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Rev Neurol (Paris) 2005 ; 161 : 2, 237-244
Mise au point Statines et prévention des accidents vasculaires cérébraux
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Formation Post-Universitaire
J.-P. Neau, H. Moumy, S. Mathis, R. Gil Adresse : Clinique Neurologique, CHU La Milétrie, 86021 Poitiers cedex 05. Tirés à part : J.-P. NEAU, à l’adresse ci-dessus. E-mail:
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RÉSUMÉ Les statines sont devenues un des premiers postes budgétaires en France tant leur champ de prescription s’est élargi depuis ces cinq dernières années sous l’impulsion d’études prospectives multicentriques. Ainsi, outre leur vertu préventive dans les affections coronariennes, il semble actuellement démontré qu’elles protègent également de la survenue d’accidents vasculaires cérébraux (AVC) chez les sujets coronariens (études CARE et LIPID) comme chez les sujets à risque (études HPS et ASCOT-LLA), et ce, quel que soit le taux plasmatique de cholestérol avec une diminution de 30 p. 100 environ du risque relatif d’AVC par rapport au placebo. Cette vertu préventive s’exerce a priori par d’autres voies que la diminution du cholestérol et/ou du LDL-cholestérol, probablement par un effet direct sur l’inflammation, la coagulation et la modulation de certains processus athérogènes et de la fonction endothéliale. Néanmoins, il reste à l’heure actuelle, de nombreuses zones d’incertitudes quant au rôle exact des statines sur la prévention secondaire des AVC (étude SPARCL), à leur utilité réelle chez le sujet âgé (étude PROSPER) et à la supériorité éventuelle d’une statine par rapport à l’autre.
Mots-clés : Statine • Prévention primaire et secondaire • Mécanismes physiopathogéniques • Perspectives
SUMMARY Statins and prevention of strokes J.-P. Neau, H. Moumy, S. Mathis, R. Gil, Rev Neurol (Paris) 2005; 161: 2, 237-244 Statins have become a leading prescription drug in France. Indications have been greatly extended over the last five years subsequent to publication of many multicentric prospective trials. Besides their preventive properties for coronary artery disease, their efficacy for the prevention of stroke also appears to be demonstrated in coronary patients (CARE and LIPID studies) and in subjects at risk (HPS and ASCOT-LLA studies) irrespective of the serum cholesterol level, the relative risk of stroke being decreased by 30 percent compared with placebo. This preventive capacity would involve pathways other than cholesterol and/or LDL-cholesterol lowering mechanisms, and would probably involve a direct effect on inflammation, coagulation, modulation of certain atherogenic processes, and endothelial function. There remains however certain questions concerning the exact role of statins on secondary prevention of stroke (SPARCL study), their real usefulness in the elderly subject (PROSPER study), and the relative superiority of individual statins.
Keywords: Primary and secondary prevention • Pathophysiological mechanisms • Perspectives
Les accidents vasculaires cérébraux (AVC) sont, dans les pays industrialisés, une pathologie très fréquente et particulièrement grave puisque représentant la troisième cause de mortalité, la deuxième cause de démence et la première cause de handicap. Malheureusement, si la prise en charge précoce de l’AVC une fois constitué par une équipe spécialisée améliore le pronostic fonctionnel et vital, l’essentiel
demeure la prévention, qu’elle soit primaire ou secondaire. Au cours de ces cinq dernières années, de grandes études internationales ont démontré qu’une stratégie thérapeutique agressive sur le cholestérol et le LDL-cholestérol apportait des bénéfices indiscutables tant en prévention primaire que secondaire. Plusieurs points cependant méritent d’être discutés : 1) l’hypercholestérolémie est-
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elle un facteur de risque des AVC ? ; 2) le traitement de l’hypercholestérolémie estil efficace en prévention primaire ? ; 3) le traitement de l’hypercholestérolémie estil efficace en prévention secondaire ? ; 4) le traitement est-il efficace quel que soit l’âge du sujet ? ; 5) par quels mécanismes physiologiques les statines sont-elles efficaces dans la prévention cardiovasculaire ?
