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Surveillance des cardiopathies congénitales à l’âge adulte
C. Almange Service de cardiologie, CHU de Rennes.
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L’
incidence des cardiopathies congénitales est évaluée entre 6 à 8 pour 1000 naissances. Alors que spontanément seulement 5 à 15 % survivent jusqu’à l’âge adulte, avec les traitements médicaux et chirurgicaux actuels la grande majorité (environ 85 %) parvient à cet âge (constituant les GUCH : grown up congenital heart disease des anglo-saxons). La prévalence de ces cardiopathies congénitales adultes ne cesse de croître : aux États-Unis elle est passée de 500 000 patients en 1999 à environ 800 000 en 2007 ; en France le chiffre de 200 000 est
actuellement avancé. De plus, on assiste à une évolution de l’âge de ces malades : ainsi pour Marelli au Canada [1], l’âge médian des cardiopathies sévères est passé de 11 ans en 1985 à 17 ans en 2000 ; de ce fait, en 2000, 49 % des cardiopathies congénitales sévères étaient des adultes (figure 1). Le cardiologue d’adulte doit donc savoir aborder les problèmes les plus fréquemment posés par ces malades, même s’ils constituent une population très hétérogène comprenant des patients non opérés, opérés, ou inopérables [2].
Figure 1. Nombre et proportion d’adultes et d’enfants avec cardiopathies et avec cardiopathies sévères de 1985 à 2000. A : Toutes cardiopathies. B : Cardiopathies sévères. CHD = congenital heart disease (cardiopathie congénitale). D’après Marelli, et al. Circulation 2007 ; 115 : 163-72.
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Différentes Cardiopathies Cardiopathies non opérées En dehors d’anomalies mineures (comme la bicuspide : 1 % de la population) il s’agit de cardiopathies opérables mais méconnues (car a-ou pauci-symptomatiques), ou négligées, ou en attente d’intervention. La communication inter-auriculaire (CIA) C’est après la bicuspidie la plus fréquente des cardiopathies congénitales de l’adulte (environ 40 %). Il s’agit dans la plupart des cas d’ostium secundum. La survie à l’âge adulte est habituelle et les symptômes fonctionnels n’apparaissent souvent qu’après 40 ans. L’hypertension artérielle pulmonaire (HTAP) n’est pas rare après la troisième décennie et les arythmies atriales (fibrillation, flutter) augmentent avec les années. La fermeture de la communication doit être envisagée en cas de shunt significatif (QP/QS ≥ 2) et de préférence avant la survenue de troubles du rythme. L’échographie transœsophagienne évaluant la taille du défaut septal permet de choisir la technique de fermeture, chirurgicale ou par voie percutanée (occludeur) qui est à l’heure actuelle privilégiée. Communication inter-ventriculaire (CIV) Les CIV sont exceptionnellement observées chez l’adulte car la plupart se sont fermées spontanément ou ont été opérées. Les déhiscences persistantes chez l’adulte sont à faible shunt, sans HTAP. Elles sont fonctionnellement bien tolérées mais peuvent se compliquer d’endocardite (4 % des cas) ou d’insuffisance aortique par prolapsus d’une sigmoïde (en particulier dans les localisations infundibulaires). Cette éventualité justifie la surveillance régulière (tous les trois ans environ) de ces patients asymptomatiques. La chirurgie peut être indiquée en cas de symptomatologie fonctionnelle ou de débit important (QP/QS > 2). Persistance du canal artériel (PCA) La persistance du canal artériel est rarement rencontrée chez l’adulte, en général lors de la découverte d’un souffle continu sous claviculaire gauche sans symptomatologie fonctionnelle. Si le shunt est peu important, la conduite est discutée mais le risque d’endocardite justifie la fermeture, en règle par cathétérisme interventionnel (chirurgie délicate chez l’adulte).
