Sensibilité aux antibiotiques et distribution des sérotypes des souches de Streptococcus pneumoniae isolées chez l’enfant à Tunis

Sensibilité aux antibiotiques et distribution des sérotypes des souches de Streptococcus pneumoniae isolées chez l’enfant à Tunis

Rec¸u le : 1 novembre 2007 Accepte´ le : 11 de´cembre 2008 Disponible en ligne 11 fe´vrier 2009 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com Me´m...

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Rec¸u le : 1 novembre 2007 Accepte´ le : 11 de´cembre 2008 Disponible en ligne 11 fe´vrier 2009

Disponible en ligne sur

www.sciencedirect.com

Me´moire original Antimicrobial susceptibility and serotype distribution of streptococcus pneumoniae isolates in children in Tunis H. Smaoui*, J. Amri, N. Hajji, A. Kechrid

Sensibilite´ aux antibiotiques et distribution des se´rotypes des souches de Streptococcus pneumoniae isole´es chez l’enfant a` Tunis

Laboratoire de microbiologie, hoˆpital d’enfants de Tunis Bab-Saadoun, 1006 Tunis, Tunisie

Summary Streptococcus pneumoniae is a major causative agent of severe infectious diseases. More than 90 pneumococcal serotypes are known, although most invasive and noninvasive diseases are associated with a much smaller number of serotypes. The aim of this study was to determine the antimicrobial susceptibility of S. pneumoniae isolates in children, the distribution of serogroups and serotypes, and the coverage by the serotypes included in the seven-valent peumococcal conjugate vaccine toward pneumococcal disease. This study investigated 210 nonrepetitive isolates of S. pneumoniae isolated between 1998 and 2004. Antimicrobial susceptibility was tested using the disk diffusion method as determined by the CA-SFM guidelines. Penicillin susceptibility was determined using the oxacillin 5-mg disk screening test. The MICs of penicillin G, amoxicillin, and cefotaxime were determined using the E-test (ABBIODISK). Serotype was determined using rapid latex agglutination (Pneumotest Latex) and the capsular reaction test used antisera from the Staten Serum Institute. The evaluation of susceptibility to ß-lactamins showed that 52.8% of the strains were penicillin non nusceptible strains (PNSs), 16.6% had decreased susceptibility to amoxicillin, and 8.5% to cefotaxime. Among noninvasive isolates, 55.2% were PNSs and 50.4% were invasive PNSs. The PNS strains were more frequently resistant to other antibiotics, with 68.4% resistance to erythromycine, 44.1% to trimethoprim-sulfamethoxazole, and 9.9% to chloramphenicol versus 32.3, 11.1, and 1%, respectively, in penicillin-susceptible strains. The predominant serogroups/serotypes of our study were 14 (22%), 23 (14.3%), 19 (11.9%), and 4 (8.5%). The study of the vaccine serotype distribution showed that the theorical vaccinal coverage of the seven valent vaccines was 62.8% for all the isolates, 55.2% for the invasive isolates, and 67.9% for the PNSs. ß 2008 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

* Auteur correspondant. e-mail : [email protected]

220 0929-693X/$ - see front matter ß 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s. 10.1016/j.arcped.2008.12.015 Archives de Pe´diatrie 2009;16:220-226

