L’Encéphale (2010) 36, 307—313
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PSYCHIATRIE DE L’ENFANT
Signes neurologiques mineurs et troubles envahissants du développement Neurological soft signs in pervasive developmental disorders S. Halayem ∗, A. Bouden , M.B. Halayem , K. Tabbane , I. Amado , M.O. Krebs Service de pédopsychiatrie, hôpital Razi, rue des Orangers, 2010 La-Manouba, Tunisie Rec ¸u le 13 mars 2009 ; accepté le 19 octobre 2009 Disponible sur Internet le 7 mars 2010
MOTS CLÉS Autisme ; Troubles envahissants du développement NS ; Signes neurologiques mineurs
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Résumé Objectifs. — Évaluer la prévalence des signes neurologiques mineurs dans deux sous-types de troubles envahissants du développement (TED) : le trouble autistique (TA) et les TED non spécifiés (TED NS) et rechercher des corrélations entre ces signes et les caractéristiques cliniques. Méthodologie. — Vingt et un enfants âgés de six à 11 ans (dix souffrant de TA et dix souffrant de TED NS) ont été comparés à un groupe de témoins appariés par âge, sexe et niveau d’intelligence. Une forme adaptée à l’enfant de l’échelle des signes neurologiques mineurs (SNM) de Krebs et al. a été utilisée. Le diagnostic de TA et de TED a été réalisé à l’aide de l’autism diagnostic interview-revised (ADI-R), conformément aux critères du DSM IV. La childhood autism rating scale (CARS) a évalué la sévérité des symptômes au moment de l’examen. Le niveau cognitif a été évalué avec les matrices colorées de Raven. Résultats. — Les performances à l’échelle de SNM étaient significativement altérées chez les enfants souffrant de TA en comparaison aux témoins en ce qui concerne les facteurs d’intégration motrice et sensorielle. Pour les enfants souffrant de TED NS, les performances étaient significativement moindres au niveau des scores total, de coordination motrice, d’intégration motrice, d’intégration sensorielle et des mouvements anormaux. Dans le groupe des enfants souffrant de TA, la coordination motrice était d’autant plus altérée que le score de communication à l’ADI-R était élevé. Aucune corrélation entre le score total à la CARS et les scores à l’échelle de Krebs et al. n’a été retrouvée dans les deux populations cliniques. Conclusion. — Nos résultats sont conformes à la littérature en ce qui concerne la présence accrue de SNM chez les enfants présentant un TED. La présence de corrélation entre SNM et les symptômes autistiques à l’ADI-R, parallèlement à l’absence de corrélation avec le score de la CARS, confirme le caractère endophénotypique des SNM dans l’autisme. © L’Encéphale, Paris, 2010.
Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (S. Halayem).
0013-7006/$ — see front matter © L’Encéphale, Paris, 2010. doi:10.1016/j.encep.2009.12.012
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KEYWORDS Autism; Pervasive developmental disorder not otherwise specified; Neurological soft signs
S. Halayem et al. Summary Background. — Many studies have focused on specific motor signs in autism and Asperger’s syndrome, but few has been published on the complete range of neurological soft signs (NSS) in children with pervasive developmental disorder (PDD). Scarce are the studies evaluating NSS in children suffering from PDD not otherwise specified (PDDNOS). Methods. — This study compared performance of 11 autistic children (AD) and 10 children with PDDNOS, with controls matched on age, sex and cognitive performance on Krebs et al.’s NSS scale. Because of the duration of the assessments and specific difficulties encountered in managing some items, an adaptation of the scale had to be made during a pilot study with the agreement of the author. To be eligible, patients had to meet the following inclusion criteria: an age range of 6—16 years, a diagnosis of autistic disorder or PDDNOS based on the DSM IV criteria (American Psychiatric Association 1994). The autism diagnostic interview-revised (ADI-R) was used in order to confirm the diagnosis and to evaluate the association of the symptoms to the severity of the NSS. The childhood autism rating scale (CARS) was completed for the patients in order to evaluate symptoms at the time of the NSS examination. Cognitive