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JGYN-1300; No. of Pages 9
Journal de Gyn´ ecologie Obst´ etrique et Biologie de la Reproduction (2015) xxx, xxx—xxx
Disponible en ligne sur
ScienceDirect www.sciencedirect.com
TUMEURS BÉNIGNES DU SEIN
Syndrome douloureux mammaire : recommandations Breast pain: Recommendations C. Ngôa,∗,b, J. Serorc,d, N. Chabbert-Buffete,f a
Service de chirurgie cancérologique gynécologique et du sein, hôpital européen George-Pompidou, AP—HP, 75015 Paris, France b Université Paris-Descartes, 75005 Paris, France c Cabinet médical, 146, avenue Ledru-Rollin, 75011 Paris, France d Service d’échographie, hôpital Tenon, AP—HP, 4, rue de la Chine, 75020 Paris, France e Service de gynécologie obstétrique médecine de la reproduction, hôpital Tenon, AP—HP, 75020 Paris, France f UMR S 938, Université Pierre-et-Marie-Curie, 75006 Paris, France
MOTS CLÉS Douleurs mammaires ; Mastodynies ; Échographie ; Mammographie ; Traitement des mastodynies
∗
Résumé Objectifs. — Évaluer la valeur diagnostique de l’examen clinique et des examens complémentaires dans l’exploration des douleurs mammaires, évaluer la stratégie de leur prise en charge et élaborer des recommandations. Méthodes. — Recherche bibliographique en langue franc ¸aise et anglaise effectuée par consultation des banques de données PubMed, Cochrane Library et des recommandations internationales. Résultats. — L’examen clinique et l’interrogatoire, avec l’utilisation de l’échelle visuelle analogique, permettent de différencier les douleurs mammaires non cycliques des mastodynies (NP2). L’utilisation d’un calendrier peut permettre de caractériser les douleurs mammaires cycliques (NP3). L’utilisation d’un questionnaire peut permettre de caractériser la douleur (NP3). En l’absence d’anomalie palpable, il n’est pas recommandé de modifier les indications de dépistage individuel ou organisé (Grade C). L’IRM n’est pas indiquée si la mammographie et l’échographies sont négatives. Les explorations par biopsie sont guidées par l’imagerie. La prise en charge thérapeutique inclue la réassurance à l’issue d’un bilan clinique et/ou radiologique normal (Grade A ou B), le port de soutien-gorge adapté. En cas d’échec de cette première approche, les AINS en gel (hors AMM en France) peuvent être proposés (Grade B). © 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (C. Ngô).
http://dx.doi.org/10.1016/j.jgyn.2015.09.039 0368-2315/© 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Pour citer cet article : Ngô C, et al. Syndrome douloureux mammaire : recommandations. J Gynecol Obstet Biol Reprod (Paris) (2015), http://dx.doi.org/10.1016/j.jgyn.2015.09.039
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C. Ngô et al.
KEYWORDS Mastodynia; Cyclical mastalgia; Ultrasonography; Mammography; Treatment of mastalgia
Summary Objectives. — To evaluate the diagnostic value of clinical examination and additional tests in the exploration of breast pain, to evaluate the strategy of their care and to provide recommendations. Methods. — A literature search in English and French carried out by consulting the databases PubMed, Cochrane Library and international recommendations. Results. — Clinical examination and interrogation, with the use of visual analog scale used to differentiate non-cyclical breast pain from mastodynia (LE2). A calendar can be used to characterize the cyclical breast pain (LE3). Using a questionnaire can help to characterize the pain (LE3). In the absence of palpable abnormality, it is not recommended to modify systematic or individual screening modalities (LE2). MRI is not recommended in case of normal mammography and sonography. Explorations biopsy is guided by imaging. The therapeutic management includes reassurance after a normal clinical evaluation and/or normal radiological findings (LE2), and precise fitting of a brassière. In case of failure of this first approach, NSAIDs gel can be proposed (LE1—2). © 2015 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.
