, France d Service de médecine du travail, immeuble Le Tourville, CHU de Nantes, 1, place Alexis-Ricordeau, 44093 Nantes cedex, France e Service de pédiatrie, hôpital Mère-Enfant, CHU de Nantes, 1, place Alexis-Ricordeau, 44093 Nantes cedex, France f Service de gynécologie-obstétrique, hôpital Mère-Enfant, CHU de Nantes, 1, place Alexis-Ricordeau, 44093 Nantes cedex, France g Laboratoire de virologie, CHU de Nantes, 1, place Alexis-Ricordeau, 44093 Nantes, France h Service de maladies infectieuses et tropicales, CHU Hôtel-Dieu, 1, place Alexis-Ricordeau, 44093 Nantes cedex 1, France

Rec¸u le 21 janvier 2010 ; rec¸u sous la forme révisée 17 aoˆut 2010 ; accepté le 30 septembre 2010 Disponible sur Internet le 23 juin 2011

Résumé Objectifs. – À l’occasion de la récente recrudescence de la rougeole en France, et afin de sensibiliser les professionnels de santé au sous-diagnostic et aux complications fréquentes de cette virose, nous décrivons des cas de rougeole ayant nécessité une hospitalisation. Patients et méthodes. – Étude rétrospective épidémiologique des cas de rougeole hospitalisés au CHU de Nantes entre août 2008 et septembre 2009, confirmés biologiquement et recensés par le laboratoire de virologie du CHU. Résultats. – Treize cas de rougeole (11 adultes et deux enfants) ont été hospitalisés au CHU de Nantes. Parmi les 11 adultes hospitalisés, tous étaient âgés de moins de 35 ans (moyenne d’âge de la population de l’étude de 21,4 ans). Deux formes sévères (pneumopathies hypoxémiantes) ont été observées, ainsi qu’un autre cas avec pneumopathie bactérienne. Deux patientes étaient enceintes, l’une d’entre elles ayant présenté un accouchement prématuré en phase aiguë de rougeole, sans complication chez l’enfant. Deux cas sont survenus chez des agents hospitaliers, avec une transmission nosocomiale documentée. Soixante-neuf pour cent des cas sont survenus chez des patients non vaccinés. Le statut vaccinal était inconnu pour 31 % des patients. Conclusion. – Ces cas soulignent la gravité potentielle de cette virose et les difficultés diagnostiques par défaut de sensibilisation et/ou d’évocation du diagnostic à la phase initiale entraînant un retard de prise en charge. Un renforcement des messages de prévention et de vaccination vis-à-vis des enfants, mais aussi des jeunes adultes et des professionnels de santé susceptibles est donc nécessaire. © 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Rougeole ; Épidémie ; Infection nosocomiale ; Vaccination

Abstract Objective. – A recent measles epidemic in France incited us to report and describe measles cases requiring hospitalization, to raise the awareness of health professionals on under-diagnosis and frequent complications of this viral disease. Design. – We carried out a retrospective and epidemiologic study of measles cases recorded in the Nantes Teaching Hospital between August 2008 and September 2009. All these cases where confirmed by biological diagnosis and recorded by the Teaching Hospital virological laboratory. Results. – Thirteen cases of measles (11 adults and two children) were recorded during the study period. Adults were young (mean age 21.4 years); the oldest was 35 years old. We noted two severe cases with viral pneumonia and hypoxemia and one case with bacterial pneumonia. Two female patients were pregnant; one delivered prematurely, in the acute phase of measles, with no complication for the newborn. Two cases occurred in the nursing staff by documented nosocomial transmission. Sixty-nine percent of the patients were not vaccinated whereas the vaccinal status was not documented for 31%. ∗

Auteur correspondant. Adresses e-mail : [email protected], charlotte [email protected] (C. Biron).

0399-077X/$ – see front matter © 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.medmal.2010.09.002

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Conclusions. – These cases underline the potential severity of this infection and the difficulty to diagnose measles at the early phase because of lack of awareness of medical staff. It will be necessary to reinforce prevention messages and promote measles vaccination in children as well as in young people and health workers. © 2010 Elsevier Masson SAS. All rights reserved. Keywords: Measles; Epidemic; Nosocomial infection; Vaccination

