Journal de Radiologie Diagnostique et Interventionnelle (2016) 97, 79—86
FORMATION MÉDICALE CONTINUE : LE POINT SUR. . .
Syndrome de Shulman : anomalies classiques, variantes et diagnostics différentiels des anomalies des fascia en IRM夽 T. Kirchgesner a,∗, B. Dallaudière a,b, P. Omoumi a, J. Malghem a, B. Vande Berg a, F. Lecouvet a, F. Houssiau c, C. Galant d, A. Larbi a a
Service de radiologie, département d’imagerie musculo-squelettique, cliniques universitaires Saint-Luc, avenue Hippocrate 10, 1200 Bruxelles, Belgique b Service de radiologie, hôpital Bichat, Claude-Bernard, 46, rue Henri-Huchard, 75877 Paris, France c Service de rhumatologie, cliniques universitaires Saint-Luc, avenue Hippocrate 10, 1200 Bruxelles, Belgique d Service d’anatomo-pathologie, cliniques universitaires Saint-Luc, avenue Hippocrate 10, 1200 Bruxelles, Belgique
MOTS CLÉS Fascia ; Fasciite ; Éosinophiles ; Shulman ; IRM
Résumé La fasciite à éosinophiles est une entité rare décrite pour la première fois par Shulman en 1974 et localisée préférentiellement aux portions distales des membres. L’IRM est l’examen d’imagerie de choix aussi bien pour le diagnostic que pour le suivi de cette affection. La forme classique typique en IRM se caractérise par une atteinte exclusive des fascias, mais il peut exister de fac ¸on moins fréquente des anomalies de signal des tissus musculaires et de la graisse hypodermique adjacents aux fascias. Les diagnostics différentiels du syndrome de Shulman en IRM sont nombreux et variés parmi les affections des tissus mous superficiels et profonds. © 2016 Éditions franc ¸aises de radiologie. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
DOI de l’article original : http://dx.doi.org/10.1016/j.diii.2014.06.018. Ne pas utiliser, pour citation, la référence franc ¸aise de cet article, mais celle de l’article original paru dans Diagnostic and Interventional Imaging, en utilisant le DOI ci-dessus. ∗ Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (T. Kirchgesner). 夽
http://dx.doi.org/10.1016/j.jradio.2016.01.005 2211-5706/© 2016 Éditions franc ¸aises de radiologie. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
80 La fasciite à éosinophiles est une entité rare décrite pour la première fois par Shulman en 1974 [1]. L’IRM est l’examen d’imagerie de choix aussi bien pour le diagnostic que pour le suivi de cette affection. La forme classique typique se caractérise par une atteinte exclusive des fascias, mais il peut exister de fac ¸on moins fréquente des anomalies de signal des tissus musculaires et de la graisse hypodermique adjacents aux fascias. La présence de ces anomalies élargit la gamme des diagnostics différentiels aux affections des tissus mous superficiels et profonds parmi lesquels la sclérodermie, la fasciite nécrosante ou les myosites. Après un rappel sur l’anatomie des fascias, nous décrirons les caractéristiques cliniques et biologiques de la fasciite avec éosinophilie puis nous développerons sa présentation classique, ses variantes et les diagnostics différentiels en IRM.
Anatomie et physiologie des fascias Les fascias des membres sont des feuillets fibreux continus depuis la racine jusqu’aux extrémités, entourant les groupes musculaires et délimitant ainsi des loges musculaires [2]. Le fascia superficiel est en continuité avec le derme. Il peut être le siège d’une accumulation de graisse et former ainsi une couche adipeuse hypodermique d’épaisseur variable dans laquelle cheminent des nerfs et vaisseaux. Le fascia profond, constitué d’un arrangement de fibres de collagène plus compactes que le fascia superficiel, est le plus souvent non dissociable de l’aponévrose musculaire. Il se prolonge par des extensions, les septums intermusculaires, qui séparent les différents groupes musculaires en loges. Cependant, et bien qu’utilisés en pratique, les termes « fascia superficiel » et « fascia profond » sont considérés comme incorrects par le Federative International Committee on Anatomical Terminology (FICAT) du fait de l’absence de consensus international sur la terminologie histologique des différentes couches de leur tissu conjonctif [3]. De plus, ces termes n’ont pas la même signification selon qu’ils soient employés par un anatomiste, un chirurgien ou un radiologue. Dans un souci de cohérence et afin de lever toute ambiguïté, nous utiliserons la nomenclature internationale anatomique des fascias décrite par Benjamin M. et reprise par Malghem et al. [2,4] : • fascia (superficiel) de la peau (ou hypoderme) pour désigner le tissu conjonctivo-vasculaire hypodermique ; • fascia profond périphérique pour désigner le fascia entourant l’ensemble des groupes musculaires ; • fascia (profond) intermusculaire pour désigner les septas et aponévroses intermusculaires.
