Soins palliatifs dans les maladies neuromusculaires de l’enfant. Expérience d’une coopération entre une équipe de neuropédiatrie et une équipe ressource douleur et soins palliatifs pédiatriques

Soins palliatifs dans les maladies neuromusculaires de l’enfant. Expérience d’une coopération entre une équipe de neuropédiatrie et une équipe ressource douleur et soins palliatifs pédiatriques

Médecine palliative — Soins de support — Accompagnement — Éthique (2010) 9, 297—302 ÉTUDE ORIGINALE Soins palliatifs dans les maladies neuromusculai...

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Médecine palliative — Soins de support — Accompagnement — Éthique (2010) 9, 297—302

ÉTUDE ORIGINALE

Soins palliatifs dans les maladies neuromusculaires de l’enfant. Expérience d’une coopération entre une équipe de neuropédiatrie et une équipe ressource douleur et soins palliatifs pédiatriques Palliative care for children with neuromuscular diseases. Cooperative experience between paediatric palliative care team and neuropediatric unit Marie-Claire Alberge a,1,∗, Héléne Brocq b,2, Christian Richelme b,3, Viviane Chappuis c,4, Michel Lantéri-Minet a,5, Claude Desnuelle b,6 a

Département d’évaluation et de traitement de la douleur et médecine palliative, CHU de Nice, pavillon k, hôpital Pasteur, 30, voie Romaine, 06002 Nice, France b Centre de référence DHOS pour les maladies neuromusculaires et la SLA, CHU de Nice, 30, voie Romaine, 06002 Nice, France c HAD de Nice, 244, route de Grenoble, 06200 Nice, France Rec ¸u le 19 mars 2010 ; accepté le 19 mars 2010 Disponible sur Internet le 3 novembre 2010

MOTS CLÉS Maladie neuromusculaire ; Enfant ; Neuropédiatrie ; Soins palliatifs ; Multisciplinarité

∗ 1 2 3 4 5 6

Résumé Les équipes soignantes des services de neuropédiatrie n’ont pas la culture d’un travail de coopération précoce avec les équipes de soins palliatifs, autour des enfants atteints de pathologies neuromusculaires graves. Nous livrons ici un exemple de coordination et de compétences entre le service hospitalier de neuropédiatrie du CHU de Nice, une équipe douleur et soins palliatifs pédiatriques et les soignants du domicile. Nous décrivons les points essentiels de ce type d’accompagnement, dès la phase diagnostique, de l’enfant et de sa famille. © 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (M.-C. Alberge). Médecin anesthésiste (photo). Psychologue clinicienne. Neuropédiatre. Médecin coordonateur HAD de Nice. Chef de service, département d’évaluation et de traitement de la douleur et médecine palliative, CHU de Nice. Professeur de neurologie, responsable du pôle neurosciences, CHU de Nice.

1636-6522/$ — see front matter © 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.medpal.2010.09.009

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KEYWORDS Neuromuscular diseases; Palliative care; Children; Neuropaediatrics; Collegial care

M.-C. Alberge et al.