Re´sume´ Buts. Streptococcus pneumoniae est souvent incrimine´ dans des infections se´ve`res : pneumonies, me´ningites et septice´mies. Plus de 90 se´rotypes sont connus, mais la majorite´ des infections invasives et meˆme non invasives est associe´e a` un nombre limite´ de se´rotypes. Le but de cette e´tude e´tait la de´termination de la sensibilite´ aux antibiotiques des souches de S. pneumoniae, la distribution des se´rogroupes ou se´rotypes et la couverture des se´rotypes inclus dans le vaccin pneumococcique heptavalent conjugue´ vis-a`-vis des infections a` pneumocoque chez l’enfant. Me´thodes. Cette e´tude a concerne´ 210 souches non re´pe´titives de S. pneumoniae isole´es entre 1998 et 2004. L’e´tude de la sensibilite´ aux antibiotiques a e´te´ re´alise´e par la me´thode de diffusion en milieu ge´lose´ selon les recommandations du comite´ de l’antibiogramme de la Socie´te´ franc¸aise de microbiologie. La de´tection des pneumocoques de sensibilite´ diminue´e a` la pe´nicilline (PSDP) a e´te´ re´alise´e par le disque d’oxacilline charge´ a` 5 mg. Une de´termination de la CMI de la pe´nicilline G, de l’amoxicilline et du ce´fotaxime a e´te´ re´alise´e par la me´thode E-testW (ABBIODISK) pour toute souche ayant un diame`tre autour du disque d’oxacilline a` 5 mg infe´rieur a` 26 mm. Le se´rotypage des souches a e´te´ re´alise´ par la me´thode d’agglutination en utilisant le coffret Pneumo-Test-LatexW (Statens Serum Institut) et par la technique de gonflement de la capsule en utilisant des antise´rums monovalents spe´cifiques des se´rotypes correspondants au vaccin heptavalent antipneumococcique (6B, 9V, 18C, 19F et 23F) (Statens Serum Institut). Re´sultats. L’e´tude de la sensibilite´ aux b-lactamines a montre´ que 52,8 % des souches e´taient des PSDP, 16,6 % a` l’amoxicilline et 8,5 % au ce´fotaxime. Ainsi, 55,2 % des souches non invasives sont des PSDP contre 50,4 % des souches invasives. Les souches PSDP e´taient plus re´sistantes aux autres antibiotiques avec 68,4 % de re´sistance a` l’e´rythromycine, 44,1 % au trime´thoprime-sulfame´thoxazole et 9,9 % au chloramphe´nicol contre 32,3, 11,1 et 1 %

Streptococcus Pneumoniae : se´rotypes et sensibilite´ aux antibiotiques

respectivement chez les pneumocoques sensibles a` la pe´nicilline. Les se´rogroupes/se´rotypes pre´dominants dans notre e´tude e´taient : 14 (22 %), 23 (14,3 %), 19 (11,9 %) et 4 (8,5 %). L’e´tude des se´rotypes vaccinaux a montre´ que la couverture vaccinale the´orique du vaccin heptavalent conjugue´ e´tait de 62,8 % pour toutes les souches, de 55,2 % pour les souches invasives et de 67,6 % pour les PSDP. ß 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s. Mots cle´s : Sensibilite´ aux antibiotiques, Se´rotypes, Vaccination

1. Introduction Streptococcus pneumoniae (S. pneumoniae) est responsable de diffe´rents types d’infections. Certaines de ces infections ne sont pas invasives (otites et sinusites), d’autres sont particulie`rement se´ve`res tel que les pneumonies, les bacte´rie´mies et les me´ningites. Il est la cause d’une morbidite´ et d’une mortalite´ importantes aussi bien chez l’enfant que chez l’adulte [1]. Aux E´tats-Unis, la mortalite´ due aux infections pneumococciques est estime´e a` 40 000 cas par an [2]. S. pneumoniae est la 2e espe`ce en cause dans les me´ningites bacte´riennes apre`s le me´ningocoque [3]. Les infections a` pneumocoque posent des proble`mes the´rapeutiques majeurs par l’e´mergence de souches re´sistantes aux antibiotiques. S. pneumoniae est naturellement sensible a` la pe´nicilline mais actuellement on isole de plus en plus, et partout dans le monde, des souches de pneumocoques de sensibilite´ diminue´e a` la pe´nicilline (PSDP). Cette re´sistance ne se limite pas a` la pe´nicilline, mais elle touche d’autres ßlactamines et d’autres familles d’antibiotiques [4-6]. Chez S. pneumoniae, il existe une diversite´ des types capsulaires avec plus de 90 se´rotypes diffe´rents [7]. Cependant, un nombre limite´ de se´rotypes serait associe´ aux infections a` pneumocoques. En effet, 7 se´rotypes (4, 6B, 9V, 14, 18C, 19F, 23F) sont responsables de la majorite´ des infections chez l’enfant [8,9]. Il est inte´ressant de noter que ces 7 se´rotypes sont ceux qui composent le vaccin heptavalent. Ce sont aussi les se´rotypes les plus fre´quemment isole´es dans le portage nasopharynge´ chez l’enfant et les plus re´sistants aux antibiotiques [7,10]. La meilleure strate´gie pour diminuer l’incidence des infections invasives a` pneumocoque et pour empeˆcher la diffusion de l’antibiore´sistance serait l’administration d’un vaccin dirige´ contre la capsule polysaccharidique de cette bacte´rie. Le vaccin heptavalent, compose´ des polysaccharides capsulaires des 7 types diffe´rents conjugue´s a` une prote´ine porteuse, est immunoge`ne de`s l’aˆge de 2 mois. Ce vaccin est utilise´ aux E´tats-Unis depuis 2000 [11] et en France depuis 2002 [9].