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Canal atrio-ventriculaire (CAV) Dans sa forme partielle, le CAV a une évolution voisine des CIA ostium secundum, du moins si la valvule mitrale est peu fuyante. Une insuffisance mitrale significative peut en revanche justifier une plastie. Le risque d’endocardite nécessite l’antibio-prophylaxie. La forme complète du CAV est rarissime chez l’adulte (sauf au stade d’HTAP fixée, notamment chez le sujet trisomique 21). Sténose aortique Les sténoses valvulaires sont des anomalies évolutives et beaucoup ne deviennent symptomatiques qu’à l’âge adulte. Elles nécessitent alors un geste thérapeutique (chirurgie ou valvuloplastie chez l’adulte jeune). Un gradient trans-valvulaire Avec les traitements moyen de 50 mmHg ou maximal de 75 mmHg est médicaux et chirurgicaux également une indication actuels, 85 % des porteurs opératoire. La valvulotomie de cardiopathies parviennent n’est cependant qu’un à l'âge adulte. geste palliatif. Chez le sujet asymptomatique, une surveillance échographique annuelle est souhaitable, avec une épreuve d’effort en cas de doute sur l’attitude à adopter. Les sténoses sous valvulaires doivent être quasi-systématiquement opérées (tout au moins à partir d’un gradient maximal de 40 mmHg) pour éviter des lésions de la valve aortique (insuffisance). Coarctation aortique Elle n’est pas exceptionnelle chez l’adulte (20 % des cas dans la série de la Mayo Clinic) et est découverte le plus souvent dans le cadre d’une d’hypertension. Les pulsations fémorales sont diminuées mais souvent perçues, du fait de l’importante circulation collatérale. La fréquence des complications après 40 ans (dissection aortique, rupture d’anévrisme cérébral, insuffisance coronaire, insuffisance cardiaque) justifie l’indication chirurgicale malgré ses risques ; la mise en place d’un tube prothétique est parfois nécessaire. Sténose valvulaire pulmonaire La survie est habituelle chez l’adulte. Les sténoses serrées ont été opérées ou dilatées ; les sténoses peu serrées (gradient trans-valvulaire maximal inférieur à 40 mmHg) sont généralement asymptomatiques et peu évolutives. Elles ne justifient qu’une surveillance tous les trois
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ou quatre ans. En cas (rare) de progression de la sténose, une dilatation par ballonnet pourra être effectuée en général avec succès. Anomalie d’Ebstein Elle a une gravité extrêmement variable et est relativement fréquente chez l’adulte. La tolérance clinique peut être très bonne, malgré une importante cardiomégalie. La chirurgie n’est proposée qu’en cas de symptomatologie fonctionnelle ou d’insuffisance cardiaque. Les crises de tachycardies atriales ou jonctionnelles, avec souvent un syndrome de pré-excitation, seront traitées par radiofréquence. La fermeture de la CIA par un occludeur peut être discutée en cas de cyanose par shunt droite-gauche et s’il n’y a pas d’insuffisance tricuspide importante. Double discordance (transposition congénitalement corrigée des gros vaisseaux) [3] Le plus souvent associée à une CIV ± une sténose pulmonaire, cette cardiopathie est rarement isolée. La tolérance est alors bonne et le diagnostic n’est souvent fait qu’à l’âge adulte. Le ventricule droit assurant la circulation systémique, il faut rechercher une insuffisance de la valve auriculo-ventriculaire systémique et une dysfonction du ventricule systémique (de morphologie droite). Ces éléments doivent conduire à l’indication chirurgicale. La survenue de troubles de la conduction est très fréquente également (bloc auriculo-ventriculaire : 2 % par an). Cardiopathies cyanogènes La grande majorité actuellement a été opérée avant l’âge adulte. – Tétralogie de Fallot. C’est la plus fréquente des cardiopathies cyanogènes de l’adulte, observée essentiellement dans les pays en voie de développement. La cyanose est en général intense et l’activité très limitée. Les complications à type d’endocardite, d’abcès cérébral, d’insuffisance cardiaque, imposent la chirurgie réparatrice après bilan complet (coronarographie souhaitable). – Cardiopathies complexes (cœur uni-ventriculaire, atrésie tricuspide, ventricule droit à double issue). Les patients ayant ces anomalies peuvent survivre jusqu’à l’âge adulte dans des conditions correctes s’il existe une sténose pulmonaire permettant une circulation équilibrée. L’attitude thérapeutique est envisagée après un bilan complet, avec notamment évaluation des résistances pulmonaires, de la compétence
des valves auriculo-ventriculaires et de la fonction ventriculaire.
