Table ronde Les équipes ressources régionales de soins palliatifs pédiatriques : à quoi bon ?
L’intérêt d’une collaboration avec une équipe ressource régionale de soins palliatifs pédiatriques : expérience d’une HAD O. Mory*, P. Chapuis, J. Seon HAD pédiatrique, 65 rue de la Tour 42000 St Etienne, France
L
’hospitalisation à domicile (HAD) pédiatrique de SaintEtienne est un établissement de santé proposant des soins à domicile qui a vu le jour fin 2010. Sa vocation est de prendre en charge des enfants nécessitant des soins de type hospitalier continus et coordonnés à leur domicile. Un projet thérapeutique pour chaque enfant est établi en coopération avec le médecin prescripteur. L’HAD assure le suivi médical, l’ensemble des soins infirmiers, l’accompagnement psychologique et social de l’enfant et de son entourage. Les prises en charge de l’HAD sont multiples : assistance respiratoire, alimentation entérale et parentérale, éducation, prise en charge de la douleur, rééducation, soins palliatifs… Notre jeune service a été confronté à quelques prises en charge palliatives d’enfants à domicile. Nous avons rapidement constaté que notre équipe allait être sollicitée pour proposer ce type d’accompagnement. En effet durant cette courte année d’activité, nous avons dû gérer la prise en charge de 9 enfants chez qui le pronostic vital était engagé à court ou moyen terme. Parmi ces 9 enfants, 3 sont décédés au domicile. L’Equipe de Soins de support Palliatifs Pédiatriques de Ressource et d’Accompagnement (ESPPéRA), est intervenue dans le cadre d’une de nos prises en charge et cela nous a paru intéressant dans l’organisation et la dimension palliative que nous voulions développer. Une de nos premières prises en charge palliative a commencé en avril 2011. Celle d’un petit garçon de 4 ans chez qui un épendymome a été diagnostiqué à l’âge de 9 mois. Il avait été opéré 5 fois, et avait eu différents traitements tels que de la radiothérapie et de la chimiothérapie. Son parcours de soin était complexe en raison de plusieurs ruptures avec des équipes médicales. À son entrée en HAD, il avait une paralysie faciale, un syndrome cérébelleux, des séquelles motrices importantes, une hypoventilation centrale et des troubles majeurs de déglutition. Il était ventilé en continu sur trachéotomie et alimenté par gastrostomie. Initialement les objectifs de l’HAD étaient le suivi ventilatoire, l’éducation des parents aux soins, la mise en place d’une rééducation motrice et la prise en charge sociale et psychologique. Après la mise en place de multiples acteurs pour favoriser sa rééducation motrice, de nombreux progrès ont rythmé le premier mois en HAD : acquisition de la marche, amélioration de
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260 © 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Archives de Pédiatrie 2012;19:260-261
la communication avec une valve de phonation, diminution de la ventilation uniquement au sommeil… Puis au mois de mai lors d’une IRM de contrôle, une nouvelle récidive tumorale est diagnostiquée. Les médecins proposent aux parents différents axes thérapeutiques : une chirurgie, de la chimiothérapie ou un accompagnement palliatif, en leur laissant le choix. Le retour à domicile a alors été compliqué pour les parents qui ont sollicité de nombreux avis médicaux ; ils se trouvaient face à un dilemme en l’absence de décision médicale sur le projet de soin de leur fils. À ce moment-là il était stable, les parents n’arrivaient pas à se projeter dans des soins palliatifs et avaient un cheminement différent. Début août, les parents ont commencé à prendre conscience de la situation et envisagé un véritable projet de soin sans traitement à visée curative. Ils sont arrivés à faire de nouveaux projets familiaux et sont même partis en vacances quelques jours. Puis début septembre la tumeur a évolué et les signes de dégradation se sont succédés (perte de la communication, ventilation en continu, équilibre précaire puis alitement, apparition de douleurs aiguës…), jusqu’à son décès mi-octobre, dans son sommeil, entouré de ses parents. Cette prise en charge a été marquée par une succession de difficultés, tout d’abord l’adaptation compliquée des parents au domicile après une hospitalisation en réanimation, la multiplicité des acteurs de rééducation et des