Syndrome d’apnées obstructives du sommeil

Syndrome d’apnées obstructives du sommeil

Presse Med 2005; 34: 1533-40 M © 2005, Masson, Paris I S E A U P O I N T Cardiologie, Pneumologie N. Chouri-Pontarollo1 R. Tamisier1,2, P. Lévy...

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Presse Med 2005; 34: 1533-40

M

© 2005, Masson, Paris

I S E

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P O I N T

Cardiologie, Pneumologie

N. Chouri-Pontarollo1 R. Tamisier1,2, P. Lévy1,2 J.-L. Pépin1,2

1 - Laboratoire du sommeil et EFCR, département de médecine aiguë spécialisée, CHU de Grenoble (38) 2 - Laboratoire HP2, Inserm-Espri EA 3745, faculté de médecine de Grenoble, La Tronche (38)

Correspondance: Jean-Louis Pépin, département de médecine aiguë spécialisée, CHU de Grenoble, BP 217, 38043 Grenoble Cedex 09 Tél. : 04 76 76 55 16 Fax : 04 76 76 55 86 [email protected]

Syndrome d’apnées obstructives du sommeil

Key points

Points essentiels

Obstructive sleep apnea syndrome

• Le syndrome d’apnées du sommeil correspond à des épisodes répétitifs de collapsus partiel ou complet du pharynx survenant au cours du sommeil. • Le syndrome d’apnées du sommeil est une pathologie sousdiagnostiquée qui concerne 5 % de la population générale. • Cette maladie est associée à une augmentation du risque cardiovasculaire et à une baisse des capacités d’attention soutenue pouvant être responsables d’accidents de conduite et d’accidents professionnels. • Les techniques diagnostiques d’enregistrement polysomnographique ou polygraphique se sont simplifiées et permettent un accès plus aisé au diagnostic qui peut être fait en ambulatoire. • Le traitement de référence reste la pression positive continue. Il s’agit d’une attelle pneumatique qui maintient ouvertes les voies aériennes. Son efficacité a été montrée que ce soit en termes d’amélioration de la somnolence diurne ou de prévention des complications cardiovasculaires. Les prothèses de propulsion mandibulaires peuvent constituer une alternative à la pression positive continue pour les syndromes d’apnées du sommeil modérés avec ou sans rétrognathie et sans surcharge pondérale. Le traitement chirurgical est globalement peu efficace et reste d’indication exceptionnelle.

• Obstructive sleep apnea syndrome is characterized by recurrent total or partial upper airway collapse during sleep. • Although this disease affects more than 5% of general population, it remains largely undiagnosed. • It is associated with an increase in cardiovascular risk and with a decrease in sustained attention that may cause automobile accidents or occupational injuries. • Several simplified diagnostic tools (polysomnography) now allow easier diagnosis in a sleep laboratory or on an outpatient basis. • Nasal continuous positive airway pressure remains the reference treatment, acting as a pneumatic splint that maintains airway patency. CPAP is effective in reducing daytime somnolence and controlling cardiovascular risk. Prosthetic management is an alternative to CPAP in cases of moderate sleep apnea with or without retrognathism in normal-weight patients. The effectiveness of surgery has not been proven, and it is indicated only in exceptional cases. N. Chouri-Pontarollo, R. Tamisier, P. Lévy, J.-L. Pépin Presse Med 2005; 34: 1533-40 © 2005, Masson, Paris

ans les pays occidentaux, plus de 5 % des adultes ont un syndrome d’apnées obstructives du som1,2 meil (SAOS) non diagnostiqué . Les études en population générale ont montré que le SAOS,même dans sa forme modérée, était associé à une morbidité et à une altération de la qualité de vie des patients du fait principalement de la somnolence et des troubles attentionnels associés. Ces anomalies peuvent être à l’origine d’accidents de conduite ou d’accidents professionnels.Les SAOS non diagnostiqués ou non traités sont associés de manière indépendante à un risque accru d’hypertension artérielle, de maladie coronarienne et d’accident vasculaire cérébral.