Notre e´tude a consiste´ a` e´valuer la sensibilite´ aux antibiotiques des souches de pneumocoques isole´es chez l’enfant a` Tunis, a` pre´ciser la re´partition des se´rogroupes/ se´rotypes pour ces souches et la fre´quence des se´rotypes contenus dans le vaccin conjugue´ heptavalent.

2. Mate´riel et me´thodes 2.1. Souches bacte´riennes Deux cents dix souches non re´pe´titives de S. pneumoniae isole´es entre 1998 et 2004 ont fait l’objet de cette e´tude. Ces souches ont e´te´ subdivise´es en 2 groupes : des souches invasives provenant de sites normalement ste´riles (he´mocultures [n = 40], liquide ce´phalo-rachidien [LCR] [n = 52] et autres ponctions [n = 14] et des souches non invasives provenant de pre´le`vements pulmonaires (n = 77), de pus (n = 15) et de pre´le`vements de la sphe`re ORL (n = 12). La culture des souches a e´te´ re´alise´e sur ge´lose ColumbiaW (Biorad) additionne´e de 5 % de sang de cheval et incube´e sous 5 % de CO2 pendant 24h. L’identification des souches a e´te´ re´alise´e par le test de solubilite´ dans la bile et le test de sensibilite´ a` l’optochine.

2.2. E´tude de la sensibilite´ aux antibiotiques Elle a e´te´ re´alise´e par la me´thode de l’antibiogramme sur milieu ge´lose´ Mueller Hinton (Biorad) additionne´ de 5 % de sang de cheval selon les normes du comite´ de l’antibiogramme de la Socie´te´ franc¸aise de microbiologie (CA-SFM). Les antibiotiques teste´s e´taient : pe´nicilline G, amoxicilline, ce´fotaxime, e´rythromycine, clindamycine, pristinamycine, chloramphe´nicol, te´tracyclines, trime´thoprime-sulfame´toxazole, rifampicine, fosfomycine, vancomycine, teicoplanine. Pour la gentamicine, la strptomycine et la kanamycine, les disques utilise´s e´taient hautement charge´es. La de´tection des PSDP a e´te´ re´alise´e par le disque d’oxacilline charge´ a` 5 mg. La de´termination de la CMI de la pe´nicilline G, de l’amoxicilline et du ce´fotaxime a e´te´ re´alise´e par la me´thode 221

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E-testW (ABBIODISK) pour toute souche ayant un diame`tre autour du disque d’oxacilline a` 5 mg infe´rieur a` 26 mm. L’interpre´tation des CMI e´tait faite selon les normes du CA-SFM. Un controˆle de qualite´ interne a e´te´ re´alise´ par la souche de S. pneumoniae ATCC 49619.

2.3. De´termination des se´rogroupes et se´rotypes Elle a e´te´ re´alise´e par la me´thode d’agglutination de particules de latex sensibilise´es par des anticorps antipolysaccharidiques capsulaires [12] en utilisant le coffret Pneumo-Test-LatexW (Statens Serum Institut). Cette premie`re e´tape permet la de´termination du se´rogroupe et de certains se´rotypes. La 2e e´tape correspondant a` la de´termination des se´rotypes a e´te´ re´alise´e par la technique de gonflement de la capsule ou technique de Neufeld en utilisant des antise´rums monovalents spe´cifiques des se´rotypes correspondants au vaccin heptavalent antipneumococcique (6B, 9 V, 18C, 19F et 23F) (Statens Serum Institut). La lecture e´tait faite au microscope optique en contraste de phase [13]. Le controˆle de qualite´ a e´te´ re´alise´ par une souche de S. pneumoniae de se´rotype 1 (Statens Serum Institut).

