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ARTICLE IN PRESS
Journal des Maladies Vasculaires (2014) xxx, xxx—xxx
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CAS CLINIQUE
Syndrome du marteau hypothénarien : cas clinique et revue de la littérature Hypothenar hammer syndrome: Case report and review of the literature B. Malgras ∗, A. Mlynski , C. Pierret , S. Fossat , X. de Kérangal Service de chirurgie viscérale et vasculaire, HIA du Val-de-Grâce, 74, boulevard de Port-Royal, 75230 Paris cedex 05, France Rec ¸u le 20 septembre 2013 ; accepté le 28 f´ evrier 2014
MOTS CLÉS Ischémie digitale ; Phénomène de Raynaud ; Marteau hypothénarien
KEYWORDS Digital ischemia; Raynaud phenomenon; Hypothenar hammer
∗
Résumé Introduction. — Le syndrome du marteau hypothénarien est une cause rare d’ischémie digitale et de syndrome de Raynaud, dont le diagnostic doit être évoqué devant toute notion de traumatismes hypothénariens répétés. Son traitement médical et/ou chirurgical ne doit souffrir d’aucun délai mais reste sujet à controverses. Méthode. — Un patient de 65 ans présentait une ischémie des 3 derniers doigts de la main gauche avec mise en évidence au bilan d’imagerie d’un anévrysme partiellement thrombosé de l’artère ulnaire gauche. Après un traitement conservateur partiellement efficace, un traitement chirurgical était réalisé avec résection de l’anévrysme et reconstruction par un greffon veineux autologue. Les suites opératoires étaient simples avec disparition de la symptomatologie et revascularisation du territoire hypothénar à l’imagerie. Conclusion. — Le traitement du syndrome du marteau hypothénarien reste sujet à débat. Il est initialement médical. La décision d’un traitement chirurgical dépend du type de lésions de l’artère ulnaire observées et de la symptomatologie associée. © 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Summary Introduction. — Hypothenar hammer syndrome is a rare cause of upper extremity digital ischemia or Raynaud phenomenon, a diagnosis which should be considered in cases of iterative palmar trauma. Its treatment can be medical or surgical and should not suffer any delay. The best options remain controversial.
Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (B. Malgras).
http://dx.doi.org/10.1016/j.jmv.2014.03.004 0398-0499/© 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Pour citer cet article : Malgras B, et al. Syndrome du marteau hypothénarien : cas clinique et revue de la littérature. J Mal Vasc (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.jmv.2014.03.004
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B. Malgras et al. Methods. — A 65-year-old patient presented with an ischemia of the last three fingers of the left hand. A partially thrombosed aneurysm of the left ulnar artery was diagnosed at imaging. After a partially effective medical treatment, a surgical treatment was performed with resection of the aneurysm and a vascular reconstruction with an autologous vein graft. The postoperative course was uneventful with disappearance of the symptoms and revascularization of the hypothenar area. Conclusion. — Appropriate treatment for hypothenar hammer syndrome is controversial but whould always begin with medical care. The decision to perform surgery should be based on evidence of ulnar artery lesions and the associated symptoms. © 2014 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.
Introduction L’ischémie des doigts de la main peut être secondaire à de nombreuses étiologies dont fait partie le syndrome du marteau hypothénarien (SMH) [1]. Il s’agit d’une pathologie rare, représentant 1,13 % des syndromes de Raynaud [2] et environ 1,6 % des patients admis pour une ischémie digitale [3]. Le SMH se développe secondairement à une lésion traumatique de l’artère ulnaire à la sortie du canal de Guyon avec une symptomatologie dont la sévérité dépend de l’étendue de l’occlusion vasculaire et de la suppléance ou non par le réseau vasculaire collatéral [3]. La gravité des séquelles notamment post-emboliques auxquelles le SMH expose justifie une prise en charge sans délai dont les modalités sont toujours à l’origine de controverses.
