Sédimentologie et Recherche des Gisements Sédimentaires Marins de Phosphate

Sédimentologie et Recherche des Gisements Sédimentaires Marins de Phosphate

SfiDIMENTOLOGIE ET RECHERCHE DES GISEMENTS SfiDIMENTAIRES MARINS DE PHOSPHATE MAURICE SLANSKY Bureau de Recherches Gkologiques et MiniPres, Paris (Fr...

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SfiDIMENTOLOGIE ET RECHERCHE DES GISEMENTS SfiDIMENTAIRES MARINS DE PHOSPHATE MAURICE SLANSKY

Bureau de Recherches Gkologiques et MiniPres, Paris (France)

INTRODUCTION

Les roches phosphaths sont relativement frdquentes dans les formations sedimentaires, mais la plupart du temps elle ne prdsentent aucun intCrQtkonomique et n’indiquent mQmepas la proximite d’un niveau A mindralisation plus abondante. Seuls les indices trbs importants, s’ils sont visibles, peuvent mener directement au gisement. Aussi, si Yon. veut dhouvrir une accumulation economiquement intdressante sans trop faire appel au hasard, l’dtude des indices doit Ctre compldtde par des methodes gdologiques dont cette note essaie d’dvoquer l’importance.

RELATIONS ENTRE LA MIN~RALISATIONPHOSPHAT~EET LA S~DIMENTATION

L’analyse sdquentielle prdconisde par LOMBARD (1956), au cours de cette dernibre dkade a remis l’accent sur l’interddpendance des diffdrents facibs se succedant dans les series sddimentaires. L‘existence de cette interddpendance parait Cvidemment sdduisante lorsque l’on recherche des gisements sedimentaires de phosphate, d’autant plus que dans la “sdrie virtuelle gdndrale”, le phosphate i n c h dans les “mdtagendtiques”, suit les argiles et prdctde les calcaires. Or l’dtude de diffdrents niveaux phosphatds montre d’une part, que Yon ne peut gdndraliser cette position, d’autre part que les argiles lides aux ddpdts phosphates sont souvent du type montmorillonite-attapulgite et, par ce fait, ne peuvent Qtretoujours assimul&s aux colloides de la sdrie virtuelle gdndralel. En fait, lorsque l’on y regard0 de plus prbs, on s’aper~oitque les phosphates ne peuvent Ctre groupds avec les termes habituels des sdquences lithologiques; ils s’en distinguent par divers aspects.

Les argiles magnksiennes telles que la montmorillonite, l’attapulgite et la dpiolite f o m n t , dam cet ordre, une dquence positive comparable h la dquence calcaire, calcaire dolomitique, dolomie. Je pew que ces Sequences sont parall&leset ne peuvent etre condensks en une seule.