Summary The medical teams of neuropaediatric units have no culture of early cooperation with the palliative care team, around the children affected by neuromuscular diseases. We deliver here, an example of coordination between the hospital department of neuropaediatrics of the CHU of Nice, the team of pain and pediatric palliative care, and the nursing of the place of residence. We describe the essential points of this accompaniment, since the diagnostic phase, of both the child and his family. © 2010 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Introduction L’accompagnement d’enfants en fin de vie fait partie intégrante de la prise en charge globale des enfants qui sont suivis dans les services de neuropédiatrie. Cette activité qui, heureusement, reste rare, est généralement prise en charge par les pédiatres référents des enfants porteurs de ces maladies [1]. Parmi les maladies neurodégénératives infantiles, certaines évoluent très rapidement, comme les amyotrophies spinales infantiles (ASI) de type 1, d’autres sur des années, toutes sont source de vulnérabilité, de handicaps et de douleur morale. Ces pathologies ont bien évidemment un impact majeur sur la vie de l’enfant et aussi sur celle de sa famille [2]. La fragilité de l’intégrité psychocorporelle et les menaces qui pèsent sur l’avenir s’actualisent dans des mouvements d’angoisse et dans des blessures narcissiques, sans commune mesure avec celles qui découlent du développement psychologique normal. Les neuropédiatres sont donc amenés, dès l’annonce du diagnostic, à accompagner le parcours d’enfants qu’ils ne pourront pas guérir [3]. Dans cette situation, l’annonce de la maladie ne peut se concevoir sans faire la proposition, aux parents et à l’enfant, de co-construire avec eux un projet de vie et de soins, malgré l’inéluctable échéance de la fin de vie. Ces soins palliatifs auront pour but de limiter les effets négatifs de la maladie et de compenser les pertes fonctionnelles progressives. Parallèlement à ces pertes, le développement de l’enfant dans ses composantes psychoaffectives et cognitives doit être favorisé. Il convient donc, du point de vue psychologique, d’être attentif aux réactions dépressives sévères des parents qui peuvent conduire, si l’on n’y prend garde, dès l’annonce du diagnostic, au deuil anticipé de l’enfant. Pour l’équipe neuropédiatrique, il s’agit d’un engagement qui peut durer des années et qui va devoir s’adapter aux aléas de la maladie, maintenir une qualité de vie, sans jamais parvenir à arrêter la progression des déficits. Cette équipe, par essence pluridisciplinaire, a pour mission d’optimiser les capacités d’adaptation de l’enfant, mais aussi celles de sa famille, sans pour autant occulter le pronostic final. . .

L’expérience du centre hospitalier universitaire de Nice Dans le service de pédiatrie générale et à la consultation multidisciplinaire des maladies neuromusculaires de

l’enfant du CHU de Nice, nous suivons 90 enfants et leurs familles. La création d’une équipe ressource douleur et soins palliatifs de l’enfant a permis qu’une coopération s’installe avec l’équipe pédiatrique du centre de référence DHOS pour les maladies neuromusculaires et la SLA.

Les soins palliatifs, tels que nous les pratiquons ensemble depuis plusieurs années, s’inscrivent dans une dynamique très souple entre curatif, rééducatif et palliatif. Mais notre expérience reste rare en France, ce qui montre qu’il est encore difficile pour les soignants intervenants auprès d’enfants porteurs de pathologies chroniques non cancéreuses, de percevoir la pertinence d’un accompagnement de type « soins palliatifs » et ce, même lorsque le pronostic ne permet malheureusement pas d’envisager une guérison à l’âge adulte. Les mots soins palliatifs sont encore trop souvent assimilés à « stade terminal » ou « ultime » et font encore très peur aux neuropédiatres. Certains soignants sont en difficulté face à la mort et les professionnels qui s’engagent dans des soins palliatifs pédiatriques doivent être conscients des grandes réticences de ces équipes à abandonner la seule logique curative et rééducative. La définition de la société européenne de soins palliatifs et le groupe IMPaCCT ont adopté une définition des soins palliatifs pédiatriques déterminant quatre groupes d’enfants concernés par ces soins. La large diffusion de cette définition a permis la prise de conscience par les neuropédiatres du concept qui nous intéresse ici, celui de « soins palliatifs de longue durée », car les enfants que nous prenons en charge appartiennent aux groupes 3 et 4 [1,4]. Mais, les résistances que nous devons affronter viennent aussi, pour partie, des parents qui ont besoin (et c’est normal) de pouvoir s’identifier dès l’annonce du diagnostic, au désir de guérir des soignants et aussi de promouvoir (au travers des associations de malades, telles que l’association franc ¸aise des myopathies [AFM]), la recherche plutôt que les soins palliatifs. Beaucoup de familles vivent dans le non dit et/ou dans l’hésitation de dire à l’enfant la gravité de la maladie. Comme le rapporte Marcela Gargiulo [5], « certains parents partent de l’idée que tant que l’enfant ne sait pas que ses troubles sont dus à une maladie incurable, ils peuvent continuer à fonctionner devant lui comme si eux ne le savaient pas. Cela leur