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Hypercholestérolémie facteur de risque cardiovasculaire De très nombreuses données épidémiologiques démontrent que le risque de maladie cardiovasculaire augmente de façon continue et parallèle à l’élévation du cholestérol et surtout de sa fraction athérogène le LDL-cholestérol (low density lipoprotein cholesterol ou LDL-C). Ainsi, une augmentation de 1 p. 100 du cholestérol total augmente l’incidence des maladies coronaires de 2 à 3 p. 100 (Castelli et al., 1992). Il en est de même avec l’élévation du LDL-C, bien que cette augmentation du risque ne semble pas uniforme d’un pays à l’autre (Verschuren et al., 1995). Ce risque cardiovasculaire apparaît surtout majoré au-delà d’un seuil évalué de cholestérol total à 2 g/l (5,2 mmol/l) (LaRosa et al., 1990). Cette élévation du risque est surtout vraie pour les accidents coronariens, mais reste toujours débattue pour les AVC (Demchuk et al., 1999 ; Landau, 1999). Dans une méta-analyse déjà ancienne combinant le résultat de 10 études, le risque relatif d’AVC était de 1,3 en cas d’hypercholestérolémie supérieure à 2,20 g/l (> 5,7 mmol/l), mais était à 2,9 si la cholestérolémie habituelle était prise en considération et non la cholestérolémie lors de l’hospitalisation (Qizilbash et al., 1992). Cependant, ces résultats sont controversés dans deux études prospectives plus récentes montrant l’absence de corrélation entre le taux plasmatique de cholestérol et le risque d’AVC (Neaton et al., 1992 ; Prospective Studies Collaboration, 1995). D’autres auteurs ont montré qu’une élévation du risque n’apparaissait que pour des cholestérolémies supérieures à 3 g/l (> 8 mmol/l) (Lindenstroen et al., 1994). Si l’on prend en considération les fractions du cholestérol, une élévation du LDL-C serait un facteur de risque indépendant des AVC principalement d’origine athérothrombotique (Hachinski et al., 1996). Cet effet délétère d’une élévation du LDL-C a également été retrouvé dans une étude prospective de suivi de plus de 10 000 patients coronariens (Koren-Morag et al., 2002). À l’inverse, une élévation du HDL-C (high density lipoprotein cholesterol) serait associée à un effet protecteur vis-à-vis d’un AVC avec un odds-ratio à 0,53 (intervalle de confian-
ce : 0,39-0,72) lorsqu’il est supérieur à 0,35 g/l (< 0,9 mmol/l). Cet effet neuroprotecteur s’observerait quels que soient l’âge, le sexe, la race et s’avèrerait plus marqué pour les AVC d’origine athérothrombotique (Sacco et al., 2001). Le problème devient encore plus complexe puisque, s’il existe des doutes quant à la responsabilité d’une élévation du cholestérol total ou du LDL-C dans le risque de survenue d’AVC ischémiques, il semblerait, qu’à l’inverse, une hypocholestérolémie puisse être un facteur de risque d’hémorragies intracérébrales (HIC) pour une cholestérolémie inférieure à 1,89 g/l (< 4,9 mmol/l) dans l’étude d’Honolulu (Yano et al., 1989) et de 1,60 g/l (< 4,15 mmol/l) dans une étude américaine. Cette augmentation du risque d’HIC ne s’exercerait que pour des pressions artérielles diastoliques supérieures à 90 mm de Hg (Iso et al., 1989). Ainsi, il apparaît à l’heure actuelle qu’une élévation du cholestérol total ou de sa fraction athérogène, le LDL-C, puisse probablement être considérée comme un facteur de risque modéré des accidents vasculaires cérébraux ischémiques.