3. Re´sultats Parmi les 210 souches e´tudie´es, 59,5 % (125 souches) ont e´te´ isole´es chez des enfants dont l’aˆge e´tait infe´rieur a` 2 ans (Tableau I). L’e´tude de la sensibilite´ aux b-lactamines a montre´ que 52,8 % des souches e´taient des PSDP, et que parmi eux, 7,1 % e´taient de haut niveau de re´sistance et 45,7 % de bas niveau de re´sistance. La re´sistance a` l’amoxicilline concernait 16,6 % des souches dont 1,9 % (4 souches) Tableau I

Distribution des souches de pneumocoques en fonction de l’aˆge et du site d’isolement. ˆ ge/type de pre´le`vement A

< 2 ans (nb)

2 a` 16 ans (nb)

Total (nb)

Pre´le`vements invasifs Liquide ce´phalo-rachidien He´mocultures Autres liquides de ponctionsa Pre´le`vements non invasifs Pulmonaires Pus auriculaires Autresb

33 27 7

19 13 7

52 40 14

43 7 8

34 5 7

77 12 15

Total

125

85

210

nb : nombre. a Ponctions articulaires et pleurales. b Pre´le`vements oculaires, nasaux, intra-abdominaux.

222

avaient un haut niveau de re´sistance. Pour le ce´fotaxime, 8,5 % des souches e´taient re´sistantes avec 1,4 % de haut niveau de re´sistance. Les fre´quences de re´sistance aux blactamines e´taient diffe´rentes selon la nature du pre´le`vement (Tableau II). Ainsi, 55,2 % des souches non invasives e´taient des PSDP (21,9 % avaient une sensibilite´ diminue´e a` l’amoxicilline et 11,4 % au ce´fotaxime), alors que pour les souches invasives, 50,4 % e´taient des PSDP (11,4 % avaient une sensibilite´ diminue´e a` l’amoxicilline et 5,7 % au ce´fotaxime). Concernant les macrolides, lincosamides et streptogramines : 54,3 % des souches e´taient re´sistantes a` l’e´rythromycine et 51,9 % a` la clindamycine mais toutes e´taient sensibles a` la pristinamycine. La re´sistance de haut niveau aux aminosides ne concernait qu’une seule souche pour la gentamicine (0,5 %), 29 souches pour la kanamycine (13,8 %) et 25 souches pour la streptomycine (11,9 %). Deux souches (1 %) e´taient re´sistantes a` la rifampicine et 27 souches (12,8 %) au chloramphe´nicol. Les PSDP e´taient beaucoup plus re´sistants aux autres familles d’antibiotiques, par comparaison aux pneumocoques sensibles a` la pe´nicilline (PSP) (fig. 1). Toutes les souches e´taient sensibles aux glycopeptides. La distribution des se´rogroupes/se´rotypes des 210 souches a montre´ la pre´dominance des se´rogroupes/se´rotypes 14 (22 %), 23 (14,3 %), 19 (11,9 %) et 4 (8,5 %). Les souches de PSDP (111 souches) appartenaient essentiellement aux se´rogroupes/se´rotypes 14 (26 %), 23 (19,5 %), 19 (18,6 %) et 9 (6,5 %) (fig. 2). L’e´tude des se´rotypes a montre´ que 132 souches (62,8 %) appartenaient aux se´rotypes vaccinaux, le se´rotype pre´dominant e´tant le 14 (22 %). Parmi les souches invasives (106 souches), 55,2 % (58 souches) appartenaientt aux se´rotypes vaccinaux (fig. 3). Les souches de pneumocoque appartenant aux se´rotypes vaccinaux repre´sentaient 56,7 % chez les enfants aˆge´s de moins de 2 ans (Tableau III). Concernant les PSDP, 67,6 % appartenaient aux se´rotypes vaccinaux.

Figure 1. Re´sistance des pneumocoques aux antibiotiques autres que la pe´nicilline. Sxt : trime´thoprime-sulfame´thoxazole, PSDP : pneumocoques de sensibilite´ diminue´e a` la pe´nicilline, PSP : pneumocoques sensibles a` la pe´nicilline.

