Affections hématologiques et accidents vasculaires cérébraux

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EMC-Neurologie 2 (2005) 339–348 http://france.elsevier.com/direct/EMCN/ Affections hématologiques et accidents vasculaires cérébraux Haematological ...

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EMC-Neurologie 2 (2005) 339–348

http://france.elsevier.com/direct/EMCN/

Affections hématologiques et accidents vasculaires cérébraux Haematological disorders and stroke I. Crassard *, F. Woimant Service de neurologie, hôpital Lariboisière, 2, rue Ambroise-Paré, 75010 Paris, France

MOTS CLÉS Accident vasculaire cérébral ; Thrombophilies ; Syndrome myéloprolifératif ; Drépanocytose ; Anticorps antiphospholipides

KEYWORDS Stroke; Thrombophilia; Myeloproliferative disease; Sickle cell disease; Antiphospholipid antibodies

Résumé Les affections hématologiques associées aux accidents vasculaires cérébraux (AVC) sont nombreuses et variées. Elles représentent cependant un faible pourcentage des étiologies des AVC. Elles sont pour certaines importantes à rechercher activement car leur mise en évidence peut impliquer un traitement spécifique. Pour d’autres (par exemple thrombophilies récemment identifiées comme la mutation du gène du facteur V Leiden ou de la prothrombine), leur recherche ne doit pas être systématique mais se discute en cas d’AVC du sujet jeune d’étiologie indéterminée et en présence d’antécédents familiaux ou personnels de thrombose artérielle ou veineuse. © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés. Abstract Various and numerous haematological disorders are associated with stroke. However, they constitute only a small percentage among stroke aetiologies. Some of them have to be actively sought because their presence may imply specific therapy. The screening of others, such as the recently identified thrombophilia as mutations of factor V Leiden or G20210A of the prothrombine gene, should not be systematic but discussed in case of stroke in young patients without specific cause or in case of familial or personal history of thrombosis. © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Introduction

Pathologies des éléments figurés du sang

La fréquence des accidents vasculaires cérébraux (AVC) attribués à une affection hématologique reste encore mal connue et imprécise ; elle est estimée à 1 % pour l’ensemble des AVC et entre 2 à 16 % pour les AVC des sujets jeunes.1–3

Hématies

* Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (I. Crassard).

Polyglobulies Dans les polyglobulies vraies, les accidents ischémiques cérébraux (AIC) sont décrits chez 10 à 20 % des sujets.4 Une étude multicentrique italienne rapporte le suivi sur 20 ans de 1213 patients avec une polyglobulie traitée et met en évidence un taux d’AIC de 9,5 % et d’accident ischémique transitoire (AIT) de 19,5 %.5 Les accidents ischémiques n’ont pas de caractéristiques particulières ; on note ce-

1762-4231/$ - see front matter © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés. doi: 10.1016/j.emcn.2005.04.001

340 pendant souvent une installation progressive des symptômes et une localisation sous-corticale des symptômes ; les thromboses veineuses sont volontiers révélatrices de la polyglobulie. Le risque thrombotique est corrélé à l’élévation du taux d’hématocrite et probablement aussi à la thrombocytose et aux anomalies des fonctions plaquettaires qui sont fréquemment associées.6 Le traitement par saignées permet d’augmenter le débit sanguin cérébral et d’améliorer cliniquement ces patients. Il s’agit d’un traitement d’attaque, la répétition des saignées augmentant le risque de thrombose. Aussi, au décours de la phase aiguë, un traitement par myélosuppression est souvent préférable. Le traitement préventif par aspirine a été discuté pendant de nombreuses années à cause du risque d’hémorragie. Une étude randomisée récente a cependant montré que de faibles doses d’aspirine (100 mg/j) réduisaient le risque d’évènements thrombotiques sans que le risque d’hémorragie soit augmenté par rapport au groupe placebo.7 Les hémorragies cérébrales compliquent essentiellement les formes sévères et évoluées de polyglobulie vraie. Au cours des polyglobulies secondaires aux affections rénales, un risque élevé de thrombose artérielle cérébrale est rapporté, il n’a pas été démontré dans les cardiopathies cyanogènes ou dans les insuffisances respiratoires qui pourtant s’accompagnent également d’une baisse du débit sanguin cérébral.4 Dans les pseudopolycythémies (« spurious polycythemia » des Anglo-Saxons) des sujets d’âge moyen, obèses, fumeurs, volontiers hypertendus,