Le traitement de l’hypercholestérolémie est-il efficace en prévention primaire (Tableau I) ? De très nombreuses données épidémiologiques démontrent que le risque d’accidents ischémiques cérébraux (AIC) diminue significativement lorsqu’un traitement hypolipémiant est prescrit au décours d’un accident coronarien. Néanmoins, cette diminution du risque n’est pas observée si la baisse du cholestérol est obtenue par régime simple, cholestyramine ou fibrates (Atkins et al., 1993) avec une réduction du risque relatif à 1,31 [0,94-1,86]. Les résultats deviennent totalement différents lorsqu’une statine est utilisée. Dans une métaanalyse de 4 essais (1 891 patients) comparant 20 à 40 mg de pravastatine à un placebo sur un suivi de 3 ans, une diminution de 62 p. 100 du risque relatif d’AVC fatals ou non a été retrouvée, correspondant à 9 événements évités pour 1 000 patients traités (Byington et al., 1995). Les patients inclus étaient coronariens et avaient un taux moyen de cholestérol total discrètement
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élevé variant de 2,3 à 2,6 g/l (6,0 à 6,7 mmol/l). Une autre étude (étude 4S) avec analyse a posteriori du risque d’AVC avait également démontré une diminution de ce risque en prévention primaire avec une autre statine (simvastatine). L’étude 4S (Scandinavian Simvastatin Survival Study, 1994) a inclus 4 444 sujets coronariens âgés de 35 à 70 ans et ayant un taux de cholestérol total entre 2,1 et 3,1 g/ l (5,5 et 8,0 mmol/l). Après 8 semaines de régime adapté, ces patients ont été inclus dans un bras placebo ou un bras simvastatine (20-40 mg) et traités pendant une durée moyenne de 5,4 ans. Sous simvastatine, une réduction significative de 28 p. 100 des événements cérébrovasculaires (AVC et accidents ischémiques transitoires) et de 24 p. 100 des AVC a été observée. Il faut noter que 37 p. 100 des patients étaient également traités par aspirine. Deux études employant 40 mg de pravastatine ont alors évalué le risque de survenue d’AVC comme critère secondaire (LIPID : Long-term Intervention with Pravastatin in Ischaemic Disease ; CARE : Cholesterol And Recurrent Events). L’étude LIPID a été menée sur 9 014 patients ayant présenté un événement coronarien avec un taux de cholestérol entre 1,55 et 2,71 g/l (4,0 et 7,0 mmol/l). Après un suivi de 6 ans, les patients sous pravastatine (40 mg) présentèrent une réduction significative de 19 p. 100 d’AVC et de 23 p. 100 d’AIC, soit 8 AVC évités pour 1 000 patients traités, et ce, sans augmentation significative du risque hémorragique. Il est intéressant de constater que cet effet favorable fut également observé dans le sous-groupe des AIC d’origine cardio-embolique (White et al., 2000). L’étude CARE comprenait 4 159 patients ayant présenté un événement coronarien avec un taux de cholestérol normal ou à la limite supérieure (< 2,40 g/l ou < 6,2 mmol/l). Après un suivi de 5 ans, les patients sous pravastatine (40 mg) présentèrent une réduction significative de 32 p. 100 du risque d’AVC. Ce résultat favorable fut obtenu alors que la majorité des patients étaient également traités par aspirine (83 p. 100) et anti-hypertenseurs (82 p. 100) (Sacks et al., 1996). Ces études LIPID et CARE ont également démontré une réduction significative du risque de mortalité coronarienne (respectivement 24 p. 100 et 20 p. 100), de mortalité totale
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Tableau I. Statines et prévention primaire et secondaire des AVC. Critères Statine (mg/j) Analyse AVC Nombre de patients [extrêmes âge, ans] âge moyen (ans) Suivi moyen (ans) Paramètres lipidiques de base : moyenne CT : g/l (mmol/l) LDL-C : g/l (mmol/l) Nombre d’AVC (statine/Placebo) Pourcentage d’AVC (statine/placebo) Réduction du risque absolu Événements cliniques (p. 100 réduction) Mortalité totale Mortalité vasculaire Événements coronaires majeurs Accidents vasculaires cérébraux Nombre d’AVC évités pour 1 000 patients traités NPT pour éviter 1 AVC
Prévention Primaire
Prévention secondaire
PROSPER°
4S
LIPID
CARE
ASCOTT-LLA°
HPS°
Pravastatine (40) Prospective
Pravastatine (40) Prospective
Pravastatine (40) Prospective
Atorvastatine (10) Prospective
Simvastatine (40) Prospective
9 014 [31-75] 623
4 159 [21-75] 59,0 ± 9,0
10 305 [40-79] 633
20 536 [40-80] 64
3,2
Simvastatine (20-40) Analyse à postériori 4 444 [35-70] 58,2 ± 7,31 60,5 ± 6,42 5,43
6,1
5,0
3,33
5,3
2,2 (5,7) 1,45 (3,8) 131/135 4,5/4,7 – 0,2 3
2,61 (6,8) 1,88 (4,9) 75/102 2,6/3,8 1,6 30
2,18 (5,66) 1,50 (3,88) 188/231 3,7/4,5 0,8 22
2,09 (5,43) 1,39 (3,61) 52/76 4,0/5,2 1,2 9
2,11 (5,5) 1,3 (3,4) 89/121 1,7/2,4 0,7 13
2,27 (5,9) 1,31 (3,4) 444/585 4,3/5,7 1,4 12,9
24* 19 – 7**
42 34 24
24 29 19
20 24 31
10 38 27
17 27 25
ND
16
8
13
7
14
ND
ND
ND
ND
ND
71
5 804 [70-82] 75,4 ± 3,3
° : étude double en prévention primaire et secondaire des AVC ; 1 : hommes ; 2 : femmes ; 3 : âge ou suivi médian ; * : mortalité uniquement par affection coronarienne ; ** : augmentation non significative du risque d’AVC sous pravastatine ; NPT : nombre de patients à traiter ; ND : non déterminé ; CT : cholestérol total ; AVC : accident vasculaire cérébral.