Fasciite avec éosinophilie ou syndrome de Shulman La fasciite à éosinophiles est une entité rare décrite pour la première fois en 1974 par Shulman, rhumatologue américain. Ce syndrome, qui porte son nom depuis, était alors défini par une atteinte cutanée sclérodermiforme associée à une augmentation de la vitesse de sédimentation, une hypergammaglobulinémie et une hyperéosinophilie sanguine [1,5]. Depuis sa première description, aucun consensus
T. Kirchgesner et al. international n’a été trouvé sur les critères diagnostiques de cette affection [6]. La fasciite à éosinophiles est une pathologie rare, dont l’incidence exacte n’est pas établie, avec plus de 300 cas seulement rapportés dans la littérature depuis la première description par Shulman [6]. L’âge moyen de survenue de la maladie se situe vers 40—50 ans [7,8]. La prévalence en fonction du sexe est variable selon les études, ce qui serait en défaveur d’une prédisposition liée au sexe [7—9]. Parmi les facteurs causaux évoqués, l’anamnèse retrouve fréquemment un effort physique intense ou un traumatisme précédant l’apparition des symptômes [7,8,10]. La littérature recense quelques cas apparus suite à une prise médicamenteuse (statines, phénytoïne, ramipril, héparine sous-cutanée) ou une infection bactérienne (borréliose, mycoplasme) [6]. Un cas d’association avec le lupus a également été rapporté [11]. Une hémopathie est retrouvée chez moins de 10 % des patients présentant un syndrome de Shulman : thrombocytopénies, leucémies myélomonocytaires, lymphocytaires chroniques et autres syndromes myéloprolifératifs [6]. Cependant il n’est pas établi si celles-ci sont à l’origine de la fasciite (syndrome paranéoplasique) ou bien si la fasciite est un phénomène déclencheur de l’hémopathie. La physiopathologie de la fasciite à éosinophiles reste à établir. Certains ont émis l’hypothèse de clones lymphocytaires T circulants et d’une augmentation de la production d’interleukine-5 à l’origine de l’éosinophilie et des lésions tissulaires [12]. En effet, le contenu des vacuoles des polynucléaires ainsi que les neurotoxines dérivées participent au développement de la fibrose des fascias [6]. D’autres ont suggéré un rôle des mastocytes et des cytokines à l’origine de l’éosinophilie [13]. La clinique permet d’orienter le diagnostic. L’atteinte cutanée, présente jusque dans 90 % des cas, peut se présenter sous la forme d’un œdème, d’une induration cutanée ou d’un aspect de « peau d’orange » avec hyperpigmentation [7]. L’atteinte évolue en deux temps : une phase inaugurale, caractérisée par des symptômes aspécifiques de type œdème des membres, sensibles voire douloureux, laissant place progressivement à la phase d’état pendant laquelle l’œdème disparaît et est remplacé par une induration cutanée non douloureuse. Le signe du « sillon veineux » (groove sign des Anglo-Saxons), correspondant à la dépression cutanée le long des trajets veineux au sein de la zone infiltrée, est présent chez près de la moitié des patients, il est hautement suggestif d’une fasciite ou d’une fibrose profonde [6]. L’atteinte prédomine aux portions distales des membres, plus rarement au versant antérieur du cou et du tronc, généralement de fac ¸on symétrique avec une prédilection pour les membres supérieurs (88 %) par rapport aux membres inférieurs (70 %) [10,14]. La tête est en règle épargnée, les mains et les pieds étant rarement atteints [15,16]. Un phénomène de Raynaud y est rarement associé et la capillaroscopie est le plus souvent normale [6]. Cette atteinte cutanée est souvent associée à des myalgies (67 à 86 % des patients) et à des plaintes articulaires à type d’enraidissement ou d’arthralgies inflammatoires (jusqu’à 40 % des patients) [10,14]. L’hyperéosinophilie sanguine est présente dans 63 à 93 % des cas. Cette éosinophilie, parfois importante, a tendance à diminuer, voire à disparaître lors de l’installation de la