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Les facteurs prédisposant au SAOS sont l’obésité, l’obstruction nasale, la prise d’alcool, l’âge, le tabagisme, la ménopause non substituée et les anomalies anatomiques du pharynx.De meilleures procédures diagnostiques,une meilleure organisation des filières de soins et une meilleure prévention des facteurs de risque associés constituent donc un enjeu de santé publique. Le SAOS se définit par l’association de signes cliniques et d’anomalies respiratoires nocturnes en nombre > 5 par heure de sommeil (encadré). Ces anomalies ventilatoires sont mises en évidence par l’enregistrement polygraphique ou polysomnographique. La Presse Médicale - 1533

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Cardiologie, Pneumologie

Physiopathologie Encadré

Le syndrome d’apnées du sommeil (SAS) correspond à des épisodes répétitifs de collapsus partiel ou complet du pharynx survenant au cours du sommeil. Ce collapsus se produit en regard du voile du palais et/ou en arrière de la base de la langue (figure 1).Au cours de l’inspiration, la perméabilité du pharynx est normalement maintenue par la contraction des muscles dilaGlossaire tateurs du pharynx. Le collapsus va AVC accident vasculaire cérébral apparaître lors d’un déséquilibre BPCO bronchopneumopathie entre la force générée par la chronique obstructive contraction de ces muscles dilataHTA hypertension artérelle teurs et la pression négative inspiraIAH index apnées-hypopnées IMC indice de masse corporelle toire qui tend à collaber le pharynx. IVG insuffisance ventriculaire Il peut s’agir d’un collapsus complet gauche (apnées) ou incomplet (hypopnées, PPC pression positive continue événements de limitation inspiraSAOS syndrome d’apnées obstructives du sommeil toire de débit, ronflement) du phaSAS syndrome d’apnées du somrynx survenant au cours du sommeil meil (figure 1).Trois facteurs essenUPPP uvulo-palato-pharyngoplastiels sont à l’origine de ce collapsus: tie VAS voies aériennes supérieures le rétrécissement anatomique des voies aériennes supérieures (VAS)

Perméabilité du pharynx

2

1 3

Définition du syndrome d’apnées du sommeil (SAS) Le diagnostic de SAS est accepté quand le critère A et/ou le critère B sont présents en association avec le critère C. A Hypersomnolence diurne B Au moins 2 des symptômes suivants: - Sommeil non récupérateur - Étouffements nocturnes - Éveils multiples - Fatigue - Troubles de concentration C > 5 événements obstructifs/heure de sommeil en polysomnographie ou polygraphie de ventilation

lié à l’obésité, à des anomalies squelettiques ou des tissus mous pharyngés, l’augmentation de la compliance du pharynx et la perte d’efficacité des muscles dilatateurs du pharynx. Du fait du calibre pharyngé réduit chez ces patients, il existe à l’éveil une augmentation d’activité des muscles dilatateurs (compensation neu-

Débit aérien mesuré Type d’événements en polysomnographie respiratoires

a

Respiration normale

b

LID

c

Hypopnée

Apnée

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d

Figure 1 Événements respiratoires et degré du collapsus: aspect du débit nasal. (a) Absence de collapsus: respiration normale; (b) augmentation de résistance des voies aériennes supérieures entraînant une limitation de débit inspiratoire (LID), apparition du ronflement; (c) collapsus incomplet: hypopnée; (d) collapsus complet: apnée. 1: base de la langue; 2: voile du palais; 3: mur pharyngé postérieur.

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romusculaire). La baisse de l’activité musculaire concomitante au sommeil précipite les patients vers le collapsus du pharynx. B

Démarche diagnostique

A

Cliniquement, 4 symptômes principaux sont associés: des symptômes nocturnes avec éveils fréquents associés ou non à une nycturie,des ronflements importants et des symptômes diurnes à type d’asthénie matinale avec ou sans céphalées et d’hypersomnolence.Des échelles subjectives de somnolence existent pour aider le clinicien à quantifier la sévérité de la somnolence diurne. La plus répandue est l’échelle de somnolence d’Epworth (tableau 1) qui devrait figurer dans la salle d’attente de tout médecin généraliste.

