Statines : des informations disponibles à la prescription courante…

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La Revue de médecine interne 35 (2014) 151–153 Disponible en ligne sur ScienceDirect www.sciencedirect.com Éditorial Statines : des informations d...

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La Revue de médecine interne 35 (2014) 151–153

Disponible en ligne sur

ScienceDirect www.sciencedirect.com

Éditorial

Statines : des informations disponibles à la prescription courante. . . Statins: From data to routine prescription. . . D. Vital Durand Service de médecine interne, centre hospitalier Lyon-Sud, 69495 Pierre-Bénite cedex, France

i n f o

a r t i c l e

Historique de l’article : Disponible sur Internet le 6 décembre 2013 Mots clés : Statines Prévention primaire Prévention secondaire Risque cardiovasculaire Keywords: Statins Primary prevention Secondary prevention Cardiovascular risk

Selon la base de données PubMed, 274 publications ont été consacrées aux statines en 1990 et pas moins de 2535 en 2010, avec un total cumulé qui dépasse 30 000 en 20 ans ! Il n’est donc pas facile pour un clinicien occupé de parvenir à une synthèse objective de la connaissance sur cette classe thérapeutique où certains voient un miracle et d’autres un filon industriel. . . Le pamphlet provocateur de notre collègue Philippe Even, La vérité sur le cholestérol [1], s’il ne constitue pas une analyse équilibrée du rapport bénéfice/risque des statines, a le mérite d’imposer une réflexion sur les indications de ces molécules que consomment désormais plus de 4,5 millions de Franc¸ais, dont 20 % des sujets de 55 à 75 ans ! Manifestement, ces chiffres exorbitants ne correspondent pas aux indications justifiées de ces médicaments et de nombreuses questions se posent à un prescripteur scrupuleux : qui traiter ? Pour quel objectif ? Et combien de temps ?

1. Cholestérol et risque cardiovasculaire Depuis 1961, l’étude épidémiologique de Framingham a permis d’identifier le cholestérol comme un marqueur du risque cardiovasculaire [2]. Cependant cette relation mérite d’être assortie de plusieurs commentaires :

• en France, le risque cardiovasculaire est faible comparé à celui observé aux États-Unis ou au Royaume-Uni, pays où sont réalisées la majorité des études cliniques, avec un risque naturel trois à quatre fois supérieur, indépendamment des chiffres du cholestérol [3]. L’étude MONICA [4], menée par l’OMS dans 38 villes internationales, a montré que Toulouse, Lille et Strasbourg présentaient la mortalité cardiovasculaire la plus faible. Les résultats des études effectuées dans des populations anglo-saxonnes ne peuvent donc pas être extrapolés sans corrections à la population franc¸aise ; • l’influence d’une hypercholestérolémie dans le calcul du risque cardiovasculaire est beaucoup plus marquée chez les sujets jeunes (40–49 ans), avec un accroissement de moitié des décès d’origine coronaire en cas d’hypercholestérolémie, que chez les sujets âgés (70–89 ans) chez lesquels cette augmentation n’est plus que de 17 % [5]. Le bénéfice potentiel de la correction d’une hypercholestérolémie est donc moins important chez les sujets âgés ; • mais surtout, le risque cardiovasculaire est multifactoriel et doit être analysé dans son ensemble : le sexe, l’hérédité, le tabagisme, l’hypertension artérielle, le diabète, l’obésité et la sédentarité doivent être pris en compte pour apprécier le risque chez un individu. L’étude MRFIT, qui avait suivi aux États-Unis 350 000 hommes pendant 6 ans, a montré que les sujets fumeurs, hypertendus et hypercholestérolémiques ont un risque multiplié par 20, alors que l’accroissement du risque lié à une hypercholestérolémie isolée n’est cliniquement significatif que pour

Adresse e-mail : [email protected] 0248-8663/$ – see front matter © 2013 Publié par Elsevier Masson SAS pour la Société nationale française de médecine interne (SNFMI). http://dx.doi.org/10.1016/j.revmed.2013.11.004

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des chiffres élevés (> 2,6 g/L) [6]. C’est l’association de plusieurs facteurs qui amplifie le risque, ce qui a logiquement conduit à l’établissement de tables, en particulier le SCORE européen, permettant de calculer le risque cardiovasculaire pour une personne donnée [7]. Il faut donc souligner que la prise en charge des sujets à risque doit être globale et centrée sur les mesures hygiénodiététiques, car l’obésité et le tabagisme constituent les facteurs de risque principaux dans les pays à faible risque cardiovasculaire [8,9].

