Syndrome de l’arcade de Fröhse révélant une myopathie sarcoïdosique

Syndrome de l’arcade de Fröhse révélant une myopathie sarcoïdosique

Revue du rhumatisme 78 (2011) 568–570 Fait clinique Syndrome de l’arcade de Fröhse révélant une myopathie sarcoïdosique夽 Nessrine Akasbi a,∗ , Latif...

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Revue du rhumatisme 78 (2011) 568–570

Fait clinique

Syndrome de l’arcade de Fröhse révélant une myopathie sarcoïdosique夽 Nessrine Akasbi a,∗ , Latifa Tahiri a , Abdelkarim Daoudi b , Mouhcine Bendahou c , Taoufik Harzy a a

Département de rhumatologie, CHU Hassan II, Fez, Maroc Département de chirurgie orthopédique, CHU Hassan II, Fez, Maroc c Département de médecine de laboratoire et pathologies, CHU Hassan II, Fez, Maroc b

i n f o

a r t i c l e

Historique de l’article : Accepté le 10 mars 2010 Disponible sur Internet le 7 octobre 2011 Mots clés : Sarcoïdose Manifestations musculaires Granulomes Syndrome de l’arcade de Fröhse Syndrome canalaire

r é s u m é La myopathie sarcoidosique est rarement symptomatique, notre observation illustre le premier cas de syndrome de compression du nerf radial par des nodules sarcoidosiques. Une femme de 58 ans porteuse d’une sarcoïdose médiastino-pulmonaire a été admise pour un déficit moteur des deux mains avec une déviation radiale lors de l’extension des poignets. Le diagnostic de syndrome de compression de la branche motrice du nerf radial a été retenu. La patiente a bénéficié d’une neurolyse du nerf radial avec des biopsies musculaires multiples. L’étude anatomopathologique a conclu à une myopathie sarcoidosique dans sa forme nodulaire à l’origine de la compression du nerf radial. © 2011 Publié par Elsevier Masson SAS pour la Société Française de Rhumatologie.

1. Introduction La sarcoïdose est une maladie granulomateuse systémique d’origine inconnue impliquant de nombreux organes et tissus. Les manifestations musculosquelettiques sont rares ; le diagnostic repose sur un tableau clinico-radiologique et la présence de granulomes non caséeux dans les biopsies après exclusion des autres granulomatoses. À notre connaissance, nous rapportons le premier cas de syndrome de compression de la branche motrice du nerf radial ou syndrome de l’arcade de Fröhse causé par une myopathie sarcoïdosique dans sa forme nodulaire.

2. Cas clinique Une femme agée de 58 ans, diabétique qui suivie depuis cinq ans pour une sarcoïdose médiastino-pulmonaire stade I, sans autre manifestation viscérale, en abstention thérapeutique. La patiente a présenté depuis un mois un déficit moteur distal bilatéral et asymétrique des mains. Elle avait des crampes musculaires dans les deux avant-bras, et aucun signe d’infection ou de maladie systémique. L’examen clinique a trouvé une paralysie asymétrique et incomplète des doigts, prédominant à la main gauche avec un déficit d’extension des articulations métacarpophalangiennes, mais pas des articulations interphalangiennes des doigts longs et des pouces.

Il y avait un aspect typique de déviation radiale des deux mains durant l’extension du poignet (Fig. 1), avec des contractures musculaires dans les deux avant-bras. L’aspect des mains tombantes, due à la paralysie des muscles extenseurs, les résultats du testing musculaire, évoquaient fortement un syndrome de compression de la branche motrice du nerf radial au coude, appelé syndrome de l’arcade de Fröhse. Les examens biologiques, en particulier les enzymes musculaires et le bilan inflammatoire, étaient normaux. L’étude de la conduction nerveuse a montré une dénervation motrice sévère et aiguë des muscles innervés par le nerf radial dans les deux membres supérieurs. Cela prédominait sur le côté gauche avec une diminution de la vitesse de conduction motrice du nerf radial au coude. Lors de l’intervention, le chirurgien a trouvé de nombreux nodules autour de la branche motrice du nerf radial, dans le muscle supinateur expliquant la compression. La patiente a bénéficié d’une neurolyse du nerf radial avec des biopsies musculaires multiples. Les premières biopsies effectuées sur la patiente ont été négatives. Ce fut seulement en répétant les biopsies des nodules sur plusieurs sites que l’anatomopathologiste a trouvé une myopathie granulomateuse d’origine sarcoïdosique (Fig. 2), à l’origine de la compression du nerf radial. La patiente a été mise sous corticothérapie : 30 mg/j de prednisone (1 mg/kg par jour) avec une degréssion progressive et une rééducation, avec une nette amélioration et récupération fonctionnelle. 3. Discussion

