Annales françaises d’oto-rhino-laryngologie et de pathologie cervico-faciale (2011) 128, 46—49
CAS CLINIQUE
Sinusite maxillaire fungique causée par Acremonium夽 M. Durbec a, A.-L. Bienvenu b, S. Picot b, C. Dubreuil a, A. Cosmidis a, S. Tringali a,∗ a
Service d’oto-rhino-laryngologie, hospices civils de Lyon, centre hospitalier Lyon Sud, 69495 Pierre-Bénite cedex, France Service paludisme, parasites du sang et mycologie médicale, hospices civils de Lyon, hôpital de la Croix-Rousse, 69317 Lyon cedex 04, France
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MOTS CLÉS Sinusite fongique ; Acremonium ; Sinusite chronique ; Balle fongique
Résumé Objectif. — Illustrer à travers ce cas clinique, qu’Acremonium doit désormais être évoqué comme diagnostic différentiel de balle fungique maxillaire. Présentation du cas. — Une patiente de 77 ans présente une douleur sinusienne maxillaire droite trainante avec rhinorrhée et toux nocturne. L’examen tomodensitométrique des sinus retrouve une opacification hétérogène du sinus maxillaire droit avec des foyers hyperdenses bien définis en faveur d’une aspergillose. Elle a bénéficié d’une intervention par voie endonasale de type méatotomie moyenne. À six mois de la chirurgie, elle ne présente plus aucun symptôme ni récurrence de la maladie. L’examen mycologique retrouve un Acremonium. Discussion/conclusion. — Acremonium est un champignon saprophyte rarement à l’origine de maladie chez l’homme. Il a été récemment décris des cas d’infection à Acremonium chez des patients avec un terrain de baisse de l’immunité. Nous décrivons le premier cas de sinusite maxillaire fongique causée par Acremonium chez une personne immunocompétente. Cliniquement et radiologiquement, le diagnostic initialement retenu était celui d’aspergillose. Acremonium doit être évoqué dans tout contexte de sinusite chronique avec balle fongique, tout comme aspergillus. © 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
1. Introduction
DOI de l’article original : 10.1016/j.anorl.2010.10.004. Ne pas utiliser pour citation la référence franc ¸aise de cet article mais celle de l’article original paru dans European Annals of Otorhinolaryngology Head and Neck Diseases. ∗ Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (S. Tringali). 夽
L’incidence et la prévalence des rhinosinusites chroniques d’origine fongique sont en nette augmentation tout comme la variété des agents levuriformes pathogènes incriminés [1]. De nombreux cas de balle fongique ont été reportés ces dernières années, dans le cadre de sinusite fongique non invasive, permettant ainsi de codifier leur prise en charge diagnostique et thérapeutique. L’agent fongique le plus
1879-7261/$ – see front matter © 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.aforl.2010.12.002
Sinusite maxillaire fungique causée par Acremonium
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fréquemment retrouvé est Aspergillus spp, celui-ci touche le plus souvent le sinus maxillaire et sphénoïdal. On note une recrudescence de champignons filamenteux hyalins, qui n’avaient auparavant aucune propriété pathogénique, impliqués dans des maladies graves et invasives souvent réfractaires aux thérapeutiques classiques [2]. Acremonium, un champignon saprophytique retrouvé dans le sol, les plantes ou chez les insectes est une cause peu commune de maladie chez l’homme [3,4]. Il a néanmoins été récemment décrit comme étant à l’origine d’infection locale ou systémique chez des patients avec des facteurs prédisposants. Nous présentons le premier cas de balle fongique dans le cadre d’une sinusite maxillaire chronique causée par Acremonium chez un patient immunocompétent.