2. Statines et prévention cardiovasculaire Cinq statines sont actuellement commercialisées en France : la simvastatine, la pravastatine, la fluvastatine, l’atorvastatine et la rosuvastatine. La réduction observée du LDL–cholestérol est variable selon les molécules mais elle s’avère toujours dose–dépendante [10]. L’ensemble des études effectuées avec les statines fait ressortir que le bénéfice clinique est d’autant plus grand que le risque cardiovasculaire initial est élevé. Cela conduit à distinguer formellement la prescription en prévention secondaire pour laquelle un bénéfice clinique est bien établi chez tous les patients, de la prescription en prévention primaire où elle doit être réservée aux patients à haut risque [11]. Si l’on considère les dizaines d’essais randomisés versus placebo concernant la prescription de statines, seuls cinq ont montré un bénéfice sur la « mortalité toutes causes » qui constitue le critère d’efficacité de référence : quatre chez des patients à haut risque (4S [12] ; HPS [13] ; LIPID [14] et WOSCOP [15]) et un seul chez des sujets japonais à plus faible risque [16]. L’étude JUPITER [17] n’est pas prise en considération compte tenu des critiques méthodologiques formulées concernant la réalisation de l’étude et l’interprétation de ses résultats [18]. Si l’on s’en tient à la prévention primaire, l’actualisation 2013 de la méta-analyse de la Cochrane Collaboration a inclus 19 essais contre placebo réalisés entre 1994 et 2008, qui cumulent un total de 56 934 participants [19]. Quatorze essais sur 19 rapportent des risques cardiovasculaires identifiés (hyperlipidémie, diabète, hypertension ou micro-albuminurie). Treize essais sur 19 (48 060) rapportent les chiffres de mortalité. Seule l’étude JUPITER, très discutable, est concluante sur ce critère de mortalité, ce qui rend la méta-analyse très critiquable. L’analyse conclut à une réduction de la mortalité globale, qui passe de 5,1 % en 5 ans sous placebo à 4,4 % sous statines (OR : 0,86 ; IC 95 % : 0,79–0,94). Cette réduction est minime en valeur absolue et 100 malades doivent être traités pendant cinq ans pour observer un bénéfice chez un seul patient. On pourrait souligner que la réduction observée de 20 à 30 % des accidents cardiovasculaires constitue un bénéfice clinique significatif mais on est surpris, alors que les données épidémiologiques placent la mortalité d’origine cardiovasculaire au premier rang aux États-Unis (33,6 % en 2007 [20]), que ces mêmes études portant sur des dizaines de milliers de patients aient autant de peine à démontrer une réduction de la mortalité globale, comme si les statines avaient peu d’effet sur la prévention des accidents les plus graves. Enfin les auteurs eux-mêmes soulignent la qualité médiocre de plusieurs essais de prévention primaire qui ont inclus des patients ayant déjà présenté un accident vasculaire. En toute rigueur, une nouvelle méta-analyse à partir des données individuelles serait nécessaire pour conclure formellement. Au total la prescription de statines en prévention primaire ne paraît justifiée que chez des sujets à haut risque, en particulier les diabétiques. Ce constat a logiquement conduit à remettre en question les recommandations de traitement jugées excessives en prévention primaire, en particulier chez les sujets de sexe féminin chez lesquels le risque naturel est plus faible ou les sujets les plus âgés [21].