Streptococcus Pneumoniae : se´rotypes et sensibilite´ aux antibiotiques

Tableau II

Fre´quence des re´sistances aux b-lactamines chez S. pneumoniae selon la nature du pre´le`vement. Pre´le`vement (nombre)

Pe´nicilline G

Ce´fotaxime

Amoxicilline

Bas NR

Haut NR

Bas NR

Haut NR

Bas NR

Haut NR

He´moculture (40) Liquide ce´phalo-rachidien (52) Autres ponctions* (14) Pre´le`vements pulmonaires (77) Pus auriculaire (12) Pus divers$ (15)

17 20 10 35 7 7

4 (10 %) 1 (1,9 %) 1 (6,6 %) 7 (9 %) 2 (16,6 %) 0

6 4 1 14 4 2

(15 %) (7,7 %) (6,6 %) (18,2 %) (33,3 %) (14,3 %)

0 1 (1,9 %) 0 3 (3,9 %) 0 0

4 1 1 6 2 1

0 0 0 3 (3,9 %) 0 0

Total (210)

96 (45,7 %)

15 (7,1 %)

31 (14,7 %)

4 (1,9 %)

15 (7,1 %)

(42,5 %) (38,4 %) (66,6 %) (45,4 %) (58,3 %) (50 %)

(10 %) (1,9 %) (6,6 %) (7,8 %) (16,6 %) (7 %)

3 (1,4 %)

NR : niveau de re´sistance ; * : ponctions articulaires et pleurales ; $ : pre´le`vements oculaires, nasaux et intra-abdominaux.

Figure 2. Distribution des se´rogroupes/se´rotypes de souches de pneumocoque de sensibilite´ diminue´e a` la pe´nicilline (111 souches). Autres : se´rogroupe 2, 3, 7, 12, 20, 33, 17 et souches non typables.

Figure 3. Re´partition en se´rogroupes/se´rotypes des 210 souches de S. pneumoniae (104 non invasives, 106 invasives). *NV : non vaccinaux ; **autres : 2, 3, 7, 12, 20, 33, 17 et souches non typables.

4. Discussion Dans notre e´tude, la moitie´ des souches invasives a e´te´ isole´e chez des enfants aˆge´s de 3 mois a` 2 ans. Ces souches provenaient essentiellement de LCR (49,5 %). S. pneumoniae est une cause majeure d’infections infantiles partout dans le monde. En effet, dans la population ge´ne´rale, le risque est 5 a` 10 fois plus e´leve´ chez les enfants de moins de 2 ans e´tant

donne´ leur faible taux d’anticorps antipneumococciques circulants [14]. Le pneumocoque est responsable de me´ningites particulie`rement graves, sources d’une mortalite´ e´leve´e et des se´quelles neurologiques lourdes [15]. En France, le pneumocoque occupe la premie`re place dans les infections bacte´riennes invasives de l’enfant aˆge´ de 3 mois a` 2 ans [14]. En Tunisie, il occupe la 2e place apre`s H. influenzae dans les me´ningites purulentes de l’enfant d’aˆge infe´rieur a` 3 ans [16]. 223

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Tableau III

Distribution des se´rotypes vaccinaux de S. pneumoniae selon l’aˆge et le type de pre´le`vement. Type d’infection

Invasive (106)

Se´rotype

< 2 ans (67)

Non invasive (104) 2 a` 16 ans (39) Nombre

2 a` 16 ans (46)

< 2 ans (58)