ability was assessed with Raven’s progressive matrices. Were excluded patients with: history of cerebral palsy, congenital anomaly of the central nervous system, epilepsy, known genetic syndrome, tuberous sclerosis, neurofibromatosis, antecedent of severe head trauma, Asperger’s syndrome, obvious physical deformities or sensory deficits that would interfere with neurological assessment, deep mental retardation and recent or chronic substance use or abuse. Healthy controls shared the same exclusion criteria, with no personal history of neurological, psychiatric disorder or substance abuse, no family history of psychiatric disorder and normal or retardation in schooling. All study procedures were approved by the local Ethics Committee (Comité d’éthique, Razi Hospital), according to the declaration of Helsinki. Results. — There was no difference between patients and controls with respect to sex, age and cognitive function. All children had an IQ higher than 81. Significant differences were found between AD children and control group in the motor integration function and sensory integration function. Different NSS scores were significantly higher in the PDDNOS group than in controls: the total scores, motor coordination, motor integration function, sensory integration and abnormal movements. Lower performance in motor coordination skills was associated with higher ADI-R communication score in the AD group. No relationship was found between NSS and CARS’ total sore. Conclusion. — This study confirms the impaired neurological functioning in autistic as well as PDDNOS children. The association of motor impairment with autistic symptoms highlights the argument that motor control problems can be part of the autism spectrum disorders. The lack of relationship between NSS and intellectual aptitude in the clinical sample provides new elements for the neurodevelopment model of the autism spectrum. © L’Encéphale, Paris, 2010.
Introduction Les descriptions d’enfants souffrant de troubles envahissants du développement (TED), en particulier ceux présentant un trouble autistique (TA) et un syndrome d’Asperger (SA), ont mis l’accent sur certaines caractéristiques de la motricité dans cette population comme une gaucherie ou des anomalies du tonus [2,19]. Les troubles du contrôle moteur ont été, de ce fait, proposés comme faisant partie intégrante du spectre de l’autisme [1,37]. Cette hypothèse découle de nombreux travaux qui ont montré la présence de troubles de la coordination et plus largement de signes neurologiques mineurs (SNM) chez des enfants présentant différents sous-types de TED tels que le trouble autistique, le SA et les TED non spécifiés (TED NS) [12,25,26,28]. Les SNM regroupent essentiellement des anomalies de l’équilibre et de la marche, de la coordination motrice, des fonctions intégratives sensorielles, de la latéralisation, de la persistance de réflexes archaïques.
Les rapports aux TED des anomalies de la coordination motrice et des SNM ont fait l’objet d’un intérêt croissant. Les travaux qui ont évalué ces anomalies ont utilisé plusieurs instruments d’évaluation standardisés. Le movement assessment battery for children (M-ABC) a été utilisé chez des patients souffrant de SA et de TA à haut niveau (HFA). Dans l’étude de Henderson et Sugden [17] comme dans celle de Manjiviona et Prior [26], il y avait des troubles de la coordination dans ces deux populations. Miyahara et al. [28] ont comparé deux groupes d’enfants et d’adolescents souffrant de SA et de troubles des apprentissages et n’ont pas trouvé de différence entre ces groupes. Les enfants évalués n’étaient toutefois pas appariés par degré d’intelligence. Green et al. [14] ont comparé des enfants présentant un SA à un groupe d’enfants souffrant de trouble du langage. Le premier groupe présentait plus d’anomalies au M-ABC. Deux études ont utilisé le Bruininks-Oseretsky test (BOT ; Bruininks [4]), test de coordination fine et globale : Ghaziud-