(23 p. 100 pour LIPID) de mortalité coronarienne et d’infarctus du myocarde non fatal (24 p. 100 pour CARE et LIPID) sans majoration du risque hémorragique cérébral. L’effet préventif de la pravastatine apparaît bien plus marqué chez les patients ayant un taux élevé de LDL-C (supérieur à 1,25 g/l soit supérieur à 3,25 mmol/l). Il est observé chez les diabétiques, les hypertendus, chez les hommes et les femmes (28 AVC ou AIT évités pour 1 000 femmes traitées pendant 5 ans). En revanche, chez plus de 80 000 patients indemnes de pathologie coronarienne (étude WOSCOPS), mais ayant un taux de LDL-C élevé, la prise quotidienne de 40 mg de pravastatine pendant 5 ans n’a pas montré de vertu préventive quant à la survenue d’AVC (Shepherd et al., 1995). Il en est de même pour l’étude
ALLHAT-LLT qui a inclus 10 335 patients âgés de plus de 55 ans (LDL-C : de 1,20 à 1,89 g/l [3,1 à 4,9 mmol/l] ou de 1,0 à 1,29 g/l [2,6 à 3,3 mmol/l] si pathologie coronarienne connue) traités par pravastatine (40 mg/j) versus placebo (ALLHAT, 2002). Aucune étude, à l’heure actuelle, n’a démontré un effet préventif des fibrates (gemfibrozil) en prévention primaire des AVC, y compris chez des sujets coronariens (Rubins et al., 1999) sauf s’il existe un diabète associé à un taux diminué () 0,40 g/l ou 1,0 mmol/l) de HDL-CT (Rubins et al., 2002). Il en est de même pour les autres statines. Cependant, en comparaison avec le placebo, l’atovastatine prescrite à 80 mg/j chez des coronariens aigus réduit significativement le risque d’AVC dans les 16 premières se-
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maines, bien que le nombre d’AVC soit faible dans les deux groupes (étude MIRACL) (Schwartz et al., 2001).
Le traitement de l’hypercholestérolémie est-il efficace en prévention secondaire (Tableau I) ? Deux grandes études (HPS : Heart Protection Study et ASCOT-LLA : AngloScandinavian Cardiac Outcomes Trial — Lipid Lowering Arm) ont évalué l’éventuel bénéfice d’un traitement par statine (respectivement simvastatine 40 mg/j et atorvastatine 10 mg/j) versus placebo en prévention secondaire d’un AVC (Heart Protection Study Collaborative Group,
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2002 ; Sever et al., 2003). Ces deux grandes cohortes incluant plus de 30 000 patients sont en fait des études de prévention secondaire partielles des AVC, car d’une part, le nombre d’AVC comme événement qualifiant représentait une part modeste dans ces deux études (10 p. 100), et d’autre part, chez les 1 820 AVC initiaux inclus dans l’étude HPS et les 1 001 dans l’étude ASCOT-LLA, le risque de récidive ultérieure (c’est-à-dire la prévention secondaire réelle) n’a pas été publié à ce jour (Kaste, 2003). Dans l’étude HPS, le sous groupe de patients inclus pour un AVC et traité par Simvastatine a présenté une réduction significative (20 p. 100) du risque d’événement vasculaire majeur par rapport au groupe placebo. Par contre, il n’a pas été observé de diminution du risque de récidive d’AVC (Collins et al., 2004). L’étude HPS a inclus 20 536 patients, hommes et femmes, âgés de 40 à 80 ans ayant un cholestérol total supérieur à 1,35 g/l (* 3,5 mmol/l) et ayant présenté soit une pathologie coronarienne (59 p. 100), soit une atteinte cérébrovasculaire (1 820 patients soit 8,9 p. 100), soit une artériopathie périphérique (13,1 p. 100), soit enfin un diabète (19,4 p. 100). La nature (lacune, athéromateuse, cardiaque…) de l’événement cérébrovasculaire qualifiant ou survenu lors du suivi de l’étude n’était pas précisée. De plus, les patients ayant un antécédent d’AVC gravement invalidant étaient exclus de l’étude. Le taux de LDLC était variable à l’admission du patient : inférieur à 1,16 g/l (33 p. 100), entre 1,16 et 1,35 g/l (25 p. 100) et supérieur à 1,35 g/ l (42 p. 100). Les patients traités par simvastatine (40 mg/j) ou placebo ont été suivis pendant une durée moyenne de 5,3 années. Le critère principal d’évaluation était la mortalité totale (d’origine coronarienne et non coronarienne) et comme critères secondaires les AVC fatals ou non, les événements vasculaires majeurs (événements coronariens majeurs, AVC de tous types et revascularisations coronariennes ou non), la mortalité de cause non coronarienne et les événements coronariens majeurs (infarctus du myocarde non fatals ou décès coronariens). Cette étude a montré un bénéfice net de la simvastatine avec une diminution de la mortalité totale (13 p. 100) en raison essentiellement d’une nette diminution de la mortalité coronarien-
