L’activité antifongique des statines

L’activité antifongique des statines

Journal de Mycologie Médicale (2010) 20, 212—217 REVUE GE´NE´RALE /GENERAL REVIEW L’activité antifongique des statines Antifungal activity of statin...

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Journal de Mycologie Médicale (2010) 20, 212—217

REVUE GE´NE´RALE /GENERAL REVIEW

L’activité antifongique des statines Antifungal activity of statins M. Lefebvre a,*, K. Alshawa b, B. Dupont c a

ˆ tel-dieu, CHU de Nantes, 1, place Alexis-Ricordeau, Service des maladies infectieuses et tropicales, Ho 44093 Nantes cedex 1, France b ˆ pital Saint-Louis, 75010 Paris, France Laboratoire de mycologie-parasitologie, ho c Service des maladies infectieuses et tropicales, centre d’infectiologie Necker-Pasteur, ˆ pital Necker—Enfants-Malades, universite ´ Paris Descartes, 75015 Paris, France ho Rec¸u le 11 avril 2010 ; rec¸u sous la forme re´vise´e le 19 mai 2010; accepte´ le 27 mai 2010 Disponible sur Internet le 29 juillet 2010

MOTS CLÉS Statines ; Aspergillus ; Candida ; Zygomycète ; Antifongique

Résumé Les statines sont actuellement les traitements les plus prescrits. Elles sont utilisées pour leur activité hypolipémiante et pour leurs effets protecteurs dans les pathologies cardiovasculaires. De plus, elles semblent avoir un rôle dans la prévention des infections et la réduction de la morbi-mortalité liée aux infections. Il a même été récemment suggéré que l’utilisation large des statines chez les sujets diabétiques expliquerait la diminution d’incidence des infections à zygomycètes dans cette catégorie de patients. L’effet hypocholestérolémiant des statines passe par l’inhibition de l’3-hydroxy-3-méthylglutaryl-CoA (HMG-CoA) réductase, une des enzymes essentielles à la biosynthèse du cholestérol. Les statines inhibent également l’HMG-CoA fongique, aboutissant à la réduction des taux d’ergostérol, et à l’inhibition de la croissance fongique. D’autres modes d’action pourraient également être impliqués dans l’activité antifongique des statines. Les statines exercent une activité antifongique in vitro sur de nombreuses espèces de levures et de champignons filamenteux pathogènes pour l’homme, en particulier Candida sp., Aspergillus sp., et des zygomycètes, mais les effets indésirables liés à leur utilisation et les interactions avec certains traitements immunosuppresseurs et avec les azolés pourraient en limiter l’intérêt. De plus, aucune étude in vivo n’apporte pour le moment d’argument direct quant à l’efficacité des statines comme antifongique. Aucune conclusion concernant l’activité antifongique des statines en pathologie humaine ne peut donc être portée tant que l’on ne dispose pas de données d’études cliniques plus fiables. # 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

* Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (M. Lefebvre). 1156-5233/$ — see front matter # 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.mycmed.2010.05.007

L’activité antifongique des statines

KEYWORDS Statins; Aspergillus; Candida; Zygomycete; Antifungal

Summary Statins are the most prescribed of all current drugs. They are currently used for hyperlipidaemia control and cardiovascular protection. Moreover, there is emerging evidence for the potential use of statins in reducing the risk of infections and infection severity. The hypothesis that widespread use of statins in patients with diabetes could explain the reduction of zygomycoses in this category of patients has even been recently proposed. Statins lower cholesterol levels through their action on 3-hydroxy-3-methylglutaryl-CoA (HMG-CoA) reductase, an essential enzyme for the biosynthesis of cholesterol. Fungal HMG-CoA reductase is also inhibited by statins, resulting in reduced levels of ergosterol and concomitant growth inhibition. Further effects of statins could also explain their antifungal activity. Statins exhibit in vitro antifungal activity against a range of yeasts and molds, especially Candida spp., Aspergillus spp., and zygomycetes, but side effects and interaction of statins with immunosuppressant drugs and azoles could alter the benefits of their use. Moreover, in vivo evidence of antifungal activity is scarce. Conclusions regarding the relevance of the use of statins as antifungal agents should therefore wait for the achievement of studies in humans. # 2010 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Introduction Les statines sont des inhibiteurs de la 3-hydroxy-3-méthylglutaryl coenzyme A (HMG-CoA) réductase, produits d’Aspergillus terreus et Penicillium citrinum pour la lovastatine et la pravastatine, dérivé hémi-synthétique de la lovastatine pour la simvastatine, ou composés synthétiques pour l’atorvastatine, la fluvastatine et la rosuvastatine [18]. Cette classe thérapeutique a été largement étudiée pour ses effets protecteurs dans les pathologies cardiovasculaires. Son activité sur la réduction de la plaque athéromateuse et ses manifestations cliniques découlent, d’une part, de l’inhibition de l’HMG-CoA réductase, enzyme qui permet la synthèse intrahépatique du cholestérol, d’autre part, d’une activité pléiotrope, indépendante de la réduction du taux de LDLcholestérol [19]. Les statines bloquent en effet la synthèse

