Annales de chirurgie 130 (2005) 430–432 http://france.elsevier.com/direct/ANNCHI/
Exercice de la chirurgie
Substratum anatomique dans l’hyperaldostéronisme primaire : des difficultés diagnostiques a la prise en charge thérapeutique Anatomical substratum of primary hyperaldosteronism: from the difficulties of the diagnosis to the surgical management D.E. Dosseh, B.M. Carnaille * Service de chirurgie générale et endocrinienne, hôpital Claude-Huriez, CHU, 59037 Lille cedex, France Disponible sur internet le 07 avril 2005
Mots-clès : hyperaldostéronisme primaire ; surrénalectomie Keywords : primary hyperaldosteronism ; adrenalectomy
1. Introduction L’hyperaldostéronisme primaire résulte de l’hypersécrétion autonome d’aldostérone par la zone glomérulée du cortex surrénalien. Il est responsable d’hypertension artérielle par rétention hydrosodée. Son incidence parmi la population des hypertendus était estimée entre 1 et 2 %, mais les nouveaux principes de dépistage permettent une réestimation au-delà de 10 %. Il représente une des rares causes d’hypertension artérielle potentiellement curables par la chirurgie, et, de ce fait, l’identification des patients atteints représente un vrai défi diagnostique et thérapeutique.
supérieur à 30. Avec ce nouveau critère, Loh [5] et al. ont posé le diagnostic d’hyparaldostéronisme primaire chez 18 % d’une population d’hypertendus étudiés dont seulement 21 % avaient une hypokaliémie. Un diagnostic plus précoce est donc possible, parfois même avant l’élévation même de l’aldostéronémie [6]. Les résultats sont validés sous réserve d’un régime normosodé et après arrêt de tout traitement interférant avec le système rénine angiotensine aldostérone. Il s’agit en l’occurrence des antialdostérones, des diurétiques et des inhibiteurs de l’enzyme de conversion arrêtés respectivement six, deux et deux semaines avant le test. Les alpha et bêtabloquants ainsi que les inhibiteurs calciques ne modifient pas les résultats [6].
2. Qui explorer ?
3. Quelles explorations ?
Pendant longtemps, son diagnostic était associé à la découverte d’une hypokaliémie chez un hypertendu. En réalité, l’hypokaliémie est un signe tardif et surtout, 20 % des patients qui ont un hyperaldostéronisme primaire sont normokaliémiques [1–3]. De plus, la kaliémie est influencée par le régime sodé. L’hypokaliémie est souvent masquée par un régime désodé, alors qu’à l’inverse, un régime hypersodé la favorise. Actuellement les dépistages se fondent sur un rapport aldostérone plasmatique sur activité rénine plasmatique (aldostéronémie/ARP) [4]. Le diagnostic est affirmé s’il est
Il s’agit d’abord d’éliminer les hyperaldostéronismes secondaires qui sont plus fréquents puis de définir le substratum anatomopathologique. Le caractère primaire de l’hyperaldostéronisme est affirmé par la diminution de l’activité rénine plasmatique [3]. Son substratum anatomopathologique est constitué essentiellement de l’adénome, curable chirurgicalement et de l’hyperplasie bilatérale dont le traitement est médical.
* Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (B.M. Carnaille). 0003-3944/$ - see front matter © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.anchir.2005.03.006
3.1. Affırmer le caractère primitif de l’hyperaldostéronisme L’hyperaldostéronisme primaire se définit biologiquement par son caractère non freinable. Les dosages de l’aldos-
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téronémie sont faits sous apport sodique normal et après arrêt des traitements interférants. Le test de charge sodée confirme le caractère non freinable et donc primitif de l’hyperaldostéronisme. Les taux d’aldostérone plasmatique et l’aldostérone urinaire demeurent élevés en dépit de l’augmentation du volume intravasculaire induite par la charge en sel. 3.2. Identifier la lésion causale par la biologie Sur le plan anatomopathologique, l’adénome est responsable d’une hypersécrétion d’aldostérone dans plus de 60 % des cas. Conn en 1955 en a fait la description et l’appellation « syndrome de Conn » devrait être réservée aux cas d’adénome unilatéral [7]. Un tiers des patients ont une hyperplasie bilatérale [6,7]. Si l’adénome est « chirurgical », l’hyperplasie elle, sera traitée médicalement [3]. L’étude des réponses posturales de l’aldostéronémie différencie l’adénome de l’hyperplasie bilatérale dans les trois quart des cas [3,6,7]. L’adénome n’est pas réninosensible et la sécrétion répond à l’ACTH et suit un rythme nycthéméral [2]. En revanche, en cas d’hyperplasie bilatérale, on observe une augmentation de l’aldostéronémie après un orthostatisme prolongé, en raison de l’hypersensibilité à l’angiotensine II. Une élévation de l’aldostéronémie de plus de 33 % en orthostatisme affirme le diagnostic d’hyperplasie [8]. L’intérêt du dosage du 18 OH-cortisol a été établi pour différencier adénome et hyperplasie. Son taux sérique est six fois plus