ne (18 p. 100), une réduction de 25 p. 100 du premier AVC fatal ou non (4,3 p. 100 dans groupe simvastatine versus 5,7 p. 100 dans groupe placebo). Ce résultat était dû à une nette diminution de l’incidence des accidents ischémiques (30 p. 100) sans différence apparente sur l’incidence des accidents hémorragiques. Cette diminution intéressait les AVC fatals ou gravement invalidants, les AVC moins graves et les accidents ischémiques transitoires et s’adressait également aux sujets diabétiques sans pathologie vasculaire initiale (Heart Protection Study Collaborative Group, 2003) ou avec coronaropathie initiale (Heart Protection Study Collaborative Group, 2002), et ce, quels que soient le taux plasmatique initial de LDL-C, l’âge ou le sexe des participants. L’étude ASCOT-LLA a inclus 10 305 patients, hommes et femmes, âgés de 40 à 79 ans ayant une HTA et cholestérol total inférieur ou égal à 2,5 g/l () 6,5 mmol/l) et ayant au moins trois autres facteurs de risque parmi hypertrophie ventriculaire gauche, anomalies électrocardiographiques, diabète de type 2, artérite des membres inférieurs, antécédent d’AIT ou d’AVC (nature non précisée) ou de pathologie cardiaque familiale précoce, sexe masculin, âgé de 55 ans ou plus, microalbuminurie ou protéinurie, un rapport cholestérol plasmatique-HDL-CT supérieur ou égal à 6. Après un suivi médian de 3,3 années, les patients traités par 10 mg/j d’atorvastatine ont présenté significativement, et ce dès la première année, moins d’événements coronariens (infarctus du myocarde non fatal et affections coronariennes ou cardiaques fatales), une diminution de 27 p. 100 d’AVC fatals ou non (p = 0,024) et de 21 p. 100 d’événements cardiovasculaires globaux par rapport au groupe placebo (Sever et al., 2003). Aucune différence significative ne fut observée dans le groupe traité par atorvastatine quant à la mortalité cardiovasculaire, ni dans le sous-groupe des patients diabétiques (n = 2 532), des sujets de sexe féminin qui ne représentaient que 18,8 p. 100 des patients inclus, des sujets âgés de moins de 60 ans, ou ceux inclus avec une affection vasculaire pré-existante (n = 1 471) tels les AVC, les AIT (Sever et al., 2003). Une autre étude spécifique de prévention secondaire, dévolue aux patients ayant présenté un AIT ou un AVC et dont les résul-
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tats seront dévoilés en 2004-2005, est en cours (Stroke Prevention by Aggressive Reduction in Cholesterol Levels : étude SPARCL). Cette étude en double aveugle contre placebo a inclus 4 732 patients (âge moyen 62,8 ans entre 21 et 92 ans) comportant 59,8 p. 100 d’hommes, 40,2 p. 100 de femmes ayant présenté un AIT ou un AVC et un taux de LDL-C compris entre 1,00 et 1,90 g/l et indemnes de pathologie coronarienne. Ces patients sous placebo ou atorvastatine (80 mg/j) seront suivis 5 ans ; le critère principal est la récidive d’un AVC fatal ou non (SPARCL, 2003). Le coût de cette prévention apparaît majeur puisque Hankey et Warlow (Hankey et Warlow, 1999) ont estimé qu’il en coûterait 41 000 dollars australiens pour éviter un AVC par an, si tous les sujets qui, ayant un taux de cholestérol total supérieur ou égal à 2,7 g/l (* 7,0 mmol/l) prenait une statine (simvastatine : 20 mg ou pravastatine : 20-40 mg). Quant bien même ces sujets seraient parfaitement compliants, ce coût n’éviterait environ que 4 p. 100 des AVC annuels.