I. Crassard, F. Woimant le risque d’AIC est nettement supérieur à celui des sujets du même âge ; le rôle de l’élévation de l’hématocrite (en général modéré) est discuté compte tenu des autres facteurs de risque associés. Anémies Les anémies ferriprives, secondaires à un saignement chronique sont associées à une thrombocytose secondaire et à un état d’hypercoagulabilité. Elles ont été rapportées comme cause d’AIC ou de thromboses veineuses cérébrales (TVC) dans quelques rares cas.8–11 Les anémies par hémorragie aiguë et grave compliquée d’hypotension artérielle sévère sont à l’origine d’accidents ischémiques cérébraux ou rétiniens. Il s’agit le plus souvent d’infarctus jonctionnels ou d’infarctus distaux secondaires à une sténose artérielle. Hémoglobinurie paroxystique nocturne Cette anémie chronique est une cause bien connue de thrombose veineuse cérébrale12 (Fig. 1). Bien qu’il s’agisse d’une pathologie thrombotique, le traitement par héparine est discuté en raison du risque d’activation par l’héparine des plaquettes atteintes et de l’activation de la coagulation par ce biais. Le rôle de cette pathologie dans la survenue d’occlusions artérielles reste incertain. Anomalies héréditaires de l’hémoglobine Les AVC sont rapportés chez environ 10 % des sujets drépanocytaires (3 à 17 %) homozygotes Hb SS. Il s’agit trois fois sur quatre d’accidents ischémiques, survenant dans cette forme homozygote avant

Figure 1 Thrombose veineuse cérébrale du sinus sagittal supérieur chez une patiente de 28 ans ayant une hémoglobinurie paroxystique nocturne. À gauche, IRM séquence pondérée T1 : hypersignal du sinus thrombosé (flèche). À droite, angio-RM temps veineux, absence de flux dans le sinus thrombosé (flèche).

Affections hématologiques et accidents vasculaires cérébraux l’âge de 15 ans (en moyenne vers 6 ans). Les artères de gros et de petit calibre peuvent être atteintes ; la topographie des infarctus est fréquemment jonctionnelle ou sous-corticale.13 La réalisation d’imageries par résonance magnétique (IRM) systématiques permet souvent la découverte d’infarctus « silencieux » chez des patients jusqu’alors considérés comme asymptomatiques.14 L’angiographie (conventionnelle ou par résonance magnétique) visualise des sténoses ou des occlusions de vaisseaux intracrâniens réalisant un aspect de type « moyamoya ». Le doppler transcrânien permet de retrouver ces sténoses sous forme d’accélérations enregistrées au niveau des cérébrales moyennes, une valeur supérieure à 200 cm/s étant associée à une augmentation de près de 2,5 fois du risque d’AIC.15 Dans deux tiers des cas, les AIC récidivent le plus souvent dans les 2 premières années. La physiopathologie de ces accidents est complexe, associant une hyperplasie intimale des vaisseaux intracrâniens, des thromboses et très rarement des embolies graisseuses à partir de foyer de nécrose osseuse.16 Les TVC sont rares et s’observent essentiellement en cas d’anomalies associées de l’hémostase. Les hémorragies intracrâniennes (sousarachnoïdiennes et cérébrales) surviennent avant l’âge de 25 ans. Elles résultent de lésions pariétales artérielles induites par l’occlusion des vasa vasorum, pouvant favoriser la constitution d’anévrismes. Certains facteurs de risque d’AVC ont été identifiés dans la « Cooperative Study of sickle cell disease » qui a permis le suivi de plus de 4000 patients dans 43 centres nord-américains sur 10 ans : antécédents d’AIT, taux bas d’hémoglobine, épisodes récents de douleurs thoraciques et tension artérielle systolique élevée pour les infarctus cérébraux ; taux bas d’hémoglobine et taux élevé de globules blancs pour les hémorragies cérébrales.17 La prévalence des AVC chez les doubles hétérozygotes (Hb SC) est de 2 à 5 %, survenant à un âge moyen de 30 ans. Les manifestations cliniques sont les mêmes, souvent moins sévères que celles des patients Hb SS. La prévalence des AVC est de 1,5 à 2 % chez les patients porteurs d’un trait drépanocytaire, ne semblant pas différer de celle de la population noire en général ; le risque thrombotique de cette anomalie héréditaire n’est donc pas certain.4 Les AIC sont rares au cours des thalassémies majeures ou intermédiaires (bêtathalassémie/ hémoglobine ; E-ß-thal/HbE). Ils ont été essentiellement rapportés au décours de transfusions sanguines, ou chez les sujets présentant une thrombocytose secondaire à une splénectomie.18