Syndrome de Shulman : anomalies classiques, variantes et diagnostics différentiels phase d’état. Ainsi, même si elle est évocatrice, elle n’est pas indispensable au diagnostic [10,14,17]. Il n’existe pas de lien entre l’importance de l’hyperéosinophilie et la sévérité de la maladie [7,8,17]. Un syndrome inflammatoire est fréquent avec élévation de la CRP (55 %), allongement de la vitesse de sédimentation (jusqu’à 63 %) et hypergammaglobulinémie le plus souvent polyclonale (plus de 50 % des patients) [6]. Le bilan auto-immun reste négatif (ANCA, anticorps antiADN et anti-ENA) à l’exception des anticorps anti-nucléaires qui peuvent être positifs dans 15 à 20 % des cas [6]. En pratique, le diagnostic repose sur la biopsie cutanée profonde (de la peau au muscle) réalisée sur la base des anomalies cutanées, qui objective un épaississement des fascias consécutif à une infiltration de type lymphoplasmocytaire avec un pourcentage variable d’éosinophiles. Ces éosinophiles peuvent être absents des fascias alors qu’ils sont retrouvés dans les prélèvements sanguins, raison pour laquelle il serait préférable d’utiliser les termes « fasciite avec éosinophilie » ou « fasciite éosinophilique » plutôt que « fasciite à éosinophiles » [18]. Comme pour les critères diagnostiques, il n’existe pas de consensus concernant la prise en charge thérapeutique et les critères de réponse au traitement. En pratique, le traitement de première intention consiste en une corticothérapie à haute dose (0,5 à 1 mg par kg et par jour), lentement décroissante sur une période de quelques mois à plusieurs années selon l’évolution clinique [6]. En cas d’échec, de nombreuses alternatives ont été proposées parmi lesquelles les traitements immunosuppresseurs et notamment le méthotrexate. En dehors des cas associés aux hémopathies, où celles-ci déterminent le pronostic, l’évolution sous corticothérapie est favorable avec une rémission partielle ou complète dans 70 à 90 % des cas [7,10]. Dans la série de Lebeaux et al., la durée moyenne de la corticothérapie était de 45 mois ± 31 mois, et l’adjonction d’un traitement immunosuppresseur a été nécessaire dans 44 % des cas pour une durée moyenne de 24,7 mois (±23,3 mois) [10]. La rémission complète pour les patients nécessitant cette association de traitement était obtenue dans 36 % des cas. Les facteurs pronostiques associés à un risque de mauvaise réponse au traitement et à un risque accru de fibrose résiduelle sont la présence de lésions cutanées de type morphée, la survenue des symptômes avant l’âge de 12 ans, l’extension des lésions au tronc et la mise en évidence de fibrosclérose du derme à l’histologie [17]. L’absence de corticothérapie à haute dose à l’initiation du traitement et un délai de plus de 6 mois entre l’apparition des symptômes et le diagnostic sont également de mauvais pronostic [6].
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le plan axial. L’injection de produit de contraste n’est pas systématique. Lorsqu’elle est réalisée, elle est suivie d’une séquence T1SE avec saturation du signal de la graisse (T1SE FS) dans le plan axial. L’atteinte étant classiquement bilatérale, les deux segments de membres doivent donc être explorés de manière comparative. L’aspect typique avant injection de produit de contraste est un épaississement des fascias profonds (fascia profond périphérique et moins fréquemment fascia intermusculaire) sur les séquences pondérées en T1, en relatif hypersignal par rapport aux muscles sur les séquences pondérées en T2 avec suppression (T2 STIR) ou saturation (T2 FS) du signal de la graisse [16]. Après injection de produit de gadolinium, on note un rehaussement intense des fascias épaissis (Fig. 1). Les anomalies concernent classiquement les fascias, épargnant les muscles et la graisse hypodermique. L’IRM permet également de guider la biopsie en identifiant les zones les plus pathologiques [19]. L’IRM est également utile dans le suivi de la maladie sous traitement. Dans l’étude de Baumann et al., alors que l’évolution des anomalies biologiques après traitement était variable, l’aspect IRM était étroitement corrélé à l’évolution clinique avec disparition complète des anomalies en imagerie chez les patients en
Aspect IRM de la fasciite à éosinophiles Forme classique typique Bien que non nécessaire au diagnostic, une IRM est très souvent réalisée dans le bilan initial de fasciite à éosinophiles. Elle est l’examen d’imagerie de choix aussi bien pour le diagnostic que pour le suivi de cette affection [16]. D’après notre expérience et en accord avec les données de la littérature, le protocole d’acquisition minimal consiste en une séquence T1SE et une séquence STIR dans
Figure 1. Fasciite à éosinophiles d’aspect typique en IRM chez un homme de 37 ans. Séquences axiales STIR (a), T1SE sans (b) et avec injection de gadolinium (c). Atteinte bilatérale globalement symétrique des avant-bras avec épaississent et hypersignal STIR qui se rehaussent après injection (flèches). NB : défaut de saturation de la graisse à droite sur la séquence injectée.