En France, la vaccination rougeole a été introduite dans le calendrier vaccinal en 1983 (vaccin rougeoleux monovalent en 1983, vaccin trivalent rougeole-oreillons-rubéole depuis 1986) et recommandée chez tous les nourrissons à l’âge de 12 mois. Une seconde dose de vaccin trivalent a été introduite dans le calendrier vaccinal en 1996 et proposée initialement entre 11 et 13 ans puis entre trois et six ans de 1997 à 2005. Depuis 2005, cette seconde dose est recommandée au cours de la deuxième année, c’est-à-dire entre 13 et 24 mois. Une vaccination de rattrapage est également recommandée chez les enfants non vaccinés âgés de plus de deux ans, les adolescents et les jeunes adultes non vaccinés jusqu’à l’âge de 30 ans, ainsi que chez les professionnels de santé non immunisés, quel que soit leur âge [1]. L’augmentation de la couverture vaccinale observée depuis s’est accompagnée d’une forte diminution de l’incidence de la rougeole et donc d’une diminution de la probabilité de rencontrer le virus sauvage : plus de 500 000 cas par an en France avant 1983 et seulement 40 à 45 cas par an en 2006–2007. Cependant, malgré une progression régulière, le taux actuel de couverture vaccinale à 24 mois stagne entre 85 et 90 % depuis la fin des années 1990 (85 % pour la première dose à 24 mois en 2005, 90 % en 2007), avec d’importantes disparités régionales. Hors ce taux est encore insuffisant (< 95 %) pour éliminer la maladie, du fait de la forte contagiosité de cette virose [2]. Actuellement, certaines populations d’adolescents et de jeunes adultes ne sont pas immunisées : pas de contact avec le virus sauvage et vaccination absente ou incomplète par une seule dose de vaccin rougeole-rubéole-oreillons (RRO). Pour ces populations dites susceptibles, il existe théoriquement un risque d’épidémies de rougeole [1,3]. Ainsi, depuis le début de l’année 2008, nous assistons à une recrudescence des cas de rougeole en France. Au total, 604 cas ont été déclarés en 2008, contre 40 et 44 respectivement en 2006 et 2007 [3,4]. En 2009, 1525 cas ont été dénombrés en France, soit une incidence globale de 2,47/100 000 habitants [5]. Concernant la Loire-Atlantique, on observe également une nette augmentation des déclarations des cas entre 2008 et 2009 : • 24 cas ont été rapportés en 2008, soit une incidence de 1,94 cas pour 100 000 habitants (incidence supérieure à cinq pour 100 000 en Vendée et dans les Deux Sèvres, départements limitrophes) [3,4] ; • 64 cas ont été déclarés à la DDASS en 2009, soit une incidence de 5,2 cas pour 100 000 habitants [6]. Afin d’améliorer le diagnostic de la rougeole chez les enfants, les adolescents et les jeunes adultes non ou incomplètement vaccinés (zéro ou une seule dose de vaccin RRO rec¸ue), il est nécessaire de sensibiliser les professionnels de santé à la

recrudescence de cette pathologie. En effet, les sujets infectés sont souvent très contagieux [7]. Ils peuvent alors transmettre la maladie à des personnes à risque de rougeole grave (jeunes enfants de moins d’un an, patients immunodéprimés). Il est également nécessaire d’informer les médecins sur la possibilité de survenue de formes compliquées de rougeole, notamment de complications pulmonaires et neurologiques. Par ailleurs, la sensibilisation des professionnels de santé permettrait de diminuer le délai diagnostique de la rougeole et de limiter ainsi la survenue de cas secondaires (intrafamiliaux, en collectivité ou nosocomiaux). Enfin, il est important de rappeler l’importance du respect des recommandations vaccinales en vigueur : primovaccination dans la petite enfance, mais aussi rattrapage chez les adolescents et jeunes adultes jusqu’à 30 ans. Devant ce phénomène récent d’épidémie de rougeole touchant la Loire-Atlantique, il nous a semblé pertinent de réaliser une étude épidémiologique des cas de rougeole ayant nécessité une hospitalisation au CHU de Nantes avec description des différents tableaux cliniques et biologiques observés.

1. Méthode Il s’agit d’une étude rétrospective des cas de rougeole confirmés biologiquement et hospitalisés au CHU de Nantes entre août 2008 et septembre 2009. Cette période a été retenue puisque le premier cas de rougeole hospitalisé au CHU de Nantes est survenu au mois d’août 2008 et que le dernier cas décrit est survenu en avril 2009. Cependant, la surveillance des cas de rougeole a été poursuivie depuis avril 2009, sans aucun autre cas décrit jusqu’à janvier 2010. Les cas positifs ont tous été recensés par le laboratoire de virologie du CHU de Nantes. Les patients décrits présentaient des critères cliniques de rougeole associant une fièvre supérieure ou égale à 38,5 ◦ C, une éruption maculopapuleuse et au moins un des signes suivants : conjonctivite, coryza, toux ou signe de Koplik. Un cas positif était défini par la présence d’une sérologie rougeole positive avec une séroconversion des IgG, la présence d’IgM spécifiques ou une détection d’ARN viral par RT-PCR dans un prélèvement respiratoire (salive, aspiration nasale ou gorge) ou sérique. La recherche par biologie moléculaire (RT-PCR et génotypage des souches virales) était réalisée au Centre national de référence (CNR) de la rougeole de Caen. La totalité des sérologies a été réalisée dans le même laboratoire Biomnis à Lyon (technique Enzygnost antirougeole IgG/M-Dade Behring). La RT-PCR a été réalisée sur les prélèvements nasopharyngés ou sériques (In house-PCR Multiplex temps réel, Smart-Cycler, Cepheid). Le génotypage a été réalisé pour les patients présentant une

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RT-PCR positive (RT-PCR nichée + séquenc¸age GenomeLab DTCH-Quickstart-BC). Ont donc été pris en compte dans l’étude tous les cas cliniques confirmés biologiquement, soit hospitalisés en unité de soin conventionnels ou intensifs, soit hospitalisés quelques heures pour surveillance dans un service d’urgences adultes ou pédiatriques. Les données vaccinales et sociodémographiques ont été recueillies dans le dossier informatisé de chaque patient. Un questionnaire a été envoyé entre le 15 juin et le 31 août 2009 aux médecins traitants des patients hospitalisés afin de préciser le statut vaccinal de ces derniers avant la maladie (nombre de doses de vaccin rougeole rec¸ues, nom du vaccin et date des injections) et la prise en charge des personnes contact de l’entourage (information spécifique rec¸ue concernant la rougeole, statut vaccinal).