Le traitement de l’hypercholestérolémie est-il efficace chez le sujet âgé ? Les différentes études antérieures ont démontré une efficacité des statines en prévention primaire d’un AVC chez le sujet coronarien et chez le sujet diabétique et probablement en prévention secondaire. Ces différentes études avaient inclus des sujets relativement jeunes puisque la limite supérieure d’âge était de 70 ans (4S), 75 ans (CARE, LIPID), 79 ans (ASCOT-LLA) à 80 ans (HPS) tout en sachant que dans cette dernière plus de 50 p. 100 des sujets inclus avaient plus de 65 ans. Pour combler cette lacune, une étude en double aveugle ayant inclus 5 804 sujets de 70 à 82 ans (75,3 ± 3,4 ans) atteints d’une maladie vasculaire (prévention secondaire) ou à haut risque vasculaire (prévention primaire) a été conduite (étude PROSPER) (Tableau I). Les patients étaient inclus quel que soit leur taux initial de cholestérol (de 1,55 à 3,45 g/l ou de 4,0 à 9,0 mmol/l) et ont été traités soit par placebo soit par pravastatine (40 mg/j). La durée moyenne de
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suivi a été de 3,2 ans et le critère de jugement principal était composite regroupant la mortalité coronarienne, les infarctus du myocarde fatals ou non et les AVC fatals ou non. Les critères secondaires intéressant le neurologue étaient la survenue d’AVC fatals ou non et le déclin cognitif (Sheperd et al., 2002). Globalement, la pravastatine a diminué le taux de LDL-C de 34 p. 100 et la fréquence des événements vasculaires de 15 p. 100 (soit un risque sous pravastatine de 0,85 avec un intervalle de confiance à 95 p. 100 entre 0,74 et 0,97 ; p = 0,014). En revanche, l’effet bénéfique et protecteur de la pravastatine n’était observé que sur les coronaropathies mortelles et les infarctus du myocarde non fatals (19 p. 100, soit un risque sous pravastatine de 0,89 avec un intervalle de confiance à 95 p. 100 entre 0,74 et 0,97 ; p = 0,006), non sur les AVC (plus 3 p. 100, soit un risque sous pravastatine de 1,03 avec un intervalle de confiance à 95 p. 100 entre 0,81 et 1,31 ; p = 0,8) et à limite de la significativité sur les AIT (25 p. 100, soit un risque sous pravastatine de 0,75 avec un intervalle de confiance à 95 p. 100 entre 0,55 et 1,00 ; p = 0,051). Cette différence de significativité entre les AVC et les AIT est équivoque, et il est possible, comme le soulignent les auteurs, qu’une durée de suivi plus longue ait été nécessaire pour mettre en évidence un effet favorable sur les AVC. D’autre part, aucun effet significatif n’a été observé sur les démences (soit un risque sous pravastatine de 1,25 avec un intervalle de confiance à 95 p. 100 entre 1,04 et 1,51 ; p = 0,020) et à l’inverse un risque accru de cancer a été retrouvé incitant ainsi à la prudence (soit un risque sous pravastatine de 1,25 avec un intervalle de confiance à 95 p. 100 entre 1,04 et 1,51 ; p = 0,020). Une analyse en sous groupe a montré que la réduction du risque vasculaire a été plus marquée sous pravastatine : 1) chez les hommes (moins 23 p. 100) que chez les femmes (moins 4 p. 100, non significatif) ; 2) en prévention secondaire (moins 22 p. 100) que primaire (moins, 6 p. 100, non significatif) ; et 3) quand le HDL-C est bas (moins 36 p. 100 si le taux est inférieur à 1,11 mmol/l) que lorsqu’il est élevé (plus 9 p. 100 si HDL-C > 1,37 mmol/l, non significatif). Il faut cependant souligner que, dans l’étude ASCOT-LLA, lors
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d’une analyse rétrospective, la réduction du risque d’AVC était également significative même dans la population âgée de plus de 70 ans (Sever et al., 2003). En prévention secondaire, l’étude SPARCL pourra peut-être nous apporter des précisions chez les sujets âgés puisque la limite supérieure d’âge a été de 92 ans. Cependant, la moyenne d’âge apparaît basse (62,8 ans) et nous ignorons l’importance éventuelle du groupe des patients âgés de plus de 75 ans. Ces résultats posent de nombreux problèmes en pratique clinique quotidienne puisque les résultats sont non significatifs : 1) pour les AVC chez des patients d’une moyenne d’âge de 75 ans qui représente presque la moyenne d’âge des AVC dans nos pays industrialisés ; 2) chez les femmes qui constituent presque la moitié des AVC ; et 3) chez les sujets ayant un taux élevé de HDL-C. Une analyse en sousgroupe du type d’AIC n’a pas été effectuée. Enfin, aucune étude n’a été effectuée quant à la prévention secondaire des 649 patients (321 pravastatine versus 328 placebo) inclus (11 p. 100) dans cette étude pour un AVC ou un AIT (Sheperd et al., 2002).