Coopération neuropédiatrie - médecine palliative permet de se donner une contenance pour faire face à l’événement ».8 Et, nous pouvons aisément comprendre, en tant que parents, qu’il est difficile d’élever un enfant, de s’investir jour et nuit physiquement et psychologiquement auprès de lui, tout en pensant qu’il va mourir un jour. La dynamique familiale parentale s’oriente très naturellement et très tôt, vers la vie, vers l’espoir que procurent les recherches, occultant le plus souvent une réalité trop douloureuse et difficile à accepter. Alors que seuls les soins palliatifs sont de mise dès l’annonce de la maladie, en neurologie pédiatrique, la durée de vie est telle, qu’il est très difficile pour le neuropédiatre de parler de soins palliatifs aux parents, notamment si les soins palliatifs sont exclusivement compris comme des soins intervenant aux derniers moments de vie. Il est donc important de resituer les soins palliatifs comme une prise en charge globale d’un enfant présentant une maladie incurable et de réserver les mots « soins en phase terminale » aux derniers jours de vie et à l’agonie des dernières heures. . . Dans notre équipe, la philosophie des soins palliatifs accompagnant les capacités de vie du patient jusqu’au bout est l’essence même de la prise en charge que nous proposons. Les enfants que nous accompagnons vont grandir et construire leur devenir et leur vie, tout en perdant certaines fonctions motrices. Le neuropédiatre ne peut donc proposer cette prise en charge que dans une démarche multidisciplinaire réfléchie, coordonnée et organisée autour des besoins de base de l’enfant et de sa famille. Cette prise en charge doit être facilitée, bien évidemment au domicile de l’enfant mais aussi à l’école. Il est donc important de savoir se faire aider d’une équipe ayant les compétences à accompagner, à l’intérieur, mais aussi à l’extérieur de l’hôpital, en complément du savoir-faire inhérent aux équipes du domicile [6]. Au CHU de Nice, l’équipe ressource en douleur et soins palliatifs pédiatriques a la possibilité d’une mobilité intrahospitalière mais aussi au lieu de vie de l’enfant, dans tout le département des Alpes-Maritimes. Cette mobilité permet aux familles de bénéficier de toutes les possibilités d’intervention pour un accompagnement au plus près de leur projet de vie. Elle travaille toujours en étroite collaboration avec l’HAD et le réseau régional de soins palliatifs. Bien évidemment, les équipes mobiles de soins palliatifs adultes ont des compétences similaires mais elles n’ont pas, dans leur grande majorité, une grande expérience pédiatrique. Pour autant, elles peuvent être aidantes et il ne sert à rien de cliver absolument les choses. . . De notre côté, nous avons eu la possibilité de créer une « équipe ressource en douleur et soins palliatifs pédiatriques » composée d’un médecin de soins palliatifs (ayant une grande expérience pédiatrique mais pas seulement) et d’une infirmière puéricultrice formée en douleur et en soins palliatifs. Ce sont les psychologues cliniciennes qui interviennent auprès des adultes et des enfants du centre de référence DHOS pour les maladies neuromusculaires et la SLA du CHU de Nice, qui sont sollicitées lorsque nécessaire, notamment pour éclairer certaines situations complexes.

8 Gargiulo M, Vivre avec une maladie génétique. Albin Michel, 2009.

299 Les liens avec tous les soignants du centre (médecin rééducateur, kinésithérapeute, infirmière, ergothérapeute, diététicienne. . .) sont importants et chacun a une place reconnue dans cet accompagnement. Les soins palliatifs, tels que nous les pratiquons ensemble, peuvent avoir une durée très variable (pendant quelques années parfois). Cela implique de ne pas figer la situation par des pronostics inadaptés et de faire preuve d’une très grande souplesse dans l’adaptation à chaque situation. Tout projet de soin doit être personnalisé et accompagner les phases d’espoir et/ou de désespoir et rester centré sur l’enfant dans sa systémique familiale singulière.