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Figure 1. Nombre de patients hospitalisés au CHU de Nantes pour une rougeole par mois sur la période étudiée. Number of measles patients hospitalized per month at the Nantes Teaching Hospital during the study period.

2. Résultats Au total, 13 patients ont consulté au CHU de Nantes pour des symptômes en rapport avec une infection rougeoleuse entre août 2008 et septembre 2009, avec un pic en mars 2009 (Fig. 1). Tous les cas résidaient dans le département de Loire-Atlantique,

la plupart habitant à Nantes ou ses environs (Tableau 1). Parmi les 13 cas, 11 étaient des adultes dont l’âge était compris entre 19 et 32 ans et deux étaient des nourrissons âgés de dix mois (Tableau 1, Fig. 2). Un questionnaire a pu être envoyé aux

Tableau 1 Données sociodémographiques, statut vaccinal, signes cliniques et biologiques des 13 cas de rougeole hospitalisés au CHU de Nantes, août 2008 à septembre 2009. Socio-demographic data, vaccinal status, clinical and biological signs for 13 cases of measles hospitalized at the Nantes Teaching Hospital, from August 2008 to September 2009. Cas

1

2

3

4

5

6

7

8

9

10

11

12

13

Département de domicile Année de naissance Âge (ans) Questionnaire médical envoyé Répondu Jamais vacciné Notion de contage, autre cas dans l’entourage Professionnel de santé Fièvre Eruption cutanée Conjonctivite Angine ou pharyngite Coryza Toux Koplik Leucocytes (G/L) Neutrophiles (G/l) Lymphocytes (G/L) Lymphocytes activés (%) Hémoglobine (g/dL) Plaquettes (G/L) TP (%) Fibrinogène (g/l) CRP (g/L) ASAT ALAT gGT PAL Bilirubine totale Bilirubine conjuguée Créatininémie (␮mol/L)

44 1986 22 + − + −

44 1985 24 + + + Sœur

44 2008 10 mois + − + −

44 1978 30 + − + −

44 2008 10 mois − − NR −

44 1978 30 + + NR −

44 1987 21 + + + −

44 1977 32 + + + −

44 1989 19 + − NR Sœur

44 1990 19 − − NR −

44 1978 30 + − NR −

44 1980 28 + + NR −

44 1987 22 − − + Collègue

− + + + + + − NR 3,3 2,5 0,45 6 13,6 170 NR 4 21,9 6N 10N 5N N N N 78

− + + + + + + NR 12,6 11,7 0,25 NR 16,5 182 92 NR 130 2N 5N 10N 5N N N 87

− + + − + + + + 9,1 6 2,2 NR 12,7 261 NR NR 35,7 NR NR NR NR NR NR NR

− + + + + + + − 6,7 5,7 0,07 1 12,6 223 86 6,6 60 5N 4,5N 3N 2N N N 46

− + + NR NR NR NR NR NR NR NR NR NR NR NR NR NR NR NR NR NR NR NR NR

− + + + + + + NR 6,8 5,8 0,75 NR 14,1 162 80 5 20,8 N N N 1,5N NR NR 75

− + + + + − + − 3,6 2,8 0,47 2 14,4 148 58 5,2 NR 2,5N 3N 2N N N N 83

− + + − − − − NR 5 NR NR NR 16 157 82 NR NR 2N 3N 8N 2N N 1,5N 97

− + + + − − + NR 8,3 6,7 0,58 2 11 361 60 7,3 299 2N 3N 1,5N N N N 44

− + + NR NR NR + NR 3,8 2,9 0,65 1 12,1 123 72 4,8 35,6 8N 9N 6N N N N 50

− + + NR + NR NR NR 8,8 8 0,56 0 12,4 154 104 5,3 92,1 2N N N 3N N N 60

+ + + + + + − − 4,4 4 0,4 0 13,7 118 74 3,9 NR 2N 2N N N NR NR 71

+ + + − + + − NR 3,7 2,3 0,7 NR 15 169 74 4,6 38 N N N N N N 85

NR : non renseigné ; N : résultat normal.

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C. Biron et al. / Médecine et maladies infectieuses 41 (2011) 415–423 Tableau 2 Complications survenues pour les cas de rougeole hospitalisés au CHU de Nantes. Complications recorded in the 13 cases of measles hospitalized at the Nantes Teaching Hospital.

