Technique chirurgicale
Sympathectomie thoracique endoscopique pour hyperhidrose primitive des membres supérieurs Y. Castier, M. Besnard, G. Leseche Service de Chirurgie vasculaire et thoracique, Hôpital Beaujon - Clichy. e-mail :
[email protected] Correspondance : G. Lesèche, Service de Chirurgie vasculaire et thoracique, Hôpital Beaujon, F 92110 Clichy.
Introduction De nombreuses voies d’abord « à ciel ouvert » ont été décrites pour réaliser une sympathectomie thoracique. La multiplicité de ces voies d’abord témoignait de l’absence d’une technique consensuelle, chacune ayant ses avantages et ses inconvénients. Le préjudice esthétique et la morbidité potentielle de la chirurgie à « ciel ouvert » pour traiter un problème, trop souvent considéré à tort comme mineur, a longtemps limité les indications de la sympathectomie pour hyperhidrose primitive des membres supérieurs. L’avènement de la vidéochirurgie a bouleversé le traitement des hyperhidroses sévères, résistantes au traitement médical, et la sympathectomie endoscopique s’est imposée comme la technique chirurgicale de référence. La technique décrite est celle de la sympathectomie tronculaire bilatérale, en un temps, sous anesthésie générale avec intubation sélective. Mots-clés : Sympathique. Technique chirurgicale. Hyperhidrose. Sympathectomie thoracique.
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Sympathectomie thoracique endoscopique pour hyperhidrose primitive des membres supérieurs
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b Rappel anatomique
Le tronc du sympathique chemine le long du col des côtes, il est recouvert par la plèvre médiastinale sur l’ensemble de son trajet. Les vaisseaux intercostaux croisent en arrière le tronc sympathique mais quelquefois, surtout à droite, une veine intercostale peut se placer en avant. Il répond en avant à la veine azygos à droite (a), à l’aorte et à la veine hémi-azygos à gauche (b). Un bourrelet graisseux masque le plus souvent le premier ganglion thoracique situé au bord inférieur de la première côte et une partie des vaisseaux sous-claviers. Le premier ganglion thoracique forme avec le dernier ganglion cervical (non visible par voie thoracique) le ganglion stellaire. Les ganglions sympathiques sont généralement situés dans les espaces intercostaux. Les troncs interganglionnaires passent entre les côtes correspondantes et sont bien visibles et palpables au travers de la plèvre médiastinale. Les rameaux communicants arrivent au bord dorsal des ganglions.
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Installation
L’intervention est réalisée sous anesthésie générale avec intubation sélective par une sonde à double courant (type Carlens). Le patient est installé en décubitus latéral, le membre supérieur homolatéral en abduction à 90°. Un billot est placé sous l’hémithorax controlatéral et légèrement surélevé afin d’ouvrir les espaces intercostaux. L’opérateur est dans le dos du patient, l’assistant en face. Les deux moniteurs sont décalés vers la tête du patient. Une table pont est installée au-dessus des cuisses du patient.
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Instrumentation, position des trocarts
Les instruments indispensables sont : un endoscope rigide ; des trocarts thoraciques ; un ciseau à bouts ronds de 5 mm de diamètre ; un aspirateur-irrigateur et ; une pince à préhension courbe de 5 mm de diamètre. D’autres instruments ne sont utilisés qu’occasionnellement : un porte-clip laparoscopique ; un écarteur endoscopique en forme d’éventail ; des tampons de coton en forme de noisette. Une instrumentation de chirurgie thoracique conventionnelle et complète doit être présente en salle d’intervention. Un minimum de 3 orifices de trocart sont nécessaires et disposés aux 3 sommets d’un triangle à base inférieure ; l’optique occupant le sommet supérieur de ce triangle. Après exclusion du poumon homolatéral, l’optique est introduit au travers d’un trocart de 10 mm (ou 5 mm) placée au niveau du 3e espace intercostal, sur la ligne axillaire moyenne. L’issue de l’air ambiant dans la cavité pleurale affaisse le poumon exclu et dégage le champ opératoire au sommet du thorax. Deux manœuvres complémentaires permettent d’améliorer l’exposition si elle est jugée insuffisante : 1) un anti-Trendelenbourg jusqu’à 60° ; 2) l’introduction d’un écarteur endoscopique positionné sur le poumon (nécessité de réaliser un 4e orifice de trocart). Deux autres trocarts de 5 mm sont placés respectivement sur les lignes axillaires antérieure et postérieure au niveau du 4e ou 5e espace intercostal. Chez la femme, ces incisions de 1 à 1,5 cm doivent être masquées dans l’empreinte du soutien-gorge qui a été préalablement dessiné.