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Plaquettes Thrombocytémies Les AIC représentent environ un tiers des manifestations thrombotiques des patients présentant une thrombocytémie essentielle.19–21 Les AIT sont particulièrement fréquents, leur mécanisme présumé étant des désordres de la microcirculation.19,22 Les AIC sont rapportés chez 3 à 9 % des sujets, habituellement en rapport avec une occlusion de petits vaisseaux. Les observations de TVC sont beaucoup plus rares. Quant aux accidents hémorragiques cérébraux ou méningés, ils restent exceptionnels. Le mécanisme physiopathologique de ces AIC reste mal compris. Il n’a pas été montré de corrélation entre le chiffre de plaquettes et la survenue des manifestations thrombotiques ; les anomalies plaquettaires qualitatives associées jouent probablement un rôle important. Sur le plan thérapeutique, l’aspirine à faibles doses est habituellement utilisée en cas d’AIT en dépit du risque hémorragique qu’elle confère.23 Il n’y a pas de consensus en cas d’infarctus constitué, une chimiothérapie paraît indiquée en cas d’accident constitué et/ou chez les sujets ayant un chiffre de plaquettes élevé. Dans quelques rares observations, des accidents ischémiques cérébraux artériels ou veineux ont été rapportés associés à des thrombocytoses secondaires à une splénectomie ou à une anémie ferriprive. La responsabilité de la thrombocytose dans l’ischémie reste cependant discutée.10 Thrombopénies Quelle que soit leur cause, les thrombopénies sont associées à un risque important de saignement intracrânien, volontiers grave et ce, surtout lorsque le chiffre de plaquettes est inférieur à 20 000/mm3. Les thrombopénies graves induites par l’héparine d’origine immunoallergique surviennent entre 5 et 10 jours de traitement et se compliquent une fois sur deux d’accidents thrombotiques artériels souvent multiples ou veineux.24 Une étude rétrospective de 960 patients avec thrombopénie induite par l’héparine a mis en évidence un AIC chez 3,1 % des patients, plus particulièrement chez les femmes, en cas de thrombopénie sévère et dans les 2 semaines suivant le début de la thrombopénie.25 Anomalies qualitatives des plaquettes De nombreuses affections (syndromes myéloprolifératifs, paraprotéinémies...) et certains traitements médicamenteux s’accompagnent d’une hypoactivité plaquettaire (diminution de l’adhésion et de l’agrégabilité plaquettaires). Le risque d’hémorragie cérébrale est alors augmenté, ces anomalies plaquettaires sont cependant rarement isolées.

342 Quelques observations d’AIC ont été rapportées chez des sujets ayant une hyperagrégabilité ou une augmentation de l’adhésion plaquettaire. En situation aiguë, après un AIC, les marqueurs de l’activation plaquettaire (bêtathromboglobuline plasmatique, thromboxane B2 plasmatique et urinaire) sont fréquemment augmentés de façon transitoire. Il s’agit probablement plus d’une conséquence de la thrombose que d’un facteur causal. Purpura thrombotique thrombocytopénique C’est un syndrome rare caractérisé par l’association d’une fièvre, d’une atteinte rénale, d’une thrombocytopénie et d’une anémie hémolytique microangiopathique. Surviennent dans 75 % des cas, des déficits neurologiques focaux, transitoires et volontiers récidivants, en rapport avec des microthrombi hyalins disséminés au niveau artériolocapillaire. Le traitement par échanges plasmatiques permet dans plus de deux tiers des cas d’obtenir une amélioration rapide de la symptomatologie neurologique.26