夽 Ne pas utiliser, pour citation, la référence franc¸aise de cet article, mais la référence anglaise de Joint Bone Spine (doi:10.1016/j.jbspin.2011.03.007). ∗ Auteur correspondant. Adresse e-mail : nessrine [email protected] (N. Akasbi).

Le syndrome de l’arcade de Fröhse ou syndrome du nerf interosseux postérieur, aussi appelé syndrome de compression de la branche profonde du nerf radial, résulte du piégeage ou de la

1169-8330/$ – see front matter © 2011 Publié par Elsevier Masson SAS pour la Société Française de Rhumatologie. doi:10.1016/j.rhum.2011.07.002

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Fig. 1. a : paralysie incomplète et asymétrique des muscles extenseurs des doigts ; b : aspect de déviation radiale des mains durant l’extension du poignet.

compression du nerf radial au niveau du muscle supinateur, dans la partie proximale de l’avant-bras. Les premiers symptômes cliniques de ce syndrome peuvent être une douleur ou une faiblesse musculaire [1]. Chez les patients atteints du syndrome du nerf interosseux postérieur, une position typique des mains est observée : puisque les muscles extenseurs des doigts sont affectés, il est difficile ou impossible de maintenir les doigts en extension. Les doigts se rabattent immédiatement vers la paume des mains aussitôt que l’extension volontaire est interrompue. De plus, la main dévie radialement durant l’extension du poignet, du fait d’une faiblesse dans le muscle extenseur ulnaire du carpe [2]. Lors des études électromyographiques, un blocage de la conduction ou une prolongation de la latence motrice du nerf radial est observé au site de compression. Le site de compression du nerf le plus courant est situé sur le bord proximal du muscle supinateur, où se trouve l’arcade de Fröhse. L’arcade de Fröhse est un variant congénital qui survient chez 30–50 % de la population générale, elle est définie comme une adhérence fibreuse entre le muscle brachial et brachioradial [3]. Le syndrome de l’arcade de Fröhse peut être causé occasionnellement par une compression externe, des fractures de la tête radiale, des tumeurs des tissus mous (ganglions, lipome), une arthrite septique, un chondrosarcome synovial, ou une synovite rhumatoïde [4–6].

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Fig. 2. a et b : granulome sarcoïdosique non caséeux avec des foyers de nécrose et de fibrose (spécialement dans le muscle supinateur).

Notre observation représente le premier cas décrit dans la littérature, secondaire à une myopathie granulomateuse sarcoïdosique bilatérale. Dans la sarcoïdose, l’implication d’autres nerfs périphériques a été décrite (17 %) ; Niemer et al. ont étudié les relations entre la sarcoïdose et le syndrome de compression du nerf médian ; parmi les 56 patients de cette étude souffrant de sarcoïdose, 41 % avaient des symptômes avérés et/ou des signes de syndrome du canal carpien, ce qui est supérieur aux 14,4 % trouvés dans la population générale [7]. Plusieurs hypothèses physiopathologiques ont été évoquées pour expliquer l’atteinte des nerfs dans la sarcoïdose : • la présence de granulomes dans l’endonèvre ou l’épinèvre et une perte d’axones et de myéline [8] ; • une polyneuropathie sarcoïdosique généralisée aux membres ; • l’existence d’une synovite lors d’une arthrite sarcoïdosique sur le site de passage nerveux ; • une poussée inflammatoire de la maladie qui accroît la production d’interleukine 2 et génère un œdème initiant la compression du nerf ;