3. Statines et effets indésirables L’analyse des effets indésirables est bien entendu un élément important de la réflexion d’autant que ce traitement va être poursuivi au long cours. Les internistes sont particulièrement concernés par les myalgies et les anomalies biologiques observées : 0,6 à 3,1 % des malades présentent une élévation des transaminases supérieure à trois fois la normale [22–24]. Dans l’analyse Cochrane, 3551/37 939 patients (9,4 %) se sont plaints de myalgies, résultat qui ne semble pas différent du groupe placebo, ce qui est difficile à comprendre. Les véritables rhabdomyolyses sous statines sont rares (3/19 410) et probablement dose–dépendantes. La survenue d’une polymyosite/dermatomyosite ou d’une myopathie nécrosante, quoique rare, doit également rester présente à l’esprit [22–24]. Plus récemment un risque accru de survenue de diabète a été retrouvé dans une méta-analyse de 13 essais de statines regroupant 91 140 participants [25]. Cette classe thérapeutique semble associée à un sur-risque de 9 % de diabète incident, en particulier chez les sujets les plus âgés. Par ailleurs certains auteurs se sont alarmés d’un sur-risque potentiel de cancers, en particulier du côlon, lors d’expositions de longue durée [26]. Cependant l’observation prolongée des sujets inclus dans différentes essais et le recul de 11 ans d’une cohorte portant sur plus de 20 000 sujets n’ont pas montré de risque accru de cancers incidents quel qu’en soit le site [27,28]. 4. Les statines à vie ? Actuellement, il ne semble pas possible de répondre à cette question à partir de données solidement établies. Le suivi durant une moyenne de 11 ans des 20 536 sujets à haut risque de la cohorte du Heart Protection Study Collaborative Group montre que le bénéfice observé à 5 ans sous simvastatine par rapport au groupe placebo se maintient inchangé ultérieurement alors que 75 % des sujets des 2 groupes sont désormais sous statines [28]. Mais cela ne démontre pas formellement la nécessité de poursuivre le traitement. La question est donc particulièrement posée pour les sujets âgés qui rec¸oivent par ailleurs de nombreux autres médicaments. L’essai PROSPER chez 5804 sujets de 70 à 82 ans à haut risque n’a pas montré de bénéfice de la pravastatine sur la mortalité globale au cours d’un suivi moyen de 3,2 années [29] et, comme nous l’avons dit, le bénéfice d’un traitement par statines est certainement moindre avec l’âge. Le traitement de l’hypertension artérielle, dont le bénéfice est établi chez les sujets âgés, est certainement prioritaire et il faut savoir remettre en cause un traitement par statine chez les sujets âgés. 5. Conclusion Il faut souligner que le risque cardiovasculaire fait intervenir de nombreux facteurs dont l’hypercholestérolémie n’est pas le composant principal. Alors que les statines sont en plein essor en prévention primaire, leur bénéfice sur la mortalité globale n’est pas établi. Leur prescription devrait donc être réservée aux sujets à haut risque alors que les règles hygiénodiététiques restent la pierre angulaire de la prise en charge. Déclaration d’intérêts L’auteur déclare ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article. Références [1] Even P. La vérité sur le cholestérol. Paris: Ed du Cherche-Midi; 2013, 378 pages.

D. Vital Durand / La Revue de médecine interne 35 (2014) 151–153 [2] Kannel WB, Dawber TR, Kagan A, Revotskie N, Stokes III J. Factors of risk in the development of coronary heart disease – six-year follow-up experience: the Framingham Study. Ann Intern Med 1961;55:33–50. [3] Rosamond W, Flegal K, Friday G, Furie K, Go A, Greenlund K, et al. Heart disease and stroke statistics – 2007 update. Circulation 2007;115:e69–171. [4] Rosamond WD, Chambless LE, Folsom AR. Survival trends, coronary event rates, and the MONICA project. Monitoring trends and determinants in cardiovascular disease. Lancet 1999;354:864–5. [5] Lewington S, Whitlock G, Clarke R, Sherliker P, Emberson J, Halsey J, et al. Blood cholesterol and vascular mortality by age, sex, and blood pressure: a metaanalysis of individual data from 61 prospective studies with 55,000 vascular deaths. Lancet 2007;370:1829–39. [6] Stamler J, Wentworth D, Neaton JD. Is relationship between serum cholesterol and risk of premature death from coronary heart disease continuous and graded? Findings in 356 222 primary screenees of the Multiple Risk Factor Intervention Trial (MRFIT). JAMA 1986;256:2823–8. [7] Conroya RM, Pyöräläb K, Fitzgeralda AP, Sansc S, Menottid A, De Backere A, et al. Estimation of ten-year risk of fatal cardiovascular disease in Europe: the SCORE project. Eur Heart J 2003;24:987–1003. [8] Faeh D, Braun J, Tarnutzer S, Bopp M. Public health significance of four cardiovascular risk factor assessed 25 years ago in a low prevalence country. Eur J Prev Cardiol 2013;20:151–60. [9] Ros E. How important is dietary management in hypercholesterolemia? Clin Lipidol 2012;7:489–92. [10] Law MR, Wald NJ, Rudnicka AR. Quantifying effect of statins on low density lipoprotein cholesterol, ischaemic heart disease, and stroke: systematic review and meta-analysis. BMJ 2003;326:1423–9. [11] Sirtori CR, Calabresi L. Japan: are statins still good for everybody? Lancet 2006;368:1135–6. [12] Randomised trial of cholesterol lowering in 4444 patients with coronary heart disease: The Scandinavian Simvastatin Survival Study (4S). Lancet 1994;344:1383–9. [13] Heart Protection Study Collaborative Group. MCR/BHF Heart protection study of cholesterol lowering with Simvastatine in 20,536 high-risk individuals: a randomized placebo controlled trial. Lancet 2002;360:7–22. [14] The Long-term Intervention with Pravastatin in Ischaemic Disease (LIPID) study group. Prevention of cardiovascular events and death with pravastatin in patients with coronary heart disease and a broad range of initial cholesterol levels. N Engl J Med 1998;339:1349–57. [15] Shepherd J, Cobbe SM, Ford I, Isles CG, Lorimer AR, MacFarlane PW, et al. Prevention of coronary heart disease with pravastatin in men with

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