L’annonce de la maladie: un moment central pour la mise en place du dispositif de soins [7]. Annoncer et expliquer le pronostic de la maladie est primordial, notamment pour adapter le comportement et l’écoute de l’équipe vis-à-vis des réactions de l’enfant et de sa famille. Le médecin qui effectue cette démarche auprès des parents veille à être entièrement disponible. Il insiste sur l’espoir et ne referme jamais brutalement le champ des possibilités. Il prend le temps d’écouter et aussi d’informer et il répond à toutes les questions qui lui sont posées, notamment si la demande des parents va dans ce sens. Il reste mesuré et prudent, rassure lorsque nécessaire, et s’engage sur la poursuite de soins, visant à ce que l’enfant souffre le moins possible, physiquement et psychologiquement. Il accepte que les parents restent parfois dans le fantasme de la guérison. Il insiste sur ce qu’il sait de la maladie et aussi, et surtout, sur ce qu’il ne sait pas. Le neuropédiatre sait faire appel à l’équipe de soins palliatifs lorsque cela s’avère nécessaire. Il veille aussi, en partenariat avec le psychologue clinicien, à ce que chaque soignant soit en accord avec le positionnement de l’équipe. Cette réflexion interhumaine et intersubjective invite à penser le lien et le positionnement de chacun dans le cadre de la relation de soin. Cette attention à l’autre s’avère un élément déterminant dans le cadre d’une prise en charge globale de qualité. Dès l’annonce du pronostic létal jusqu’aux derniers instants et même au-delà, la profondeur et la vérité du lien établi entre les soignants, l’enfant et ses parents sont essentielles. L’attention partagée a une fonction de confirmation existentielle réciproque qui donne plus de sens à l’échange et qui le renforce. Au moment de la fin de vie, il ne s’agit pas pour l’équipe de neuropédiatrie de fuir ou de se défausser sur une équipe de soins palliatifs présentée comme « accompagnant le stade terminal ». Au contraire, il s’agit d’impliquer, dès l’annonce du diagnostic, tous les acteurs indispensables à la mise en place d’une démarche de soulagement et de soutien, l’équipe de soins palliatifs intervenant en parallèle aux soins de confort et de rééducation. Pour le neuropédiatre, il convient de présenter l’équipe de soins palliatifs comme une équipe d’accompagnement d’un projet de vie à la fois réaliste et adapté au pronostic. Car cette équipe doit pouvoir bénéficier du temps nécessaire à l’élaboration de liens étroits et constructifs avec l’enfant et sa famille, autant d’éléments essentiels à un accompagnement de qualité. Il s’agit de construire avec

300 tous les intervenants, des projets de soutien des besoins fondamentaux de l’enfant, ce dernier devant, comme nous l’avons déjà dit, continuer son développement affectif de la meilleure fac ¸on possible. Faire des soins palliatifs, c’est aussi vouloir rendre acteur et autonome l’enfant et sa famille en accompagnant les moments de deuils successifs que peuvent constituer les pertes de fonctions, en permettant aussi à l’enfant de développer ses potentialités et son autonomie, malgré les handicaps [8]. Cette autonomie ne peut s’envisager que si l’équipe de soins palliatifs s’engage à accompagner la famille sans discontinuer, dans un langage clair et cohérent. En effet, la relation à l’autre n’est pas qu’externe. Elle se noue aussi avec la représentation en soi de l’autre et cette relation ne peut se co-construire que dans le temps, bien souvent sur des années. . . Les parents d’enfants atteints de maladies neuromusculaires sont des « parents soignants » [9], depuis des années, et il est totalement illusoire de penser pouvoir s’immiscer dans leur vie, au stade ultime de la maladie. . .