Par quels mécanismes les statines sont-elles efficaces dans la prévention vasculaire ? Les différentes études épidémiologiques ont montré que l’effet vasculo-protecteur des statines devait s’exercer par d’autres voies que la simple réduction du taux plasmatique de cholestérol total ou de LDLC. En effet, cette efficacité préventive est également retrouvée chez les patients ayant un taux de cholestérol total et/ou de LDL-C normal, bien qu’elle soit d’autant plus efficace que le taux de LDL est élevé (étude LIPID). Ainsi, d’autres mécanismes physiopathogéniques permettant d’expliquer l’efficacité préventive interviennent, tels la stabilisation de la plaque athéromateuse, l’amélioration de la fonction endothéliale, l’augmentation de la fibrinolyse ou enfin l’action antithrombotique. La stabilisation de la plaque athéromateuse et l’effet anti-athérome des statines ont été démontrés in vivo lors de plusieurs études
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mesurant l’évolution d’un marqueur de l’athérosclérose : l’épaisseur intima média (EIM). L’étude PLAC II (Pravastatin, Lipids and Atherosclerosis in the Carotid arteries) a étudié 151 coronariens ayant au moins une lésion de l’artère carotide primitive définie par une EIM supérieure à 1,3 mm avec un taux de LDL-C compris entre le 60° et le 90° percentile. Après un suivi de trois ans et des mesures régulières de l’EIM en douze points, le groupe sous pravastatine (40 mg/j) a présenté un ralentissement significatif de 35 p. 100 du taux de progression de la valeur moyenne de l’indice maximal des EIM au niveau de l’artère carotide primitive par rapport à un groupe placebo. Une baisse significative du LDL-C (moins 28 p. 100) et une diminution importante mais non significative des événements coronaires (moins 60 p. 100) ont été parallèlement observées (Crouse et al., 1995). L’étude KAPS (Kuopio Atherosclerosis Prevention study) a inclus 447 hommes dont seulement 10 p. 100 avaient eu un événement coronarien avéré (Salonen et al., 1995). Après 3 ans de suivi et par rapport au groupe placebo, le groupe sous pravastatine (40 mg/j) a présenté une diminution significative du taux de progression annuelle de l’athérosclérose de 45 p. 100 au niveau de l’artère carotide prise dans sa globalité (66 p. 100 au niveau de la carotide primitive et 30 p. 100 au niveau du bulbe carotidien). Une réduction significative de l’EIM carotidien a également été observée chez des sujets sans affection cardiovasculaire symptomatique traités par lovastatine versus placebo (étude ACAPS) (Furberg et al., 1994). Ce ralentissement de l’athérosclérose paraît lié à la baisse du LDL-C. L’efficacité des statines sur la progression de l’EIM pourrait être variable selon la statine prescrite. L’étude ARBITER (Arterial Biology for the Investigation of the Treatment Effects of Reducing Cholesterol) a inclus 161 sujets d’âge moyen 60 ans (71,4 p. 100 hommes) sans antécédent vasculaire (54 p. 100) ou ayant une pathologie cardiovasculaire connue (46 p. 100) nécessitant un traitement hypolipémiant. Les patients ont été traités soit par pravastatine (40 mg/j) soit par atorvastatine (80 mg/j) pendant douze mois. L’EIM a été mesurée au niveau de la partie distale de l’artère carotide interne à l’inclusion et après 12 mois de traitement par statine. Le
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taux de LDL-C a diminué de façon significativement plus importante dans le groupe atorvastatine (48,5 p. 100) pour atteindre 0,76 ± 0,23 g/l par rapport au groupe pravastatine (27,2 p. 100 et 1,10 ± 0,30 g/l). Parallèlement dans le groupe atorvastatine, l’EIM carotidienne a diminué (moins 0,034 ± 0,021 mm) alors qu’elle est restée stable dans le groupe pravastatine (0,025 ± moins 0,017 ; p = 0,03). Ceci montre qu’une réduction marquée du LDL-C permet de ralentir la progression de l’athéromatose carotidienne à long terme (Taylor et al., 2002). D’autre part, l’athérosclérose serait en partie liée à un processus inflammatoire chronique marqué par la présence de monocytes, de macrophages et de lymphocytes T dans la plaque athéromateuse. Un des témoins de cette inflammation est le taux de protéine C réactive (CRP). Une étude ancillaire de l’étude CARE a mesuré le taux de CRP à l’inclusion et après 5 ans chez 472 sujets inclus