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Exposition du tronc sympathique
Le tronc du sympathique est aisément repéré sous la plèvre médiastinale, le long du bord latéral des articulations costotransversaires. La plèvre médiastinale est ouverte aux ciseaux à l’aplomb du nerf ou 2 à 3 mm en dehors. Elle est alors saisie et ouverte de bas en haut. L’ouverture s’arrête au pôle inférieur du coussinet graisseux, juste au-dessus de la 2e côte, qui constitue le principal repère anatomique. Les berges de l’incision sont écartées pour bien exposer le nerf, et le distinguer d’éventuels ganglions accessoires et rameaux nerveux de trajets aberrants.
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Exérèse de tronc sympathique
Le tronc du sympathique est soulevé à l’aide d’une pince à préhension et délicatement mis en tension pour exposer les rameaux communicants. La résection est effectuée « en bloc » au micro ciseaux, sans utiliser de coagulation monopolaire, et l’hémostase est assurée s’il y a lieu par des endoclips. L’étendue de la sympathectomie est fonction du type de l’atteinte : 1) une atteinte palmaire isolée est traitée par une sympathectomie étendue de D2 à D4 ; 2) une atteinte axillaire isolée est traitée par une sympathectomie de D3 à D5 ; 3) une atteinte palmaire et axillaire relève d’une sympathectomie D2-D5. Un examen anatomopathologique extemporané systématique confirme la présence de fibres sympathiques.
Fin de la procédure, soins postopératoires 34
L’efficacité de la sympathectomie est appréciée par la mesure per opératoire de la température cutanée de la main. Elle doit s’élever de 1.5° à 3 °C, et cette élévation est plus nette au niveau du majeur que de la paume. Le poumon exclu est alors reventilé, sous contrôle visuel par l’optique laissée en place, ce qui permet d’exsuffler le pneumothorax avant de retirer les trocarts et de fermer les incisions cutanées. Un drainage pleural conventionnel est inutile, sauf en cas de plaie accidentelle du parenchyme pulmonaire, et la mise en place au sommet de la cavité pleurale d’un drain aspiratif de Redon est une sécurité facultative. Le patient est ensuite installé en décubitus controlatéral et la même intervention est réalisée du côté opposé. Une radiographie de thorax doit être réalisée en salle de réveil à la recherche d’un pneumothorax ou d’un épanchement pleural. En l’absence d’anomalie, si un drain de Redon a été mis en place il est enlevé quelques heures après l’intervention et le patient est autorisé à quitter l’hôpital le lendemain.