Signes neurologiques mineurs et troubles envahissants du développement din et Buttler [12] ont comparé des enfants d’intelligence normale, présentant un autisme à haut fonctionnement, un SA et des TED NS. Les trois groupes présentaient des troubles équivalents de la coordination. La seconde étude, celle de Dewey et al. [8], ont retrouvé plus de troubles de la coordination chez des patients appartenant au spectre autistique que chez ceux présentant un trouble acquisition de la coordination ou un trouble hyperactivité déficit de l’attention. L’échelle Zurich neuromotor assesssment a été utilisée par Freitag et al. [11] pour comparer des adolescents souffrant de TA ou de SA à des sujets témoins appariés par âge, sexe et intelligence. Les patients avaient d’importants troubles de l’équilibre dynamique et une adiadococinésie marquée importants. Cette dernière était corrélée positivement aux anomalies de l’interaction sociale à l’autism diagnostic interview-revised (ADI-R). Les corrélations adiadococinésie/anomalies de la communication (ADI-B), trouble de l’équilibre dynamique/comportements répétitifs et patterns stéréotypés (ADI-C), enfin anomalie dans les mouvements complexes/anomalies de l’interaction (ADI-A), tendaient vers la signification. Dyck et al. [9] ont évalué les rapports entre la sévérité des symptômes à l’ADI-R et la coordination motrice (évaluée à l’aide du McCarron assessment of neuromuscular development). Ils ont également étudié les rapports entre la sévérité des symptômes et les performances cognitives comme le langage, l’efficience intellectuelle et la théorie de l’esprit de sujets ayant un TA. Des troubles de la coordination motrice ont été retrouvés chez 86 % des patients. Dans ce travail, les anomalies de la coordination étaient liées à un score élevé d’anomalies de l’interaction sociale à l’ADI-R. Jansiewicz et al. [18], ainsi que Dziuk et al. [10] ont utilisé la physical and neurological exam for subtle signs (PANESS [6]), échelle de SNM, pour comparer les performances d’enfants d’intelligence normale, ayant un trouble du spectre de l’autisme (TA et SA), à des témoins normaux. Les patients présentaient significativement plus de SNM. Ainsi, les enfants souffrant de TED présentent de fac ¸on unanime plus de trouble de la coordination que les enfants normaux, mais aussi plus que ceux présentant les troubles suivants : trouble acquisition de la coordination, trouble hyperactivité—déficit de l’attention, troubles du langage. Peu d’études ont à ce jour évalué l’ensemble des SNM chez les enfants souffrant de TED, cela en partie du fait de difficultés méthodologiques notamment dans l’évaluation des SNM grâce à des tests standardisés : longue durée de passation des échelles [11,18,25] ou difficultés de cotation [25]. Les rapports entre les SNM et la sémiologie ont rarement été étudiés et peu d’études se sont intéressées aux sous-groupes de TED comme les TED NS. Cette étude se propose donc d’objectiver, par une échelle standardisée, la présence de SNM dans deux TED (le TA et les TED NS) et de rechercher des corrélations entre SNM et caractéristiques cliniques.
Méthodologie La population Ce travail a été conduit au sein de deux services : le service de pédopsychiatrie de l’hôpital Razi (Tunis) et la
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consultation de pédopsychiatrie de l’hôpital Fattouma Bourguiba de Monastir (centre de la Tunisie). Les patients Trois groupes d’enfants âgés de six à 12 ans ont été évalués : un groupe de 11 patients souffrant de TA, un groupe de dix patients souffrant de TED NS et un groupe de témoins sains appariés par âge, sexe et niveau d’intelligence. Ont été inclus les patients répondant aux critères du DSM IV [1] de TED NS et de TA. Ont été exclus les patients ayant un trouble neurologique connu associé, un syndrome génétique identifié, des antécédents de traumatisme crânien sévère, des antécédents de souffrance fœtale aiguë, une malformation physique ou un trouble sensoriel interférant avec l’évaluation des SNM, un retard mental et un abus récent ou ancien de substance. Les témoins Ont été inclus comme témoins les sujets sains sans antécédents psychiatriques et sans antécédents personnels d’abus de substance, sans d’antécédents familiaux psychiatriques jusqu’au second degré et sans échec scolaire. Les témoins ont été examinés par un médecin scolaire et les informations concernant leur développement ont été recueillies auprès des parents. Les critères d’exclusion étaient identiques à ceux des patients.