Figure 2. Distribution des cas de rougeole hospitalisés au CHU de Nantes par groupes d’âge. Age distribution of measles patients hospitalized per month at the Nantes Teaching Hospital.

médecins traitants de dix des 13 patients et cinq ont accepté d’y répondre ; deux des patients n’avaient pas de médecin traitant référent (cas 5 et 10). L’information sur le statut vaccinal a été transmise par le patient lui-même pour le cas 13 et par le service d’hospitalisation pour le cas 1. Les cas 5 et 11 ne présentaient pas d’IgG au moment du diagnostic et ont été considérés comme jamais vaccinés. Au total, neuf des 13 patients n’avaient jamais été vaccinés (69 %), et pour les quatre autres patients (31 %), le statut vaccinal était inconnu (Tableau 1). Douze des 13 patients ont présenté des signes cliniques évocateurs de rougeole (fièvre supérieure ou égale à 38,5 ◦ C, éruption maculopapuleuse et au moins un des signes suivants : conjonctivite, coryza, toux ou signe de Koplik). Pour le cas 5, la présence d’au moins un des signes associés n’était pas précisée dans le dossier du patient (Tableau 1). Les anomalies biologiques présentées dans le Tableau 1 étaient principalement : • hématologiques : leucopénie (4/12), hyperleucocytose (1/12), lymphopénie (10/11), lymphocytes activés (5 /7), thrombopénie (3/12) ; • hépatiques : cytolyse et/ou cholestase (9/11) ; • inflammatoires : CRP augmentée (9/9). Ces anomalies biologiques transitoires n’ont pas eu de retentissement clinique. Les patients n’ont pas présenté d’anomalie de la fonction rénale. Parmi les deux nourrissons, le cas 3 a du être hospitalisé plus de 24 heures (deux jours), et le cas 5 a pu regagner son domicile après une simple surveillance clinique de quelques heures aux urgences pédiatriques. En revanche, tous les adultes ont été hospitalisés plus de 24 heures. Le nombre de jours d’hospitalisation était en moyenne de quatre jours (entre trois et 12 jours) (Tableau 2). Deux cas de pneumopathie hypoxémiante ont nécessité une hospitalisation aux soins intensifs de pneumologie. Le cas le plus sévère (cas 9) était celui d’une jeune femme de 19 ans qui s’était présentée aux urgences pour dyspnée aiguë et fièvre à 40 ◦ C. Elle décrivait une éruption cutanée fugace quatre jours avant la consultation. L’examen clinique retrouvait des signes de détresse respiratoire avec une polypnée à 40 par minute, une désaturation à 80 % en air ambiant et une tachycardie à 112 par

Patient

Complications

Comorbidités

Durée d’hospitalisation (jours)

1 2

Hépatite biologique Pneumopathie bactérienne, hépatite biologique Bronchiolite Hépatite biologique NR Pneumopathie virale

a

8 4

Hépatite biologique Hépatite biologique Pneumopathie virale, hépatite biologique Pneumopathie virale, hépatite biologique Accouchement prématuré, hépatite biologique Hépatite biologique Odynophagie avec perte de poids

a

3 4 5 6 7 8 9 10 11

12 13

a

a

Grossesse 26 SA a

Prostatite aiguë à E. coli a a

2 3 1 6 2 3 12

a

5

Grossesse 36 SA

5

a

2 4

a

NR : non renseigné ; SA : semaines d’aménorrhée. a Absence de complications ou de comorbidités dans le dossier médical.

minute. La radiographie thoracique montrait des opacités alvéolaires et micronodulaires diffuses avec une condensation des deux lobes inférieurs (Fig. 3) et le scanner thoracique a confirmé cette importante condensation des deux lobes inférieurs associée à une atteinte bronchiolaire diffuse et compliquée d’un pneumomédiastin (Fig. 4 et 5). La patiente a été hospitalisée

Figure 3. Radiographie pulmonaire à j4 de la rougeole (cas 9). Opacités alvéolaires et micronodulaires diffuses avec condensation des deux lobes inférieurs. Lung X-ray at day 4 of measles (case 9).

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Figure 4. Scanner thoracique sans injection à j4 de la rougeole (cas 9). Micronodules diffus. Condensations parenchymateuses. Lame de pneumomédiastin. Thoracic CT scan without injection at day 4 of measles (case 9).

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jours. La sérologie rougeole a été réalisée chez tous les patients. Tous présentaient des IgM supérieures au seuil (> 0,2), avec pour neuf des 13 patients des IgG inférieures au seuil (< 300 UI/L). Les seuils IgG et IgM sont des index et leurs valeurs peuvent varier en fonction des trousses Elisa utilisées. Dans notre étude, la totalité des sérologies a été réalisée dans le même laboratoire Biomnis à Lyon. Une RT-PCR a pu être réalisée par le CNR de Caen sur les prélèvements nasopharyngés ou sériques de neuf des 13 patients. Les résultats ont le plus souvent confirmé la présence du génome du virus de la rougeole dans les prélèvements respiratoires (salive, gorge ou aspiration nasale) avec une RTPCR positive pour quatre des cinq patients testés. En revanche, les recherches effectuées sur sérum n’ont pu mettre en évidence la présence d’ARN viral (cas 2, 8, 12 et 13). Un génotypage a été réalisé pour les quatre patients présentant une RT-PCR positive et a permis d’identifier une même souche virale de génotype D5. 3. Discussion

