Sarcoïdose chez un patient traité par interféron pégylé pour une hépatite chronique C

Sarcoïdose chez un patient traité par interféron pégylé pour une hépatite chronique C

Revue de Pneumologie clinique (2014) 70, 362—365 Disponible en ligne sur ScienceDirect www.sciencedirect.com CAS CLINIQUE Sarcoïdose chez un patie...

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Revue de Pneumologie clinique (2014) 70, 362—365

Disponible en ligne sur

ScienceDirect www.sciencedirect.com

CAS CLINIQUE

Sarcoïdose chez un patient traité par interféron pégylé pour une hépatite chronique C Sarcoïdose in patient with chronic hepatitis C treated with pegylated interferon M.K. Moudden a,∗, T. Ziadi b, A. Al Bouzidi c, A. Ouarssani d, L. Hadri e, M. EL Baaj a a

Service de médecine interne, hôpital militaire Moulay-Ismail, BP S15, Meknès, Maroc Service de radiologie, hôpital militaire Moulay-Ismail, Meknès, Maroc c Service d’anatomopathologie, hôpital militaire Mohamed V Rabat, Meknès, Maroc d Service de pneumologie, hôpital militaire Moulay-Ismail, Meknès, Maroc e Pole médical, hôpital militaire Moulay-Ismail, Meknès, Maroc b

ut 2014 Disponible sur Internet le 15 aoˆ

MOTS CLÉS Hépatite C ; Interféron pégylé ; Sarcoïdose

KEYWORDS Hepatitis C; Pegylated interferon; Sarcoidosis



Résumé Les sarcoïdoses induites par l’interféron chez les patients traités pour hépatites virales chroniques C se manifestent essentiellement par des lésions cutanées isolées ou associées à l’atteinte pulmonaire. Les formes systémiques sont très rares. Nous rapportons une observation. Un patient âgé de 50 ans, traité pendant une année pour une hépatite C par l’association interféron pégylé et ribavirine, a présenté deux mois après l’arrêt du traitement une sarcoïdose systémique avec atteinte pulmonaire, articulaire et hépatique confirmée par l’histologie. L’évolution était favorable sous-corticoïdes. La sarcoïdose induite par l’interféron est rare, l’évolution est le plus souvent favorable à l’arrêt de l’interféron, la corticothérapie peut parfois être nécessaire. © 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Summary Induced sarcoïdosis during therapy with interferon for chronic viral hepatitis C involves mainly by isolated cutaneous lesions or with lung lesions. Systemic forms are very rare. We report an observation. A 50-year-old patient developed a systemic sarcoïdosis two months after the end of treatment for hepatitis C with pegylated interferon and ribavirin with

Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (M.K. Moudden).

http://dx.doi.org/10.1016/j.pneumo.2014.07.001 0761-8417/© 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Sarcoïdose chez un patient traité par interféron pégylé

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lung, joint and hepatic manifestations. After starting corticosteroid therapy, the evolution was favourable. Induced sarcoïdosis by interferon therapy is rare, treatment necessitates stopping interferon, and sometimes corticosteroid therapy. © 2014 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Introduction La sarcoïdose est une maladie chronique inflammatoire de cause indéterminée, elle est caractérisée par la présence de granulomes épithélio-giganto-cellulaires sans nécrose caséeuse. Il existe une atteinte fréquente pulmonaire, ganglionnaire et cutanée. Plusieurs cas de sarcoïdose associés à un traitement par interféron d’une hépatite virale C (HVC) chronique ont été rapportés. Les liens pathogéniques entre la sarcoïdose, l’interféron, le VHC sont jusqu’à présent mal élucidés. Nous rapportons une observation de sarcoïdose systémique survenant après traitement par interféron pégylé chez un patient marocain de 50 ans avec une hépatite C chronique active. Les caractéristiques cliniques, évolutives et éthiopathogéniques de cette affection seront discutées.