L’IMAGERIE DES VOIES AÉRIENNES SUPÉRIEURES Les anomalies anatomiques ne sont pas suffisamment spécifiques pour pouvoir prédire l’existence d’un SAOS et sa gravité. L’imagerie a sa place dans le cadre d’un bilan préchirurgical éventuel (notamment la céphalométrie et la tomodensitométrie). La céphalométrie permet d’étudier le squelette et les parties molles de la face. La figure 2 schématise les anomalies typiques qui peuvent être observées chez le patient apnéique (voile du palais plus long et plus large, augmentation de la taille de la langue, position bas située de l’os hyoïde, anomalies osseuses maxillo-faciales notamment rétrognathisme). La tomodensitométrie des VAS peut aussi fournir des éléments et éliminer en particulier une obstruc-

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Figure 2 Anomalies typiques qui peuvent être trouvées chez le patient apnéique (voile du palais plus long et plus large, augmentation de la taille de la langue, position bas située de l’os hyoïde, anomalies osseuses maxillo-faciales notamment rétrognathisme).

tion curable. Les techniques d’imagerie statique à l’éveil des VAS ne permettent pas de prédire l’extension exacte 3 du collapsus au cours du sommeil .

LA POLYSOMNOGRAPHIE Elle constitue l’examen de référence pour documenter les évènements respiratoires anormaux survenant au cours du sommeil (figure 3). Les méthodes d’enregistrement se sont simplifiées au fil des années.Certaines informations sont néanmoins indispensables pour permettre

Tableau 1

Échelle de somnolence d’Epworth Situation

Ne somnolerait jamais

Faible risque de somnolence

Risque de somnolence modéré

Risque de somnolence élevé

1) Assis en train de lire

0

1

2

3

2) En train de regarder la télévision

0

1

2

3

3) Assis, inactif dans un lieu public (théâtre, réunion)

0

1

2

3

4) Comme passager d’une voiture roulant sans arrêt pendant une heure

0

1

2

3

5) Allongé l’après-midi lorsque les circonstances le permettent

0

1

2

3

6) Étant assis en parlant avec quelqu’un

0

1

2

3

7) Assis au calme après un repas sans alcool

0

1

2

3

8) Dans une voiture arrêtée quelques minutes dans un embouteillage

0

1

2

3

Un score élevé > 10 témoigne d’une somnolence accrue

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Cardiologie, Pneumologie d’identifier les anomalies respiratoires nocturnes: quantifier la réduction plus ou moins importante du débit aérien, documenter l’augmentation de l’effort respiratoire et la fragmentation du sommeil (nombre de microéveils).La pression nasale est le meilleur compromis de la mesure du débit.Les mesures de l’effort respiratoire font appel aux mouvements du thorax et de l’abdomen et idéalement au temps de transit du pouls (moins invasif 4 que la mesure de la pression œsophagienne) . Les microéveils correspondent à des éveils de très courte durée (3 à 15 s) non perçus par les patients qui terminent l’événement respiratoire et fragmentent le sommeil. Ils peuvent êtres détectés par l’électroencéphalogramme mais aussi par des marqueurs cardiovasculaires (fréquence cardiaque, temps de transit du pouls). Parmi les marqueurs de microéveils autonomiques, la variation de l’onde de pouls et le signal de tonométrie artérielle péri5,6 phérique sont aussi proposés .Les apnées peuvent être

obstructives (persistance d’un effort respiratoire), centrales (absence d’effort respiratoire) ou mixtes (début de type central et fin de type obstructif). Le nombre d’apnées et d’hypopnées (baisse de plus de 50 % du flux inspiratoire ou de 30 % associée à une désaturation supérieure à 3 % et/ou à un microéveil) durant plus de 10 s par heure de sommeil permet de calculer l’index apnéeshypopnées ou IAH.Des mesures ambulatoires volontiers limitées aux capteurs cardiorespiratoires se sont développées ces dernières années et permettent d’améliorer la rapidité de prise en charge des patients.