[(Figure_1)TD$IG]

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des radicaux isoprénoïdes de la voie de biosynthèse du cholestérol, tels que le farnésyl-pyrophosphate (FPP) et le géranylgéranyl-pyrophosphate (GGPP) (Fig. 1). Le FPP et le GGPP permettent des modifications post-traductionnelles qui servent à la régulation des protéines farnésylées, telles que Ras et Rho, de la famille des petites protéines G, expliquant l’activité anti-oxydante et immunomodulatrice des statines [25]. L’activité immunomodulatrice des statines dans le sepsis a été le sujet de nombreuses études depuis une dizaine d’années. Elle résulterait de l’altération de la réponse des monocytes/macrophages et des lymphocytes T à l’infection, de modifications de l’interaction leucocytes-endothélium, de la réduction de production des cytokines inflammatoires et de l’inhibition de l’expression du CMH II médiée par l’interféron gamma [29,30].

Figure 1 La voie de synthèse de l’ergostérol est la cible de plusieurs classes d’antifongiques. Les statines inhibent en amont la synthèse de l’ergostérol. Metabolic pathway of ergosterol is the target of several classes of antifungal drugs. Statins inhibit this pathway upstream.

214 Enfin, les statines ont une activité antimicrobienne propre, décrite pour certaines espèces bactériennes, virales et fongiques pathogènes pour l’homme [28]. L’incidence des infections fongiques invasives a considérablement augmenté au cours des deux dernières décennies en Europe [14]. L’étude prospective menée entre 1997 et 1999 par la Confédération européenne de mycologie médicale rapportait un taux d’incidence des candidémies compris entre 0,20 et 0,38 pour 1000 admissions hospitalières, avec un taux de mortalité compris entre 8 et 31 % selon les services considérés [33]. Le taux de mortalité des infections fongiques invasives à filamenteux reste encore plus préoccupant malgré l’avènement du voriconazole et des échinocandines, avec un taux de mortalité des aspergilloses invasives compris entre 38 et 94 % selon les populations étudiées [14,4]. Pour ces raisons et du fait du nombre limité des molécules antifongiques disponibles, du développement de résistances aux antifongiques et de l’émergence d’espèces fongiques résistantes à la plupart des antifongiques, il apparaît nécessaire de développer des nouvelles molécules antifongiques, d’exploiter l’activité antifongique des molécules d’autres classes thérapeutiques et d’étudier l’efficacité des associations d’antifongiques [23,26]. Nous présentons dans cette revue les différents travaux publiés concernant l’activité antifongique des statines et discutons leur utilisation en pratique clinique.