Cardiopathies inopérables Ces anomalies sont heureusement rares à l’heure actuelle, sauf à envisager une transplantation cardio-pulmonaire. Syndrome d’Einsenmenger [4] C’est l’évolution vers la maladie vasculaire pulmonaire obstructive, avec HTAP majeure et shunt droite-gauche, d’un shunt initialement gauche-droite (CIV, CAV, PCA, CIA, truncus arteriosus, cœur uni-ventriculaire). L’évolution est grevée de complications (syncopes, hémoptysies, embolies pulmonaires, accidents vasculaires cérébraux, abcès cérébraux). La mort subite n’est pas exceptionnelle. La grossesse est formellement contre-indiquée (cf. ci-dessous). Le traitement médical fait appel au bosentan [5]. L’indication de la transplantation cardio-pulmonaire est très difficile à porter en raison des incertitudes de l’évolution. Atrésie pulmonaire à septum ouvert (APSO) Dans cette forme extrême de tétralogie de Fallot, la circulation pulmonaire est assurée par des vaisseaux collatéraux nés de l’aorte et la tolérance fonctionnelle peut être correcte jusqu’à l’âge adulte. L’évolution est marquée par des hémoptysies, l’insuffisance cardiaque et la mort subite. Un bilan hémodynamique précis est nécessaire avant de considérer la malformation comme inopérable.
Cardiopathies opérées La prévalence des cardiopathies opérées est chez l’adulte en considérable augmentation ; cependant la correction totale n’est pas toujours effective et si la plupart des patients ont eu leur vie transformée par l (es) intervention(s) chirurgicale(s) ils ont eu une réparation et non une correction et les anomalies résiduelles ou les séquelles sont presque la règle [6]. Ainsi, les troubles du rythme tardifs sont fréquents et les séquelles hémodynamiques conduisant à une réintervention ne sont pas rares. Communication inter-auriculaire La symptomatologie fonctionnelle et la survie sont en règle très améliorées par la fermeture de la CIA. Cependant, les arythmies atriales n’ont guère été influencées par la fermeture chirurgicale. Il est possible que l’utilisation des occludeurs percutanés les diminue.
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Leur possibilité justifie le suivi à distance des malades opérés. Communication inter-ventriculaire L’évolution postopératoire est en règle favorable s’il n’y a pas d’HTAP résiduelle. Les troubles du rythme ventriculaire en rapport avec le geste chirurgical sont rares. Persistance du canal artériel Sauf HTAP le patient doit être considéré comme guéri. Canal atrio-ventriculaire Les troubles de la conduction postopératoire sont assez fréquents et une surveillance électrocardiographique à distance est souhaitable. Une fuite mitrale résiduelle non exceptionnelle est susceptible d’évoluer pour son propre compte et mérite également d’être surveillée. Sténose aortique – La sténose aortique valvulaire opérée dans l’enfance se reconstitue le plus souvent au fil des années. Une surveillance échographique annuelle et une épreuve d’effort tous les deux ou trois ans sont justifiées. Une ré-intervention est nécessaire dans 35 à 45 % des cas dans les vingt ans qui suivent la valvulotomie. Un remplacement valvulaire par prothèse mécanique est le plus souvent proposé ; une intervention de Ross (autogreffe pulmonaire) peut être discutée chez l’adulte jeune et en particulier chez la femme en âge de procréer. – La sténose sous valvulaire récidive assez fréquemment et doit être surveillée par échographie une fois par an environ. Coarctation aortique La cure chirurgicale de la coarctation donne généralement de bons résultats et la majorité des patients va très bien. La surveillance de la tension artérielle est indispensable car une hypertension résiduelle est fréquente, d’autant plus que le patient a été opéré plus tardivement. L’épreuve d’effort peut démasquer une hypertension artérielle non évidente au repos. Le risque de re-coarctation existe également, avec dans ce cas possibilité d’une dilatation au ballon avec implantation d’une endoprothèse par voie percutanée. Sténose valvulaire pulmonaire L’évolution est en règle tout-à-fait favorable après valvuloplastie par ballonnet comme après commissurotomie chirurgicale. Un contrôle échographique tous les cinq ou six ans parait suffisant.