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rémission complète et régression partielle des anomalies chez les patients ne répondant pas pleinement au traitement (Fig. 2) [16]. Il n’existe, cependant, pas de critère strictement établi d’évaluation de la réponse au traitement en IRM, la réponse thérapeutique étant qualifiée de partielle ou complète selon la persistance ou non d’anomalie des fascias après traitement [16]. En l’absence d’étude prospective du syndrome de Shulman, il n’a pas été déterminé de délai optimal ou recommandé entre l’instauration du traitement et le contrôle en imagerie. Récemment, Kissin et al. ont évalué l’intérêt de l’échographie dans le diagnostic des fasciites à éosinophiles en étudiant l’épaisseur et la compressibilité des tissus sous-cutanés, cependant l’apport de cette technique semble limité en comparaison à la résonance magnétique [20].
Variantes Moins fréquemment, la présentation en imagerie associe anomalies des fascias et anomalies des tissus environnants. Dans quelques cas, une extension de l’hypersignal T2 et du rehaussement aux fibres musculaires ou à la graisse souscutanée adjacentes aux fascias pathologiques a été décrite [16,21,22] (Fig. 3). Dans la série de Baumann et al. (8 cas), ces anomalies étaient visibles au sein des muscles adjacents au fascia dans 3 cas (37,5 %) et au sein des tissus sous-cutanés dans 2 cas (25 %) [16]. Dans la série de Moulton et al., l’extension aux fibres musculaires adjacentes aux fascias étaient présentes dans les 12 cas étudiés à la phase
Figure 3. Variante de fasciite de Shulman en IRM chez un homme de 36 ans. Coupes axiales en pondération STIR des tiers supérieur (a) et moyen (b) des jambes montrant une atteinte asymétrique prédominant à gauche, avec un épaississement modéré en hypersignal STIR des fascias profonds périphériques (flèches) associé à une infiltration en hypersignal STIR de la portion antérieure du muscle gastrocnémien médial gauche (astérisque) et des tissus hypodermiques (têtes de flèches).
aiguë (moins de 6 mois) et dans 2 des 3 cas étudiés à la phase subaiguë après mise en route de la corticothérapie (entre 6 et 12 mois après l’apparition des symptômes) [23]. Ces anomalies de signal des tissus musculaires ou hypodermiques demeurent cependant au second plan, les anomalies des fascias restant le signe prédominant. De plus, elles sont uniquement localisées dans les tissus adjacents aux fascias [16]. Elles traduisent certainement l’extension de l’inflammation dans les muscles accolés aux fascias comme cela peut être observé en histologie [16,24]. Quant aux anomalies de signal hypodermiques, elle correspondait dans la série de Bauman et al. à des remaniements scléreux et fibreux de type panniculite [16]. La fréquence exacte de ces présentations atypiques de fasciite à éosinophiles n’est pas établi et il n’est pas fait mention dans la littérature de lien entre la sévérité de l’atteinte et l’extension des anomalies IRM audelà des fascias.
IRM et diagnostics différentiels
Figure 2. Fasciite de Shulman d’aspect typique en IRM chez un homme de 52 ans avant et après traitement, (a) séquence axiale STIR montrant un épaississement et un hypersignal bilatéral et symétrique des fascias profonds périphériques (flèches) et intermusculaire (têtes de flèches) prédominant aux loges musculaires postérieures des cuisses, (b) séquence identique réalisée 12 mois plus tard après corticothérapie au long cours montrant une très nette régression des lésions qui sont à peine visibles sous la forme d’un très discret hypersignal focal des fascias profonds intermusculaires (têtes de flèches).