dans l’étude CARE (pravastatine 40 mg/j versus placebo). Une diminution significative du taux médian de CRP (moins 21,6 p. 100), du taux moyen de CRP (moins 37,8 p. 100) et de la baisse moyenne du taux de CRP (moins 0,137 mg/dl) a été observée sous pravastatine et ce indépendamment du taux initial de cholestérol total (Ridker et al., 1999). Cette diminution du taux de CRP survient dès la douzième semaine (Etude PRINCE) (Albert et al., 2001). Une élévation initiale de la CRP serait importante pour l’efficacité des statines (lovastatine : 40 mg/j) en prévention primaire des affections coronariennes (étude AFCAPS/TexCAPS), y compris chez des sujets ayant des taux de LDL-C bas (Ridker et al., 2001). Ainsi, les statines moduleraient un certain nombre de processus athérogènes (diminution de la croissance des cellules musculaires lisses, réduction de la prolifération des macrophages…) permettant une stabilité de la plaque et une diminution du risque de rupture et de formation d’un thrombus (Delanty et Vaughan, 1997). Les statines ont également une action complexe sur la fonction endothéliale. Elles augmentent l’expression de la NOsynthétase indépendamment des taux de cholestérol circulants (Vaughan et Delanty, 1999). Cette action neuroprotectrice est également retrouvée dans un modèle
expérimental de souris normocholestérolémique chez lequel un traitement prophylactique avec une statine améliore le flux sanguin cérébral et réduit la taille des AVC. Ces effets protecteurs n’étaient pas retrouvés chez les souris présentant un déficit congénital en NO-synthétase (Endres et al., 1998). Chez l’homme, la pravastatine pourrait améliorer la vasoréactivité cérébrale chez des patients ayant une pathologie des petites artères (Sterzer et al., 2001). Enfin, les statines agissent sur la coagulation, la formation du thrombus (Undas et al., 2001), la déformation des érythrocytes ou les niveaux plasmatiques de l’activateur du plasminogène et ce, encore indépendamment du taux initial de LDL-C (Dangas et al., 2000). S’il reste difficile d’évoquer un effet classe des statines, toutes ont montré une certaine efficacité dans la prévention des affections cardiovasculaires mais ont rarement été comparées entre elles (étude ARBITER). Néanmoins, l’étude CURVES a comparé l’efficacité sur le taux de LDL-CT, de cholestérol total et de HDLCT des différentes statines (atorvastatine, pravastatine, simvastatine, lovastatine et fluvastatine) prescrites pendant huit semaines à différents dosages mais identiques pour chaque statine. Cette étude a conclu, sur 534 sujets hypercholestérolémiques (LDL-CT * 1,6 g/l ou 4,2 mmol/l), à une efficacité supérieure de l’atorvastine (10, 20 et 40 mg) sur le taux de cholestérol total et identique, ou plus marquée sur le taux de LDL-CT par rapport aux doses identiques des quatre autres statines (Jones et al., 1998). Cet effet plus marqué sur les paramètres lipidiques n’implique cependant pas une efficacité supérieure en prévention vasculaire primaire ou secondaire.
Conclusion Les statines possèdent de très nombreuses vertus en plus de leur rôle hypolipémiant. Leur prescription en prévention primaire des AVC chez des patients coronariens ou ayant plusieurs facteurs de risque (diabète, hypertension artérielle…) apparaît nécessaire. En prévention secondaire, à l’heure actuelle, deux études ont démontré une probable efficacité sans que l’on sache s’il
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existe des sous-classes d’AVC qui bénéficieraient davantage de cette thérapeutique. Les résultats très attendus de l’étude SPARCL permettront peut-être d’affiner l’utilisation des statines en prévention secondaire d’un AVC. Chez les sujets âgés ou très âgés, le bénéfice à court terme n’apparaît pas évident quant à la prévention des AVC. D’autre part, il ne paraît pas actuellement possible de privilégier de façon formelle une statine par rapport à une autre. La posologie efficace pourrait être de 40 mg pour la simvastatine et la pravastatine. Pour l’atorvastatine, les posologies utilisées dans les études sont variables allant de 10 mg (ASCOT-LLA) à 80 mg (ARBITER, SPARCL). Il reste cependant à déterminer si l’objectif à atteindre n’est pas une diminution optimale du taux de LDL-CT.
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