Autres modalités techniques, discussion L’intervention peut être réalisée sans mobilisation per opératoire du patient, en l’installant d’emblée en décubitus dorsal, les deux bras surélevés à 90°. Cette position est moins confortable pour l’opérateur et impose un positionnement plus antérieur, et moins cosmétique, des trocarts. Par ailleurs, une éventuelle conversion en thoracotomie axillaire est impossible. Certaines équipes, notamment celles ne pratiquant pas couramment la chirurgie pulmonaire, réalisent l’intervention avec une intubation trachéale non sélective. Le poumon ventilé est alors affaissé en créant artificiellement un pneumothorax par insufflation sous pression de dioxyde de carbone. Cette
technique nous semble inutile et dangereuse car, d’une part elle ne permet pas d’améliorer l’exposition du champ opératoire et, d’autre part elle est source de barotraumatisme, d’emphysème sous-cutané, d’embolie gazeuse, d’atélectasies et de pneumopathies postopératoires. Lorsqu’une intubation sélective est techniquement impossible ou semble dangereuse, l’intervention peut être pratiquée avec une intubation trachéale en arrêtant la ventilation de façon intermittente et en reventilant les poumons dès que la saturation en oxygène devient inférieure à 90 p cent. Cette technique, intéressante chez les enfants, suppose une très grande expérience de l’opérateur et ne saurait être recommandée à ceux qui ne pratiquent qu’occasionnellement cette intervention. L’électrocoagulation du nerf sympathique doit être proscrite, notamment du côté gauche, car elle peut entraîner un trouble du rythme et un arrêt cardiaque. De plus, la conduction électrique vers le ganglion stellaire peut être responsable d’un syndrome de Claude Bernard Horner. Enfin, l’électrocoagulation à proximité d’un pédicule intercostal et/ou d’une racine nerveuse peut être responsable de névralgies postopératoires. Des auteurs ont proposé la résection systématique du 1/3 inférieur du ganglion stellaire pour obtenir une anhidrose palmaire. En pratique, la résection du 1/3 inférieur du ganglion stellaire comporte un risque élevé de syndrome de Claude Bernard Horner alors qu’aucun cas d’échec et/ou de résultat insuffisant imputables au respect de ce ganglion n’a été observé dans notre expérience [1] et à notre connaissance n’a été rapporté dans la littérature. À la suite des travaux de Shelley et Florence [2], suggérant l’existence d’une corrélation entre d’une part l’étendue de la sympathectomie et d’autre part la survenue et la sévérité d’une hypersudation compensatrice postopératoire, des auteurs ont proposé de réaliser des sympathectomies sélectives (laissant en place les ganglions) ou des sympathectomies
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tronculaires limitées. Les sympathectomies sélectives ont rapidement été abandonnées car elles ne permettaient pas de réduire significativement l’incidence et/ou la sévérité de l’hypersudation compensatrice et elles s’accompagnaient d’un taux prohibitif de récidives. Bien que Hederman et al. [3] aient observé, chez un petit nombre de patients, une réduction de l’incidence de l’hypersudation compensatrice après sympathectomie limitée à T2, d’autres séries incluant plusieurs milliers de patients n’ont pas confirmé ces résultats [4, 5]. De plus, dans ces séries de sympathectomies limitées à T2 ou T2T3, des taux importants de résultats insuffisants et/ou de ré-
cidives précoces ont été rapportés. Dans notre expérience, il n’existait aucune corrélation entre la survenue et/ou la sévérité d’une hypersudation compensatrice postopératoire et l’étendue de la sympathectomie [1]. En revanche, les seuls cas de résultats insuffisants et/ou récidives précoces que nous avons observés l’ont été après sympathectomies limitées à T2 ou à T2-T3. Enfin, l’analyse histologique des pièces opératoires après resympathectomies en bloc, pour récidive, a montré que ces dernières étaient en fait dans la quasi-totalité des cas imputables à une sympathectomie initiale incomplète et/ ou trop limitée.
Références 1. Lesèche G, Castier Y, Thabut G, Petit M, Combes M, Cerceau O et al. Endoscopic transthoracic sympathectomy for upper limb hyperhidrosis : limited sympathectomy does not reduce postoperative compensatory sweating. J Vasc Surg 2003;37:124-128. 2. Shelley W, Florence R. Compensatory hyperhidrosis after sympathectomy. N Engl J Med 1960;24:1056-1058. 3. Hederman WP. Present and future trends in thoracoscopic sympathectomy. Eur J Surg 1994;572:17-19. 4. Chiou TS, Chen SC. Intermediate-term results of endoscopic transaxillary T2 sympathectomy for primary palmar hyperhidrosis. Br J Surg 1999;86:45-47. 5. Hsu CP, Chen CY, Lin CT, Wang JH, Chen CL, Wang PY. Video-assisted thoracoscopic T2 sympathectomy for hyperhidrosis palmaris. J Am Coll Surg 1994;179:59-64. 35