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• la présence de granulomes associés à une fibrose musculaire causant un œdème [1] comme c’est le cas chez notre patiente. Le traitement est chirurgical, basé sur la neurolyse qui libère le nerf radial dans la gouttière bicipitale de l’humérus. Ce traitement libère le faisceau superficiel du muscle supinateur et redonne toute sa longueur à la branche motrice du nerf radial [9]. Les localisations musculaires de la sarcoïdose sont rares, habituellement asymptomatiques. Les formes symptomatiques représentent seulement 1 % des cas [10], elles surviennent la plupart du temps en complication d’une sarcoïdose déjà connue, et sont rarement inaugurales [11]. L’image histologique d’une myopathie sarcoïdosique est similaire à un granulome non caséeux localisé dans le tissu conjonctif périmysial. Les granulomes compriment et détruisent les fibres musculaires adjacentes, il en résulte une dégénérescence et une infiltration lymphocytaire focalisée, et un foyer de nécrose ou de fibrose peut aussi être observé [11]. Les premières biopsies de muscle effectuées chez notre patiente furent négatives et des biopsies multiples en différents sites furent nécessaires pour trouver la myopathie granulomateuse qui causait la compression du nerf radial. Trois formes cliniques sont habituellement distinguées : • la première, la plus fréquente, dite myopathie chronique diffuse (86 %) [10] ; • la deuxième correspond à une myosite aigue (11 %) ; • la troisième nodulaire ou myosite pseudo-tumorale est la moins fréquente (3 % des cas). Les nodules sont habituellement multiples, peuvent être palpables et non douloureux. Chez notre patiente, ces nodules avaient comprimé la branche motrice du nerf radial au niveau de l’arcade de Fröhse. Cependant, des myalgies et spasmes musculaires peuvent être présents comme nous l’avons observé chez notre patiente [10–12]. L’administration systémique de glucocorticoïdes à un dosage journalier de 0,5–1 mg/kg de prednisone est le principal traitement des patients atteints de sarcoïdose musculaire pendant huit à

12 semaines avec une dégression progressive. Le méthotrexate a donné des résultats prometteurs [13]. La chloroquine ou l’azathioprine a été utilisée dans les formes résistantes aux corticoïdes ou les formes cortico-dépendantes [14]. La thalidomide et l’infliximab peuvent être bénéfiques dans certains cas. L’efficacité de ces médications semble reliée à une inhibition du TNF. Déclaration d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article. Références [1] Andreisek G, Crook DW, Burg D, et al. Peripheral neuropathies of the median radial, and ulnar nerves: MR imaging features. Radiographics 2006;26:1267–87. [2] Spinner RJ, Amadio PC. Compressive neuropathies of the upper extremity. Clin Plast Surg 2003;30:155–73. [3] Thomas SJ, Yakin DE, Parry BR, et al. The anatomical relationship between the posterior interosseous nerve and the supinator muscle. J Hand Surg [Am] 2000;25:936–41. [4] Fernandez AM, Tiku ML. Posterior interosseous nerve entrapment in rheumatoid arthritis. Semin Arthritis Rheum 1994;24:57–60, 38. [5] Fernandes L, Goodwill CG, Srivatsa SR. Synovial rupture of rheumatoid elbow causing radial nerve compression. Br Med J 1979;2:17–8. [6] Yanagisawa H, Okada K, Sashi R. Posterior interosseous nerve palsy caused by synovial chondromatosis of the elbow joint. Clin Radiol 2001;56:510–4. [7] Niemer GW, Bloster MB, Buxbaum L, et al. Carpal tunnel syndrome in sarcoidosis. Sarcoidosis Vasc Lung Dis 2001;18:296–300. [8] Nakatani-Enomoto S, Aizawa H, Koyama S, et al. Transient swelling of peripheral nerves in a case of neurosarcoidosis. Intern Med 2004;43:1078–81. [9] Roulot E. Forearms nerves compression. Part 2 median and radial nerve. Joint Bone Spine 2007;74:365–70. [10] Thelier N, Allanore Y. Localisations ostéoarticulaires de la sarcoïdose, EMC 2009; 4-027-C-10. [11] Fayad F, Duet M, Orcel P, et al. Systemic sarcoidosis: the “leopard-man” sign. Joint Bone Spine 2006;73:109–12. [12] Tohme-Noun C, Le Breton C, Sobotka A, et al. Imaging findings in three cases of the nodular type of muscular sarcoidosis. AJR Am J Roentgenol 2004;183:995–9. [13] Cerf-Payrastre I, Lioté F. Manifestations ostéoarticulaires et musculaires de la sarcoïdose. Sem Hop Paris 1997;73:945–52. [14] Zisman DA, Biermann JS, Martinez FJ, et al. Sarcoidosis presenting as a tumor like muscular lesion. Case report and review of the literature. Medicine (Baltimore) 1999;78:112–22.