Introduction
Matériel et méthodes
Le syndrome douloureux mammaire est un motif fréquent de consultation chez le médecin généraliste ou chez le gynécologue. Le taux d’incidence cumulée des douleurs mammaires serait de 45 à 70 % au cours de la vie génitale [1,2] dans les populations occidentales. Chez les patientes vues en consultation, Ader et Shriver [3] rapportent une prévalence de 45—60 % dans une cohorte du Royaume-Uni. Boyle et al. [4] rapportent dans une étude épidémiologique que 41 % des patientes ont des douleurs mammaires prémenstruelles. Ader et Browne [5] ont observé que 69 % de 1171 femmes successives consultant un centre de gynécologie obstétrique ressentaient un inconfort mammaire prémenstruel. Récemment dans une population de 1048 femmes d’Afrique sub-saharienne vues en consultation dans un centre hospitalier, 16 % présentaient des douleurs mammaires, 13 % non cycliques et 3 % cycliques. Dans la population générale aux États-Unis Scurr et al. [6] rapportent une prévalence des mastodynies de 51,5 % dans une population de 1659 femmes à partir d’un questionnaire en ligne (Breast Pain Questionnaire). Dans cette population, 10 % des femmes rapportent avoir eu des douleurs mammaires plus de 50 % de leur vie. La prévalence par tranche d’âge augmente régulièrement de 40 % avant 20 ans à 65 % entre 40 et 50 ans puis rejoint le niveau de base de 40 % après 60 ans (Fig. 1). L’impact de ces douleurs sur la qualité de vie globale et sexuelle est importante dans la population générale et dans la population clinique [7]. Le score moyen de douleur de 4,2/10 dans l’étude de Scurr et al. est proche de celle de 3,5/10 observée par Ader et Browne [5]. Dans l’étude de Scurr et al. [6], la prévalence des douleurs est corrélée à la taille de bonnet (autour de 40 % pour les patientes ayant un bonnet A et autour de 60 à 70 % pour les patientes ayant un bonnet E—F). Une revue de la littérature a été conduite pour évaluer les modalités de prise en charge de ce symptôme fréquent.
La recherche a été réalisée sans limite de dates en utilisant les termes « MeSH » et termes non-MESH. Différentes combinaisons des items (‘‘mastodynia’’[MeSH Terms] (‘‘mastalgia’’ [All Fields]) (’’breast pain’’ [All Fields]) (‘‘nipple pain’’ [All Fields]) (‘‘breast cancer’’[All Fields]) (‘‘imaging’’ [All Fields]) (‘‘mammography’’ [All Fields]) (‘‘ultrasound’’ [All Fields]) (‘‘hormones’’ [All Fields]) (‘‘estrogens’’ [All Fields]) (‘‘progesterone’’ [All Fields]) (‘‘progestins’’ [All Fields]) (‘‘Thyroid’’ [All Fields]) (‘‘prolactin’’ [All Fields]) (‘‘treatment’’ [All Fields]) (‘‘bra’’ [All Fields]) (‘‘tamoxifen’’ [All Fields]) (‘‘NSAID’’ [All Fields]) (‘‘primerose oil’’ [All Fields]), (‘‘humans’’ [MeSH Terms] AND ‘‘female’’ [MeSH Terms] (Clinical Trial [ptyp] Meta-analysis [ptyp] Randomized Controlled Trial [ptyp] Comparative Study [ptyp] Controlled Clinical Trial [ptyp] OR Multicenter Study [ptyp]). Les sources suivantes ont été interrogées : • Medline : PubMed (Internet portal of the National Library of Medicine) http://www.ncbi.nlm.nih.gov/sites/ entrez?db=pubmed ; • the Cochrane library : Cochrane-database ‘Cochrane Reviews’ and ‘Clinical Trials’ http://www3.interscience. wiley.com/cgi-bin/mrwhome/106568753/HOMEDARE ; • dictionnaire vidal. La recherche dans ces bases de données a été complétée par la revue des références contenues dans les métaanalyses, revues systématiques et articles originaux inclus. Seuls les articles publiés en langue anglaise ou franc ¸aise ont été pris en compte. Les articles concernant les douleurs mammaires dans le cadre de l’allaitement, de la prise en charge du cancer du sein, ou séquellaires d’une prise en charge chirurgicale (notamment implants mammaires) ont été exclus.