Globules blancs Au cours des leucémies, quel qu’en soit le type, les hémorragies intracrâniennes sont fréquentes et graves, représentant la principale cause de décès. Les mécanismes en sont multiples : lésions pariétales vasculaires liées à l’infiltration tumorale, thrombopénies secondaires à une infiltration médullaire, à la chimiothérapie ou à une coagulopathie intravasculaire disséminée (CIVD), insuffisance hépatique, infections. Les infarctus artériels ou veineux cérébraux sont plus rares. Ils sont bien documentés au cours des leucémies myéloïdes, des leucémies aiguës lymphoblastiques et des lymphomes malins. Les mécanismes en sont multiples : leucostase constituée d’agrégats de leucocytes ou de nodules leucémiques en rapport avec une diminution de leur déformabilité, hyperviscosité induite par l’hyperleucocytose (en particulier dans le cas des leucémies myéloïdes), coagulopathies subaiguës de consommation.27–31 Les AIC sont décrits dans 12 % des cas de syndrome hyperéosinophilique ; il s’agit le plus souvent d’accidents emboliques compliquant la cardiopathie sous-jacente, une fibrose endomyocardique.32,33 Les hémorragies cérébrales ont été plus rarement rapportées.34

Coagulopathies Coagulopathies associées à un risque d’hémorragie Les hémorragies intracrâniennes de tous types (cérébrales, sous-arachnoïdiennes...) sont des compli-

I. Crassard, F. Woimant cations bien connues des coagulopathies congénitales (déficits en facteur VIII lié à l’X, en facteur IX, afibrinogénémies autosomiques récessives, déficits sévères en facteurs VII, X, XI et XIII). Elles peuvent survenir à n’importe quel âge, le plus souvent au décours d’un traumatisme.35,36 Les coagulopathies acquises, notamment celles compliquant l’insuffisance hépatique, celles induites par les traitements anticoagulants, se compliquent fréquemment d’hémorragies intracrâniennes.37 Il s’agit également d’une complication de la thrombolyse intraveineuse réalisée à la phase aiguë des infarctus cérébraux, survenue dans 6,9 % au cours de l’étude NINDS38 (Fig. 2). Au cours des états infectieux graves ou de certaines maladies néoplasiques et essentiellement les hémopathies malignes, surviennent des CIVD aiguës, sévères biologiquement, à l’origine de saignement. Ainsi, les hémorragies intracrâniennes sont responsables de plus de 60 % des décès au cours des leucémies aiguës promyélocytaires ; l’activité procoagulante et fibrinolytique des promyélocytes malins est à l’origine de cette coagulopathie.

Coagulopathies associées à un risque de thrombose Déficits en inhibiteurs physiologiques de la coagulation : antithrombine, protéine C ou protéine S Ces protéines anticoagulantes inhibent la thrombose chez le sujet normal. Leurs déficits peuvent être constitutionnels ou acquis. Ils sont surtout associés au risque de thrombose veineuse, leur rôle dans la pathologie artérielle étant plus discuté. La protéine S est présente dans le plasma sous deux formes ; pour un tiers sous une forme libre et active en tant que cofacteur de la protéine C activée et pour deux tiers sous une forme liée à la C4 binding protein. Déficits constitutionnels Ils sont pour les trois protéines de transmission autosomique dominante (dans de rares familles, une transmission autosomique récessive a été évoquée pour les déficits en protéine C). Deux types de déficits sont décrits : quantitatif ou qualitatif (dans ce cas, l’activité antigénique de la protéine est normale alors que son activité biologique est diminuée). L’augmentation du risque de thrombose (notamment veineuse) est établie dans les déficits constitutionnels. Mais les thromboses veineuses cérébrales restent rares et les thromboses artérielles cérébrales le sont encore plus. Essentiellement rapportées dans les déficits homozygotes et qualitatifs en antithrombine,39 elles sont rares dans les

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Figure 2 Hémorragie intracérébrale compliquant une fibrinolyse intraveineuse. À gauche, scanner cérébral sans injection. À droite, séquence IRM en écho de gradient.