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Opposition d’origine

I1 semble, que l’on puisse admettre que la plupart des d$&s rencontrbs dans les series sedimentaires habituelles sont la constquence directe de l’erosion des continents. En suivant les idBes de ERHART (1956), on peut distinguer trois modes d’drosion: ( I ) Celle qui entraine essentiellement vers le bassin les solutions chimiques de la “phase migratrice” des sols, en periode biostasique. (2) Celle qui entraine vers le bassin les particules de la “phase rbsiduelle” des sols, en pkriode rhexistasique. (3) Celle qui entraine vers le bassin des debris plus ou moins gros des roches mBres du continent en periode post-rhexistasique. Ces trois modes d’krosion expliquent bien la formation concomitante, dans le bassin, des roches sedimentaires habituelles: roches detritiques diverses likes A la rhexistasie ou la post-rhexistasie, roches d’origine chimique tels que les calcaires, dolomies, cherts, argiles magnesiennes neoformies likes A la biostasie. En dehors de cas exceptionnels d’krosion directe de roches riches en phosphates, seule la phase migratrice des sols de la pkriode biostasique semble pouvoir constituer pour le bassin un approvisionnement rkgulier en solutions phosphatkes. Cependant, la proportion de phosphate de la phase migratrice des sols du continent parait bien faible par rapport aux autres produits en solution apportes au bassin et il est difficile d’imaginer que cette seule source, utilisee directement, permette la formation d’un niveau phosphate important prenant le pas sur toute autre sbdimentation. Par contre, si ce phosphate n’est pas utilise immidiatement, s’il est m i s en reserve dans la mer, on conCoit beaucoup mieux qu’il puisse intervenir ensuite, dans certaines conditions, de facon beaucoup plus massive. L‘etude des dBp6ts chimiques effectues au cours d’une pkriode biostasique permet de remarquer que de grandes series argilo-marneuses magnbsiennes ne contiennent que trBs peu de phosphate et souvent pas du tout; cela semble aussi le cas des grandes series cherteuses. La phase migratrice correspondante, cependant vraisemblablement phosphatk, a donc, pendant tout ce temps contribue A renforcer la reserve phosphatee de la mer. Au bout d’une longue periode de sedimentation chimique pauvre en phosphate, cette contribution peut devenir importante. La rkserve phosphatee de la mer apparait ainsi comme la meilleure source susceptible de contribuer A la formation d’un dBp6t important de phosphate. Cette idee n’est bvidemment pas nouvelle; elle a 6t6 notamment utilisee de f q o n particulikrement fkconde par KAZAKOV (1937) pour expliquer la formation des dkp6ts phosphates par l’existence de courants marins ascendants venant des profondeurs marines oil le phosphate est plus soluble qu’A faible profondeur; elle permet ici de mettre l’accent sur l’opposition originelle existant entre une couche de phosphate et les niveaux s6dimentaires stbriles plus habituels. Ceux ci se constituent en general A partir de matkriaux provenant directement du continent, celle-lA ne trouve une matike premihre abondante que dans les solutions mises en reserve dans la mer au cours de longues periodes anterieures.

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Opposition quantitative Plusieurs auteurs ont dCja remarquk que les zones les plus riches en phosphate d’une formation gkologique, correspondent a des zones de moindre kpaisseur de cette formation. SALVAN(1959) a notamment constatk ce phknombne au Maroc et j’ai eu l’occasion de le remarquer en Afrique occidentale. Par exemple au Togo, la formation phosphatke a une dizaine de mbtres d’tpaisseur et appartient a la partie suptrieure du Lutttien; la minkralisation devient diffuse et disparait vers le sudest en mCme temps que cette mCme formation atteint rapidement une Cpaisseur de plus de 100 m. Au Sknkgal, la diffkrence d’kpaisseur entre le Lutktien supkrieur phosphate et son kquivalent latkral stkrile est du mCme ordre et mdme plus important. Ces diffkrences d’kpaisseur montrent que l’apport phosphate est beaucoup plus faible que l’apport responsable des dip& skdimentaires plus habituels.

Opposition de conditions de dkp8t Lorsque l’on s’kloigne d’un gisement de phosphate en direction des Cpaisseurs croissantes de la formation stratigraphique correspondante, la minkralisation disparait, soit brutalement, soit par l’intermkdiaire d’une zone plus ou moins importante A minkralisation diffuse. Mais il ne semblejamais y avoir rtellement dilution de la minkralisation par la sedimentation abondante des zones kpaisses, il y a en quelque sorte inhibition plus ou moins rapide. Les conditions de dkp6t favorables a l‘abondance de la skdimentation stkrile ou de la sedimentation phosphatke semblent s’opposer.

FILS CONDUCTEURS DE LA RECHERCHE D U PHOSPHATE

La recherche du phosphate est ktroitement like A cette opposition existant entre cette roche et les formations stkriles habituelles. En effet, du fait de l’origine gknkralement diffkrente de ces deux sortes de dkp6ts, l’un lib aux solutions en rkserve dans la mer, l’autre aux matkriaux provenant directement du continent, un bassin marin peut &re au mCme moment aliment6 concurremment de ces deux facons. Mais dans ce cas, la skdimentation stkrile, par son abondance et ses propri6tes inhibitrices possibles, a de fortes chances de l’emporter. Aussi, pour qu’un gisement de phosphate se :oit formk, il faut qu’aient exist6 A la fois dans le bassin une pkriode favorable a la phosphatogknbse une rkgion favorable aux accumulations de phosphate a bonne teneur, une pkriode ou une rkgion dkfavorables A la sedimentation stkrile abondante.