aux soins intensifs de pneumologie pendant six jours. Après 12 jours d’hospitalisation, elle est sortie sans que le diagnostic étiologique n’ait pu être précisé. Le diagnostic de rougeole n’a finalement été évoqué qu’a posteriori, devant la notion de contage avec sa sœur ayant présenté une éruption fébrile dans les jours précédents. Les sérologies rougeole réalisées chez les deux sœurs, à la demande du médecin de la DDASS étaient en effet positives et en faveur d’une infection récente. Parmi les cas diagnostiqués, aucun ne s’est compliqué d’encéphalite aiguë (Tableau 2). Deux patientes étaient enceintes au moment du diagnostic (à 26 et 36 semaines d’aménorrhée respectivement). La patiente enceinte de 26 SA (cas 4) a été perdue de vue avant l’accouchement par le médecin qu’elle avait consulté pour l’épisode. Elle n’a pas été hospitalisée au CHU par la suite. Le second enfant est né prématurément à 36 SA (cas 11), à la phase aiguë de la rougeole maternelle. L’examen clinique du nouveau-né était normal (Tableau 2). Le délai pour évoquer le diagnostic de rougeole était variable (de moins de 24 heures à 20 jours), avec un délai moyen de deux

Figure 5. Scanner thoracique sans injection à j4 de la rougeole (cas 9). Atteinte bronchiolaire diffuse et pneumomédiastin Thoracic CT scan without injection at day 4 of measles (case 9).

Dans le département de Loire-Atlantique où l’incidence de la rougeole est moyenne entre un et cinq cas pour 100 000 habitants par an [2,4], une transmission régulière mais sporadique semble avoir lieu. Les chiffres sont très probablement sous-estimés du fait d’une sous-déclaration des cas à la DDASS. Il est rappelé que la déclaration des cas de rougeole (clinique avec confirmation biologique) est redevenue obligatoire en 2005 [8]. Parmi les 97 cas survenus dans le département de Loire-Atlantique entre mai 2008 et septembre 2009, 13 (13,4 %) ont été hospitalisés au CHU. Tous ont été déclarés à la DDASS (déclaration clinique et biologique). Il s’agit a priori des cas de rougeole sévères ou compliqués, ou de tableaux cliniques atypiques sans diagnostic étiologique et donc probablement non représentatifs de l’ensemble des cas survenus dans le département. Pour les patients hospitalisés au CHU, le diagnostic de rougeole n’a jamais été évoqué à la prise en charge initiale (en ville ou à l’hôpital), probablement du fait d’une méconnaissance de cette maladie, ayant pratiquement disparu en France depuis de nombreuses années (respectivement 40 et 44 cas en 2006 et 2007) [3]. Aucune sérologie ni aucun prélèvement salivaire n’a été réalisé au moment de la consultation initiale. Or, l’intérêt du prélèvement salivaire ou la sérologie est de rechercher des IgM à partir de j3 de l’éruption. Dans ce contexte, la DDASS peut approvisionner en kits de prélèvement salivaire tous les médecins qui lui en font la demande [8]. Les sérologies rougeole peuvent être effectuées dans les laboratoires hospitaliers ou en ville sur simple prescription médicale, mais la recherche du génome viral avec possibilité de génotypage n’est réalisée qu’au CNR. Toutes les sérologies (13/13) et la majorité des prélèvements nasopharyngés (4/5) réalisés ensuite chez les patients se sont révélés positifs. Tous les patients présentaient une sérologie IgM positive, sans notion de vaccination contre la rougeole récente. En cas d’antécédent de vaccination incomplète, ou de prélèvement réalisé trop précocement, une discordance est possible entre la PCR (positive) et la sérologie IgM (négative) [9]. En cas de recherche d’IgM négative, une PCR pour la détection du