Les outils d’évaluation L’autism diagnostic interview-revised (ADI-R) L’ADI-R [15] a été utilisé pour confirmer le diagnostic et pour évaluer les rapports entre sémiologie et SNM. L’ADI-R, golden standard du diagnostic de l’autisme, est en accord avec les critères diagnostiques du DSM IV et de la CIM 10 [23]. Bien qu’il assure une bonne discrimination entre TA et TED NS, son algorithme ne permet pas d’isoler le SA. De ce fait, les enfants remplissant les critères de TA et ne présentant aucun retard de langage ont été considérés comme souffrant d’un SA et exclus de l’étude. Les enfants classés comme TED NS étaient ceux qui remplissaient une partie mais pas tous les critères diagnostiques du TA. Tous ces enfants présentaient un retard de langage, ce qui exclut le diagnostic de SA selon les critères du DSM IV. Childhood autism rating scale La childhood autism rating scale (CARS) [35] a été employée afin d’évaluer la sévérité des symptômes au moment de l’examen des SNM. Créée en adéquation aux critères du DSM III R, elle reste adaptée aux critères du DSM IV [1,33]. Les matrices colorées progressives de Raven Les matrices colorées progressives de Raven [34] ont permis l’évaluation du niveau d’intelligence. Cet instrument, considéré aussi comme un test d’habileté visuospatiale [7], a été choisi car il est largement reconnu comme instrument d’évaluation de l’intelligence non verbale [3,5,24,27]. Son coté attractif rend facile et rapide l’évaluation d’enfants présentant un déficit de l’attention conjointe ou une anxiété. Les scores obtenus au CPM ont été convertis en QI selon les normes anglaises de 1999, grâce au Modulotest qui contient la forme informatisée des matrices de Raven.
310 L’échelle des signes neurologiques mineurs [20,21] Cette échelle standardisée est constituée de 23 SNM et de deux échelles évaluant les signes extrapyramidaux et les mouvements anormaux que sont respectivement l’échelle Simpson et Angus [22,36] et l’échelle abnormal involuntary movement scale (AIMS) [16,29]. Les 23 SNM sont regroupés en cinq facteurs : • la coordination motrice (dysrythmie de la main, opposition des doigts, épreuve poing—tranche—paume, vitesse de la main et du pied lors de mouvements alternatifs, équilibre en ligne) ; • l’intégration motrice (asymétrie droite—gauche, praxie idéomotrice : précision des gestes exécutés, épreuve de Romberg, épreuve doigt—nez—oreille d’adiadococinésie, marche en ligne, protrusion de la langue) ; • l’intégration sensorielle (stéréognosie, extinction sensorielle droite—gauche, praxie constructive, graphesthésie, reconnaissance droite—gauche sur l’examinateur) ; • les mouvements involontaires (mouvements anormaux et posture, mouvements en miroir, syncinésies) ; • la qualité de la latéralisation (type [droite/gauche] et homogénéité, confusion droite—gauche sur le sujet luimême) adaptée à partir du « Edinburg Inventory » [31]. Chaque item est coté de 0 à 3 selon une description prédéfinie. Du fait que cette échelle évalue les performances aussi bien au niveau de l’hémicorps droit que de l’hémicorps gauche, les différences de latéralisation entre témoins et patients ne peuvent expliquer les différences de score entre les groupes. Cette échelle ayant été élaborée et validée pour une population adulte [13], nous avons procédé à une étude pilote afin de tester sa maniabilité chez l’enfant, en particulier celui souffrant de TED. Au terme de cette étude, une adaptation de l’échelle s’est avérée nécessaire, adaptation effectuée sous la supervision de ses auteurs (Pr. M.O. Krebs) et d’experts pédopsychiatres ayant une longue expérience en matière de TED. Les modifications apportées étaient les suivantes : modifications de l’ordre des items, utilisation de supports concrets et d’autres modifications. Modifications de l’ordre des items. Dans le but de faciliter la passation en commenc ¸ant par les consignes les plus aisées, les items ont été passés dans l’ordre suivant : • les items assis : latéralisation et apraxie ; • les reconnaissances droite/gauche sur le sujet lui-même et l’examinateur ; • l’exécution de mouvements avec jugement de la qualité de la symétrie des mains et des pieds (items 24—30) ; • les items papier—crayon : stéréognosie, graphesthésie, échelle, cube, labyrinthe, intégration temporelle et visuomotrice ; • les items réalisés debout, la marche, l’adiadococinésie, le Romberg, l’équilibre talon pointe et enfin la marche talon pointe. Utilisation de supports concrets. Utilisation de supports concrets lors de l’examen de la latéralisation (utilisation d’une cuillère, d’un ballon. . .), sans mimer le geste. Autres modifications. Pour l’item graphesthésie, nous avons préféré utiliser les chiffres car les lettres peuvent