déficits héréditaires en protéine C40 et restent discutées dans les déficits en protéine S.41 Quatre études cas-témoin ont évalué la prévalence de ces déficits en antithrombine, protéine C et protéine S au cours des infarctus cérébraux : elle est estimée entre 0 et 21 % selon les séries.42 Déficits acquis Ils sont rapportés, bien sûr, lors des traitements par antivitamines K (protéine C, protéine S) et des traitements par héparine (antithrombine), mais également au cours des maladies hépatiques sévères, des syndromes néphrotiques, de la CIVD, de la grossesse (antithrombine, protéine S). Ils induiraient un état prothrombotique. Toutefois, à l’heure actuelle, il n’a pas été réalisé d’études prospectives analysant une possible relation entre déficit acquis chronique en protéine anticoagulante et survenue d’AIC. Un taux bas en protéines anticoagulantes est parfois constaté à la phase aiguë des AIC. Ces anomalies ne sont souvent que le reflet de l’activation de la coagulation ou parfois d’un traitement anticoagulant et se corrigent à distance. Ceci est particulièrement vrai pour la protéine S dont la fraction libre est abaissée dans les états inflammatoires associés à une augmentation du fibrinogène, ce qui est souvent le cas des AIC à la phase aiguë. Aussi, avant d’affirmer un déficit en une de ces protéines de la coagulation, il faut réaliser un deuxième dosage, quelques semaines après l’épisode aigu. Anomalies des facteurs procoagulants Le fibrinogène est impliqué dans l’athérogenèse, la viscosité plasmatique et la thrombose. Une aug-

mentation du fibrinogène est associée à un risque accru d’AIC et de cardiopathies ischémiques chez l’homme. Les facteurs génétiques contribuent pour 50 % aux variations du taux de fibrinogène. Parmi les nombreux polymorphismes génétiques identifiés pour les gènes codant pour le fibrinogène, le polymorphisme -455G/A a été le plus étudié, l’allèle -455A étant associé à des taux élevés de fibrinogène et à la progression de l’athérome coronarien. Peu d’études concernent pour l’instant les AVC. Dans une population de patients âgés ayant présenté un infarctus cérébral, l’allèle -455A est associé à une augmentation du risque d’infarctus de type lacunaire.43 Une augmentation de l’activité du facteur VII anticoagulant et l’excès de l’inhibiteur de l’activateur du plasminogène (PAI) sont des facteurs de mauvais pronostic dans la pathologie cardiaque, mais non démontrés actuellement en pathologie cérébrovasculaire.44 L’augmentation du facteur VIII est également considérée comme un facteur de risque de thrombose veineuse et artérielle. À la phase aiguë de l’AVC, cette augmentation reste cependant très souvent d’interprétation délicate car pouvant être la conséquence directe de la thrombose et doit être contrôlée à distance.45 La résistance à la protéine C activée (rPCa) constitue la cause la plus fréquente de thrombophilie familiale.46 Cette anomalie de transmission autosomique dominante résulte dans 90 % des cas d’une mutation d’un acide aminé du facteur V, le rendant résistant à l’action protéolytique de la protéine C activée (Facteur V Leiden, Arg 506-> Glu).47 Alors que de petites études suggéraient une association entre le risque d’infarctus cérébral et la rPCa, ces données n’ont pas été confirmées par la majorité

344 des études cas-témoins.48–53 L’analyse de l’ensemble de ces études montre une discrète augmentation du risque d’AIC chez les patients avec rPCa ou facteur V Leiden (OR 1,6 ; IC 95 % 1,3-1,9), un peu plus élevé lorsque les patients sont âgés de moins de 50 ans (OR 3,1 ; IC 95 % 2,3-4,1).42 Dans la pathologie veineuse cérébrale, la mutation du gène du facteur V Leiden est retrouvée dans 15 à 20 % des cas,54 le plus souvent associée à un autre facteur favorisant de thrombose.55 La mutation du gène de la prothrombine (G20210A) est associée à une augmentation modérée du risque de thrombose veineuse.56 Le mécanisme de l’hypercoagulabilité serait dû à une augmentation de la formation de thrombine. Elle est associée à une augmentation très modérée du risque d’infarctus cérébral (OR 1,4 ; IC 95 % 1,03-1,9), un peu plus importante encore chez les sujets jeunes (OR 1,9 ; IC 95 % 1,3-3,0).42,57 Au cours des TVC, cette mutation est présente dans 6 à 20 % des cas.54 La protéine Z est une enzyme d’individualisation relativement récente, supposée être impliquée dans la suppression du thrombus par l’intermédiaire de l’inhibition du facteur X activé. Certaines études ont montré une association entre déficit en protéine Z et le risque d’infarctus cérébral,58 association cependant non confirmée par d’autres études notamment à la phase aiguë de l’infarctus cérébral.59 États d’hypofibrinolyse Les déficits héréditaires en plasminogène peuvent être quantitatifs ou qualitatifs, constitutionnels ou acquis. Ces anomalies prédisposeraient aux thromboses veineuses et, exceptionnellement, aux accidents ischémiques cérébraux.60,61 Les dysfibrinogénémies et les hypofibrinogénémies sont des affections rares de transmission autosomique dominante. Chez 10 % des patients, on note des thromboses veineuses récidivantes. Les accidents ischémiques artériels ont été rapportés exceptionnellement.62 Les autres déficits tels les déficits en facteur XII ou en prékallicréine sont anecdotiques et restent des causes discutées d’AIC. Coagulopathies intravasculaires disséminés subaiguës ou chroniques Les CIVD subaiguës compliquent certaines néoplasies, en particulier les adénocarcinomes, les tumeurs papillaires de l’ovaire et les lymphomes. Les cellules tumorales sécrètent des substances procoagulantes induisant une activation généralisée de la coagulation, associée à une activation de la fibrinolyse et des fonctions plaquettaires. Les accidents ischémiques cérébraux s’observent à n’importe quel stade de l’affection maligne, pou-