Motivation médicale Quand j’ai été invitée, en tant qu’anesthésiste, à participer à l’organisation de la prise en charge palliative du pôle pédiatrique du CHU de Nice, j’ai eu à cœur de favoriser bien évidemment les actions de type équipe mobile mais aussi de travailler immédiatement à encourager la mise en place d’un système d’offre de soins de qualité, accessibles à tous les enfants du pôle, quel que soit le « groupe palliatif » auquel ils appartiennent, quel que soit leur âge ou leur lieu d’hospitalisation. . . Les liens avec les structures du domicile existent mais sont encore très minces car les pédiatres ont une grande réticence à proposer aux parents un accompagnement de fin de vie à domicile. Même s’il y a de nombreux bénéfices pour l’enfant et la famille à être « chez soi », les contraintes existent aussi. Car accompagner un enfant en fin de vie à domicile implique une véritable transformation du domicile. La charge familiale est lourde: elle implique les parents dans les soins et nécessite leur présence permanente, avec en eux la crainte toujours présente, de ne pas être à la hauteur. . . Mais, lorsque les parents le souhaitent, cette possibilité d’accompagner les derniers moments de l’enfant au sein de sa famille doit toujours être travaillée en équipe, avec l’HAD et le réseau de soins palliatifs. Pour l’équipe ressource soins palliatifs — HAD — réseau, il y a nécessité d’une bonne organisation, ce qui implique un partage des tâches et des réévaluations régulières, allant de pair avec une disponibilité 24 heures sur 24. Le médecin de soins palliatifs doit rédiger des prescriptions anticipées personnalisées en cas de symptômes terminaux majeurs et faire un signalement aux services d’urgences, qui tiennent compte des directives anticipées. Pour ce faire, il convient d’aider la famille à envisager le lieu « souhaité » de décès de l’enfant. Ce travail d’accompagnement de la fin de vie ne peut bien souvent être réalisé qu’avec la possibilité d’accueillir, si nécessaire, à l’hôpital, l’enfant et sa famille, à tout moment. . .

M.-C. Alberge et al.

Spécificités des soins palliatifs/maladies neuromusculaires Les actions communes à la prise en charge palliative en pédiatrie [1,10,11] Faire des soins palliatifs implique une réflexion dans la démarche de soins qui soit adaptée aux spécificités des services pédiatriques. Certains éléments sont jugés primordiaux par notre équipe ressource. Ils concernent les enfants, les parents, les proches et les soignants mais ne constituent pas une règle absolue, plutôt des pistes de réflexion, chaque situation étant unique.

L’enfant Il doit être entouré de ses parents et de ses proches et être entendu et aidé dans sa souffrance physique et psychique, tout en bénéficiant de traitements antalgiques et de soins de confort adaptés. Il doit être informé (autant que faire se peut) de l’évolution de son état de santé et des traitements rec ¸us, afin de pouvoir mener aussi longtemps que possible des activités adaptées à son état. Il doit aussi être entendu et soutenu, et sentir que ses parents sont reconnus dans leurs besoins psychologiques et sociaux. Avec le temps, beaucoup de couples se disloquent et sans doute, l’aide psychologique que nous apportons aux parents n’est-elle pas suffisante. . . La création et le développement de réseaux de santé, spécifiquement dédiés à la prise en charge psychologique, nous paraît, de ce point de vue, indispensable à une prise en charge globale de qualité.

La famille Il convient de faciliter la présence des deux parents, qui seront informés régulièrement de l’évolution de l’état de santé de leur enfant et des traitements prescrits. Les parents seront bien évidemment concertés en cas de décision de non-transfert en réanimation. Les soignants doivent, avec toute la bienveillance nécessaire, faciliter l’expression des émotions (hors de la présence de l’enfant) et organiser la venue des frères et sœurs, sans oublier les grands-parents. . .