Nombre

%

%

Nombre

%

Nombre

%

4 6B 9V 14 18C 19F 23F

7 4 2 18 1 2 4

10,4 6 3 26,8 1,5 3 6

1 1 2 11 0 0 5

2,5 2,5 5,1 28,2 0 0 12,8

6 5 2 12 1 8 7

10,3 8,6 3,4 20,7 1,7 13,8 12

3 4 0 7 2 6 10

6,5 8,7 0 15,2 4,3 13 21,7

Total

38

56,7

20

51,1

41

70,5

32

69,4

Une e´tude re´trospective sur 8 ans concernant 73 enfants (aˆge me´dian : 8 mois) hospitalise´s pour me´ningite a` pneumocoque dans 4 services de pe´diatrie des hoˆpitaux universitaires du centre de la Tunisie, a confirme´ la gravite´ de ces infections avec un taux de mortalite´ de 13,7 %, et de se´quelles neurologiques dans 34,5 % des survivants [17]. Depuis la description en 1967 en Australie de la premie`re souche de PSDP, la re´sistance du pneumocoque a` la pe´nicilline G n’a cesse´ de progresser partout dans le monde avec l’apparition de souches multire´sistantes. Des cas d’e´checs the´rapeutiques lors du traitement des me´ningites par la pe´nicilline G ou le ce´fotaxime ont e´te´ de´crits [18] notamment en Tunisie [19]. L’isolement de PSDP est plus fre´quent chez l’enfant que chez l’adulte [14]. En France, le taux de PSDP est de 70 % chez l’enfant, et 48 % chez l’adulte en 1999 [20]. Dans une e´tude tunisienne multicentrique [4], le taux de PSDP e´tait e´leve´ et classait la Tunisie parmi les pays a` haute pre´valence de PSDP. Dans la pre´sente e´tude, faite sur une population pe´diatrique, le taux de PSDP a e´te´ de 52,8%, tous pre´le`vements confondus. Cette re´sistance e´leve´e du pneumocoque aux antibiotiques dans notre pays pourrait eˆtre explique´e par l’autome´dication et l’absence de politique ge´ne´rale de restriction de l’usage des antibiotiques. Il y a tre`s peu d’e´tudes re´alise´es en Tunisie sur les habitudes de prescription des antibiotiques. Une e´tude a montre´ une prescription facile des antibiotiques par les me´decins (dans 93 % des cas une b-lactamine) dans la prise en charge des angines [21]. Des e´tudes europe´ennes ont montre´ que la diffe´rence des taux de re´sistance aux antibiotiques chez le pneumocoque dans les diffe´rents pays e´tait corre´le´e a` la consommation d’antibiotiques par habitant et particulie`rement a` l’utilisation des b-lactamines [14,22]. Des diffe´rences dans les taux de PSDP sont classiquement de´crites entre les souches invasives et non invasives, les souches non invasives e´tant habituellement plus re´sistantes [4,14]. Dans notre 224

e´tude, 50,4 % des souches invasives e´taient des PSDP, versus 55,2 % pour les souches non invasives. Cette diminution de la sensibilite´ a` la pe´nicilline G s’accompagne d’une diminution de la sensibilite´ aux autres b-lactamines d’intensite´ variable selon les mole´cules. Cela impose la de´termination de la CMI des mole´cules susceptibles d’eˆtre utilise´es dans le traitement de toute infection a` PSDP. Vis-a`-vis des pneumocoques re´sistants a` la pe´nicilline, certaines b-lactamines restent constamment plus actives que la pe´nicilline G, c’est le cas de l’amoxicilline et des ce´phalosporines de 3e ge´ne´ration telles que le ce´fotaxime. Dans notre e´tude, la sensibilite´ diminue´e a` l’amoxicilline et au ce´fotaxime concernait 16,6 % et 8,5 % des souches respectivement. La part de la re´sistance de haut niveau e´tait de 1,9 % pour l’amoxicilline et 1,4 % pour le ce´fotaxime. En France, la re´sistance a` ces 2 mole´cules dans une e´tude effectue´e en 2002 [6] e´tait de 5,8 % pour l’amoxicilline, et 2,9 % pour le ce´fotaxime. Les b-lactamines sont certainement les antibiotiques de choix dans le traitement des infections pneumococciques, mais l’apparition de re´sistances vis-a`-vis de cette famille impose de tester la sensibilite´ d’autres mole´cules. Parmi elles, les macrolides constituent le traitement de premie`re intention dans les infections pulmonaires et ORL [23]. Mais la re´sistance du pneumocoque a` ces mole´cules prend actuellement de l’ampleur. Elle est en augmentation rapide et actuellement beaucoup plus importante que la re´sistance aux b-lactamines dans de nombreux pays du monde [8,24]. Dans notre e´tude, 54,3 % des souches e´taient re´sistantes a` l’e´rythromycine. En France, cette re´sistance est de 70 % pour les souches de pneumocoque isole´es chez l’enfant [20] et en Espagne, la re´sistance aux macrolides est de 44 % [24]. La fre´quence de la re´sistance aux macrolides, ainsi qu’a` d’autres antibiotiques, est plus marque´e chez les souches de PSDP. Ainsi, dans notre e´tude, la re´sistance a` l’e´rythromycine, au trime´thoprime-sulfame´thoxazole et au chloramphe´nicol chez les PSDP e´tait