L’INTERPRÉTATION DES RÉSULTATS Elle doit toujours se faire dans le contexte clinique. Le SAOS pouvant survenir isolément mais aussi en association avec une pathologie déficitaire respiratoire (syndrome obésité-hypoventilation, bronchopneumopathie chronique obstructive [BPCO], pathologie neuromuscu-

Abréviations : a

HYP : Hypnogramme SAT : Saturation en oxygène (variations oscillantes de la SaO2) THM : Thermistance THO : Mesure de l’ampliation thoracique ABD : Mesure de l’ampliation abdominale DEB : Débit nasal TTP : Temps de transit de l’onde pulsée FIN : Mesure de la pression artérielle Apnée obstructive * : mesure de l’effort respiratoire ↓

: pic de pression artérielle en fin d’apnée qui permet également d’identifier

b

le microéveil

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c

Figure 3 Méthodes d’enregistrement des événements respiratoires au cours de la nuit. (a) Exemple de tracé de polysomnographie (PSG). Les informations sont recueillies soit de façon complète avec un équipement complexe de PSG incluant les variables neuro-physiologiques (b) soit uniquement à l’aide de capteurs respiratoires lors d’une polygraphie de ventilation (c).

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laire).L’association entre BPCO et SAOS réalise l’Overlap syndrome. Cette association s’accompagne de désaturations nocturnes majeures et d’hypoxémie avec hypercapnie diurne. De même, le SAOS peut être associé à un syndrome obésité-hypoventilation avec les mêmes conséquences gazométriques diurnes. Ces pathologies respiratoires nécessitent le plus souvent une prise en charge ventilatoire particulière de ventilation non invasive contrairement au SAOS isolé où seule une pression positive continue sera requise.

Conséquences du SAOS MANIFESTATIONS NEUROPSYCHOLOGIQUES L’hypovigilance diurne induite par la répétition des microéveils nocturnes qui fragmentent le sommeil peut être à l’origine de situations dangereuses liées au risque d’endormissement dans des situations telles que la conduite de véhicules ou le travail. Des troubles cognitifs (troubles de l’attention, de la mémoire et de la concentration) sont également au premier plan de l’al7 tération de la qualité de vie .

MANIFESTATIONS ENDOCRINIENNES ET MÉTABOLIQUES Hypothyroïdie et acromégalie sont des facteurs favorisants pour la survenue d’un SAS. Certaines manifestations endocriniennes peuvent survenir dans un SAOS telles que la polyurie nocturne secondaire à une sécré8 tion accrue de facteur atrial natriurétique . Une nycturie sans dysurie doit donc conduire à envisager un SAOS (et non systématiquement un problème prostatique chez l’homme).

norésistance. Ces adaptations entraînent une augmentation du risque cardiovasculaire (HTA, insuffisance cardiaque, arythmie cardiaque, ischémie cardiaque et accident vasculaire cérébral).

❚ Hypertension artérielle La prévalence de l’HTA chez les patients ayant un SAOS est estimée actuellement à près de 60 % alors que 30 % 10,11 . Elle augmente de des hypertendus ont un SAOS 12 façon parallèle avec la valeur de l’IAH . La prévalence du SAOS est de 80 % en cas d’HTA réfractaire. Enfin,la chute de pression artérielle (au moins 10 %) qui survient au cours de la nuit chez le sujet normal est souvent absente chez le sujet apnéique (sujet non dipper). Les sujets non dipper dépistés lors d’un Holter tensionnel devraient avoir un enregistrement polysomnographique à la recherche d’un SAOS. Sur le plan thérapeutique,plusieurs études montrent que la pression positive continue (PPC), en traitant le SAOS, a un effet bénéfique 13,14 . sur les chiffres tensionnels