Mode d’action antifongique des statines Dans le règne fongique, le produit final du métabolisme de l’HMG-CoA n’est pas le cholestérol mais l’ergostérol, composé essentiel des membranes plasmiques. Les molécules antifongiques de la classe des azolés interagissent avec le cytochrome P450 requis pour les différentes étapes de déméthylation du lanostérol. Il en découle l’arrêt de synthèse de l’ergostérol et l’accumulation de dérivés stérols méthylés, toxiques pour la membrane plasmique et les mitochondries fongiques. Les statines, en inhibant l’HMGCoA réductase, interfèrent également avec la voie de synthèse de l’ergostérol, déstructurant ainsi les membranes fongiques et le fonctionnement des mitochondries. Ce mode d’action a été mis en évidence chez Candida albicans et C. glabrata pour lesquels l’exposition à la lovastatine et à la simvastatine entraînait une réduction du taux d’ergostérol et de la fluidité membranaires, et une inhibition de la croissance fongique, restaurée par l’apport de stérols dans le milieu [17,7]. De plus, des petites colonies (levures déficientes en enzymes de la chaîne respiratoire), habituellement rares et secondaires à une délétion du génome mitochondrial, représentaient 70 % des colonies de C. glabrata exposées à la simvastatine [35]. Un autre mécanisme d’action antifongique des statines a été décrit pour la première fois chez Saccharomyces cerevisiae [15]. Dans des conditions anaérobies, S. cerevisiae synthétise l’ergostérol et peut également capter les stérols du milieu. Il a été démontré que la diminution de la concentration des stérols intracellulaires libres de S. cerevisiae par la lovastatine favorisait l’incorporation des stérols du milieu et leur accumulation sous une forme non estérifiée. Cet excès de stérols non estérifiés inhiberait le métabolisme des dérivés stérols méthylés formés en excès sous triazolés,

M. Lefebvre et al. et toxiques pour les membranes fongiques. La statine agirait ainsi de manière synergique avec l’antifongique. Enfin, les statines exercent une activité pro-apoptotique en rapport avec la diminution de la concentration intracellulaire de FPP et surtout de GGPP. Cette activité a été décrite sur une lignée de cellules de leucémie aiguë myéloïde et de cellules de cancer du côlon, où l’inhibition de GGPP entraînait une réduction de la farnésylation de la protéine Ras et une augmentation de la protéine anti-apoptotique Bcl2 [36,1]. La même activité pro-apoptotique a été décrite visà-vis de Mucor racemosus [27], mais n’a pas été confirmée vis-à-vis de C. albicans bien que l’étude de l’expression des gènes de la voie des stérols ait montré une réduction de l’expression de certains gènes impliqués dans les étapes de prénylation [7].

Activité antifongique des statines in vitro L’activité antifongique des statines a été démontrée vis-à-vis de plusieurs espèces de Candida dans un certain nombre d’études, C. glabrata et C. krusei paraissant moins sensibles que les autres espèces de Candida [17,35,3,20] (Tableau 1). Les deux effets, fongicide et fongistatique, ont été décrits, avec des concentrations minimales inhibitrices (CMI) souvent supérieures aux taux plasmatiques habituels des statines chez l’homme [22]. Le type de répartition des CMI n’était pas décrit parce que le nombre de souches étudiées dans chaque étude était trop restreint. Enfin, l’étude des associations des statines aux antifongiques vis-à-vis de Candida montrait une synergie (triazolés) ou une indifférence (polyènes) [3,20]. L’activité antifongique des statines vis-à-vis d’Aspergillus semblait homogène entre les espèces, avec des CMI proches de 1 mg/l ou supérieures à 4 mg/l selon les études et les statines considérées [17,24,21]. L’étude des associations des statines aux antifongiques retrouvait un effet synergique avec la caspofungine ou indifférent avec les triazolés et les polyènes [24,21]. L’activité antifongique des statines sur les zygomycètes était très variable selon les genres fongiques étudiés, avec des CMI comprises entre 1 et plus de 128 mg/l. Un effet fongicide sur les hyphes et l’inhibition de germination des spores par les statines étaient rapportés par Galgóczy et al. [6]. Enfin, l’étude des associations montrait de manière intéressante une synergie entre le voriconazole et la lovastatine, la statine rétablissant la sensibilité des souches cliniques testées au voriconazole [2].

Activité antifongique des statines in vivo Trois méta-analyses récentes concernant l’effet des statines dans les infections ont montré leur effet bénéfique sur la survenue d’infections et la survie des patients infectés [5,12,32]. Les auteurs ont pris en compte 12 études observationnelles rétrospectives, sept études prospectives et deux études cas—témoins portant essentiellement sur le sepsis et les chocs septiques, les bactériémies, les pneumopathies et les infections virales. Il s’agissait d’études hétérogènes puisqu’elles concernaient des patients transplantés d’organe solide, des patients hémodialysés et des patients diabétiques. Aucune ne portait sur les infections fongiques.