Pour citer cet article : Ngô C, et al. Syndrome douloureux mammaire : recommandations. J Gynecol Obstet Biol Reprod (Paris) (2015), http://dx.doi.org/10.1016/j.jgyn.2015.09.039
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Syndrome douloureux mammaire : recommandations
Figure 1
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Prévalence des mastodynies par classe d’âge dans la population générale. Mastodynia prevalence by age group in the general population.
D’après [6].
Définition des mastodynies Dans le syndrome douloureux mammaire (Encadré 1), il faut d’abord distinguer les douleurs mammaires des douleurs thoraciques projetées à l’aire mammaire. Ensuite, il faut distinguer les douleurs mammaires non cycliques des douleurs mammaires cycliques qui sont par définition les mastodynies [8]. Les mastodynies sont des douleurs mammaires bilatérales, prédominant dans les quadrants externes, d’une durée > 4 jours en période prémenstruelle, rythmées par le cycle menstruel, se répétant de cycle en cycle sur plusieurs mois [9].
Évaluation clinique des mastodynies Plusieurs auteurs ont utilisé un questionnaire spécifique aux douleurs mammaires, le Breast Pain Questionnaire, adapté du questionnaire McGill [7,10]. Ce questionnaire permet d’évaluer la douleur, son caractère cyclique ou non cyclique, son intensité, sa durée et son retentissement sur la qualité de vie. Par ailleurs, l’utilisation d’un calendrier associé à une mesure de la douleur basée sur une échelle visuelle analogique (EVA) par la patiente est recommandée dans de nombreux textes [11,12]. Il permet notamment de classer les douleurs mammaires en cycliques et non cycliques. La valeur de l’EVA pour la douleur en général est largement reconnue [13]. En revanche l’évaluation du calendrier associé à l’EVA dans le contexte des mastodynies est limitée. Tavaf-Motamen et al. [14] ont évalué chez 30 femmes militaires l’intérêt de la tenue d’un calendrier prospectif en comparaison avec le questionnaire classique de l’interrogatoire. La valeur prédictive positive et négative du questionnaire pour prédire les résultats du calendrier était de 73 et 60 % respectivement suggérant que les femmes ne rapportent pas leur douleur de fac ¸on précise à l’interrogatoire (NP4). Il existe une forme adaptée aux
douleurs mammaires du questionnaire de McGill mais celleci n’est pas validée en franc ¸ais.
Intensité et durée de la douleur Les études rapportent des intensités analogues avec des douleurs cotées légères dans environ 25 % des cas, modérées dans 60 % des cas et sévères dans 15 % des cas [5,10,15]. Dans l’étude de Scurr et al., réalisée sur 1659 patientes répondant à un questionnaire en ligne sur les douleurs mammaires, le score moyen de douleur sur l’échelle visuelle analogique était de 4,2/10. Dans une étude prospective réalisée sur 1171 patientes venant consulter en gynécologie, Ader et al. rapportent un score moyen de douleur sur l’EVA de 3,5/10 [5,6]. Dans la série prospective rapportée par Carmichael et al., portant sur 77 patientes consécutives consultant pour douleurs mammaires et ayant rempli des questionnaires de douleur et de qualité de vie, 82 % des patientes avaient un score de douleur > 3,5 et 93 % rapportaient une douleur durant plus de 5 jours à chaque cycle [16]. Dans l’étude de Scurr et al., l’intensité de la douleur n’est pas différente selon le statut ménopausique [6].
Caractère cyclique ou non cyclique Les douleurs mammaires cycliques ou mastodynies représentent selon les séries, 66 à 90 % des douleurs mammaires. La douleur est alors bilatérale, diffuse avec possible prédominance dans les quadrants supéro-externe. Elle commence généralement 1 à 2 semaines avant les règles pour s’amender pendant les règles. Elle irradie le plus souvent dans l’aisselle et peut s’accompagner d’une sensation de gonflement mammaire voire d’une réelle augmentation de volume. Elle revient à chaque cycle pendant plus de 3 mois et elle peut avoir un retentissement sur la vie socioprofessionnelle et/ou sur la vie sexuelle [1,11,12,17].
Pour citer cet article : Ngô C, et al. Syndrome douloureux mammaire : recommandations. J Gynecol Obstet Biol Reprod (Paris) (2015), http://dx.doi.org/10.1016/j.jgyn.2015.09.039
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C. Ngô et al.