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Figure 3 Infarctus cérébraux multiples compliquant une coagulopathie intravasculaire disséminée chronique.

vant même être parfois révélateurs de la néoplasie.63 Ils sont artériels, volontiers multifocaux et récidivants, en rapport avec l’occlusion des vaisseaux de petit et moyen calibre pouvant parfois réaliser un tableau d’encéphalopathie (Fig. 3). Une endocardite thrombotique non bactérienne est fréquemment associée mais non constante. Coagulopathie et endocardite représentent probablement deux aspects différents d’un même désordre de la coagulation, les amas fibrinoplaquettaires induits par la CIVD aboutissant, en se déposant sur les valves cardiaques, à la formation de végétations emboligènes. Le diagnostic de ces CIVD n’est pas toujours aisé : les tests de dépistage (taux de plaquettes, de prothrombine ou de fibrinogène) peuvent rester dans les limites de la normale du fait du syndrome inflammatoire sous-jacent. Les dosages des D-dimères et des complexes solubles sont alors indispensables. Le traitement par héparine permet la correction des anomalies biologiques sans toutefois prévenir efficacement les récidives ischémiques ; le traitement est celui de la tumeur.

Anticorps antiphospholipides Les principaux antiphospholipides (aPL) sont les anticorps anticardiolipines (aCL) et l’anticoagulant circulant (ACC). Leur présence (à un titre moyen ou élevé pour les aCL) associée à une ou plusieurs manifestations cliniques (thromboses de sièges di-

Affections hématologiques et accidents vasculaires cérébraux vers, artérielles ou veineuses et/ou avortements répétés) définit le syndrome des antiphospholipides (SAPL). Initialement détectés chez les sujets atteints de lupus érythémateux disséminé, les aPL peuvent être présents en dehors du lupus ou de toute autre affection sous-jacente, constituant alors le syndrome primaire des antiphospholipides. La cible moléculaire réelle des aPL est constituée par des protéines, notamment la ß-2 glycoprotéine I (ß2-GPI) ; des anticorps anti-ß2-GPI peuvent ainsi être également recherchés mais leur présence n’est actuellement pas retenue dans les critères biologiques (problèmes de standardisation de la méthode de dosage et rareté de la présence isolée de ces anticorps en l’absence d’aCL et d’ACC).

Manifestations vasculaires au cours du SAPL Parmi les nombreuses manifestations neurologiques, les accidents ischémiques artériels sont les plus fréquents. Leur symptomatologie clinique, non spécifique, est très variable : manifestations ischémiques transitoires parfois difficiles à distinguer d’une migraine avec aura et accidents ischémiques constitués, le plus souvent de petite taille. Il s’agit habituellement d’une atteinte dans le territoire de la cérébrale moyenne ou de ses branches, les lésions affectant plus rarement le tronc cérébral, le cervelet ou l’œil (occlusion de l’artère centrale de la rétine ou neuropathie optique ischémique), exceptionnellement la moelle. Dans la série européenne multicentrique de 1000 patients avec SAPL, les AIC étaient révélateurs chez 13 % des patients, les AIT dans 7 % des cas. Ces manifestations survenaient au cours de l’évolution dans respectivement 20 % et 11 % des cas.64 Les AIC sont volontiers récidivants, ce risque étant d’autant plus important et le délai avant récidive d’autant plus court que le titre d’aCL est très élevé.65 La répétition des AIC peut conduire à un état démentiel, parfois révélateur. Enfin, les TVC sont des manifestations rares au cours du SAPL.