S. Halayem et al. s’écrire de différentes manières en arabe et avantageaient les adolescents. Pour chaque main, nous avons passé les dix chiffres dans le désordre. Concernant l’extinction droite/gauche, effectué après l’item 10 : pour ceux qui distinguaient mal leur gauche de leur droite, étaient considérées comme correctes les réponses où l’enfant montrait avec son doigt le côté où il avait été touché. L’examen neurologique des SNM a été réalisé par le même investigateur qui s’était préalablement entraîné à la passation de l’échelle. L’examen des signes neurologiques majeurs a été réalisé par des spécialistes en neurologie.
Analyses statistiques L’étude statistique a été réalisée à l’aide du logiciel SPSS dans sa 13e version. Les moyennes des scores entre les patients et les témoins ont été comparées et le caractère significatif des différences a été étudié pour chacun des groupes appariés. Du fait du caractère limité des échantillons, le test de Mann-Witney a été utilisé. Pour l’étude des différences aux niveau des scores de l’échelle de Krebs et al., chaque groupe de patients a été comparé au groupe de témoins qui lui a été apparié. Les corrélations avec les caractéristiques cliniques ont été évaluées au sein de chaque groupe, à l’aide du test non paramétrique de Spearman. Les résultats ont été considérés comme significatifs pour un p < 0,05.
Considérations éthiques Cette étude a été effectuée après le consentement éclairé des parents et des enfants évalués (quand cela était possible pour ces derniers). Les procédures de l’étude ont été approuvées par le Comité d’éthique local de hôpital Razi conformément à la déclaration de Helsinki.
Résultats La population Description de la population Onze enfants souffrant de TA et leurs témoins appariés par âge et sexe, et dix enfants souffrant de TED NS et leurs témoins appariés par âge et par sexe ont été évalués. Le sex-ratio des enfants souffrant de TA était de dix garc ¸ons pour une fille et de six garc ¸ons pour quatre filles pour les enfants présentant un TED NS. L’âge moyen des enfants autistes était de 8,9 ans (DS : 2,2) ; chez les enfants souffrant de TED NS, l’âge moyen était de 9,9 ans (DS : 1,8). Il n’y avait pas de différence significative concernant l’âge ou le niveau d’intelligence lors de la comparaison des deux groupes de patients avec leurs témoins appariés respectifs. Tous les patients avaient un QI supérieur à 81. Le QI moyen des enfants autistes était de 115,8 (DS : 14,8) et de 97,4 dans le groupe des TED NS. Il n’y avait pas de différence significative entre patients et témoins en ce qui concerne le QI. Sept patients recevaient des antipsychotiques au moment de l’évaluation. Aucun d’entre eux ne présentait de signe extrapyramidal.
Signes neurologiques mineurs et troubles envahissants du développement Scores à la Childhood autism rating scale Dans le groupe des enfants souffrant de TA, huit enfants présentaient au moment de l’évaluation un autisme léger (score compris entre 30 et 37). Aucun enfant ne présentait d’autisme sévère. Les trois derniers patients, du fait d’une bonne évolution, présentaient un score inférieur à 30. Dans ce groupe, la moyenne à la CARS était de 30,81 (DS : 2,67) ; le minimum était de 27 et le maximum de 36. Dans le groupe des enfants souffrant de TED NS, aucun enfant n’atteignait le score seuil de l’autisme au moment de l’évaluation. La moyenne à la CARS était de 25,85 (DS : 2,86), le minimum de 21 et le maximum de 29. Les moyennes du score total à la CARS étaient significativement plus élevées (p = 0,001) pour le groupe des enfants souffrant de TA que pour celui des enfants souffrant de TED NS.