❚ Insuffisance coronarienne Au cours du SAOS, la présence d’une alternance de phase d’hypoxie et de réoxygénation, d’une hyperréactivité sympathique, d’une dysfonction endothéliale et d’une diminution du NO circulant favorisent la survenue d’une ischémie myocardique et le développement de la plaque d’athérome et de sa déstabilisation. Des modifications de la coagulation et des événements pro-inflammatoires pourraient favoriser l’athérosclérose. La plupart des études réalisées révèlent une prévalence d’environ 30 % de SAOS chez des patients

CONSÉQUENCES CARDIOVASCULAIRES DU SAOS Le SAOS est responsable d’une augmentation du risque cardiovasculaire notamment pour l’hypertension artérielle, l’infarctus du myocarde, les troubles du rythme ventriculaires et la survenue d’un accident vasculaire cérébral (AVC). Une étude a confirmé l’augmentation d’incidence des événements cardiovasculaires (infarc9 tus du myocarde et AVC) létaux et non létaux au cours du SAOS. Ce risque est d’autant plus grand que le SAOS est sévère.

❚ Mécanismes en cause Les 4 stimuli à l’origine des conséquences cardiovasculaires sont:la désaturation en O2,l’élévation de la PaCO2, l’augmentation de l’effort respiratoire et le microéveil en fin d’apnée. Ceci conduit à des adaptations du système cardiovasculaire (figure 4). Les principales sont une hyperactivité sympathique, un stress oxydant, le développement d’une dysfonction endothéliale et des modifications métaboliques comme l’apparition d’une insuli19 novembre 2005 • tome 34 • n° 20 • cahier 1

Apnée obstructive du sommeil Hypoxémie

Mécanismes intermédiaires 1) Activation sympathique - Tachycardie

Stress oxydant Réoxygénation

- ↑ catécholamines

2) Dysfonction endothéliale 3) Stress oxydant

Hypercapnie Changements pressions intrathoraciques Microéveils

4) Inflammation 5) Anomalie de la coagulation 6) Dysrégulation métabolique - Résistance à la leptine - Obésité - Insulinorésistance

Risque cardiovasculaire  HTA  Insuffisance cardiaque Dysfonction systolique Dysfonction diastolique

 Arythmie cardiaque Bradycardie Bloc auriculoventriculaire Fibrillation auriculaire

 Ischémie cardiaque Maladie coronarienne Infarctus du myocarde Sous-décalage segment ST nocturne Angor nocturne

 Accident vasculaire

cérébral

Figure 4 Principaux mécanismes, adaptations et conséquences cardiovasculaires du syndrome d’apnées du sommeil. Source: Somers et al. JAMA 2003; 290: 1906-14 La Presse Médicale - 1537

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Cardiologie, Pneumologie ayant une coronaropathie confirmée à l’occasion d’une coronarographie. La prévalence de l’ischémie silencieuse (sous-décalage du segment ST en Holter) au cours du SAOS a été observée à près de 30 % chez des 15 patients coronariens . Sous PPC, la prévalence de la 9,16 récidive de la maladie coronarienne diminue .

❚ Insuffisance ventriculaire gauche Le SAOS est une cause identifiée pour l’apparition d’une insuffisance cardiaque gauche. En cas de SAOS, il a été montré que la PPC améliorait la fonction car17,18 . Le SAS central fréquemment associé à diaque l’IVG (insuffisance ventriculaire gauche) a un traitement moins codifié et plus discuté dans son efficacité.