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Anomalie d’Ebstein Les résultats de l’intervention (plicature longitudinale plus plastie de la tricuspide) sont bons mais des troubles du rythme atriaux reste fréquents ; une ré-intervention est parfois nécessaire Double discordance Le remplacement de la valve auriculo-ventriculaire systémique ne met pas à l’abri de la dysfonction du ventricule droit systémique et celui-ci doit être régulièrement évalué. Il peut être nécessaire d’envisager une transplantation cardiaque. Cardiopathies cyanogènes – Tétralogie de Fallot. La plupart des patients opérés vont bien, sans symptômes fonctionnels notables. Il existe cependant un risque d’arythmie ventriculaire (7 % des cas) et de dysfonction ventriculaire droite, surtout s’il existe une insuffisance pulmonaire importante. Une CIV résiduelle est observée dans 10 à 20 % des cas. Les arythmies atriales et les troubles conductifs de type bloc auriculo-ventriculaire sont plus rarement enregistrés. Au total, ces patients opérés ne doivent pas être perdus de vue, même si leur état fonctionnel est satisfaisant et un examen clinique, électrique et échographique annuel est légitime d’autant plus qu’il existe une insuffisance pulmonaire importante avec dilatation du ventricule droit. L’IRM permet d’évaluer le volume du ventricule droit qui, s’il est trop important peut conduire à une valvulation pulmonaire par voie chirurgicale ou prochainement par voie percutanée. – Cardiopathies complexes. Les malades sont exposés aux complications de la cyanose (cf. cidessous) si l’intervention n’a été que palliative. L’incompétence des valves auriculo-ventriculaires et la fonction myocardique doivent être évaluées. Les interventions de type Fontan ou dérivations cavo-pulmonaires totales suppriment la cyanose mais ont un taux de complications élevé d’autant plus que le suivi est prolongé : troubles du rythme atriaux dans près de 50 % des cas, stase cave inférieure, thromboses, entéropathie exsudative, défaillance ventriculaire. Le traitement anticoagulant au long cours est le plus souvent préconisé – Transposition des gros vaisseaux. Jusqu’en 1985 cette cardiopathie a été traitée par construction de chenaux intra-atriaux (intervention de Mustard ou de Senning) laissant le
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ventricule droit en position systémique. Ces interventions se compliquent fréquemment de troubles du rythme atriaux (flutter), de dysfonction sinusale ou de troubles de la conduction auriculo-ventriculaires (un tiers des patients devra avoir un stimulateur) et à long terme de défaillance du ventricule droit sous aortique. Le suivi de ces patients doit comporter un enregistrement Holter pour déceler des troubles rythmiques asymptomatiques. La détransposition ou correction anatomique (switch) évite ces problèmes mais la possibilité d’insuffisance aortique ou de complications coronaires justifie une surveillance régulière.
font partie du groupe B c’est-à-dire des cardiopathies à risque moins élevé (sauf la CIA qui est à risque quasiment nul). L’antibioprophylaxie est recommandée pour le groupe A à haut risque pour les actes buccodentaires invasifs, la chirurgie ORL, la résection prostatique, la cholangiographie rétrograde ; elle est en général optionnelle pour le groupe B dans les mêmes circonstances. L’importance des mesures d’hygiène est fondamentale : désinfection des plaies, antibiothérapie curative de tout foyer infectieux, évitement des gestes entraînant une effraction cutanéomuqueuse (piercing).
Problèmes généraux des cardiopathies congénitales à l’âge adulte
Grossesse
Un grand nombre de problèmes spécifiques sont observés chez les cardiaques congénitaux adultes et doivent être considérés.
Conséquences extracardiaques de la cyanose L’hypoxie entraîne une polyglobulie et une augmentation de l’hématocrite, responsables d’une augmentation de la viscosité sanguine, d’autant plus qu’un déficit en fer fréquent favorise une microcytose qui majore les troubles. Si l’hématocrite dépasse 65 % les signes fonctionnels sont fréquents (céphalées, troubles visuels, paresthésies) ; dans ce cas seulement, des saignées, avec compensation volémique, sont justifiées. Les risques thrombotiques, notamment cérébraux, existent et peuvent faire envisager le traitement anticoagulant. Cependant, celui-ci est discuté car des troubles de l’hémostase sont fréquemment associés (avec thrombopénie, baisse des facteurs de coagulation, augmentation de l’INR) avec tendance aux saignements. Les troubles du métabolisme urique sont fréquents (augmentation de l’uricémie).