Encadré 1 : Syndrome douloureux mammaire : causes et principales caractéristiques. Breast pain: main causes and characteristics. Douleur projetée : • douleur musculo-squelettique d’origine thoracique (Syndrome de Tietze, douleur pariétale, radiculalgie sur arthrose cervicale) : ◦ douleur unilatérale, ◦ douleur augmentant avec la mobilisation, ◦ douleur très externe ou très interne, ◦ douleur reproduite à la pression de la paroi thoracique, ◦ patiente ménopausée sans traitement hormonal, ◦ présence de douleurs articulaires évoquant une arthrose ; • douleur d’origine non thoracique irradiant dans l’aire mammaire : ◦ rechercher des signes évoquant une origine biliaire (cholécystite), ◦ rechercher des signes évoquant une ischémie myocardique. Douleur mammaire : • non cyclique : ◦ patiente ménopausée, ◦ traitement hormonal substitutif, ◦ anti-antidépresseurs, anti-hypertenseurs [10] ; • cyclique = mastodynie : ◦ douleur bilatérale, ◦ sensation de gonflement mammaire, d’œdème bilatéral, ◦ augmentation de volume nécessitant de changer la taille du soutien-gorge, ◦ douleur débutant au milieu du cycle et s’achevant ou diminuant au premier jour des règles, ◦ douleur revenant à chaque cycle pendant plus de 6 mois, ◦ douleur ayant un retentissement sur la vie sociale, professionnelle, personnelle.
Les douleurs non cycliques surviennent plus volontiers chez les femmes ménopausées, prenant un traitement hormonal substitutif, ayant d’autres causes de douleurs associées (arthrose par exemple). Elles sont plus souvent unilatérales et localisées [11]. Les douleurs mammaires non cycliques ont également été associées, de manières variable selon les séries, à la prise d’antidépresseurs et d’antihypertenseurs [11] (NP4).
La majorité des patientes souffrant de mastodynies rapportent des douleurs d’intensité > 3,5 sur l’échelle visuelle analogique (NP2). Elles rapportent le plus souvent des douleurs survenant à chaque cycle et durant plus de 5 jours (NP3).
Nous recommandons l’utilisation de l’échelle visuelle analogique pour évaluer l’intensité des douleurs (Grade B). La tenue d’un calendrier peut être proposée pour caractériser les douleurs (Grade C).
Impact des mastodynies L’impact de ces douleurs sur la qualité de vie globale et sexuelle est importante dans la population générale et dans la population clinique [7]. Les études prospectives de Scurr et al. et de Carmichael et al. rapportent que dans 35 à 43 % des cas, les douleurs mammaires affectent le sommeil, dans 30 à 41 % des cas la vie sexuelle est altérée et dans 5 à 28 % des cas la vie professionnelle est affectée [6,16] (NP2).
Mastodynie et cancer du sein Les mastodynies sont un symptôme fréquent qui entraîne une anxiété liée à la crainte d’avoir un cancer. Joyce et al. ont observé l’incidence des cancers du sein chez des patientes ayant une triple exploration mammaire (clinique, radiologique et histologique) [18]. Sur une population de 14 325 patientes, 705 patientes (5 %) avaient un cancer du sein. Sur cette population de 14 325 patientes, 5841 patientes (41 %) se plaignaient de douleurs mammaires. L’incidence du cancer du sein dans ce groupe était de 2,19 %. Sur ces 5841 patientes, 3331 (57 %) avaient des douleurs mammaires isolées, c’est-à-dire sans autre symptôme et sans anomalie clinique. L’incidence du cancer du sein dans ce sous-groupe était de 1,2 %. Toutes les patientes atteintes de cancer du sein dans ce groupe ayant des mastodynies isolées avaient plus de 35 ans. Les auteurs concluent que les douleurs mammaires sont associées à un risque plus bas de cancer du sein, et ce d’autant plus qu’elles sont isolées (NP2). Pour ces auteurs, les douleurs mammaires isolées survenant avant 35 ans ne doivent pas faire l’objet d’explorations complémentaires. Dans une étude récente, comparant une population 3994 de patientes de plus de 40 ans atteintes d’un cancer du sein à une population témoin de 16 873 patientes indemnes appariées sur l’âge, Walker et al. ont montré que quatre facteurs étaient significativement associés au cancer du sein : l’existence d’un nodule mammaire (Odds Ratio [OR] 110 ; 95 % CI 188—150), la douleur mammaire (OR = 4,2 ; 95 % CI = 3,0—6,0), la rétraction du mamelon (OR = 26 ; 95 % CI = 10—64) et l’écoulement mamelonnaire (OR = 19 ; 95 % CI = 8,6—41) p < 0,01. Le fait d’avoir un nodule mammaire était donc le facteur le plus fortement associé au cancer avec une valeur prédictive positive de 48 % chez les femmes de plus de 70 ans. Cette VPP diminuait si une douleur mammaire était associée [19] (NP3). Rogulski et Binczyk comparent le risque de cancer du sein entre un groupe de 112 patientes non ménopausées présentant des douleurs mammaires non cycliques et un groupe de 180 patientes asymptomatiques explorées de manière systématique (dépistage) [20]. Les patientes non ménopausées avec des douleurs mammaires avaient un risque de cancer du sein plus bas que le groupe contrôle (risque global cumulé de 8,98 % versus 9,6 %, p = 0,015. Les constatations cliniques et
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Syndrome douloureux mammaire : recommandations radiologiques étaient comparables entre les deux groupes. Les auteurs concluent donc que la douleur mammaire est associée à un risque de cancer du sein plus faible mais que cela n’a pas d’effet sur les résultats du dépistage dans cette population (NP4). Ces résultats concordent avec les résultats un peu plus anciens de Khan et al. qui ont montré, sur une population de 5463 patientes consultant dans un centre spécialisé de New York, que le fait d’avoir des douleurs mammaires diminuait le risque de cancer du sein, indépendamment de l’âge (OR = O,6, 95 % CI 0,50—0,74) [21] (NP2).
Chez une femme consultant pour douleur mammaire isolée (examen clinique normal) le risque de diagnostiquer un cancer du sein n’est pas augmenté (NP2).
En revanche, il a été suggéré par Plu-Bureau et al. que les mastodynies au long cours étaient un facteur de risque de cancer du sein. Dans une première étude cas-témoins (n = 210) [22] de femmes franc ¸aises présentant un cancer du sein, les mastodynies étaient un FDR de cancer du sein (RR global 2,1, augmentation en fonction de l’ancienneté des mastodynies cycliques (RRa = 1,12 pour 6—48 mois, 2,24 pour 49—96 mois, et 5,54 pour 97 mois ; p de tendance 0,001) (NP3). Ces données ont été confirmées par les mêmes auteurs dans une étude de cohorte franc ¸aise (n = 247 suivi moyen 16 ± 5 ans) [9] (NP4) dans laquelle le risque relatif de cancer du sein en cas de mastodynies durant 37 mois était de 5,31 (IC 95 % 1,92—14,72). Ces études n’ont néanmoins pas un haut niveau de preuve.
Bilan radiologique Chez les femmes présentant des douleurs isolées sans masse clinique, Duijm et al. [23] ont rapporté dans une étude cas contrôle de femmes sans masse palpable présentant une douleur mammaire (n = 987) un bilan radiologique normal chez 854 (86,5 %) femmes, des anomalies bénignes chez 85 (8,6 %) des anomalies probablement bénignes chez 36 (3,6 %), des anomalies suspectes chez 8 (0,8 %), et un cancer chez 4 femmes (0,4 %). Une biopsie a été réalisée chez 10 des 939 avec un bilan normal ou bénin, deux des 36 femmes avec anomalies probablement bénignes et toutes les femmes présentant des lésions suspectes ou a priori malignes. Seules les 4 lésions classées malignes en radiologies étaient des cancers. La prévalence du cancer était la même chez les femmes ayant une douleur et chez les femmes asymptomatiques (n = 987) au diagnostic et lors d’un suivi de 2 ans. Leung et al. [24] ont évalué la pertinence de l’échographie en cas de douleur focale du sein. Cent-dix échographies ciblées ont été réalisées chez 99 patientes en absence de masse. Aucun cancer n’a été dépisté. Tumyan et al. [25] ont évalué dans une étude rétrospective la VPN de la mammographie couplée à l’échographie dans une population de 86 patientes consécutives présentant une douleur mammaire focale sans masse. Quatre cancers ont été diagnostiqués dont deux localisés hors de la zone