soins techniques, l’absence de choix thérapeutique lors de l’annonce de la récidive, l’absence de lien entre notre équipe et les médecins référents, la projection compliquée des parents vers des soins palliatifs, puis la dégradation rapide nécessitant une démédicalisation du domicile et une adaptation rapide et quotidienne de ses traitements et de sa ventilation. Face à la difficulté d’élaboration de son projet de vie suite à sa récidive et au vu des difficultés des parents et de notre équipe dans cette prise en charge, nous avons décidé de faire appel à ESPPéRA afin de nous aider à élaborer un projet de vie. ESPPéRA se déplace à St Etienne pour avoir un échange avec tous les intervenants, et pour aborder les problèmes rencontrés par cette famille. Dans un premier temps, cette équipe nous a permis de faire le lien entre divers intervenants. En nous apportant son regard extérieur, ESPPéRA nous a accompagnés en nous aidant dans la recherche de solutions pour soulager le quotidien de cette maman qui était, malgré elle, dans une position de soignant. Le choix de la meilleure thérapeutique à prendre pour leur enfant a mis les parents en difficulté, nous avons donc organisé
L’intérêt d’une collaboration avec une équipe ressource régionale de soins palliatifs pédiatriques : expérience d’une HAD
une visite à domicile conjointe avec ESPPéRA. Un long entretien pendant lequel cette équipe a recueilli leurs difficultés, leurs interrogations. ESPPéRA a reformulé les possibilités thérapeutiques envisagées, en prenant en compte les souhaits des parents, en tentant de les recentrer sur la qualité de vie et les bénéfices-risques de chaque proposition pour leur fils. Ils ont également décrit le concept de soin palliatif qui n’était alors pas compris comme un véritable projet de vie. Cet entretien a été très investi par les parents. Il les a aidés dans leur cheminement, et a été le point de départ de leur prise de conscience. Par la suite durant 2 mois, nous sommes restés en contacts réguliers avec ESPPéRA par téléphone ou par mail, nous avons travaillé en collaboration sur la gestion des symptômes, notamment de la douleur. Une consultation a été organisée par l’équipe médicale et paramédicale de l’HAD et ESPPéRA au moment de la dégradation. Cela a permis d’aborder les directives anticipées, la limitation des traitements, la non-réanimation [1] le choix du lieu de décès et les conduites à tenir en cas de situations aiguës. Suite à cet entretien le médecin coordonnateur de l’HAD en a informé le SAMU. Afin d’anticiper les problèmes liés à la gestion du respirateur et d’éviter toute obstination déraisonnable [2], ESPPéRA a informé les médecins réanimateurs de son évolution. Ils ont proposé une conduite à tenir et rédigé des prescriptions pour la ventilation. Quelques mois après son décès, notre équipe a éprouvé le besoin d’analyser cette prise en charge qui avait demandé beaucoup de
disponibilité et d’investissement de la part de toute l’équipe de l’HAD. ESPPéRA s’est déplacée pour une réunion de retour d’expérience en présence de tous les professionnels de l’HAD afin d’évoquer l’accompagnement de cet enfant, de faire un bilan. Ce retour a mis en lumière la qualité de l’accompagnement proposé par ESPPéRA. Nous avons pu évoquer la complémentarité qui nous a paru enrichissante et bénéfique pour cet enfant. À aucun moment, nous n’avons été mis en concurrence ou en difficulté par cet accompagnement conjoint. Suite à cette prise en charge commune, nous souhaitons, à terme, travailler en partenariat avec ESPPéRA pour toutes nouvelles prises en charge palliatives. Cet accompagnement avec ESPPéRA nous a permis de respecter la volonté des parents de rester à domicile. Grace à son expertise, ESPPéRA nous aidait à évaluer régulièrement cette prise en charge personnalisée et proposait les ajustements nécessaires pour cet enfant et sa famille. Leur disponibilité et leur capacité d’écoute ont été d’une grande aide pour l’équipe médicale et paramédicale de l’HAD.
Références [1] Schell M, Marec-Bérard P, Glastre C, et al. L’anticipation de la non-réanimation en soins palliatifs pédiatrique à domicile. Bull Cancer 2009;96(Suppl 2):29-35. [2] Loi n°2005-370 du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie. NOR: SANX0407815L.
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