Fréquence des aPL au cours des AIC Plusieurs études cas-témoins montrent que la présence d’aCL constitue un facteur de risque indépendant d’un premier AIC chez l’enfant et chez le sujet jeune, alors que les études réalisées chez les adultes plus âgés sont contradictoires. La présence d’anti-ß2-GPI serait plus particulièrement associée à une augmentation du risque d’infarctus cérébral.66 Le rôle des aPL dans le risque de récidive des AIC est controversé.67 Il est à noter que dans ces études épidémiologiques, les valeurs moyennes des titres d’aCL constatés chez les patients sont faibles

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et ne permettent en général pas de retenir le diagnostic de SAPL confirmé.

Physiopathologie Différents mécanismes sont proposés pour expliquer le rôle des aPL dans les thromboses : dysfonctionnement de l’endothélium, activation plaquettaire dépendante des aPL, inhibition des anticoagulants endogènes (prothrombine, protéine C/thrombomoduline, annexine V et facteur tissulaire), anomalie de la fibrinolyse.68 Tous ces éléments contribuent à la création d’un état systémique prothrombotique qui induit directement une thrombose in situ dans les vaisseaux cérébraux et/ou qui facilite la formation de thrombi fibrinoplaquettaires sur les valves cardiaques avec risque d’embolies secondaires.

Traitement Plusieurs études rétrospectives ont montré qu’une anticoagulation au long cours assure la prévention secondaire des évènements artériels ou veineux.68,69,70,71 Le niveau d’anticoagulation souhaité reste discuté. En cas d’affection associée au SAPL (lupus notamment), les corticoïdes ou immunosuppresseurs sont parfois proposés.

Paraprotéinémies Les patients ayant un myélome multiple ou une macroglobulinémie ont un risque augmenté d’hémorragie cérébrale ou d’hémorragie sousarachnoïdienne, surtout lorsque s’associe une thrombopénie ou une cryoglobulinémie. Le risque d’infarctus cérébral est également augmenté du fait de l’hyperviscosité, secondaire d’une part à l’hyperprotidémie et, d’autre part, aux anomalies qualitatives des paraprotéines. Dans certains cas, les vaisseaux cérébraux sont occlus par des thrombi atypiques contenant un excès de matériel acidophile évoquant des précipitats de protéines. Bien que les plasmaphérèses puissent améliorer cliniquement ces patients, le traitement est basé sur le traitement spécifique de la paraprotéine.

Facteurs hémorrhéologiques Les principaux paramètres de la viscosité sanguine sont l’hématocrite, le degré d’agrégation des globules rouges, la déformabilité des globules rouges, les protides sanguins, et plus particulièrement le

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fibrinogène et les globulines. Les conséquences de l’hyperviscosité sont une réduction du flux sanguin et la formation de thrombi dans les petits vaisseaux : capillaires et artérioles. Des AIC dans des artères de petit calibre sont décrits, surtout lorsque est associée une vasoconstriction artériolaire liée à une hypoxie. Une hyperviscosité se rencontre dans de multiples circonstances étiologiques : syndromes myéloprolifératifs, hémoglobinopathies, dysglobulinémies, syndromes inflammatoires, états de choc, brûlures, toxémies gravidiques, diabète, hyperlipoprotéinémies, néoplasies et accidents vasculaires thrombotiques artériels et veineux. Il est bien admis qu’à la phase aiguë des AIC, il existe une augmentation de la viscosité sanguine en rapport avec la déshydratation, l’augmentation du fibrinogène plasmatique et l’accident thrombotique luimême.

Conclusion Les affections hématologiques associées aux AVC sont nombreuses et variées. Elles sont pour certaines importantes à rechercher activement car pouvant entraîner un traitement spécifique. Pour d’autres (par exemple thrombophilies récemment mises en évidence comme la mutation du gène du facteur V Leiden ou de la prothrombine), leur recherche ne doit pas être systématique mais se discute en cas d’AVC du sujet jeune d’étiologie indéterminée et en présence d’antécédents familiaux ou personnels de thrombose artérielle ou veineuse.

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