Scores à l’autism diagnostic interview-revised Les sujets ayant un TA avaient des scores significativement plus élevés que le second groupe au niveau des anomalies de l’interaction sociale réciproque (p = 0,01), de la communication (p = 0,018) et des comportements répétitifs et patterns stéréotypés (p = 0,016).
Évaluation et comparaison des signes neurologiques mineurs dans les groupes de patients et de témoins Les patients souffrant de TA avaient des scores significativement plus élevés que les témoins au niveau des items intégration motrice (p = 0,046 ; r = 0,57) et sensorielle (p = 0,031 ; r = 0,39). Les patients souffrant de TED NS avaient des scores significativement plus élevés que les témoins en ce qui concerne le score total (p ≤ 10−4 ; r = 0,582), le score des items : coordination motrice (p = 0,018 ; r = 0,427), intégration motrice (p = 0,009 ; r = 0,078), intégration sensorielle (p = 0,031 ; r = 0,20) et mouvements anormaux (p = 0,0218 ; r = 0,412).
Corrélations entre les symptômes autistiques et les signes neurologiques mineurs Childhood autism rating scale Aucune corrélation entre le score total à la CARS et les scores à l’échelle de Krebs et al. n’a été retrouvée dans les deux populations cliniques.
Autism diagnostic interview-revised Dans le groupe des enfants souffrant de TA, la coordination motrice était d’autant plus altérée que le score de communication à l’ADI-R était élevé (p = 0,038 ; r = 0,630). La corrélation entre le score total des SNM et la communication tendait vers la significativité (p = 0,060) dans ce groupe. Dans le groupe souffrant de TED NS, seule la corrélation entre la coordination motrice (échelle de SNM) et les comportements répétitifs (ADI-R) tendaient vers la significativité (p = 0,076).
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Discussion Dans notre travail, les deux groupes de patients présentaient une moindre performance à l’échelle des SNM de Krebs et al. en comparaison aux sujets témoins appariés par âge, sexe et niveau d’intelligence. Les enfants souffrant de TA présentaient une altération des fonctions de coordination et d’intégration motrice alors que les anomalies étaient plus étendues dans le groupe des enfants souffrant de TED NS, chez qui tous les facteurs à l’exception du facteur latéralisation étaient altérés. Ces différences plus prononcées dans le groupe des TED NS par rapport au groupe TA ne peuvent être expliquées par des antécédents périnataux (notamment infectieux) ou pathologiques neurologiques ou génétiques intercurrents puisque ces derniers constituaient des critères d’exclusion. Dans le groupe des enfants souffrant de TA, on relève des scores plus élevés au niveau de l’intégration motrice et de l’intégration sensorielle. Le facteur d’intégration motrice regroupe de nombreux signes pouvant être rapportés à une dimension cérébelleuse (ataxie, marche talon-pointe, épreuve doigt/nez, marche). Le facteur d’intégration sensorielle regroupe les réflexes d’extinction droite/gauche, la reconnaissance droite/gauche, la stéréognosie, la praxie constructive et la graphestésie. Les résultats observés dans notre étude sont proches de ceux retrouvés par Freitag et al. [11] qui relèvent chez des enfants autistes de haut niveau et des enfants souffrant du SA comparés à des témoins, des troubles de l’équilibre statique et une adiadococinésie. Ghaziuddin et Butler [12] utilisant le test de Bruininks Ozeretsky ont aussi retrouvé des troubles de la coordination chez des enfants souffrant de troubles autistiques (les items de l’intégration motrice sont compris dans le facteur de coordination motrice globale dans ce test). Les différences retrouvées pour les enfants souffrant de TED NS sont proches de ceux de Ghaziuddin et Butler [12] qui ont relevé des troubles de la coordination fine et globale chez des enfants souffrant de cette pathologie. La CARS révèle dans notre travail une relative homogénéité des deux groupes sur le plan