Les principaux diagnostics différentiels du syndrome de Shulman en IRM sont constitués par les affections des tissus superficiels et profonds (derme, hypoderme, muscles); Les sclérodermies cutanées ou morphées sont généralement limitées à la peau et à la graisse sous-cutanée, cependant il existe fréquemment une extension en profondeur aux fascias et aux muscles qui peut s’étendre jusqu’à la moelle osseuse et aux articulations (Fig. 4 et 5) [25]. À la phase inflammatoire, les lésions consistent en un épaississement du derme et à une infiltration des tissus sous-cutanés à des degrés variables, en hyposignal sur les séquences
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Figure 4. Aspect de fasciite de l’avant-bras droit chez une femme de 39 ans atteinte de sclérodermie systémique. Séquences axiales STIR et T1SE. Épaississement diffus des fascias en hypersignal STIR (têtes de flèches) avec infiltration musculaire adjacente (flèches).
Figure 5. Aspect de myosite des racines des membres inférieurs chez une femme de 54 ans atteinte de sclérodermie systémique. Séquences axiales STIR mettant en évidence une nette infiltration œdémateuse des tissus graisseux hypodermiques en regard des muscles grands glutéaux (a — flèches) associée à des anomalies de signal de type œdémateux des muscles des loges antérieures des cuisses gauche et dans une moindre mesure droite (b — astérisques).
pondérées en T1 et en hypersignal sur les séquences pondérées en T2 STIR ou T1 après injection de contraste. L’épaississement des fascias est cependant plus circonscrit que dans la fasciite à éosinophiles dans sa forme typique [25]. Des calcifications (calcinose) peuvent apparaître au sein des tissus mous, mais ne sont pas spécifiques de la maladie [26]. Autres connectivites pouvant s’accompagner d’anomalies des tissus mous profonds, le lupus érythémateux disséminé ou le syndrome de Gougerot-Sjögren peuvent être associés à des anomalies de signal musculaire de type myosite en IRM [27]. La distribution de ces anomalies est variable, focale ou diffuse [27,28]. L’œdème de stase se caractérise par une infiltration en hypersignal T2 limitée aux tissus hypodermiques avec une répartition plutôt diffuse et symétrique, sans prise de contraste après injection de gadolinium (« œdème froid ») [4] (Fig. 6). L’érysipèle est une dermo-hypodermite non nécrosante fréquente d’origine bactérienne, dont le diagnostic est clinique. L’IRM n’a pas d’indication dans sa forme typique, mais si celle-ci est réalisée, elle montre une infiltration en hypersignal T2 des tissus sous-cutanés jusqu’au fascia, de répartition classiquement asymétrique plus ou moins localisée, rehaussant après injection de gadolinium (« œdème chaud ») [4] (Fig. 7).
Figure 6. Œdème de stase au niveau de la cheville chez une femme de 79 ans présentant une insuffisance cardiaque. Séquences axiales T1 (a) et STIR (b) au niveau du tiers distal de la jambe droite, montrant une infiltration liquidienne diffuse des tissus dermiques (têtes de flèches) et hypodermiques (flèches) en hyposignal T1 et hypersignal STIR épargnant les muscles (astérisques).
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T. Kirchgesner et al.
Figure 7. Dermo-hypodermite bactérienne (érysipèle) de la face antéro-médiale de la jambe droite chez une femme de 66 ans. Infiltration liquidienne des tissus hypodermiques en hyposignal T1 (a — flèches), mieux visible sur la séquence STIR (b — flèches), rehaussant après injection de gadolinium (c — têtes de flèches) et respectant les muscles et les fascias profonds.