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génome viral peut donc être indiquée si le tableau clinique est évocateur avec un contrôle de la sérologie à distance [10]. Dans notre étude, la majorité des cas concernait des jeunes adultes, avec quelques formes sévères. Ces résultats sont cohérents avec les données de la littérature, où les complications sévères rapportées sont plus fréquentes chez les patients âgés de plus de 20 ans et de moins d’un an [7,11]. Les complications respiratoires, en particulier les pneumopathies aiguës virales ou bactériennes, ont constitué la principale complication pour nos patients (38 % d’entre eux) [12]. La rougeole peut également entraîner des complications respiratoires chroniques (bronchiolite oblitérante chronique, insuffisance respiratoire progressive) chez les adultes [13] et chez les enfants [14]. Certains nourrissons et enfants âgés de moins de deux ans peuvent présenter des formes graves ou compliquées, avec notamment un risque de panencéphalite subaiguë sclérosante (PESS) quelques années après l’épisode aigu, d’évolution constamment mortelle [15–17]. Ce risque, estimé à un cas sur un million [18], existe théoriquement pour les deux nourrissons de dix mois dans notre série. Des cas de PESS ont également été rapportés chez des adultes [19,20]. Le risque d’encéphalite rougeoleuse aiguë postinfectieuse est estimé à un cas pour 2000 rougeoles (20 % de séquelles, 10 % de décès) [18,21]. Il concerne surtout les adolescents et les jeunes adultes [22]. Les pneumopathies et les encéphalites sont à l’origine respectivement de 75 % et 11 % des décès par rougeole [23]. En France, depuis le début de l’épidémie, deux décès liés à la rougeole ont été déclarés, l’un concernant une fillette de 12 ans victime d’une encéphalite aiguë postinfectieuse et l’autre, un adulte présentant des pathologies sous-jacentes et décédé dans les suites d’une pneumopathie [3,4]. Malgré leur fréquence (81 %), les anomalies hépatiques des patients de notre cohorte se sont rapidement normalisées. Ces perturbations hépatiques au cours de la rougeole sont relativement peu décrites dans la littérature [24,25]. Dans une étude publiée en 1983, des anomalies hépatiques évoquant une cytolyse étaient observées chez 34 sur 67 adultes jeunes atteints de rougeole (52 %). Cinq d’entre eux (7 %) présentaient une élévation du taux de bilirubine accompagnée d’un ictère [24]. Parmi les deux femmes enceintes au moment de la séroconversion rougeoleuse, une a accouché prématurément à 36 SA au moment de l’éruption (cas 11). La prématurité est une complication fréquente de la rougeole au troisième trimestre de grossesse [26,27]. Cette complication peut s’expliquer par une atteinte placentaire à type d’infiltrat fibrinoïde et/ou par l’hyperthermie maternelle induite par l’infection [27]. Les rougeoles congénitales ou néonatales, bien que rares, existent cependant [27]. Selon certains auteurs, elles peuvent nécessiter l’administration d’immunoglobulines chez les enfants de mère infectée. Dans notre observation, le nouveau-né n’a pas pu bénéficier de ce traitement du fait d’un retard diagnostique. En effet, le diagnostic initial évoqué chez la mère était une scarlatine. L’enfant a été revu en consultation avant sa sortie de l’hôpital et l’examen clinique était normal. Ses examens cliniques sont normaux jusqu’à ce jour.

La seconde patiente, enceinte de 26 SA (cas 4), ne présentait pas de signes de complication maternofœtale lors de son hospitalisation. Elle n’est malheureusement pas revenue accoucher à l’hôpital. Or, sa séroconversion rougeoleuse aurait peut-être dû motiver une surveillance médicale au CHU, dans un service de grossesses pathologiques. Au total, les complications aiguës d’une rougeole au deuxième et au troisième trimestre de grossesse sont la mort fœtale in utero et la prématurité [26,27]. Enfin, d’après plusieurs études, le virus de la rougeole n’est pas embryotoxique et n’induit pas de malformations fœtales lors d’une séroconversion au premier trimestre [27]. L’évolution clinicobiologique a été favorable pour tous les patients. Certains patients ont nécessité un suivi médical prolongé (cas 9 suivi en pneumologie du fait du risque de complications pulmonaires chroniques et cas 10 suivi en hépatogastro-entérologie). Dans notre étude, très peu de cas secondaires ont été détectés, alors que la maladie est très contagieuse avec un taux d’attaque de 90 % [3,7]. On peut donc formuler l’hypothèse que les personnes au contact des patients pendant la période de contagiosité (entourage, voisin de chambre, personnel soignant, etc.) ont été immunisées antérieurement, par vaccination ou maladie. D’autant plus que le diagnostic de rougeole n’ayant pas été évoqué, aucune mesure d’isolement n’avait été prise initialement. En raison de la forte contagiosité par voie aérienne, il est rappelé que l’éviction scolaire, les mesures d’isolement et les mesures de prévention barrière (port de masque de type chirurgical pour le cas de rougeole et port d’appareil de protection respiratoire de type FFP1 pour le personnel soignant) sont recommandées dès le début des signes cliniques (fièvre) et pendant toute la période de contagiosité, soit cinq jours avant et jusqu’à cinq jours après le début de l’éruption. La notion de contage n’a été confirmée biologiquement que dans le cas 9, pour lequel la contamination a été intrafamiliale (sœur, elle-même contaminée en milieu scolaire). Les cas 12 et 13 sont survenus chez des membres du personnel hospitalier (une kinésithérapeute et un étudiant en médecine), travaillant dans le même service d’hospitalisation de courte durée (Tableau 1). La DDASS a eu également connaissance d’une déclaration de rougeole chez une infirmière du même service, domiciliée dans un autre département. Ces cas ont donc constitué une chaîne de transmission au sein du personnel soignant. Une recherche active des personnes contacts et des éventuels cas contacts secondaires a été menée par le médecin inspecteur de la DDASS et par les médecins et cadre responsables du service concerné. Les mesures de vaccination pour les contacts ont été proposées et l’enquête réalisée n’a pas mis en évidence de cas secondaires, notamment parmi les patients pris en charge par ces deux membres du personnel soignant du service. Il faut souligner cependant que ces enquêtes autour d’un cas ou de cas groupés sont de réalisation difficile en raison de réticences de certaines familles à répondre aux questions concernant la rougeole et parfois un refus de la vaccination en cas de contact avéré. En effet, l’apparente bénignité de cette virose et le caractère non obligatoire de cette vaccination rend les investigations autour des cas de rougeole parfois difficiles avec un manque de coopération de