2. Cas clinique Nous décrivons le cas d’une patiente de 77 ans se plaignant de douleur maxillaire droite traînante avec une nette recrudescence depuis quelques semaines. Elle décrit comme antécédent une rhinosinusite chronique avec chirurgie de type Caldwell Luc au niveau du sinus maxillaire droit il y a une vingtaine d’année. Elle n’a aucun antécédent de diabète ni de facteur d’immunosuppression et n’a pas de terrain allergique. Elle déclare également une rhinorrhée antérieure du même côté et un jetage postérieur avec une toux nocturne. Elle est apyrétique et ne décrit ni obstruction nasale ni épistaxis. Elle n’a pas bénéficié de soins dentaires récents. Elle est traitée avec des corticoïdes locaux, permettant une légère amélioration. L’examen clinique retrouve un liquide purulent au niveau du méat moyen et ostium du sinus maxillaire ainsi qu’une muqueuse nasale globalement inflammatoire. Le reste de l’examen ORL est sans particularités. L’examen tomodensitométrique des sinus retrouve une opacification hétérogène du sinus maxillaire droit avec un remodelage des parois internes et postérieures et des foyers hyperdenses bien définis. Il n’y a pas d’érosion osseuse et les autres sinus sont bien aérés (Fig. 1 et 2). Ces premiers éléments plaident fortement en faveur d’une balle fongique dont le pathogène le plus fréquent est Aspergillus. Cette patiente a bénéficiée d’une chirurgie endoscopique endonasale permettant d’ouvrir l’ostium ainsi que le méat moyen et de nettoyer de fac ¸on satisfaisante le sinus maxillaire droit. Il a été retrouvé dans ce sinus une balle calcifiée au sein d’une muqueuse inflammatoire et de sécrétions épaisses. Les autres sinus étaient libres. Les différents éléments présents dans le sinus ont été retirés et envoyés pour examen direct et culture en bactériologie, mycologie. Un envoi en anatomopathologie a également été réalisé. La patiente n’a pas rec ¸u de traitement post opératoire. À six mois de la chirurgie elle ne présente plus aucun symptome. L’examen mycologique direct après coloration de Gomori-Grocott est positive : il montre des mycelium qui sont caractéristiques des champignons filamenteux. Sur milieu de Sabouraud, la croissance des colonies a été modérément rapide en cinq jours. Sur milieu de Sabouraud, Acremonium a une croissance assez rapide, avec une durée de maturation de cinq jours. La colonie a une texture qui est d’abord compacte et qui devient cotonneuse. La couleur de
Figure 1 Coupe frontale d’un scanner des sinus sans injection montrant une opacification partielle et hétérogène du sinus maxillaire droit au sein de laquelle on retrouve des foyers hyperdenses.
la colonie est rose pâle et le revers est incolore. La microscopie est très délicate et est caractérisée par des hyphes septés typiques très fins et très étroits (Fig. 3). Les phialides non branchés et solitaires naissent directement sur l’hyphe. Des conidies hyalines de 2—3 × 4—8 m sont observées au niveau des phialides et sont généralement disposées groupées. Ces éléments microscopiques sont caractéristiques d’Acremonium.
Figure 2 Coupe transversale d’un scanner des sinus sans injection montrant une opacification partielle du sinus maxillaire droit associée à un foyer hyperdense évocateur d’une aspergillose.
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Figure 3 100).
M. Durbec et al.
Acremonium sp. en microscopie optique (objectif
3. Discussion Les balles fongiques paranasales sont décrites comme des lésions intrasinusiennes non-invasives, car respectant la muqueuse sinusienne. Elles sont causées la plupart du temps par Aspergillus spp, majoritairement Aspergillus fumigatus mais aussi Aspergillus flavus [5,6]. Elles n’ont pas de traduction clinique caractéristique. Les patients se plaignent de symptomes rhinologiques aspécifiques mais orientant vers une pathologie sinusienne : obstruction nasale, rhinorrhée chronique, douleur sinusienne ou cacosmie [6]. Ils présentent des sinusites à répétition qui ont du mal à répondre aux différents traitements antibio-corticoïdes, pouvant conduire à des gestes chirurgicaux itératifs avant que le diagnostic ne soit posé. Sur les radiographies standards, on note une opacification unilatérale partielle ou complète d’un sinus, le plus souvent le sinus maxillaire. Des zones de foyer hyperdense et bien délimitées sont observées dans 25 à 50 % des cas [5], suggérant fortement le diagnostique de balle fongique sinusienne. Macrosopiquement, la balle fongique a un aspect friable et grumeux qui peut être vert, jaune marron ou noir et se détache facilement de la muqueuse sinusienne [7]. Les cultures sont souvent négatives et on ne retrouve des champignons que dans 23 à 50 % des cas. Cela est probablement lié à la faible viabilité des éléments fongiques au sein de la balle. L’espèce fongique la plus fréquemment retrouvée est Aspergillus spp [8] conduisant à un abus de langage pour caractériser une balle fongique : aspergillose ou aspergillome. L’incidence des infections d’origine mycologique ainsi que la diversité des agents pathogènes levuriformes ont augmenté au cours de ces dernières années y compris au niveau des sinus. Nous décrivons le premier cas de sinusite maxillaire chronique d’origine fongique causée par Acremonium chez une patiente immunocompétente.