Endocardites [7] Les cardiopathies congénitales cyanogènes non opérées ou ayant eu une dérivation systémico-pulmonaire sont une des trois cardiopathies du groupe A c’est-à-dire à haut risque d’endocardite (les deux autres étant les prothèses valvulaires et les antécédents d’endocardite). Les autres cardiopathies congénitales
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La majorité des grossesses chez des cardiaques survient actuellement chez des femmes ayant une cardiopathie congénitale, opérée ou non. Bien que la grossesse se déroule le plus souvent dans des conditions satisfaisantes, certaines patientes sont exposées à un risque important. Les risques fœtaux sont liés soit à l’existence d’une cyanose maternelle responsable d’une insuffisance d’oxygénation fœtale (génératrice d’avortement, de prématurité, de retard de croissance) soit à une altération de la fonction cardiaque maternelle entraînant les mêmes conséquences fœtales. Les risques maternels vont des arythmies à l’insuffisance cardiaque, voire au décès. Le pronostic maternel dépend de deux facteurs : d’une part la classe fonctionnelle NYHA ; la mortalité maternelle a été évaluée à moins de 1 % pour les patientes en classe 1 ou 2 avant la grossesse et à 7 % pour les patientes en classe 3 ou 4. D’autre part, il faut considérer le type de la cardiopathie [8] Il est pratique de prendre en compte trois catégories de cardiopathies : les cardiopathies à haut risque, celles à risque modéré, celles à risque faible [9]. Les cardiopathies à haut risque sont essentiellement celles avec HTAP ou cyanose Le syndrome d’Eisenmenger est la situation la plus dangereuse avec décès maternel dans 30 à 40 % des cas, le plus souvent dans le postpartum et fréquemment chez des femmes pauci- ou asymptomatiques. En conséquence la grossesse est fortement contre-indiquée. Le risque est sensiblement le même dans l’HTAP
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primitive et n’a pas été significativement diminuée par l’utilisation de NO et de prostacycline. Dans les cardiopathies cyanogènes la grossesse accentue le shunt droite–gauche et est médiocrement tolérée. La probabilité d’avoir un enfant vivant dépend de la saturation oxygénée (85 % étant la limite inférieure) et de l’hémoglobine (la limite supérieure étant à 20 g/dl). Les cardiopathies à risque modéré sont très nombreuses – En cas de sténose aortique sévère, le risque de complications (syncopes, insuffisance ventriculaire) est important et une valvuloplastie percutanée, voire une intervention chirurgicale peuvent être nécessaires pendant la grossesse – La coarctation aortique se complique souvent d’HTA gravidique surtout s’il y a un gradient isthmique résiduel significatif avant la grossesse. – Dans l’anomalie d’Ebstein, la grossesse est le plus souvent bien tolérée même s’il existe un syndrome de pré-excitation. – Dans la double discordance, la grossesse est possible si la fonction du ventricule droit est correcte. – Les patientes opérées constituent un groupe de plus en plus important : la tétralogie de Fallot réparée a en général une bonne tolérance mais une insuffisance ventriculaire droite peut survenir en cas d’insuffisance pulmonaire importante ou de dysfonction du ventricule droit. Après réparation atriale de la transposition des gros vaisseaux, la grossesse est le plus souvent bien tolérée cliniquement mais comporte un risque de dysfonction du ventricule droit systémique parfois irréversible. Après intervention de Fontan le risque maternel de la grossesse est faible si la classe fonctionnelle est de type 1 ou 2 et la fonction ventriculaire correcte, mais les arythmies atriales et surtout les avortements sont très fréquents. – Syndrome de Marfan. Le risque que fait courir la grossesse dépend du diamètre aortique : si celui-ci est superieur à 40 mm, la grossesse est contre-indiquée ; s’il est inférieur, la grossesse est « autorisée » sous bêtabloquant avec surveillance échographique tous les deux mois, sans que l’absence de complication soit pour autant garantie.