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certaines familles concernées. Par ailleurs, la méthodologie de l’étude ne permettait pas une enquête systématisée pour chaque cas décrit (données fournies rétrospectivement par interrogatoire des médecins de la DDASS, des médecins traitants et des médecins des services d’hospitalisation). Il est donc possible que certains cas secondaires n’aient peut-être pas été identifiés, notamment des patients non immunisés soignés par la kinésithérapeute ou par l’étudiant en médecine, au moment de la phase d’incubation de leur maladie (période de forte contagiosité). L’enquête du service de médecine du travail a montré que les autres agents du service concerné étaient immunisés (immunisation confirmée par sérologie en cas d’antécédent incertain). Cependant, cet épisode a permis au service de médecine du travail du CHU de Nantes de proposer la vaccination antirougeoleuse au personnel non immunisé dans d’autres services, notamment les services accueillant des cas de rougeole (pédiatrie, dermatologie, infectiologie, urgences. . .) et les services prenant en charge des patients immunodéprimés à risque de rougeole compliquée. Le nombre limité des transmissions secondaires au sein du personnel hospitalier en général tient probablement du fait d’une bonne couverture vaccinale antirougeoleuse des professionnels de santé. Des cas de transmission nosocomiale ont cependant déjà été décrits dans certains hôpitaux (4/19 cas à Reims en 2008, 1/28 cas à Nice) [3]. Cet épisode a également donné lieu à une réunion d’information organisée au sein du CHU avec les médecins de la DDASS, les infectiologues, les pédiatres, les virologues, les médecins du travail, les médecins de l’équipe opérationnelle d’hygiène et les médecins du centre de vaccinations polyvalentes. Un courrier d’alerte a été diffusé par la DDASS dans tous les établissements scolaires et crèches du département de LoireAtlantique et un courrier de sensibilisation a été diffusé par la direction à l’ensemble du personnel soignant du CHU, rappelant l’importance du port de masque, des mesures d’isolement et de la vaccination rougeole. Depuis, une cellule spécifique, constituée de ces mêmes professionnels, se réunit régulièrement au sein de l’institution pour actualiser et mettre en place les procédures d’alerte concernant les maladies à déclaration obligatoire, notamment la rougeole, et certaines maladies dues à d’autres agents infectieux pathogènes transmissibles. En effet, un système de veille épidémiologique de l’ensemble de ces agents transmissibles a été mis en place via les laboratoires de microbiologie du CHU, afin de mettre rapidement en œuvre les mesures de prévention par l’équipe opérationnelle d’hygiène dès la suspicion clinique d’un cas, notamment d’un cas de rougeole. Les protocoles de prise en charge des cas de rougeole ont également été actualisés. Un seul cas a été relié à une transmission scolaire (cas 9), mais un contage à la crèche peut également être envisagé pour les deux nourrissons. Parmi les 13 patients, cinq étaient nés avant 1980. Ces sujets représentent une population à risque et un réservoir de virus car, jusqu’en 1983, le vaccin ne faisait pas partie du calendrier vaccinal. Parmi les neuf cas non vaccinés, au moins quatre étaient évitables, soit 44 %. En effet, les professionnels de santé non vaccinés et sans antécédents de rougeole (cas 12 et 13) font par-

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tie des personnes pour lesquelles une dose de vaccin trivalent est recommandée. Par ailleurs, les deux nourrissons âgés de dix mois (cas 3 et 5) étaient gardés en crèche, or le calendrier vaccinal recommande pour les nourrissons de moins d’un an gardés en collectivité, la première injection dès l’âge de neuf mois. Deux études récentes montrent en outre, que le taux d’anticorps antirougeole (AcR) maternels transmis pendant la grossesse, qui protègent les nourrissons pendant les premiers mois de la vie, est significativement moins élevé chez les mères les plus jeunes, immunisées par vaccination que chez les mères plus âgées, immunisées par une infection rougeoleuse [28]. Par ailleurs, le taux de ces AcR décroît progressivement après la naissance. Ainsi en France, plus de 90 % des nourrissons de plus de six mois ne sont plus protégés contre la rougeole par ces AcR [29]. L’abaissement de l’âge de l’administration de la première dose de vaccin RRO est d’ailleurs un des axes du plan d’élimination de la rougeole [1]. Enfin, les autres cas auraient également pu être évités si les indications de rattrapage vaccinal avaient été appliquées pour les jeunes adultes de moins de 30 ans de notre série.