Il a déjà été décris que quelques cas d’infection à Acremonium chez des patients avec un terrain prédisposant : une infection systemique fatale chez un immunodéprimés [9] ou encore une péritonite chez un patient bénificiant de dialyse ambulatoires itératives [10]. La particularité de notre cas est que le patient présentait une longue et peu symtomatique histoire de sinusite avec un état général conservé. Cela laisse supposer une évolution d’Acremonium qui tend à devenir un agent pathogène émergent. On peut penser que ce champignon saprophyte a une pathogénicité très lente et n’arrive pas à être éliminé par le système immunitaire du patient. En revanche, il n’arrive pas à se dissiminer à l’ensemble de l’organisme. Le problème posé par ce champignon est qu’il est cosmopolite dans la nature et on peut donc le retrouver comme agent contaminant. Il n’est pas toujours recherché systématiquement et est souvent retrouvé de fac ¸on fortuite. Son isolement au sein d’une culture nécessite donc la plus grande précaution afin de différencier une infection réelle d’une contamination. Concernant notre cas, nous avons pu identifier Acremonium dès l’examen direct permettant ainsi de l’identifier comme agent pathogène responsable de cette sinusite maxillaire. Notre cas tend donc à montrer qu’Acremonium doit être désormais évoqué comme diagnostique différentiel devant un tableau de balle fongique dans un contexte de sinusite chronique au même titre qu’Aspergillus spp, même si cela ne change en rien à la prise en charge thérapeutique.
4. Conclusion Acremonium est un champignon pathogène émergent qui doit être désormais évoqué comme diagnostic différentiel devant un tableau de sinusite maxillaire chronique à type de balle fongique, tout comme Aspergillus.
Conflit d’intérêt Aucun.
Références [1] DhongHJ, Lanza DC. Fungal rhinosinusitis. In: Kennedy DW, Bolger WE, Zinreich SJ, editors. Disease of the sinuses: diagnosis and management. Hamilton: BC Decker Inc.; 2001. p. 179—95. [2] Groll AH, Walsh TJ. Uncommon opportunistic fungi: new nocosomial threats. Clin Microbiol Infect 2001;7:8. [3] Fincher RME, Fisher JF, Lovell RD, et al. Infection due to the fungus Acremonium (Cephalosporium). Medicine 1991;70:398—409. [4] Kwon Chung KJ, Bennet JE, Medical mycology. Philadelphia: Lea & Febiger; 1992: p. 744—5. [5] Stammberger H, Jakse R, Beaufort F. Aspergillosis of the paranasal sinuses: X ray diagnosis, histopathology and clinical aspects. Am Otol Rhinol Laryngol 1984;93:251—6. [6] De Shazo RD, O’Briemn M, Chapin K, et al. Criteria for the diagnosis of sinus mycetoma. J Allergy Clin Immunol 1997;99:475—85.
Sinusite maxillaire fungique causée par Acremonium [7] Grosjean P, Weber R. Fungus ball of the paranasal sinuses: a review. Eur Arch Otorhinolarngol 2007;264:461—70. [8] Klossek JM, Serrano E, Péloquin L, Percodani J, Fontanel JP, Pessey JJ. Functional endoscopic sinus surgery and 109 mycetomas of the paranasal sinuses. Laryngoscope 1997;107:112—7.
49 [9] Schell WA, Perfect JR. Fatal disseminated Acremonium strictum infection in a neutropenic host. J Clin Microbiol 1996;34:1333—6. [10] Koc ¸ AN, Utas C, Oymak O, Sehmen E. Peritonitis due to Acremonium strictum in a patient on continuous ambulatory peritoneal dialysis. Nephron 1998;79:357—8.