L’activité antifongique des statines

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Tableau 1 Activité antifongique des statines in vitro. In vitro antifungal activity of statins. Auteur, année, [référence]

Statines testées

Souches testées

Activite´ antifongique des statines vis-a `-vis de Candida sp. Chin et al., F + (FCZ, C. albicans 1997 [3] ICZ, AMB) C. tropicalis C. parapsilosis

Méthodologies

Résultats

Associations échiquier sur microplaque vitesses de fongicidie

CMI > 16 mg/l Fongicide CMI > 128 mg/l pour C. glabrata Synergie

Nash et al., 2002 [20]

F, P (F, P) + FCZ

C. albicans

CMI en milieu liquide Associations échiquier sur microplaque vitesses de fongicidie

CMI > 2 mg/l Fongistatiques Indifférence

Macreadie et al., 2006 [17]

A, S

5 espèces de Candida

CMI en milieu solide

CMI > 100 mM Inefficace sur C. krusei.

Gyetvai et al., 2006 [7]

L

C. albicans

CMI en milieu liquide Vitesses de fongicidie

CMI = 16 mg/l Activité concentrationdépendante Fongistatique

Westermeyer et Macreadie, 2007 [35]

A, S

C. glabrata

CMI en milieu liquide

CMI = 250 mM

d’Aspergillus sp. A. fumigatus

CMI en milieu solide

CMI 1—10 mM

CMI en milieux solide et liquide Associations en milieu solide

CMI 4—> 256 mg/l

Activite´ antifongique des statines vis-a `-vis Macreadie et al., A, S 2006 [17] Qiao et al., L, S 2007 [24] (L,S) + (ICZ, VCZ, AMB)

A. fumigatus A. terreus A. niger A. flavus

Natesan et al., 2008 [21]

A, F, P, R, S F + (CAS, VCZ, AMB)

A. fumigatus

Fongicides Absence de synergie

CMI en milieu liquide Associations en vitesse de fongicidie

CMI F = 1 mg/l CMI autres > 32 mg/l Synergie (CAS + F)

Activite´ antifongique des statines vis-a `-vis des zygomyce `tes Lukács et al., L Rhizomucor pusillus 2004 [16] Rhizomucor miehei Chamilos et al., 2006 [2]

L + VCZ

Rhizopus sp. Mucor sp.

CMI en milieu solide

CMI R. pusillus = 2 mg/l CMI R. miehei > 64 mg/l

CMI en milieux solide et liquide Associations en échiquier sur microplaque

CMI 16—56 mg/l

Cunninghamella sp. Galgóczy et al. [6]

A, L, R, S

Rhizopus stolonifer Mortierella sp. Syncephalastrum sp.

Fongicide sur les hyphes Synergie (VCZ + L)

CMI en milieu liquide

CMI Rhizopus et Mortierella > 128 mg/l CMI Syncephalastrum 8—16 mg/l Inhibition de la germination des spores

A : atorvastatine ; AMB : amphotéricine B ; CAS : caspofungine ; CMI : concentration minimale inhibitrice ; F : fluvastatine ; FCZ : fluconazole ; ICZ : itraconazole ; L : lovastatine ; P : pravastatine ; R : rosuvastatine ; S : simvastatine ; VCZ : voriconazole.

216 La majorité de ces études, indépendamment de la méthodologie utilisée, montraient un effet protecteur des statines en termes de survenue des infections et de mortalité. Neuf essais randomisés contrôlés concernant les effets des statines dans les infections sont actuellement enregistrés sur le site du National Institute of Health (NIH) américain, mais aucun à notre connaissance n’a été publié à ce jour, ne permettant pas de conclure de manière formelle quant à l’efficacité des statines dans les infections [8]. Dans un éditorial récent, Kontoyiannis a émis l’hypothèse que les statines auraient une activité vis-à-vis des zygomycètes [10]. Cette hypothèse reposait sur la discordance entre l’incidence diminuée des zygomycoses chez les sujets diabétiques depuis les années 1990s et la prévalence croissante des sujets diabétiques aux États-Unis. Les statines, plus souvent prescrites chez les patients diabétiques, les protègeraient ainsi contre les infections fongiques, en particulier à zygomycètes. Une seule étude rétrospective a évalué l’effet des statines chez des patients présentant une candidémie entre 2003 et 2005 [11]. Les deux groupes (recevant ou ne recevant pas de statine) étaient comparables en termes d’âge et de facteurs de risque. Les patients traités par statine avaient en revanche un score de gravité moindre et plus de chance de survie indépendamment des facteurs de risque. La petite taille des échantillons et la méthodologie de l’étude (étude rétrospective et absence d’ajustement du taux de survie sur le score de gravité) doivent néanmoins faire interpréter ces résultats avec beaucoup de prudence.