Les soignants Ils doivent être à l’écoute et se rendre disponible auprès de l’enfant et de son entourage, assurer la surveillance et adapter les soins et le soutien de l’enfant. Il convient que l’équipe de soins ait des discussions régulières avec les médecins (au moins une fois par semaine), concernant l’évolution des traitements spécifiques aux soins palliatifs. Le travail en binôme, infirmière et aide-soignant doit être privilégié pour une meilleure gestion du soin et des émotions. Les soignants doivent aider à préserver l’intimité de la famille et exercer un rôle « contenant » auprès des parents et de la fratrie. Les cadres doivent absolument mettre en place les moyens d’éviter l’épuisement professionnel.

Coopération neuropédiatrie - médecine palliative Les entretiens parents—médecins—soignants doivent se faire dans un lieu calme et approprié.

Pour nous, la règle primordiale est celle de l’anticipation, la plus grande possible, des situations difficiles, avec la rédaction de prescriptions anticipées et personnalisées pour l’enfant.

Le décès à l’hôpital Il est important d’aménager un lieu d’accueil pour les proches (avec des collations, des boissons), de laisser la place à l’expression des émotions à l’abri des regards, de proposer aux parents de prendre l’enfant dans ses bras, de le bercer. . . Il convient aussi de proposer aux parents de procéder à un rituel religieux si besoin, de participer à la toilette et à l’habillage de leur enfant. Il est tout aussi important de veiller à toujours proposer une aide aux frères et aux sœurs en gardant une attention bienveillante à leur égard. Les proches doivent pouvoir se recueillir auprès de l’enfant. Il s’agit de mettre à leur disposition un lieu et un téléphone pour faciliter l’annonce du décès aux proches et de laisser aux parents le temps psychique nécessaire au recueillement, avant le départ de l’enfant du service. L’équipe doit aussi faciliter les premières démarches administratives. Offrir aux parents la possibilité de revenir dans le service, s’ils en éprouvent le besoin, tout en leur indiquant où trouver de l’aide: assistante sociale, associations, groupes de parole.

Pistes de réflexion ? Pour la prise en charge des enfants présentant des maladies neuromusculaires Palliatif multidisciplinaire en collaboration avec le centre de référence « une organisation coordonnée des compétences » Dans le cadre plus spécifique des maladies neuromusculaires, il convient de repérer et de prévenir, en équipe, la perte d’autonomie, l’altération de l’image de soi, les ruptures sociales, scolaires, familiales, affectives. . . Nous insistons pour dire combien il est important de tendre vers un consensus de prise en charge, incluant les désirs de la famille. Ce positionnement s’avère toujours bénéfique et permet d’éviter le risque de dispersion et la perte de distance. Depuis des années, les parents évoluent au plus près du corps de leur enfant et cette proximité peut les pousser à ressentir, dans leur propre corps, toute la détresse qu’engendre la fin de vie. Il convient de bien prendre en compte cette dimension singulière, de faire équipe avec la mère et le père et de se situer autour d’eux, un peu à l’image des poupées russes: l’enfant, puis la mère et le père, puis la famille, puis l’équipe médicale et paramédicale incluant les soins palliatifs, afin que toutes

301 les enveloppes jouent leur rôle. Il faut que tout s’organise autour des parents pour qu’ils puissent se montrer présents auprès de leur enfant, dans la distance et dans la proximité, et pour que s’exprime, en eux et autour d’eux, cette tendresse nécessaire à l’accompagnement des moments ultimes de la vie.

Le partage du questionnement éthique, avec les parents, est aussi très important [12]. Quel que soit le choix, il est toujours difficile de naviguer entre la ventilation non invasive (VNI) (ou pas), la gastrostomie (ou pas), l’assistance ventilatoire par trachéotomie (ou pas). . . Le choix qui va se co-construire au fil du temps et des consultations est toujours « éclairé » par l’évaluation des ressources parentales. Il s’agit d’accompagner les mouvements affectifs et l’ambivalence, en permettant aux parents d’être au centre du système décisionnel, sans jamais faire peser sur eux le poids d’une quelconque responsabilité dans la décision.

