Staphylococcie pulmonaire chez un prématuré : infection nosocomiale de transmission inhabituelle

Staphylococcie pulmonaire chez un prématuré : infection nosocomiale de transmission inhabituelle

Archives de pédiatrie 10 (2003) 622–625 www.elsevier.com/locate/arcped Fait clinique Staphylococcie pulmonaire chez un prématuré : infection nosocom...

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Archives de pédiatrie 10 (2003) 622–625 www.elsevier.com/locate/arcped

Fait clinique

Staphylococcie pulmonaire chez un prématuré : infection nosocomiale de transmission inhabituelle Staphylococcal pneumonia in a premature neonate: unusual transmission of nosocomial infection Y. Lakhdari a,*, P. Lanotte b, S. Ducroq a, A.L. Suc a, D. Sirinelli c, J. Laugier a a

Unité pédiatrique de soins intensifs, centre de pédiatrie Gatien de Clocheville, 49, boulevard Béranger, 37044 Tours cedex 1, France b Service de bactériologie, centre de pédiatrie Gatien de Clocheville, 49, boulevard Béranger, 37044 Tours cedex 1, France c Service de Radiologie, centre de pédiatrie Gatien de Clocheville, 49, boulevard Béranger, 37044 Tours cedex 1, France Reçu le 3 septembre 2002 ; accepté le 27 février 2003

Résumé Une infection néonatale tardive peut révéler une contamination pernatale, mais elle est le plus fréquemment secondaire à une transmission postnatale. Observation. – Un prématuré né après 29 semaines d’aménorrhée a développé une staphylococcie pulmonaire à 18 j de vie. Le profil électrophorétique de l’ADN de la souche de staphylocoque doré impliquée était identique à celui de la souche de S. aureus retrouvée chez la mère 48 h avant l’accouchement, tout en étant différent de ceux des souches responsables de colonisation d’autres enfants dans le service pendant la même période. Conclusion. – L’observation rapportée correspond à une infection nosocomiale probablement secondaire à une transmission maternelle per- ou postnatale. © 2003 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés. Abstract Late onset of neonatal infection could have been transmitted in pernatal period, but it is usually secondary to a postnatal transmission. Case report. – A premature neonate developed staphylococcal pneumonia at 18 days of life. Genomic typing of the strains of Staphylococcus aureus obtained from the patient and from his mother (found in the endocervix culture 48h before delivery) was identical. These strains were different from those isolated in other neonates colonised by S. aureus in the unit during at that moment. Conclusion. – The observed case of staphylococcal pneumonia may correspond to a nosocomial infection secondary to a per- or postnatal transmission of the agent by the mother. © 2003 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Infection nosocomiale ; Prématuré ; Staphylococcie pulmonaire ; Staphylococcus aureus ; Pneumopathie Keywords: Cross infection; Epidemiology; Staphylococcal infections; Pneumonia; Infant, premature

La longueur de l’hospitalisation, l’immaturité immunitaire et les soins invasifs prodigués aux très grands prématurés, expliquent la fréquence des infections nosocomiales ob* Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (Y. Lakhdari). © 2003 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/S0929-693X(03)00169-6

servées dans les unités de néonatologie. Si une contamination pré- ou pernatale de révélation tardive est possible, le mécanisme le plus fréquemment invoqué est celui d’une contamination postnatale. La loi du 4 mars 2002 (relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé), a tendance à mettre en cause, en premier lieu, le