❚ Troubles du rythme et troubles de la conduction

tique. Le taux d’acceptation initial se situe habituelle25,26 . L’efficacité a été établie par ment entre 70 et 80 % des études sur la somnolence mais aussi en termes de prévention du risque cardiovasculaire (HTA, coronaropathie, événements cardiovasculaires létaux ou AVC, ou 9,27 ; reste le problème d’acceptation de ce non létaux) traitement relativement contraignant pour le patient et son entourage.L’éducation à l’égard du risque cardiovasculaire reste primordiale. Les effets secondaires (bruit, irritation en regard du masque, encombrement de la machine, phénomènes inflammatoires ORL avec rhinorrhée et obstruction nasale), s’ils ne sont pas pris en charge correctement, peuvent diminuer l’observance 28 thérapeutique . Des rapports d’observance réalisés par le prestataire peuvent aider le praticien à évaluer l’utilisation exacte de la PPC (figure 5). La prise en charge par la sécurité sociale de la ventilation nocturne à domicile par PPC est assurée pour les patients ayant une somnolence diurne et au moins 3 des symptômes suivants: ronflements, céphalées matinales, vigilance réduite, troubles de la libido, HTA ou nycturie, associés soit à un IAH ≥ 30 par heure de sommeil,soit,si cet indice est < 30 par heure de sommeil, à au moins 10 microéveils par heure de sommeil en rapport avec une augmentation de l’effort respiratoire documenté par l’analyse polysomnographique. Le renouvellement et le maintien de la prise en charge sont subordonnés à la constatation d’une observance minimale de 3 heures de traitement chaque nuit et de l’efficacité clinique du traitement.

Il s’agit essentiellement d’alternance de bradycardietachycardie. Une bradycardie sinusale sévère est obser19,20 . Des vée chez 5 à 10 % des patients lors des apnées manifestations plus sévères ont été décrites telles que tachycardies supraventriculaires, extrasystoles ventriculaires et tachycardie ventriculaire. Une pause sinusale prolongée ou un bloc auriculoventriculaire du deuxième ou troisième degré peuvent aussi survenir. Les troubles de conduction sont plus fréquents au cours des épisodes de désaturations et du sommeil paradoxal. Ces anomalies sont principalement dues à une hypertonie vagale et au maintien des efforts ventilatoires contre une résistance accrue des VAS.Les troubles de conduction régressent habituellement après mise sous PPC et ne nécessitent que très rarement la mise en place d’un pacemaker. Les patients ayant un SAOS ont un risque plus important 21 de développer une fibrillation auriculaire . Par ailleurs, un SAOS non traité double le risque de récidive de fibrillation auriculaire après cardioversion. Le traitement par 22 PPC diminue ce risque . L’éventuel bénéfice de l’overdriving (pacemaker réglé à une fréquence supérieure à la fréquence nocturne de référence des patients) sur le contrôle des troubles respiratoires nocturnes reste 23 à déterminer. En effet, une étude est venue contre24 dire la première étude positive de Garrigue et al. De plus, l’intérêt de ces techniques de resynchronisation est probablement accru lors d’une prépondérance centrale des événements respiratoires.

La réduction pondérale reste difficile à obtenir. Elle permet néanmoins d’améliorer le SAOS. La guérison est exceptionnelle.La chirurgie type gastroplastie est parfois indiquée dans les obésités massives (indice de masse corporelle [IMC] > 40 kg/m2) ou les obésités sévères (IMC > 35 kg/m2) avec facteurs de comorbidité menaçant le pronostic vital ou fonctionnel,en ayant pris soin d’éliminer les contre-indications telles que les troubles psychiatriques graves et les troubles compulsionnels alimentaires graves notamment. Le maintien du poids à long terme reste difficile quelles que soient les modalités de prise en charge.

Traitements

LE TRAITEMENT POSITIONNEL

Le traitement de référence du SAOS est la PPC nocturne. Il consiste à insuffler dans les VAS de l’air à une pression de l’ordre de 5 à 15 cm d’eau à l’aide d’un masque habituellement nasal (figure 5). Cette surpression entraîne une augmentation du volume pharyngé et prévient le collapsus inspiratoire en réalisant une attelle pneuma-

Le traitement positionnel a prouvé son efficacité29.Elle est comparable à celle de la PPC en cas de SAOS positionnel exclusif.Ce traitement peut être appliqué à l’aide de gilets spécialement conçus pour rendre difficile ou inconfortable le décubitus dorsal, ou par des moyens “artisanaux” (conception de poches auxquelles sont ajoutées des balles de tennis en regard de la colonne vertébrale).