Pkriodesfavorables h. la phosphatogknke La recherche de ces pkriodes peut Ctrz abordke de deux facons diffkrentes qui, d’ail; leurs, se complbtent.

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Crittrespalko-odanographiques Determiner directement le moment oh ont exist6 des courants amenant vers la surface les solutions plus riches en phosphate des profondeurs marines, est un problbme pal6o-ockanographique difficile & resoudre. Cette determination peut &re faite cependant indirectement par l’bge des indices de phosphate que l’on connait dans la strie stratigraphique locale ou dans les bassins voisins. Critires skdimentologiques Du fait de la permanente de la reserve phosphatk de la mer, on peut s’attendre B ce que les courants phosphatogbnes puissent concrktiser leur effet dans un bassin & n’importe quel moment du cycle sedimentaire. Certains exemples viennent & l’appui de cette id&. Toutefois, les dt5pBts phosphates importants ont une position beaucoup moins variee par rapport & la skdimentation. VISE (1953) avait dkjh remarque que ces dkpBts importants se produisaient en fin de cycle sedimentaire. A la lumibre de ce que j’ai pu voir en Afrique occidentale, plus rapidement en Afrique du nord, et tout rkcemment en Colombie, on peut ajouter que les dkpdts phosphates importants interviennent vers la fin d’une sedimentation chimique pauvre en phosphate. C‘est ainsi qu’au Togo et au Sknkgal, les dt5pBts exploites de l’fiocbne moyen se superposent a une importante serie argileuse B attapulgite pauvre en phosphate, qui dkbute dbs la fin du PalBocbne. En Colombie, les niveau COMUS les plus importants interviennent & la fin de dBpBts chimiques 2i montmorillonite - attapulgite dans lesquels les cherts sont particulibrement dkvelopp6s. On peut alors se demander si ces dkpBts, au lieu #&re liks simplement A la reserve phosphatte gBnQale du fond des mers, ne sont pas lies au contraire 6troitement & la rkserve phosphatke particulibre qui s’est constituke dans le bassin ou & proximitk, a partir de la phase migratrice des sols, pendant tout le temps de dCpBt des formations argileuses magnksiennes ou cherteuses peu phosphatks. I1 semble ainsi qu’on ait des chances notables de rencontrer une periode favorable & la phosphatogknbe abondante, vers l’issue d’une longue periode & sedimentation chimique peu phosphatee. On voit alors que, dans ce premier aspect de la recherche du phosphate, & c6tB de la recherche habituelle des indices, l’ktude skdimentologique des formations stkriles prend un rBle important. Rkgionsfavorables 6 la phosphatogkntse

Ces regions du bassin doivent avoir eu facilement accbs, au moment de la sedimentation, a u rkserves phosphatkes des profondeurs marines et sont, en principe, des zones peu profondes du bassin. I1 s’agit 121 d’un problbme pal6ogCographique, mais aussi skdimentologique dans lequel 1’6cologie des faunes a notamment un rBle interessant. Pkriodes dkfavorables 6 la skdimentation stkrile

Lorsque Ies reliefs sont vigoureux sur le continent, l’krosion est vive, les d$Bts sont dktritiques et abondants. Les reliefs ensuite s’attknuent, l’6rosion est moins Bnergique,