Streptococcus Pneumoniae : se´rotypes et sensibilite´ aux antibiotiques

respectivement de 68,4, 44,1 et 9,9 % versus 32,3, 11,1 et 1 % respectivement pour les PSP. Des re´sultats similaires ont e´te´ trouve´s dans d’autres e´tudes [22,25]. La gravite´ de la maladie, associe´e a` une re´sistance e´leve´e a` la majorite´ des the´rapeutiques disponibles, imposent une strate´gie pre´ventive efficace. Le vaccin pneumococcique conjugue´ assure une re´ponse T-de´pendante qui induit une re´ponse immunitaire forte chez l’enfant aˆge´ de moins de 2 ans [17]. Les se´rotypes inclus dans le vaccin (6B, 9V, 18C, 19F et 23F) sont responsables de la majorite´ des infections respiratoires et invasives chez l’enfant. Ces meˆme se´rotypes sont les plus concerne´s par la re´sistance aux b-lactamines et repre´sentent la grande majorite´ des isolats de portage rhinopharynge´ chez l’enfant. Ce portage repre´sente le point de de´part des infections pneumococciques [14]. Dans notre e´tude, le se´rotype 14 e´tait le plus fre´quent parmi les souches invasives et les PSDP. Des re´sultats similaires ont e´te´ observe´s en France [6], aux E´tats-Unis [8] et en Grande Bretagne [11]. Aux E´tats-Unis et avant l’introduction du vaccin conjugue´ en 2000, 80 % des infections invasives a` pneumocoque e´taient cause´es par les se´rotypes inclus dans le vaccin heptavalent. L’introduction de ce vaccin a entraıˆne´ une diminution des infections invasives a` pneumocoque dans la population cible, mais aussi dans la population non vaccine´e par la diminution du portage nasopharynge´ des se´rotypes vaccinaux [26]. En France, la couverture vaccinale the´orique du vaccin e´tait de 70 % pour les me´ningites de l’enfant de moins de 2 ans et de plus de 80 % pour les PSDP en 2001/2002 (avant son remboursement et sa large utilisation) [27]. La surveillance des se´rotypes responsables d’infections invasives chez l’enfant dans la pe´riode postvaccinale montre une diminution de l’incidence des me´ningites a` pneumocoque [28] avec une diminution des se´rotypes vaccinaux responsables de ces me´ningites chez l’enfant aˆge´ de moins de 2 ans [29]. Dans notre e´tude, la couverture vaccinale the´orique du vaccin conjugue´ heptavalent e´tait de 62,8 % (55,2 % pour les souches invasives et 67,7 % pour les souches de PSDP). De ce fait, l’introduction de ce vaccin ainsi que sa ge´ne´ralisation dans la population serait be´ne´fique chez l’enfant tunisien. Ce vaccin existe sur le marche´ tunisien depuis le 25 janvier 2008, mais il n’est pas encore ge´ne´ralise´. Il exerce une pression de se´lection sur les souches de pneumocoque au niveau du rhinopharynx, ce qui pourrait avoir comme re´sultat une diminution des souches de portage appartenant aux se´rotypes vaccinaux, et une augmentation du portage des se´rotypes non vaccinaux. La mise en place de la vaccination doit donc s’accompagner de la surveillance des se´rotypes des souches isole´es de portage, mais aussi responsables d’infections respiratoires ou invasives.

5. Conclusion Ce travail fournit des re´sultats tre`s importants sur l’e´pide´miologie des infections a` pneumocoque chez l’enfant en Tunisie, et souligne la ne´cessite´ de la mise en place d’un programme national de surveillance des se´rotypes et de la sensibilite´ aux antibiotiques des souches de pneumocoque responsables d’infections chez les enfants vaccine´s et non vaccine´s, mais aussi chez l’adulte. Remerciements Remerciements aux laboratoires Wyeth pour leur soutien dans la re´alisation de ce travail.

Annexe A. Mate´riel comple´mentaire Supplementary data associated with this article can be found, in the online version, at doi:10.1016/j.arcped.2008.12.015.

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