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LA RÉDUCTION PONDÉRALE

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LA PROTHÈSE D’AVANCÉE MANDIBULAIRE

LE TRAITEMENT CHIRURGICAL

Elle peut constituer une alternative intéressante. Elle consiste à avancer la mandibule par le biais d’une orthèse. Ce traitement permet un élargissement vélopharyngé et donc une diminution des résistances des voies aériennes. Son efficacité est bien démontrée. Ce traitement est néanmoins moins efficace que la 30 PPC, y compris pour les SAOS modérés . C’est pourquoi elle est plutôt réservée à des sous-groupes de patients (refus de PPC, patients ayant un SAS modéré, sans surpoids, en classe II dentaire). L’avis du stomatologiste est primordial. Il faudra s’assurer au préalable que la denture est susceptible de recevoir ce type d’orthèse (nombre de dents suffisantes, vérification de l’absence de mobilité dentaire) et que les articulations temporo-mandibulaires sont exemptes de toute pathologie évolutive. Des problèmes de parodontose induisant une mobilité dentaire ou une propulsion < 6 mm ne permettent pas non plus de mettre en place ce traitement. L’évaluation du traitement nécessite une polysomnographie sous prothèse. Mehta et al. ont observé chez 62,5 % des patients ainsi traités une disparition des symptômes cliniques associée soit à une réponse complète (IAH < 5), soit à une réduction de l’IAH > 50 % de sa 31 valeur initiale .

Les techniques chirurgicales visent d’une part à augmenter la surface pharyngée en levant les obstacles éventuels (amygdale, voile hypertrophique, etc.) et d’autre part à diminuer la compliance, c’est-à-dire à remettre en tension les parois des VAS.

❚ L’uvulo-palato-pharyngoplastie (UPPP) Elle vise à élargir l’oropharynx en ôtant les tissus excédentaires (amygdales, luette, redondance du voile) et surtout en remettant en tension les parois pharyngées. La méta-analyse de Sher et al. a montré un taux de succès (c’est-à-dire un IAH réduit de 50 % et < 20 par heure de sommeil après l’intervention) tous patients confondus de 52 % chutant à 5 % dès lors qu’un rétrécissement hypopharyngé ou à des niveaux multiples était mis en évi32,33 . L’indication opératoire est d’autant plus difficile à pordence ter qu’il n’existe pas de facteurs prédictifs du succès du traitement. Les complications de cette intervention, même si elles sont rares, doivent être connues.

❚ L’ostéotomie bi-maxillaire d’avancée Cette technique correspond au traitement chirurgical apportant le plus de garantie en termes d’efficacité (80-90 % d’efficacité). Ses

Pas de PPC

PPC 10 cmH2O

b

c

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a Figure 5 Traitement par pression positive continue (PPC). (a) Effet de la PPC sur le calibre pharyngé (coupes de tomodensitométrie du pharynx) ; (b) et (c) rapports d’observance chez deux patients équipés par PPC. (b) : bonne observance (utilisation > 5/h nuit en moyenne), (c) utilisation insuffisante de la PPC. 19 novembre 2005 • tome 34 • n° 20 • cahier 1

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Cardiologie, Pneumologie indications sont limitées aux SAOS sévères chez les sujets jeunes sans pathologie associée avec dysmorphose 34 rétrusive .

Conclusion

Conflits d’intérêt : aucun

L’augmentation du risque cardiovasculaire lié au SAOS a été montrée. L’identification et le traitement du syndrome d’apnées du sommeil constituent un enjeu de santé publique. Des efforts doivent être poursuivis pour optimiser la formation médicale dans ce domaine. Certains sites Internet sont conçus afin d’apporter un sup-

port d’informations aussi bien pour les médecins que pour les patients ou leur entourage. Le site de la Société pneumologique de langue française (www.splf.org) fournit par le biais de sa base de liens Internet l’accès à plusieurs sites (grâce aux mots clef “apnées du sommeil”). On peut citer celui de l’Antadir (www.antadir.org) ou celui de la Société Française de Recherche sur le Sommeil qui procure notamment la liste des centres de diagnostic et de traitement des troubles du sommeil. D’autres sites tels que www.institut-sommeilvigilance.com apportent des informations générales sur le sommeil, la vigilance et les troubles du sommeil. ■

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