La fasciite nécrosante est une infection rare et potentiellement mortelle, pour laquelle l’IRM permet d’évaluer l’étendue des lésions en profondeur, de rechercher des collections au sein des tissus mous et d’orienter la prise en charge chirurgicale. Bien que facile en théorie, le diagnostic différentiel est souvent difficile en pratique courante entre lésions superficielles dont la prise en charge est médicale et lésions profondes dont la prise en charge est chirurgicale [4]. La fasciite nécrosante se caractérise par l’atteinte des fascias profonds intermusculaires, signe sensible mais peu spécifique, possiblement associée à des abcès généralement mieux visualisés après injection de gadolinium (Fig. 8) [4]. Il s’y associe souvent un œdème musculaire diffus [28]. La présence de gaz (en hyposignal sur toutes les séquences) est un signe supplémentaire mais inconstant en faveur d’une atteinte nécrosante. Les myosites ou myopathies inflammatoires primitives regroupent plusieurs entités dont les principales sont les dermatomyosites, les polymyosites et les myosites à inclusions [29]. Ces myopathies se traduisent en IRM par une atteinte musculaire en hypersignal sur les séquences pondérées en T2 avec suppression du signal de la graisse rehaussant après injection de contraste, volontiers bilatérales et symétriques en cas de dermatomyosite et de polymyosite, moins fréquemment en cas de myosite à inclusions ou localisée à un muscle en cas de myosite focale [27]. Les séquences pondérées en T1 permettent d’apprécier les manifestations chroniques de la maladie, qui sont l’amyotrophie et l’involution graisseuse des groupes musculaires atteints. La dermatomyosite se caractérise sur le plan clinique par l’existence de lésions cutanées et dans la série de 14 cas de Yoshida et al., celles-ci étaient systématiquement associées à une atteinte des fascias [30] (Fig. 9). Dans l’étude de 25 cas de polymyosite évolutive de Dion et al., les anomalies de signal musculaire prédominaient le long des fascias avec une atteinte préférentiellement globale ou des loges postérieures des cuisses [31] (Fig. 10). Les anomalies de signal des fascias profonds en pondération T2 ne sont donc pas spécifiques. Dans une série de 17 cas
Figure 8. Fasciite nécrosante de la cuisse gauche chez un homme de 34 ans avec septicémie à staphylocoque doré ; (a) séquence axiale STIR montrant un épaississement de la peau et une infiltration de la graisse hypodermique au versant médial de la cuisse (têtes de flèches), un épaississement des fascias profonds périphériques (flèche) et surtout profonds intermusculaires (astérisque noir) ; (b) séquence axiale T1SE post-injection de gadolinium mettant en évidence une collection liquidienne non rehaussante (astérisque blanc) au sein des fascias profonds intermusculaires épaissis et rehaussants.
avec anomalie de signal des fascias profonds, Loh et al. ont trouvé un éventail diagnostique large allant du kyste poplité rompu à la fasciite nécrosante [32]. Il est par conséquent indispensable d’intégrer l’imagerie à l’ensemble des données cliniques, biologiques et le cas échéant anatomopathologiques.
Syndrome de Shulman : anomalies classiques, variantes et diagnostics différentiels
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Conclusion Le syndrome de Shulman ou fasciite à éosinophiles est une pathologie rare dont le diagnostic est guidé par la clinique et posé par l’examen anatomopathologique de la biopsie cutanée étendue en profondeur. L’IRM est l’examen d’imagerie de choix qui permettra de guider la biopsie et de suivre l’évolution sous traitement. La forme typique en IRM se caractérise par une atteinte exclusive des fascias, mais il peut exister de fac ¸on moins fréquente des anomalies de signal des tissus musculaires et hypodermiques adjacents aux fascias. Les diagnostics différentiels en IRM sont nombreux, constitués par les affections des tissus sous-cutanés superficiels et profonds avec anomalies de signal des fascias. Il est donc indispensable d’intégrer l’imagerie à l’ensemble des éléments du dossier (cliniques, biologiques et anatomopathologiques) devant une telle suspicion diagnostique.
Déclaration de liens d’intérêts Figure 9. Dermatomyosite chez un jeune homme de 19 ans présentant un rash cutané multifocal symétrique et des arthralgies d’allure inflammatoire prédominant aux membres supérieurs ; (a) séquence axiale STIR montrant une atteinte symétrique avec infiltration en hypersignal des tissus cutanés (têtes de flèches) et des deltoïdes avec épaississement en hypersignal des fascia profonds périphériques (flèches) ; (b) séquence axiale T1 ne montrant ni amyotrophie ni involution graisseuse des groupes musculaires atteints (astérisques).
Figure 10. Polymyosite chez une femme de 33 ans présentant des douleurs musculaires des quatre membres. IRM des cuisses : (a) séquence axiale T1 montrant une discrète involution graisseuse symétrique des loges antéro-médiales et postérieures (têtes de flèches) ; (b) séquence axiale T2 STIR montrant une infiltration musculaire symétrique en hypersignal T2 prédominant aux muscles droits fémoraux (flèches) et longs adducteurs (étoiles). Il existe également une infiltration symétrique en hypersignal T2 des fascias profonds périphériques (têtes de flèches).
Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.
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