5 douloureuse. La VPN du couple mammographie échographie était de 100 % dans cette étude. Leddy et al. [26] ont évalué l’intérêt du couple mammographie échographie chez des femmes consultant pour douleur mammaire sans masse. Deux cents cinquante-sept patientes ont eu une échographie et 206 d’entre elles une mammographie avant l’échographie (80,1 %). L’incidence de cancer était de 1,2 % (n = 3). La sensibilité spécificité VPP et VPN étaient respectivement de 100 %, 87,6 %, 10,7 %, 100 % et 100 %, 92,5 %, 13,6 %, et 100 %, pour l’échographie seule et la mammographie seule. La combinaison mammographie échographie permettait d’obtenir des valeurs de 100 %, 83,7 %, 8,3 %, et 100 % respectivement. Cette étude est probablement limitée dans son impact par la faible incidence de cancer du sein. Sardanelli et al. ont publié des recommandations du groupe européen EUSOMA sur les indications d’IRM mammaire [27]. Les mastodynies isolées, c’est-à-dire avec un examen physique normal et, le cas échéant un bilan mammographique et échographique normal, ne font pas partie des indications d’IRM mammaire. En cas de mastodynies isolées, il n’y a pas d’indication à réaliser une biopsie. En cas de douleur focale du sein sans masse palpable, la VPN de la mammographie et de l’échographie est de 100 % [26] (NP4).
Chez les patientes ayant des douleurs isolées sans anomalie à l’examen physique mammaire, le bilan radiologique est rassurant dans 95 % des cas et la prévalence du cancer du sein n’est pas augmentée par rapport à des femmes asymptomatiques (NP3). Devant des mastodynies isolées (sans anomalie à l’examen physique), il n’est pas recommandé de modifier les indications habituelles de dépistage, qu’il s’agisse du dépistage organisé ou individuel (Grade C). Si une imagerie mammaire a été réalisée, il n’y a pas d’indication à réaliser une IRM mammaire ou une biopsie en cas de normalité de la mammographie et de l’échographie, (Grade C).
Bilan hormonal La littérature sur les mastodynies et les modifications hormonales est relativement pauvre. Il n’existe pas d’hypothèse uniciste validée sur la physiopathologie des mastodynies. Différentes études contradictoires et de faible effectif ont rapporté une hyperestrogénie, une diminution des taux de progestérone lutéale [28—31] (NP3), ou encore des anomalies de la prolactinémie [30] (NP3). Une étude a évalué le bilan thyroïdien (TSH) chez des femmes présentant des mastodynies [32] incluant 201 femmes présentant une pathologie bénigne du sein. Les auteurs ont mis en évidence 23 % d’hypothyroïdie en cas de mastodynies et une amélioration de la symptomatologie douloureuse sous traitement par L thyroxine. Cette étude de faible effectif n’était pas contrôlée.
Pour citer cet article : Ngô C, et al. Syndrome douloureux mammaire : recommandations. J Gynecol Obstet Biol Reprod (Paris) (2015), http://dx.doi.org/10.1016/j.jgyn.2015.09.039
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Traitements médicamenteux En absence de signes cliniques qui orientent vers une pathologie endocrinienne (troubles des cycles, galactorrhée, hirsutisme, signes d’hypothyroïdie, etc.) il n’est pas recommandé de réaliser un bilan hormonal en cas de mastodynies (Grade C).
Traitement des mastodynies Réassurance L’ensemble des revues sur la prise en charge des mastodynies [11,12,15,33—41] citent le réconfort comme un des éléments majeurs de la prise en charge. L’examen clinique, et si nécessaire les explorations radiologiques, montrant l’absence de lésion suspecte permet d’améliorer la symptomatologie dans 22 % des cas en absence de tout traitement (NP3) [17]. L’étude de Preece et al., en 1978 [42], ont évalué le terrain psychologique et psychiatrique sous-jacent aux mastodynies en utilisant le score validé du Middlesex Hospital Questionnaire qui mesure l’anxiété modérée et phobique, les traits et symptômes obsessionnels compulsifs, les symptômes dépressifs, les traits et symptômes hystériques. Les scores observés chez les femmes consultant pour mastodynies étaient comparables à ceux de femmes consultant pour varices et significativement inférieurs à ceux observés dans une population contrôle psychiatrique. Un sous-groupe de femmes présentant des mastodynies résistantes au traitement médical avait des scores comparables au groupe de patientes psychiatriques (NP3).