Observation Monsieur K.M. est un patient marocain de 50 ans. L’hépatite C a été diagnostiquée en septembre 2009 lors d’un bilan de routine. Les autres antécédents étaient un psoriasis cutané et un tabagisme actif à 35 paquets-année. En octobre 2010, le bilan biologique montrait une cytolyse hépatique prédominant sur les ALAT, une charge virale (6,06 log), une VHC avec un génotype 1b et un score de Métavir A2F2. Le protocole thérapeutique administré pendant un an avec une bonne tolérance (novembre 2010—octobre 2011) comprenait de l’interféron pégylé (interféron alpha 2a 180 ␮g/semaine) et de la ribavirine (1 g/jour). Deux mois après l’arrêt de la bithérapie, le patient était hospitalisé en médecine pour altération de l’état général évoluant depuis 3 semaines avec une fièvre, une arthrite des deux chevilles avec impotence fonctionnelle et une pesanteur au niveau de l’hypochondre droit. Le bilan biologique montrait un syndrome inflammatoire avec une CRP = 54 mg/L, des globules blancs à 8000/mm3 , des lymphocytes à 2500/mm3 , une choléstase anictérique avec : PAL à 279UI/L, des GGT à 120UI/L, sans cytolyse avec ALAT à 35UI/L, ASAT à 40UI/L, une charge virale indétectable, le dosage de l’enzyme de conversion de l’angiotensine à 125U/L, la calcémie, le bilan d’hémostase étaient normaux. Le bilan infectieux (BK, hémocultures, coproculture, ECBU, sérologie HIV) était négatif. L’intra-dermoréaction à la tuberculine et la cryoglobulinémie étaient négatives. L’échographie cardiaque et l’examen ophtalmologique étaient sans particularités. La radiographie du thorax (une radiographie thoracique réalisée 14 mois auparavant était normale) et le scanner thoraco-abdomino-pelvien (Fig. 1)

Figure 1. TDM thoracique avec coupe axiale en fenêtre médiastinale : volumineuses adénopathies médiastinales et hilaires bilatérales symétriques homogènes non compressives.

objectivaient des adénopathies médiastinales bilatérales non compressives. Les explorations fonctionnelles respiratoires étaient normales, il n’y a pas eu de lavage bronchoalveolaire ou de biopsie bronchique. La biopsie hépatique (Fig. 2) retrouvait des granulomes gigantocellulaires

Figure 2.

Biopsie hépatique : hépatite granulomateuse.

364 sans nécrose caséeuse. Devant le diagnostic de sarcoïdose pulmonaire et hépatique, la corticothérapie générale (prednisone 1 mg/kg/j) était instaurée, puis progressivement diminuée. L’évolution était favorable avec normalisation du bilan hépatique, de l’enzyme de conversion de l’angiotensine et régression des adénopathies médiastinales au bout d’un an de traitement.

Discussion L’observation que nous rapportons concerne un cas de sarcoïdose systémique, diagnostic retenu devant des adénopathies médiastinales au scanner thoracique, l’arthrite des deux chevilles, l’atteinte hépatique confirmée à la biopsie avec des granulomes épithélio-giganto-cellulaires sans nécrose caséeuse et aussi l’augmentation de l’enzyme de conversion de l’angiotensine. La sarcoïdose est une maladie chronique inflammatoire, systémique de cause indéterminée. Elle peut être induite par l’interféron, la première publication date de 1987 et correspondait à la survenue d’une sarcoïdose pulmonaire chez un patient traité par interféron pour carcinome rénal [1]. L’élargissement des indications de l’interféron, notamment pour le traitement des hépatites virales est marqué par l’augmentation des cas rapportés de sarcoïdose dans ces conditions. Blum et al. [2] ont décrit en 1993 une première observation de sarcoïdose induite par l’interféron prescrit pour le traitement d’une hépatite virale C chronique. La plus grande utilisation de l’interféron et surtout de sa forme pégylée dans le traitement des hépatites virales chroniques est à l’origine de l’augmentation du nombre de cas [3]. Il est noté un sex-ratio égal à 1 [4,5], un âge variable supérieur à 60 ans [6], une atteinte cutanée isolée ou associée à une atteinte pulmonaire [7]. Benali et al. rapportent une série de 31 observations de sarcoïdose induite par l’interferon chez des patients traités pour une HVC avec 21 cas d’atteinte cutanée, 17 cas d’atteinte pulmonaire et 7 cas associant les deux [6]. Les localisations graves cardiaque [8—10], neurologique [8], hépatique [11—13] et oculaire [9,14,15] sont exceptionnelles. Le délai de survenue est variable entre 2 semaines après le début de traitement jusqu’à 30 mois après son arrêt [5,10,16]. La maladie survient en général dans les 6 mois après l’arrêt du traitement [8]. Dans notre cas, la sarcoïdose a été diagnostiquée 2 mois après l’arrêt du traitement avec une sympomatologie ayant débuté 3 semaines auparavant. L’atteinte médiastino-pulmonaire n’est pas spécifique, et peut évoluer vers une fibrose [17,18]. Elle peut être de découverte fortuite sur une radiographie du thorax comme dans notre observation, ou au contraire se révéler par des symptômes respiratoires dominés par une dyspnée et une toux [6,10,19]. Les signes généraux sont rarement présents [6], ils ont peu de valeur diagnostique. En effet, ils peuvent être attribués à tort aux effets indésirables de l’interféron, aux manifestations de l’hépatite virale C, ce qui peut laisser penser que le nombre de cas de sarcoïdose induite est sous estimé [16]. L’atteinte hépatique est très rare. Trois observations seulement sont rapportées dans la littérature, dont 2 patients non répondeurs au traitement par interféron standard [11,13]. La troisième observation concerne un patient

