Science & Sports 20 (2005) 226–228 http://france.elsevier.com/direct/SCISPO/
Maison de l’Unesco, 20 janvier 2005
Stress, corticoïdes et autoadministration de substances psychoactives Stress, corticoids and drug self-administration P.-P. Vidal Laboratoire de neurobiologie des réseaux sensorimoteurs, UMR 7060 (CNRS-Paris-V–Paris-VII), 75270 Paris cedex 06, France Accepté le 20 janvier 2005 Disponible sur internet le 31 août 2005
Résumé Introduction. – Les corticoïdes ont une action sur le système nerveux central via des récepteurs à hautes et basses affinités. Synthèse des faits. – Sur des modèles animaux (rongeurs), l’autoadministration de substances psychostimulantes, comme la cocaïne, l’amphétamine, les opioïdes, la morphine, l’alcool, augmente dans les situations de stress ou après administration aiguë de corticoïde, puis retourne à un état basal. L’administration chronique de corticoïdes ou des stress répétés entraînent, via une cortisolémie élevée et persistante un renforcement de cet effet et sa réinstallation rapide après sevrage. Conclusion. – Ces résultats obtenus sur des modèles animaux sont préoccupants s’ils devaient se vérifier, même partiellement, chez l’homme. La prévalence des situations stressantes et des traitements au long cours par les corticoïdes dans la pratique du sport à haut niveau seraient susceptibles d’être un facteur aggravant et largement ignorés lors de la prise, à titre récréative ou dopante, de substances psychoactives. © 2005 Publié par Elsevier SAS. Abstract Introduction. – Corticoids have an action on the central nervous system via receivers with high and low affinity. Synthesis of the facts. – On animal models (rodent), the self-administration of psychoactives substances, like cocaine, the amphetamine, the opioides, morphine alcohol, increases in the situations of stress or after corticoid administration acute, then returns in a basal state, on man. The chronic administration of corticoids or the repeated stresses involve, via a high and persistent cortisolemy a reinforcement of this effect and its fast reinstalment after weaning. Conclusion. – These results obtained on animal models are alarming if it were to be checked, even partially, at the man. The prevalence of stressing situations and long term treatments by corticoids in the practice of sport on a high level would be likely to be worsening factors and largely ignored while taking psychoactive substances, whether for entertaining or doping reasons. © 2005 Publié par Elsevier SAS. Mots clés : Corticoïdes ; Stress ; Substances psychoactives Keywords: Corticoids; Stress; Psychoactivessubstances
1. Introduction
2. Actualités
Les effets des corticoïdes au niveau du système nerveux central (SNC), étudiés par plusieurs équipes internationales sur divers modèles animaux, notamment chez les rongeurs, sont suffisamment préoccupants s’ils devaient se confirmer, même partiellement chez l’homme.
Les neurobiologistes ont mis au point depuis plusieurs années des modèles animaux pour étudier les bases neurales de la toxicomanie [3]. Brièvement, des rats sont entraînés à appuyer sur des pédales qui leur permettent de s’autoadministrer différents types de substances. On constate ainsi qu’un rat peut facilement être amené à des prises répétées de cocaïne, d’amphétamine, d’opioïdes, de morphine, d’alcool etc. Le
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Fig. 1.
comportement d’autoadministration qui en résulte devient rapidement addictif. Ce qui nous intéresse ici, c’est qu’il est bien démontré que, dans l’autoadministration de substance, la cortisolémie joue un rôle important. Comment cela s’explique-t-il ? On a pu mettre en évidence au niveau du SNC des récepteurs aux corticoïdes, notamment des récepteurs de basse affinité, qui sont instrumentaux dans les réponses au stress [1–3]. Ils sont présents en particulier dans une structure nommée noyau accumbens. Plusieurs études ont révélé au sein de ce noyau, une relation entre l’occupation des récepteurs des corticoïdes à basse affinité, la libération d’un neuromodulateur, la dopamine et le comportement d’autoadministration (Fig. 1). En conséquence, un stress aigu, un apport exogène de corticoïdes induisent une augmentation de la cortisolémie, l’occupation des récepteurs de basse affinité aux corticoïdes du SNC, une libération de dopamine dans le noyau accumbens et in fine, une augmentation de l’autoadministration d’amphétamines, de cocaïne, d’opioïdes [4]. Néanmoins, la nature étant bien faite, la cortisolémie élevée déclenche un processus de rétroaction négative (Fig. 1), qui aboutit automatiquement à une régulation de la cortisolémie. Il en résulte que, l’autoadministration de substance retourne à son état basal. En résumé, il y a un lien, scientifiquement prouvé entre le stress ou l’administration aiguë de corticoïdes et un comportement addictif. Des mécanismes de rétroaction négative limitent les effets d’une cortisolémie élevée sur ce comportement.
Ce lien entre cortisolémie et comportement addictif devient franchement préoccupant si on s’intéresse maintenant aux conséquences de stress répétés ou de l’administration chronique de corticoïdes. Dans ce cas, on observe encore une augmentation de la cortisolémie, l’augmentation de la dopamine dans le noyau accumbens et une autoadministration accrue. Ce qui est nouveau c’est que ces stress répétés, et l’administration chronique de corticoïdes et a fortiori la combinaison des deux facteurs, induisent une détérioration de la rétroaction négative, en d’autres termes une détérioration de l’homéostasie de la cortisolémie. La cortisolémie reste donc élevée et on observe une augmentation durable en temps et en dose de l’autoadministration. Plus préoccupant encore, on note une grande difficulté à l’extinction du comportement d’autoadministration par substitution des substances par du sérum. Enfin, si on rétablit l’administration des substances psychoactives après ce sevrage, le comportement addictif est plus rapide à se remettre en place. La pratique intensive d’une activité sportive peut engendrer des situations de stress répétés. L’administration quasichronique de corticoïdes à des fins thérapeutiques ou de confort, pour lutter contre la douleur et des inflammations diverses, n’est pas rare [5]. On peut donc suspecter que ces deux facteurs sont souvent combinés chez un même sujet, et donc, que des cortisolémies élevées, pendant un temps prolongé, ne sont probablement pas exceptionnelles chez les sportifs. Dans ce contexte, la prise de stupéfiants, si on en croit
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les données de l’expérimentation animale, que ce soit à titre récréatif ou dopant, pourrait se révéler particulièrement dangereuse. D’une part, une cortisolémie élevée pourrait tendre à augmenter les risques d’addiction. D’autre part, elle pourrait rendre le sevrage plus difficile et les risques de rechute plus élevés. Une actualité récente et tragique concernant un surdosage de cocaïne, suggère que ces craintes ne sont pas entièrement gratuites.
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De Nicola AF, Ferrini M, Gonzalez SL, Gonzalez Deniselle MC, Grillo CA, Piroli G, et al. Regulation of gene expression by corticoid hormones in the brain and spinal cord. J Steroid Biochem Mol Biol 1998;:65.
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Références [1]
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