élevé en cas d’adénome. Le diagnostic d’adénome est posé dans 90 % des cas devant un taux > 100 ng/ml après une nuit en décubitus [6]. L’imagerie joue un rôle important dans l’identification des lésions causales. À la tomodensitométrie, l’adénome apparaît sous la forme d’une tumeur petite (1 à 2 cm), ronde, régulière homogène et la surrénale controlatérale est normale (chacun de ses bras a une épaisseur inférieure ou égale à celle des piliers du diaphragme). Sa sensibilité dans la différenciation entre adénome et hyperplasie est comprise entre de 80 à 85 % [9], avec des résultats meilleurs que ceux de l’IRM [10]. Adénome et hyperplasie bilatérale sont les causes principales de l’hyperaldostéronisme primaire. Il existe entre ces deux extrêmes une diversité lésionnelle constituée par les microadénomes et les macroadénomes bilatéraux, les hyperplasies unilatérales, les hyperplasies asymétriques, les adénomes associés à une hyperplasie... Dans ces situations, la biologie et/ou l’imagerie ne fournissent pas de réponse claire entre lésions unilatérale chirurgicalement curable et bilatérale traitées par les anti-aldostérones. Des explorations complémentaires sont nécessaires pour identifier une source d’aldostérone unilatérale dominante ou préférentielle. L’objectif est de proposer l’exérèse de la surrénale hyperfonctionnelle en vue de guérir ou d’améliorer l’hypertension artérielle, mais aussi de réduire le traitement médical parfois mal supporté. Les antialdostérones ont des effets secondaires plus ou moins bien tolérés : impuissance et une gynécomastie chez l’homme, troubles des règles chez la femme. L’examen le moins agressif est la scintigraphie au noriodocholestérol. Après saturation thyroïdienne par le lugol,
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l’examen est réalisé sous freinage de la surrénale normale par la dexaméthazone. Une hyperfixation unilatérale est mise en évidence dans plus de 70 % des cas [2]. Lorsque la scintigraphie n’est pas contibutive, le dosage veineux étagé d’aldostérone s’affirme comme l’examen le plus sensible et le plus spécifique pour la détection d’une sécrétion unilatérale préférentielle d’aldostérone [7]. Mais c’est un examen invasif, dépendant de la qualité du radiologue. Une des principales difficultés réside dans la cathétérisation de la veine surrénale droite. À gauche, la confluence de la veine surrénale et de la diaphragmatique intérieure entraîne un effet de dilution qui résulte en un gradient droite–gauche de 1,6 (extrêmes 0,5 à 9,6) [2]. L’interprétation des résultats se fait alors sur un rapport aldostérone sur cortisol et pas seulement sur l’aldostérone sérique. Les prélèvements sanguins sont faits dans les veines surrénales et aussi dans la veine cave inférieure sous et sus-rénale. Une injection d’ACTH permet de réduire les variations de sécrétions induites par le stress. La cortisolémie est au moins cinq fois plus élevée dans les veines surrénales que dans la veine cave inférieure. Dans la surrénale normale, le rapport aldostérone sur cortisol est inférieur à celui de la veine cave inférieure. Le diagnostic de sécrétion unilatérale préférentielle se fonde sur un rapport aldostérone sur cortisol supérieur à quatre entre les côtés droit et gauche. Dans les meilleurs cas, la sensibilité est de 90 à 95 % en cas de sécrétion dominante.
4. Résultats de la surrénalectomie unilatérale Des traitements médicaux multiples sont fréquemment associés pour assurer un contrôle plus ou moins satisfaisant de l’HTA chez les patients atteints d’hyperaldostéronisme primaire. Les antialdostérones s’accompagnent d’effets secondaires qui altèrent la qualité de vie des patients. La surrénalectomie laparoscopique est une alternative intéressante. Elle supprime par une voie limitée la source d’aldostérone avec des suites simples. Son indication ne se discute pas en cas d’adénome unique. Elle doit être considérée en cas d’hypersécrétion unilatérale préférentielle ou dominante. Elle entraîne toujours une normalisation de la kaliémie et guérit l’hypertension artérielle dans 62 à 89 % des cas. Dans les autres cas, le traitement médical est allégé et les antialdostérones souvent interrompues.
5. Conclusion Il reste aux chirurgiens à faire accepter aux médecins la place de la surrénalectomie unilatérale par cœlioscopie dans l’hyperaldostéronisme primaire par sécrétion unilatérale préférentielle. À défaut de toujours guérir l’hypertension artérielle, la surrénalectomie unilatérale procure toujours au malade une amélioration de sa qualité de vie par une diminution de son traitement antihypertenseur. Pourquoi refuser aux hypertendus ce qui est recommandé pour les obèses : un trai-
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tement simple dont les résultats ne seront jamais atteints par le traitement médical ? Références [1] [2]
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