Dans 20 à 25 % des cas, les douleurs sont soulagées par une simple réassurance (NP3). Un discours rassurant du praticien ayant conduit les explorations est conseillé (Grade C).
Soutien-gorge Les douleurs mammaires peuvent être liées à un soutiengorge inadapté, notamment chez les femmes sportives [43—45]. Dans une étude prospective contrôlée [46] conduite chez 200 femmes présentant des mastodynies (sans lien spécifique avec le sport) le port d’un soutien-gorge de sport a été comparé à un traitement par danazol, montrant une amélioration des symptômes dans 85 % et 58 % des cas respectivement. Quarante-deux pour cent des femmes sous danazol ont rapporté des effets secondaires (NP3).
Le port d’un soutien-gorge de type brassière est recommandé pour diminuer les mastodynies (Grade C).
Les différents traitements médicamenteux évalués sont indiqués dans le Tableau 1, avec les références correspondantes. La plupart d’entre eux n’ont pas d’autorisation de mise sur le marché dans l’indication mastodynies (Tableau 1). La progestérone est ou a été prescrite de fac ¸on très large dans cette indication mais la littérature est très limitée sur ce sujet [47]. L’administration par voie vaginale de la progestérone a également été évaluée [48] sous forme de crème non encore disponible en France. Dans cette étude prospective randomisée de petite taille (n = 40), l’amélioration des douleurs était significativement supérieure dans le groupe progestérone (64,9 % des femmes) par rapport au groupe placebo (22,2 %, p < 0,01) (NP2). Les progestatifs macrodosés, largement utilisés en pratique quotidienne également, ont été évalués avec un niveau de preuve très limité également, montrant une amélioration des mastodynies [49—51]. Parmi les classes thérapeutiques ne disposant pas en France d’une AMM dans cette indication, on retrouve les AINS, les SERMs, les agonistes dopaminergiques et les analogues de la GnRH. Les AINS en gel ont montré dans 2 études de niveau de preuve satisfaisant (NP1/2) une efficacité sans effets indésirables notables, faisant d’eux le traitement de 1re intention des mastodynies [52,53]. Différents SERMs ont été évalués suggérant une efficacité sur la base de niveaux de preuve satisfaisants. La balance bénéfice risque reste insuffisamment évaluée, les données sur le torémifène et le risque endométrial étant limitées notamment [54]. Les agonistes dopaminergiques semblent également avoir une efficacité satisfaisante mais les composés les mieux tolérés, notamment la cabergoline, ont été peu évalués en terme d’efficacité [55—60]. Les analogues de la GnRH, très peu évalués en termes d’efficacité dans cette indication, sont associés à un profil de tolérance défavorable les situant en dernier recours [61]. Enfin, il n’existe pas dans la littérature d’études comparatives comparant ces traitements entre eux.
Autres traitements évalués La lidocaïne en applications locales (osmogel) est largement utilisée (hors AMM en France) mais n’a pas été évaluée dans des études comparatives. Une étude [62] a évalué une injection combinée de lidocaïne et de corticoïdes dans les douleurs pariétales vs AINS per os, et a suggéré une supériorité de l’association lidocaïnecorticoïdes. L’huile d’onagre est proposée dans les revues de la littérature [12,63—65], mais les données disponibles ne montrent pas d’efficacité contre placebo seule [66], ou en association avec la vitamine E [65]. Les traitements phytothépeutiques largement utilisés en Chine ont été peu évalués dans des études contrôlées [67] et suggèrent une amélioration des symptômes en cas d’hypertrophie mammaire.