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système hospitalier. L’observation que nous rapportons témoigne que cette affirmation n’est pas toujours vérifiée. 1. Observation C. était le deuxième jumeau d’une grossesse bichoriale, biamniotique, né après 29 semaines d’aménorrhée, par voie basse, sans manœuvre instrumentale. La grossesse s’était déroulée sans particularité jusqu’à l’hospitalisation de la mère deux jours avant la naissance, pour menace d’accouchement prématuré. La tocolyse a été effectuée par du Salbutamol par voie intraveineuse. Le bilan infectieux maternel était normal en dehors d’un prélèvement d’endocol positif à Staphylococcus aureus méthicilline–sensible. L’accouchement a eu lieu 12 h après la rupture spontanée des membranes du premier jumeau. Le patient avait une poche des eaux intacte avec un liquide amniotique clair. Son poids de naissance était de 990 g et le score d’Apgar de 10/10. L’enfant a bénéficié d’une intubation trachéale à 5 min de vie pour une détresse respiratoire d’évolution initiale favorable après l’administration d’une dose de surfactant exogène et 48 h de ventilation artificielle. La prématurité et la rupture prématurée des membranes de la poche du premier jumeau, ont fait suspecter une infection materno-foetale chez les deux jumeaux, motivant une antibiothérapie par ampicilline (200 mg kg–1 j–1) et nétilmicine (6 mg kg–1 j–1) qui a été arrêtée au cinquième jour, chez les deux jumeaux, devant la négativité des prélèvements bactériologiques (hémocultures, liquide gastrique, placenta, prélèvement d’oreille). L’évolution a été marquée par une insuffisance respiratoire avec un syndrome alvéolaire bilatéral sans foyer parenchymateux systématisé à la radiographie pulmonaire, nécessitant la reprise d’une ventilation assistée à partir du quatrième jour de vie. L’accentuation de l’oxygéno-dépendance et l’apparition d’une hypercapnie ont fait prescrire une corticothérapie par bétaméthasone à 13 j de vie qui a permis le sevrage de la ventilation mécanique en quelques jours et l’extubation à J 16. À J 18, un bilan biologique a été réalisé devant la présence de Staphylococcus aureus méthicilline–sensible dans les derniers prélèvements bactériologiques de bouche et de trachée (ces prélèvements sont effectués systématiquement deux fois par semaine). Il montrait une hyperleucocytose (62 000/mm3 dont 80 % de polynucléaires) sans élévation de la CRP (1,4 mg/l). Il n’existait pas de signe clinique évocateur d’une candidose, ni de foyer infectieux évident. Un traitement par oxacilline (100 mg kg–1 j–1) par voie intra-veineuse a été débuté dans la crainte d’une infection à S. aureus. Quarante-huit heures plus tard, survenait une dégradation clinique associant une détresse respiratoire avec une polypnée à 70/minute, un ballonnement abdominal et des troubles de la coloration périphérique. Les examens complémentaires mettaient alors en évidence une hypercapnie, une majoration de l’hyperleucocytose (80 000/mm3 dont 80 % de polynucléaires et 8 % de formes jeunes), mais une CRP toujours normale (2 mg/l). La radiographie pulmonaire montrait une image bulleuse para-cardiaque gauche faisant évo-

Fig. 1. Radiographie pulmonaire à J 4 d’évolution : images bulleuses parahilaire droite (→) et paracardiaque gauche.