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la skdimentation s’affine et, si les conditions climatiques sont favorables, la vkgdtation se dkveloppe, multipliant les obstacles A l’krosion directe des sols ou des roches mkres. La skdimentation du bassin se transforme et l’apport dktritique trks ralenti commence a &re relay6 par les solutions de la phase migratrice des sols. Cette transformation peut &re marquee par une pkriode incertaine au cours de laquelle le remplissage du bassin peut se trouver considkrablement ralenti. Ce ralentissement est d’ailleurs confirm6 par l’existence de niveaux phosphatks, A ce moment du cycle, au Sknkgal et au Dahomey. Dans la suite du cycle, la skdimentation chimique prend le dessus mais, gknkralement moins abondante que la skdimentation dktritique et beaucoup plus dkpendante des conditions physico-chimiques du bassin, elle peut comporter des ralentissements notables. Enfin, aprks une longue pkriode biostasique continue, on peut imaginer deux cas. Ou bien l’attaque chimique des roches m&resdevient de moins en moins aiske A cause de l’kpaisseur trks importante des sols, ou bien le climat se modifie, les apports chimiques diminuent alors que, A cause de l’abondance de la vkgktation qui persiste encore et des reliefs attknuks, les apports dktritiques restent faibles. Les deux cas semblent concourir a situer vers la fin d’une longue pkriode biostasique le moment le plus favorable au ralentissement maximal de la &dimentation sterile dans le bassin. RPgions dbfavorables ci la skdimentation stkrile La rkpartition de la skdimentation issue des apports continentaux est notamment (1956) a nommk celA le “controle par le fond”. conditionnke par son poids. LOMBARD Les sediments sont ainsi plus abondants dans les creux du fond marin, les zones subsidentes. Inversement, la skdimentation la plus rkduite sera situke, kventuellement en bordure de bassin, en bordure du talus continental et surtout sur les hauts fonds kloignks des cdtes. La dktermination des zones a skdimentation rkduite est un problbme de palkogkographie qui a besoin, pour Ctre rksolu, de donnkes prkcises de stratigraphie, de skdimentologie et de structure. Les cartes isopaques et de variation de faciks constituent dans ce cas un instrument de travail particulibrement prkcieux.

CONCLUSION

Cette courte note ne peut prktendre traiter tout le problkme de la recherche du phosphate. Elle essaie simplement de montrer que ce problkme peut Ctre abordk de plusieurs manikes qu’il faut d’ailleurs associer. Au stade de la recherche des zones favorables aux accumulations phosphatkes, la recherche des indices minkralisks, si elle est importante, n’a cependant qu’un r61e relativement secondaire. L‘ktude skdimentologique des formations stkriles, des dkp6ts d’origine chimique notammeht, joue au contraire un r6le de premier plan.

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Lorsqu’il s’agit de vkrifier la prksence du phosphate puis d‘essayer de dklimiter un gisement exploitable, l’ktude des niveaux minkralisks reprend kvidemment la premiere place. Mais 18 aussi l’ernploie des raisonnements skdimentologiques garde toute son importance car il existe des relations ktroites entre la rkpartition du phosphate et les courants marins, entre les teneurs en P,O, et celles en carbonates par exemple.

RESUMB Les phosphates de chaux skdimentaires s’opposent aux termes plus habituels des skquences lithologiques par l’origine distincte des matkriaux qui leur ont donnk naissance, la diffkrence quantitative existant entre les apports phosphatks et les apports stkriles contemporains, les conditions de dkp6t. Ces oppositions servent de fils conducteurs a la recherche du phosphate qui consiste 51 localiser a la fois des pkriodes et des rkgions favorables a la phosphatogknbse et des pkriodes et rkgions dkfavorables a une skdimentation stkrile abondante. Au stade de la recherche des zones favorables aux accumulations phosphatkes, l’ktude skdimentologique des formations stkriles joue un r61e essentiel.

SUMMARY

The sedimentary calcium phosphates are opposed to the more usual lithological sequences by the distinct origin of the materials that have given them birth, by the quantitative difference existing between the influx of phosphates and the influx of contemporaneous barren materiel, and by the conditions of sedimentation. These oppositions serve as a guide to the research for phosphates which consists in localizing, at the same time, the periods and regions favourable for the genesis of phosphates and those unfavourable for an abundant sedimentation of barren material. The sedimentological study of the barren formations is essential during the phase of research of zones fwourable for the accumulation of phosphates.

BIBLIOGRAPHIE

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