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Addiction
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Presse Med. 2012; 41: 1276–1278 ß 2012 Publié par Elsevier Masson SAS.
Dossier thématique
Santé buccodentaire des usagers de substances psychoactives Fabien Cohen1,2,3
1. Conseil général du Val-de-marne, service de santé publique dentaire, 94000 Créteil, France 2. CMS d’Ivry, service dentaire, 94200 Ivry-sur-Seine, France 3. ASPBD, secrétariat général, 75019 Paris, France
Correspondance : Disponible sur internet le : 1er novembre 2012
Fabien Cohen, Direction de la PMI-PS, conseil général du Val-de-Marne, service de santé publique dentaire, immeuble des Solidarités, 5/7, voie Felix-Eboué, 94000 Créteil, France.
[email protected]
Key points Oral health of users of psychoactive substances The oral health of drug users is increasingly part of the medical universe of caregivers. For too long, the place of oral health in the ‘‘good living’’ was very thin. The mouth of a patient interests very few people, and still less the person himself who begins to worry that very late. His entourage has a lot of other reasons for concern and the dentist is infrequently associated to support teams in a global approach to public health, and a fortiori as caregiver.
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egagner l’estime de soi devrait être, pourtant, une des dimensions essentielles de la réappropriation sociale au travers de son corps [1]. Quand « On n’ose pas parler, on n’ose pas sourire. Socialement, on se sent écarté quand même ». C’est une des remarques que l’on trouve dans les témoignages recueillis par ATD-Quart monde [2], comme celui de N. Cafaxe, pour qui la démarche de santé buccodentaire est liée à l’insertion sociale : « Quand on boit, on a toujours la bouche pâteuse et les dents collantes, on n’a pas envie de les nettoyer, pourtant on se voit bien. . . Moi, j’ai arrêté de boire et une des premières choses,
Points essentiels La santé buccodentaire des usagers de drogues fait de plus en plus partie de l’univers médical des soignants. Pendant trop longtemps, la place de la santé buccodentaire dans le « vivre bien » a été très mince. La bouche d’un patient intéresse bien peu de gens, et encore moins l’intéressé lui-même qui ne commence à s’en préoccuper que très tardivement. Son entourage a beaucoup d’autres motifs de préoccupation et le chirurgien-dentiste reste peu souvent associé aux équipes de prise en charge que ce soit dans une approche globale de santé publique et a fortiori comme soignant.
c’était de me refaire les dents, un nouveau dentier, des couronnes, ça vaut le coup, je me les brosse, je me regarde, je ne me reconnais plus. Aux alcooliques anonymes, tu peux demander, c’est un des premiers trucs avec la peau, le teint redevient clair ». Agir sur l’estime de soi et sur les facteurs qui lui sont favorables est un formidable levier d’action pour permettre la rencontre soignant et soigné et la mise en place de la démarche active de santé. Estime de soi et santé buccodentaire nécessitent d’être conjugués harmonieusement pour que les démarches de santé publique buccodentaire puissent atteindre leur cible et être efficientes [3].
tome 41 > n812 > décembre 2012 http://dx.doi.org/10.1016/j.lpm.2012.07.036
Santé buccodentaire des usagers de substances psychoactives
Figure 1 En 2005, en dehors des lymphomes, on estimait à 7500 par an le nombre de nouveaux cas de cancers de la cavité buccale en France. En 2005, 1875 décès ont été recensés
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InVS ; estimation nationale de l’incidence et de la mortalité par cancer en France entre 1980 et 2005.
Une première constatation, les personnes usagères de substances psychoactives fréquentent peu les cabinets dentaires. Les raisons en sont multiples : leur état de dépendance, l’expérience passée négative du chirurgien-dentiste, la difficulté de ces derniers à « investir » des patients peu solvables ou peu persévérants dans leurs soins, quand ce ne sont pas les deux à la fois, une anxiété exacerbée, le problème économique et parfois le manque de couverture sociale, ce qui nécessite de la part du praticien d’avoir des relais avec des travailleurs sociaux. C’est pourquoi ces patients sont généralement vus en urgence [4]. La douleur et le préjudice esthétique sont souvent à l’origine de la première consultation, bien tardive, ce qui entraîne une détérioration importante, liée à leur état de santé buccodentaire qui est le résultat de désordres nutritionnels et immunologiques importants [5]. Cette détérioration touche toutes les parties de la sphère buccale, domaine privilégié du chirurgiendentiste, mais aussi celle du médecin ou de l’infirmier [6]. Le manque d’hygiène buccale est souvent associé à une hypersialie qui se combine à un apport glucidique important. L’ensemble favorise la plaque dentaire qui, associé aux facteurs alimentation, terrain et temps, donne une atteinte dentaire importante. Il faut noter que l’utilisation de certaines substances peut masquer la douleur d’une lésion buccodentaire non traitée et contribuer ainsi à l’absence de consultation auprès du chirurgien-dentiste entraînant une dégradation de l’hygiène buccale. La plaque dentaire se situe surtout entre les dents, au niveau des collets et des sillons dentaires. Une intervention rapide évite une perte de substance importante pouvant atteindre la vitalité pulpaire ou plus grave encore l’intégrité dentaire. Il faut se rappeler qu’une lésion dentaire est