quer le diagnostic de staphylococcie pulmonaire (Fig. 1). Une intubation trachéale et une ventilation artificielle ont été pratiquées, l’amikacine (15 mg kg–1 j–1) a été associée à l’oxacilline (200 mg kg–1 j–1) pendant une semaine et la corticothérapie a été arrêtée. Une tomodensitométrie pulmonaire, réalisée quelques jours après la stabilisation clinique, mettait en évidence des bulles parenchymateuses multiples sans pleurésie associée (Figs. 2a et 2b). Le bilan d’extension n’avait pas mis en évidence d’autre localisation infectieuse : hémocultures sur cathéter central et ponction lombaire stériles, échographie cardiaque normale, pas d’atteinte osseuse clinique. L’enfant a été extubé 16 j après le début de l’antibiothérapie, qui a duré 3 semaines au total. La radiographie pulmonaire à 3 mois de vie était normale. La présence de S. aureus méthicilline sensible à la culture du prélèvement d’endocol maternel, réalisé 48 h avant l’accouchement, a suggéré une contamination maternelle pré- ou per-partum, suivie d’une expression clinique tardive chez l’enfant. Toutefois les prélèvements périphériques à la naissance étaient négatifs. Un portage maternel de S. aureus avec transmission dans la période post-natale, lors des visites et des soins quotidiens de la mère à partir du deuxième jour de vie était également envisagé. L’étude effectuée pour comparer, par typage moléculaire (électrophorèse en champ pulsé après macro-restriction de l’ADN par SmaI) les souches de S. aureus de C. (souches 3 et 4) et de sa mère (souche 1), ainsi que celles isolées d’autres enfants hospitalisés sur la période d’octobre à fin décembre 2000 (souche 2 et souches 5 à 10) dans le même service, ne mettait pas en évidence de diffusion clonale du germe dans le service. Elle montrait en effet des profils électrophorétiques non distincts pour les souches de l’enfant et de sa mère, alors qu’ils étaient différents des

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Fig. 3. Electrophorèse en champ pulsé réalisé après macro-restriction de l’ADN de Staphylococcus aureus par SmaI. Piste 1 : souche isolée de l’endocol de la mère avant l’accouchement ; Pistes 3 et 4 : souches de l’enfant isolées de prélèvements de trachée ; Pistes 2, 5–10 souches témoins isolées dans l’unité pédiatrique de soins intensifs sur une période encadrant le cas index.

Fig. 2. Scanner thoracique fait à J5 d’évolution, sans injection iodée, en acquisition spiralée dans le plan axial en coupe de 2 mm : Formations bulleuses parenchymateuses multiples sans pleurésie. Volumineuse bulle de 15 mm au niveau de l’apex gauche avec niveau hydro-aérique (a). Petites bulles parenchymateuses à droite (b).

souches témoins testées, ce qui écartait de façon définitive la transmission d’un S. aureus porté par d’autres enfants du service de réanimation pédiatrique (Fig. 3). Il n’a jamais été isolé de S. aureus chez le premier jumeau.

2. Commentaires L’origine de cette infection secondaire est difficile à établir. Certains arguments ne sont pas en faveur d’une infection materno-foetale à révélation tardive : la négativité des prélèvements périphériques initiaux ; l’installation à bas bruit de l’infection alors que l’infection materno-foetale à S. aureus du prématuré est habituellement responsable d’un tableau clinique d’emblée sévère, associé à un syndrome inflammatoire marqué, le plus souvent dans un contexte d’antécédents

de procédures obstétricales invasives [1,2] ; l’absence d’infection à S. aureus chez le premier jumeau qui avait eu une rupture prématurée de la poche des eaux alors que l’infection s’était déclarée chez le jumeau dont la poche des eaux était intacte [3–5]. L’hypothèse d’une contamination croisée dans le service de réanimation a été éliminée après l’étude comparative par électrophorèse en champ pulsé des différentes souches de S. aureus retrouvées chez les nouveau-nés hospitalisés, à la même période, dans le même service. Il s’agit donc vraisemblablement d’une infection nosocomiale à S. aureus secondaire à une transmission maternelle, la mère venant dans le service et participant aux soins quotidiens. L’identité des souches de S. aureus de l’enfant et de sa mère, apporte un argument en ce sens. D’autres prélèvements (nez– main) chez la mère, qui n’ont pas été faits à cette époque, auraient apporté un argument supplémentaire [6]. Ceci confirme que les principes de prévention des infections nosocomiales, en particulier le lavage soigneux des mains, doivent être renforcés chez les parents comme chez les soignants, sans pour autant remettre en cause l’intérêt et l’importance des soins prodigués par les parents auprès de leurs enfants [7]. Cette observation souligne, en outre, l’intérêt médico-légal que peuvent avoir les techniques de bactériologie moléculaire pour identifier les sources d’infection en milieu hospitalier.

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