clinique. Il n’existe pas par ailleurs de corrélation entre le score total à la CARS et les SNM dans notre travail et ce pour les deux populations. Certes, il n’existe pas d’études similaires antérieures qui nous aideraient à étayer et à interpréter ces résultats toutefois nous pouvons proposer deux hypothèses face à ce constat. D’abord, la présence de scores bas à la CARS et la distribution étroite de ces derniers, témoignant d’une bonne évolution clinique au moment de l’examen des SNM peut expliquer une absence de corrélation avec les scores à l’échelle de Krebs et al. Par ailleurs, cette absence de corrélation constitue un argument supplémentaire en faveur du caractère endophénotypique des SNM dans les TED [30]. En ce sens, que les SNM restent présents indépendamment de l’évolution de la maladie. Dans le groupe des enfants autistes, nous avons retrouvé une corrélation significative entre la sévérité des troubles de la communication (ADI-C) et les troubles de la coordination motrice. Deux autres résultats tendent vers la significativité : la sévérité des troubles de la communication est liée à l’importance du score total des SNM ; et l’intensité des comportements répétitifs est liée à l’altération de l’intégration motrice. Ces résultats sont conformes au
312 travail de Dyck et al. [9] qui ont trouvé que les anomalies de la coordination évaluées par le test de Mac Marron étaient corrélées à la sévérité des symptômes du registre B de l’ADIR. Dans le même registre, l’étude de Freitag et al. [11] a relevé que les troubles de l’interaction et de la communication étaient corrélés à la sévérité de l’adiadococinésie (élément de l’intégration motrice dans l’échelle de Krebs et al.). Ces deux derniers résultats sont à rapprocher de nos observations puisque l’intégration motrice comporte parmi ses composantes l’équilibre dynamique. Sans être parfaitement superposables, les deux études s’accordent quant à l’existence d’un lien manifeste entre la sévérité initiale des troubles autistiques et les SNM. Pour le groupe des enfants présentant un TED NS, quelques résultats tendent vers la significativité : les comportements répétitifs sont corrélés au score total des SNM et les troubles de la communication aux mouvements involontaires. Nous ne pouvons, à ce niveau de l’étude, proposer aucun commentaire face à ce résultat d’autant qu’aucune étude similaire ne s’y est intéressée. L’augmentation de l’échantillon de notre population est nécessaire pour confirmer ou infirmer ce constat. Notre étude confirme donc deux données essentielles : les SNM sont significativement plus représentés chez les enfants souffrant de TED (en particulier de TED NS) et leur prévalence est indépendante de la sévérité actuelle de la maladie : ils peuvent donc être considérés comme des marqueurs endophénotypiques des TED. Par ailleurs, le fait que, dans ce travail comme dans les travaux antérieurs [9,11], on ait retrouvé des corrélations entre les symptômes fondamentaux de l’autisme et les SNM, confirme l’hypothèse étiopathogénique de l’autisme, qui stipule que des altérations diffuses du fonctionnement cérébral seraient à l’origine de phénomènes divers comprenant aussi bien les symptômes autistiques que les SNM ou les anomalies de la théorie de l’esprit et de la reconnaissance des émotions [11,32].
Conflit d’intérêt Aucun.
Remerciements Ce travail est le fruit d’une collaboration entre L’Institut national des sciences et de la recherche médicale (Inserm, France) et la Direction générale de la recherche scientifique tunisienne (DGRST) durant les années 2006/2008. Cette collaboration s’est faite entre l’unité de recherche 02/04 (les processus cognitifs dans la pathologie psychiatrique), dirigée par le Pr. K. Tabbane et regroupant les services de psychiatrie B et de pédopsychiatrie de l’hôpital Razi et le service hospitalo-universitaire (SHU)—Inserm U894 des Prs. M.O. Krebs et J.P. Olié.
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