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guérissable, mais une perte de substance par la carie est irréversible nécessitant obligatoirement une intervention réparatrice chirurgicale. Au-delà de l’atteinte dentaire, l’accumulation de plaque, la baisse de l’immunité générale, les carences nutritionnelles, les caries du collet, les traumatismes engendrés par le bruxisme sont autant de facteurs étiologiques qui peuvent expliquer un état parodontal affecté, sans compter les autres risques associés à la toxicomanie. Cette atteinte est là encore progressive pouvant associer phase aiguë et chronique, allant de la gingivite à la perte de la dent par disparition du parodonte. Si la cause déclenchant la maladie parodontale reste la plaque bactérienne, il est reconnu que non seulement le tabac modifie ou aggrave une parodontite déjà installée mais qu’il altère la défense immunitaire et diminue l’efficacité du traitement parodontal. Au-delà de son aspect irritatif, l’alcool augmente la prévalence microbienne dans l’environnement buccal ce qui lui donne un rôle supplémentaire dans les maladies parodontales. Enfin, notons l’atteinte des muqueuses buccales, nombreuses et diverses, conduisant, notamment par l’association d’alcool, le tabac et la négligence de l’hygiène buccodentaire, à une maladie cancéreuse spécifique. Ils ont une action synergique forte. Le risque est multiplié jusqu’à 38 fois pour un même fumeur, selon la quantité d’alcool consommé [6,7]. La figure 1 rassemble l’incidence et mortalité des principales localisations des cancers. La figure 2 précise le taux de survie à cinq ans du cancer et par sexe. La plupart des maladies de la muqueuse buccale ont une origine fongique. Les candidoses buccales sont des affections relativement fréquentes et l’expression d’une altération de l’écosystème microbien local ou du système immunitaire. Mais on trouve aussi d’autres formes de lésions (des leucokératoses
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Usagers de substances psychoactives : attention à la santé buccodentaire
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Figure 2 Soixante-dix pour cent de ces cancers sont diagnostiqués à un stade tardif (T3, T4), expliquant en partie le taux de survie à cinq ans pour ces cancers : 40 %. Pour comparaison, ce taux est de 84 % pour le cancer du sein InVS ; BEH du 13 mars 2007, Surveillance des cancers en France : état des lieux et perspectives en 2007.
et des leucoplasies, des lichens plans, des poussées bulleuses comme les aphtes et l’herpès). Les toxicomanes, et surtout ceux qui pratiquent une polytoxicomanie, représentent la population à risque la plus importante en matière de cancers buccaux. Pour tous, le plus difficile est l’étape essentielle de la motivation à l’hygiène, sans en faire un préalable mais en expliquant que sans elle tous les soins sont voués à l’échec [8]. Cela s’obtient dans de meilleures conditions chez le patient sous traitement de substitution aux opiacés et qui améliore son hygiène buccodentaire par un brossage dentaire matin et soir avec une brosse à dent souple et un dentifrice fluoré. L’équipe médicale doit également être attentive à prescrire des médicaments psychotropes qui ne provoquent pas de sécheresse buccale et, si possible, aider le patient à arrêter sa consommation de tabac. Enfin, comme la méthadone est commercialisée sous la forme d’une solution de saccharose buvable, extrêmement cariogène, l’équipe médicale doit conseiller aux patients d’éviter la
stagnation en bouche après la prise, sous peine de voir s’aggraver les lésions dues aux autres drogues.
Conclusion et perspective Cet ensemble de constatations nous amène à insister sur l’importance d’associer le chirurgien-dentiste dès sa formation initiale et de surcroît en formation continue, à une démarche de prévention des risques voire de sevrage. Pour répondre aux questions autour des addictions et de la santé buccodentaire, la MILDT a lancé en décembre 2011, deux affiches conçues par un groupe d’experts en partenariat avec l’INPES (l’une pour les structures d’accueil et de soins des toxicomanes et l’autre pour les cabinets dentaires) et un site d’information et de formation destiné aux professionnels : www.infosdentistesaddictions.org. Déclaration d’intérêts : l’auteur déclare ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.
Références [1]
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[2]
Cohen F. Éthique et addictions. Courrier Addictions 1999;12:183-220. Prévention buccodentaire en milieu défavorisé : ressenti et propositions de personnes en situation de précarité et de professionnels de terrain dans le cadre d’un partenariat institution, professionnels et usagers précaires : ATD Quart Monde/Études et Développement avec le concours du service municipal de Nancy Ville Santé. Septembre 2005; 117 p.
[3]
[4]
[5] [6]
Boissonat-Pelsy H, Tiebot I. Estime de soi et santé buccodentaire. Sante Homme 2012;417:29. Reiller B. Drogues illicites : conséquences sur la santé des usagers, Actes du Colloque national de santé publique, UFSBD. Addictologie Sante Buccodentaire 2007;10:37. Cohen F. La bouche des addicts. Courrier Addictions 1998;1:32-7. Cohen F. Les cancers de la cavité buccale. Courrier Addictions 1999;2:66-70.
[7]
[8]
Institut National Du Cancer « Formation sur les cancers de la cavité buccal » (mise à jour : 17/06/2009). http://www.e-cancer. fr/depistage/cancers-cavite-buccale/ module-de-formation-multimedia. Cohen F. Les drogues licites ou illicites, ennemies de la santé buccodentaire. Sante Homme 2012;417:41.
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