Soins palliatifs de nursing optimum [13,14] Les soins corporels doivent apporter du confort au quotidien. Comment faire exister, par un peu de bien-être, un corps qui s’affaiblit et qui s’altère ? Les soins corporels sont des occasions privilégiées d’échanges affectifs et verbaux. Alors que les échanges extérieurs se raréfient, il est toujours bon pour les parents d’être entourés de soignants « suffisamment bons », qui s’avèrent capables de contenir et de soutenir l’enfant, tant sur les plans physique que psychique. Et, nous savons combien il est important de valoriser chaque petit détail, même si rien n’est petit dans ce domaine. . . La mère est toujours, pour l’enfant, un rempart affectif et émotionnel contre le chaos. Elle ne doit jamais se sentir exclue ou posée à côté de la relation de soins, mais au contraire sentir que sa parole est entendue et prise en considération par l’ensemble des soignants. . . Savoir inviter une mère inquiète à formuler ses craintes, même les plus absurdes, et savoir répondre simplement à ses questions, c’est l’aider à mieux contrôler ses peurs et ses incertitudes et, indirectement, c’est aider son enfant à se sentir plus apaisé et moins anxieux, au contact d’une mère plus sécure. Certains symptômes difficiles, comme la dyspnée par encombrement due à l’atteinte des muscles respiratoires, doivent être soulagés au mieux, car les parents et les enfants savent qu’il s’agit là des signaux annonc ¸ant la fin. . . La prise en charge en fin de vie: prendre en charge la douleur de l’enfant atteint de maladie neuromusculaire, s’impliquer dans son traitement, c’est aussi reconnaître que le tout petit (même s’il est atteint d’une maladie grave et mortelle) est une personne en devenir, porteuse de besoins affectifs et relationnels, qui doivent être eux aussi suffisamment pris en considération. La prise en charge palliative en neuropédiatrie consiste à accompagner une dynamique singulière et une véritable alternance dans les soins, entre la prise en charge de petits détails parfois insignifiants et des soins primordiaux. Pour les enfants, du point de vue psychologique, il convient de toujours les aider à se situer entre le désir (par-

302 fois violent) de mener une « vie normale », tout en acceptant de composer au quotidien, sur des années parfois, avec les contraintes du réel de la maladie. Pour les soignants, il convient de réfléchir à ce que veut dire, favoriser l’autonomie de l’enfant tout en lui imposant, dans le même temps, les contraintes nécessaires à une prise en charge adaptée de qualité. Certains enfants se rebellent et ne veulent pas (ou plus) faire leurs soins. Ils ont perdu un frère ou une sœur de la même maladie, alors à quoi bon. . . Pour eux comme pour leurs parents, il faut accepter des évolutions en « dents de scie » et apprendre à « naviguer » entre des paroles inquiétantes et rassurantes, l’apparition d’un symptôme et son contrôle provisoire. . . Le dernier mois de vie est souvent accompagné d’une grande perte d’autonomie, de l’apparition (ou de l’aggravation) de symptômes par essence très difficiles pour tous, tels l’anorexie, les fausses routes, l’encombrement pulmonaire, les problèmes de communication. . . Comment dans de telles conditions, concilier l’intérêt de l’enfant et l’intérêt de toute la famille [4] ? Peut-être en favorisant, lorsque nécessaire, des hospitalisations courtes, le temps d’établir avec toute l’équipe hospitalière une relation au plus près des symptômes et du corps de l’enfant.

Conclusion Les enfants et les adolescents atteints d’une maladie à issue fatale à long terme doivent maintenir un fonctionnement compatible avec une qualité de vie raisonnable. Dans un tel contexte, les besoins psychologiques et sociaux tiennent une place importante, puisque la guérison n’est pas un objectif accessible. L’accès de tous à une prise en charge palliative de qualité tout au long de leur parcours de vie doit être encouragé, de même que la création de postes de psychologues cliniciens et le développement de réseaux de santé, permettant le remboursement des soins psychologiques nécessaires.

M.-C. Alberge et al.

Conflit d’intérêt Les auteurs n’ont pas transmis de conflit d’intérêt.

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