Pour citer cet article : Ngô C, et al. Syndrome douloureux mammaire : recommandations. J Gynecol Obstet Biol Reprod (Paris) (2015), http://dx.doi.org/10.1016/j.jgyn.2015.09.039
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Tableau 1 Traitements médicamenteux évalués dans le traitement des mastodynies. Evaluated drugs in the treatment of mastodynia. Classe thérapeutique
Molécule
Disponible en France
AMM
NP efficacité/effectif des études
Effets secondaires
Référence
AINS et osmogel
Oui Oui
Non Non
NP1/2 N = 108
— —
[52,53]
Progestatifs
Diclofenacgel piroxicam gel Danazol
Oui
Non
NP1/2 N = 8 à 137
[54]
Oui
Oui
Oui
Oui
NP3/4
—
—
Oui Non Oui
Oui — Oui
N = 132 NP1/2 NP3/4, N =260, N = 80
— — —
— [49] [47,48]
Contraceptifs oraux combinés
Acétate de chlormadinone Acetate de nomegestrol Promegestone Lynestrenol Pogesterone gel ou crème vaginale EE et drospirenone Autres EP
Cutanés et métaboliques Spotting Prise de poids
Oui
Non
Oui
Non ?
NP2 N = 1143 NP2 N = 1143 NP1/2 N = 8 à 137
Nausées céphalées Rares accident thromboemboliques et vasculaires cérébraux Bouffées de chaleur Rares : accidents thromboemboliques, adénocarcinome endométrial (tamoxifène) Nausées vertiges hypoTA Bien toléré
{The Mircette Study Group, 1998 #149}
SERMs
Tamoxifène Torémifène
Oui Oui
Non Non
Agonitesdopaminergiques
Bromocriptine
Oui Oui
Non
Cabergoline
Analogues de la GnRH
Lisuride
Oui
Goséréline
Oui
Non
NP1 n = 272 NP2/3 n = 140 NP1 n = 60 NP3/4 n = 35 NP1 N = 147
[49,50]
[54]
[54,55—59,60]
Jeu compulsif et hyper sexualité Bouffées de chaleur déminéralisation osseuse
[61]
AMM : autorisation de mise sur le marché.
Les AINS en gel ont montré leur efficacité dans le traitement des mastodynies (NP2). Les progestatifs macrodosés peuvent améliorer les mastodynies (NP4). En traitement de 1re intention des mastodynies, il est possible de prescrire hors AMM les AINS en gel (Grade B). Les données sont insuffisantes pour établir une recommandation quant à l’utilisation des progestatifs macrodosés pour le traitement des mastodynies.
non cycliques, résistantes a tout traitement médicamenteux et psychothérapeutique. Avec un suivi maximal de 3 mois, une résolution des douleurs a été rapportée chez les trois patientes. L’analyse des pièces de mastectomie montrait une mastopathie bénigne. Ces données sont insuffisantes pour établir une recommandation sur la place de la chirurgie en cas de douleurs mammaires.
Conclusion Le traitement chirurgical des douleurs mammaires a fait l’objet d’une publication, à partir de trois cas {Salgado, 2005 #187}. Une mastectomie avec reconstruction était proposée a des femmes présentant des douleurs mammaires
Bien que les mastodynies soient un symptôme fréquent, la littérature est assez pauvre et les études ont des niveaux de preuve souvent faibles.
Pour citer cet article : Ngô C, et al. Syndrome douloureux mammaire : recommandations. J Gynecol Obstet Biol Reprod (Paris) (2015), http://dx.doi.org/10.1016/j.jgyn.2015.09.039
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C. Ngô et al.
Synthèse des principales recommandations : • devant des mastodynies isolées (sans anomalie à l’examen physique), il n’est pas recommandé de modifier les indications habituelles de dépistage, qu’il s’agisse du dépistage organisé ou individuel (Grade C). • en cas de normalité de la mammographie et de l’échographie, il n’y a pas d’indication à réaliser une IRM mammaire ou une biopsie (Grade C). • en absence de signes cliniques qui orientent vers une pathologie endocrinienne, aucun bilan hormonal n’est recommandé (Grade C). • un discours rassurant est recommandé dans le traitement des mastodynies (Grade C). • le port d’un soutien-gorge de type brassière peut diminuer les mastodynies est recommandé (Grade C). • les AINS en gel peuvent être utilisés en traitement de 1re intention (hors AMM) (Grade B). • les données sont insuffisantes pour établir une recommandation quant à l’utilisation des progestatifs macrodosés dans le traitement des mastodynies.
Déclaration de liens d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.
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