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Toutes les autres cardiopathies sont à risque faible Dans les shunts gauche-droite la surcharge volémique est compensée par la baisse des résistances vasculaires systémiques et la grossesse en général bien tolérée. Dans la CIA cependant l’évolution vers l’HTAP semble, dans certains cas, être accélérée par la grossesse et un bilan hémodynamique est préconisé après celle-ci. De même en cas de CIV opérée mais ayant une HTAP résiduelle, la grossesse peut majorer celle-ci. Les sténoses pulmonaires supportent en général très bien la grossesse ; en cas de mauvaise tolérance une dilatation percutanée peut être effectuée.
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Accouchement L’accouchement par voie basse doit être privilégié, avec la seconde étape facilitée par forceps ou vacuum extractor. L’antibioprophylaxie de l’endocardite doit être conseillée, même si ce n’est pas une recommandation officielle. Les indications cardiologiques de césarienne sont très rares : dilatation aortique d’un syndrome de Marfan, lésions obstructives gauches sévères. Le risque de transmission de la cardiopathie est variable selon la malformation (le risque majeur étant celui du CAV : 11 % et des sténoses aortiques : 8 %). En pratique il faut évaluer avant la grossesse la classe fonctionnelle et la fonction ventriculaire, en réalisant éventuellement une épreuve d’effort et une VO2 max. Une étroite collaboration entre cardiologue et obstétricien est bien entendu nécessaire pour aider la patiente à mener à bien sa grossesse.
Contraception Elle doit être envisagée pour éviter les grossesses lorsqu’elles sont contre-indiquées ou les programmer en fonction de l’évolution de la cardiopathie. Le stérilet comporte des risques infectieux le contre indiquant dans la quasitotalité des cas. Les oestroprogestatifs sont contre-indiqués en cas de cardiopathie à risque thrombo-embolique (cardiopathie cyanogène, HTAP, circulation de type Fontan). Les progestatifs purs sont souvent la meilleure solution, en prise discontinue ou continue ou encore sous forme injectable.
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Cardiopathies congénitales et activités physiques [10] Les activités physiques et sportives sont non seulement licites mais recommandées pour la plupart des patients. Il faut préalablement évaluer le statut du patient au repos et à l’effort. La pratique sportive des cardiaques congénitaux adultes exclut en général la compétition. Les patients sont orientés de préférence vers un sport d’endurance, pratiqué en fonction des résultats des épreuves d’effort. L’aptitude des sténoses aortiques tient compte également du gradient. Les cardiopathies cyanogènes désaturant rapidement à l’effort, leur activité doit être orientée vers des activités ludiques ou des sports techniques (golf). Les contre-indications absolues au sport sont exceptionnelles et le sport est le plus souvent bénéfique, participant également à la prévention du risque de cardiopathie acquise auxquels ces patients n’échappent pas. Problèmes sociaux et professionnels [11] De manière directe ou indirecte la cardiopathie conditionne la constitution de la famille (deux fois moins de vie en couple chez les cardiaques adultes que dans la population générale) et l’insertion professionnelle. Il faut orienter précocement les patients gardant une limitation fonctionnelle substantielle vers un emploi ne nécessitant pas d’exigence physique. À noter cependant que la formation professionnelle et notamment technologique n’est pas inférieure à celle de la population générale. Après l’intervention chirurgicale, le passage par un centre de réadaptation cardio-vasculaire peut être très bénéfique. Les difficultés d’intégration dans la société sont encore attestées par les problèmes d’assurance : augmentation substantielle des primes, voire refus de garanties.
En conclusion Les cardiopathies congénitales à l’âge adulte constituent une population dont l’importance
En pratique Approche multidisciplinaire et formation plus approfondie des cardiologues d'adulte pour une meilleure prise en charge de cette population en constante augmentation. 20
et la gravité sont en augmentation constante. Ces patients posent des problèmes extrêmement variés selon la cardiopathie et souvent complexes nécessitant une approche multidisciplinaire. Il apparaît indispensable d’améliorer leur prise en charge par une formation plus approfondie des cardiologues d’adultes et la création d’unités spécialisées comme il en existe en Amérique du Nord ou au Royaume Uni [12] Conflit d’intérêt : aucun Références 1.
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Une bibliographie plus complète peut être retrouvée dans : –
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–
Gatzoulis M.A., Webb GD, Daubeney PEF. Diagnosis and management of adult congenital heart disease Churchill Livingstone – Edinburgh Toronto 2003, 517 p.
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