M.K. Moudden et al. sous interféron pégylé, la biopsie hépatique permettant le diagnostic a été décidée devant une élévation des transaminases avec une charge virale indétectable [12]. Dans notre observation, la biopsie a été réalisée devant une cholestase anictérique chez un patient répondeur au traitement (charge virale indétectable). La sarcoïdose induite par l’interféron est une affection bénigne [20], l’atteinte pulmonaire évolue favorablement dans 50 % des cas après arrêt de l’interféron [6], la corticothérapie peut être parfois nécessaire [10]. Chez notre malade, les adénopathies médiastinales ont régressé au bout d’une année d’arrêt d’interféron et de corticothérapie. Certains auteurs rapportent une évolution plus rapidement favorable avec regression des adénopathies en 6 à 7 mois [14,19]. Un seul cas de corticodépendance a été signalé chez une patiente présentant une neuropathie associée [19]. L’atteinte hépatique classiquement considérée comme une localisation grave de la sarcoïdose a évolué favorablement chez notre patient, éléments déjà rapportés dans les 3 cas répertoriés dans la littérature [11—13]. La biopsie hépatique réalisée 6 mois après l’arrêt de l’interféron et sous-corticothérapie a montré la disparition des granulomes malgré la persistance des signes d’activité du VHC [11]. Les mécanismes physiopathologiques impliqués dans la survenue de cas de sarcoïdoses induites par l’interféron prescrit dans le traitement des hépatites C chroniques sont complexes. L’hypothèse d’une coïncidence est écartée devant le nombre croissant de cas publiés. L’interféron pourrait favoriser la survenue des granulomes en induisant une différenciation des lymphocytes TCD4+ de type Th1 producteurs d’interleukine 2 et de l’interféron gamma, cytokines impliqués dans la réaction immunitaire sarcoïdosique [14]. Cependant, des cas de sarcoïdoses ont été observés chez des malades suivis pour VHC et non traités par interféron, ce qui laisse supposer un rôle propre du virus [8]. Le rôle de la ribavirine paraît faible, certains auteurs suggèrent son effet potentialisateur dans la réponse immunitaire [4,8,16]. Toutefois, aucun cas de sarcoïdose n’a été notifié avec ce traitement [6,7].

Conclusion La sarcoïdose peut être induite par l’interféron, au même titre que certaines pathologies auto-immunes (lupus, polyarthrite rhumatoïde, dysthyroïdie, anémie hémolytique, thrombopénie auto-immune, . . .etc.) [6,9]. Lors du traitement d’une hépatite C chronique, les localisations cutanées et pulmonaires sont les plus fréquentes, les formes systémiques sont rares. La sarcoïdose peut survenir soit sous traitement par interféron et soit le plus souvent après son arrêt. Cela justifie une surveillance continue de ces patients. L’évolution est le plus souvent favorable à l’arrêt de l’interféron, la corticothérapie peut parfois être nécessaire.

Déclaration d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.

Sarcoïdose chez un patient traité par interféron pégylé

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