Conclusion Parmi leurs nombreuses propriétés pharmacodynamiques, les statines possèdent une activité antifongique propre, qui a été démontrée pour la plupart des molécules sur un grand nombre de souches de Candida, y compris celles résistantes aux azolés, d’Aspergillus et de zygomycètes. L’efficacité des statines était cependant molécule et espèce, voire souche fongique-dépendante et la plupart des travaux présentés dans cette revue ne concernait que l’activité antifongique des statines in vitro, ne laissant pas présager de leur efficacité dans les infections fongiques invasives chez l’homme. Les concentrations efficaces des statines vis-à-vis des espèces fongiques testées étaient dans la plupart de ces études impossibles à atteindre en clinique, mais l’effet synergique de concentrations usuelles de statines avec les différents antifongiques testés, en particulier les azolés, permettait d’abaisser significativement la CMI de l’antifongique, voire de rendre sensibles certaines souches intermédiaires ou résistantes aux azolés. Dans l’étude de Natesan et al., seule la caspofungine présentait une synergie avec la statine testée (fluvastatine) sur A. fumigatus alors que les associations statine plus voriconazole ou amphotéricine B étaient indifférentes, suggérant que la combinaison de deux molécules agissant sur des cibles différentes pourrait être plus utile que celle de deux molécules ayant la même cible fongique [21]. Ces résultats doivent néanmoins être interprétés avec prudence car l’étude des associations a souvent été réalisée par la technique de l’échiquier, qui permet de quantifier précisément les effets synergiques observés pour une large gamme de concentrations de sta-

M. Lefebvre et al. tines et d’antifongiques, mais qui ne prend en compte que l’effet fongistatique des associations. La plupart des statines sont métabolisées par le cytochrome P450 (CYP) hépatique : la lovastatine, la simvastatine et l’atorvastatine sont majoritairement oxydées par le CYP3A4 et la fluvastatine par le CYP2C9. Le risque d’interactions avec des inhibiteurs d’isoenzymes du CYP450, tels que les antifongiques azolés, l’érythromycine et la ciclosporine est donc majeur, faisant courir le risque d’une hépatotoxicité et d’une myotoxicité par augmentation des concentrations plasmatiques de statines [34]. Trois essais de phase I/II ont évalué chez des sujets atteints de cancers solides la dose maximale tolérable de lovastatine utilisée pour son activité anti-tumorale proapoptotique [31,13,9]. La myotoxicité était le facteur limitant l’augmentation des doses mais l’administration concomitante d’ubiquinone prévenait la myotoxicité et permettait une augmentation significative des doses [31]. Les autres caractéristiques pharmacocinétiques des statines sont en revanche favorables à leur utilisation comme antifongique. En particulier, la diffusion dans les tissus potentiellement infectés (reins, foie, rate) est importante pour la plupart des statines commercialisées et plusieurs d’entre elles (pravastatine, rosuvastatine) passent la barrière hémato-méningée [22]. En conclusion, les statines possèdent une activité antifongique in vitro variable en fonction des espèces et des souches fongiques. Leur utilisation en pratique clinique se heurte à des problèmes de pharmacodynamie et pharmacocinétique puisque les concentrations efficaces dépassent dans la plupart des cas les taux plasmatiques thérapeutiques et que le risque d’interactions médicamenteuses et de toxicité est important. Leur association à d’autres traitements antifongiques semble cependant intéressante en termes d’efficacité et les mécanismes d’interaction doivent par conséquent être explorés. Enfin, des études cliniques sont nécessaires pour évaluer l’efficacité potentielle des statines dans les infections fongiques invasives.

Conflit d’intérêt L’auteur ne déclare pas de conflit d’intérêt.

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