4. Conclusion Il existe actuellement une circulation active du virus de la rougeole en France, qui s’est intensifiée depuis octobre 2008. Cette circulation virale persiste en 2009 et s’intensifie depuis janvier 2010 [5,6], malgré les mesures de sensibilisation et de vaccination mises en œuvre par les DDASS devant des cas groupés en communauté ou en collectivité. Il faut rappeler aux professionnels de santé l’obligation (depuis 2005) d’une confirmation biologique par sérologie et/ou RT-PCR et la nécessité de déclaration des cas à la DDASS (DO) [30]. Même si l’augmentation des cas observée depuis 2008 peut être en partie due à une amélioration de la déclaration obligatoire, ces chiffres sous-estiment la circulation réelle du virus. Les données épidémiologiques récentes montrent, qu’en France, il existe des communautés d’enfants, d’adolescents et de jeunes adultes insuffisamment vaccinés qui sont propices à la survenue de foyers épidémiques avec un risque de transmission potentielle à des personnes à risque de rougeole grave. Il faut souligner que parmi les patients non vaccinés, certains peuvent appartenir à des ligues antivaccinales, écologiques ou religieuses, qui refusent toute vaccination non obligatoire. Ces populations, non ou incomplètement vaccinées, représentent un obstacle pour l’élimination de la rougeole en France en 2010, objectif commun avec les autres États membres de l’OMS Europe [31]. L’élimination de la rougeole est théoriquement possible puisqu’il n’existe pas de réservoir animal et que l’efficacité du vaccin disponible est très bonne [31] : 90 % après une dose et plus de 95 % après deux doses [32]. En pratique, étant donné la haute contagiosité de la rougeole avec un taux d’attaque à 90 %, le niveau de couverture vaccinale à atteindre pour interrompre la transmission du virus a été estimé à au moins 95 % avec deux doses pour les enfants à l’âge de deux ans [1]. Il faut enfin rappeler l’importance des recommandations de la vaccination par le vaccin trivalent RRO [1,33] :

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• une primovaccination chez tous les nourrissons avec une première dose à l’âge de 12 mois (ou neuf mois pour ceux entrant en collectivité avant un an) et depuis 2005, une seconde dose au cours de la deuxième année (entre 13 et 24 mois) ; • un rattrapage chez tous les enfants et adolescents nés en 1992 ou après (âgés de deux à 18 ans en 2010) avec deux doses de vaccin trivalent (à un mois d’intervalle) ; • un rattrapage chez les jeunes adultes nés entre 1980 et 1991 (âgés de 19 à 30 ans en 2010) avec une dose de ce vaccin RRO ; • un rattrapage de tous les professionnels de santé quel que soit leur âge, non immunisés (non vaccinés, sans antécédent de rougeole ou dont l’histoire est douteuse et dont la sérologie est négative) avec deux doses pour les personnes nées depuis 1992 et une seule dose pour les personnes nées entre 1980 et 1991 ; • et enfin, une vaccination précoce pour les personnes exposées à un cas de rougeole et potentiellement réceptives ; cette vaccination, réalisée idéalement dans les 72 heures suivant le contact, peut permettre d’éviter la survenue de la maladie et reste préconisée même si ce délai est dépassé [30,33]. L’augmentation de la couverture vaccinale avec deux doses chez les enfants avant l’âge de deux ans, l’administration plus précoce de la seconde dose, le rattrapage des sujets réceptifs (adolescents et jeunes adultes jusqu’à 30 ans), des professionnels de santé non immunisés et la vaccination des personnes susceptibles en cas de contage rougeoleux sont les mesures indispensables pour l’interruption de la transmission de cette maladie. Déclaration d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article. Références [1] Ministère de la Santé. Plan d’éradication de la rougeole 2005-2010. 2005. http://www.sante-sports.gouv.fr/IMG/pdf/plan elimination rougeole.pdf; 2005 [accessed 04.08.10; p. 12–5]. [2] Dress. L’état de santé de la population en France (rapport 2008). http://www.sante.gouv.fr/drees/santepop2008/santepop2008.htm; 2008 [accessed 04.08.10; p. 170–3]. [3] Parent du Chatelet I, Levy-Bruhl D, et al. La rougeole en France en 2008 : bilan de la déclaration obligatoire. InVS. BEH no 39-40. http://www. invs.sante.fr/beh/2009/39 40/index.htm; 2009 [accessed 04.08.10]. [4] Parent du Chatelet I, Levy-Bruhl D, et al. Measles resurgence in France in 2008, a preliminary report. Euro Surveill 2009;14(6). [5] InVS. Dossier thématique rougeole. Données de déclaration obligatoire de la rougeole – bilan provisoire au 31/01/2010. http://www.invs.sante.fr/surveillance/rougeole/donnees/donnees 310110. htm; 2010 [accessed 04.08.10]. [6] Stoll J, Parent du Châtelet I, et al. Foyers de rougeole survenus entre janvier 2008 et avril 2009 en France : résultats d’une enquête auprès des DDASS et des Cire. BEH 2009;39-40:419–23 [InVS; http://www. invs.sante.fr/surveillance/rougeole/donnees/donnees 310310.htm].

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