Cas clinique Un patient de 65 ans, gaucher, magicien et passionné de mécanique automobile depuis son adolescence, était hospitalisé dans notre service pour une ischémie aiguë des trois derniers doigts de la main gauche. Il avait souffert brutalement d’une douleur des 3e , 4e et 5e doigts et de la loge hypothénar de la main gauche. L’examen clinique retrouvait des signes d’ischémie avec une froideur, une pâleur cutanée, une cyanose des extrémités digitales et un déficit sensitif des 3 derniers doigts, sans déficit moteur. Il existait lors du test d’Allen un retard de revascularisation sous forme d’une hétérogénéité de recoloration des 3 derniers doigts de la main gauche, avec aussi un temps de recoloration cutané supérieur à 3 secondes. Les pouls radiaux et ulnaires étaient perc ¸us. On notait également une déformation rhumatismale de l’ensemble des doigts, sans autres troubles cardiovasculaires ou généraux associés. Dans les antécédents personnels du patient, on retrouvait une polyarthropathie rhumatismale traitée par méloxicam et prégabaline, une hypertrophie bénigne de la prostate, un tabagisme sevré évalué à 25 paquets-année et une notion d’accident vasculaire cérébral chez sa sœur. La prise en charge comprenait la mise sous héparine par voie intraveineuse puis la réalisation d’un écho-doppler artériel du membre supérieur gauche qui retrouvait au niveau de l’éminence hypothénar une lésion anévrysmale de 9 × 16 mm partiellement thrombosée avec persistance d’un discret chenal circulant. Le bilan d’imagerie était
complété par une artériographie de la crosse aortique, des troncs supra-aortiques et du membre supérieur gauche qui ne retrouvait pas de lésion emboligène haute mais cet anévrysme en partie thrombosé de l’artère ulnaire gauche en regard de la base des 3e et 4e métacarpiens avec une image de tonalité moindre en postanévrysmal immédiat. Devant l’efficacité partielle du traitement médical et le caractère emboligène de la lésion retrouvée, une indication chirurgicale était retenue avec réalisation d’une résection de l’anévrysme ulnaire pathologique suivie d’une reconstruction par un greffon veineux prélévé sur la face antérieure de l’avant-bras, bifurqué du fait d’une anastomose supplémentaire sur l’artère digitale du 5e doigt (Fig. 1 et 2). Les suites postopératoires étaient simples avec revascularisation de la loge hypothénar et des 3 derniers doigts de la main gauche. L’examen anatomopathologique confirmait la présence d’un anévrysme avec athérome et thrombi récents. À 2 mois, le résultat de la revascularisation évalué par un écho-doppler était correct avec une bonne perméabilité du pontage. Cliniquement quelques paresthésies du 5e doigt étaient encore présentes, motivant la reprise du traitement par prégabaline, le patient mettait un terme à sa passion de la mécanique automobile. Le patient a pu toutefois conserver son activité de magicien en modifiant quelques tours du fait de ces paresthésies mais aussi de sa pathologie rhumatismale évolutive. Une artériographie a retrouvé une absence de thrombose du pontage veineux, ainsi qu’une bonne perméabilité de l’arcade palmaire, toutefois il persistait une occlusion de quelques artères digitales propres (Fig. 3).
Discussion Le SMH est une pathologie rare mais probablement sous-estimée (avec une prévalence estimée à 14 % dans une population utilisant la main comme un marteau au moins une fois par jour) [4] et dont le traitement n’est pas actuellement consensuel [5]. Classiquement le SMH est secondaire à des traumatismes répétés de la loge hypothénar entraînant des lésions de l’artère ulnaire pouvant le plus souvent conduire à une sténose ou une thrombose isolée de celle-ci (89 %) ou plus rarement à un anévrysme (7 %) [6]. La symptomatologie peut aller du syndrome de Raynaud jusqu’à l’ischémie des doigts (avec un risque de nécrose digitale) [5] du fait des différentes lésions possibles de l’artère ulnaire et de la variabilité
Pour citer cet article : Malgras B, et al. Syndrome du marteau hypothénarien : cas clinique et revue de la littérature. J Mal Vasc (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.jmv.2014.03.004
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Syndrome du marteau hypothénarien : cas clinique et revue de la littérature
Figure 1 Constatations peropératoires : anévrysme l’artère ulnaire. Intraoperative finding: aneurysm of the ulnar artery.
de
anatomique de la supplémentation artérielle par l’arcade palmaire [3]. L’ischémie digitale au cours du SMH peut être secondaire à des phénomènes emboliques dans les artères digitales, à un vasospasme artériel ou à une arcade palmaire incomplète [7]. L’imagerie, grâce à l’échographie-doppler artériel et à l’artériographie (ou plus récemment grâce à l’angio-TDM/IRM) fera le diagnostic lésionnel en précisant : l’absence de flux artériel ulnaire, l’absence d’embolie d’origine haute (sous-clavière), la localisation et la taille
Figure 2 Réparation vasculaire après résection anévrysmale (pontage veineux). Reconstructive surgery after resection of the aneurysm (vein graft).
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Figure 3 Artériographie de contrôle à 1 mois postopératoire. Postoperative angiography.
de la portion artérielle lésée et enfin la cause exacte de l’ischémie (vasospasme, thrombose ou anévrysme) [2,3,6]. Le traitement du SMH peut être médical et/ou chirurgical. Le traitement médical repose sur des mesures hygiénodiététiques comme l’arrêt du tabac, la suppression des activités à risques provoquant les traumatismes de la loge hypothénar (avec parfois nécessité de changement d’activité professionnelle), une éviction des situations exposant au froid et la correction de troubles métaboliques comme l’hypertension artérielle, le diabète, ou une dyslipidémie. Il comprend des médicaments comme les inhibiteurs calciques, les antiagrégants plaquettaires ou les anticoagulants (héparine intraveineuse ou de bas poids moléculaire) voire la pentoxifylline afin de réduire le vasospasme [1,5,6]. L’utilisation de l’hémodilution avec du dextran et l’administration d’iloprost ont été également proposés avec succès dans des cas d’ischémies digitales avec ± nécrose associée [2]. Le traitement chirurgical consiste à traiter la lésion vasculaire en place avec selon les situations, une ligature artérielle en s’assurant au préalable d’une bonne supplémentation par l’arcade palmaire, [1] ou une résection du segment artériel thrombosé ou de l’anévrysme puis la réalisation d’une anastomose directe ou par le biais d’un greffon veineux ou artériel en cas de perte de substance de plus de 2 cm [6,7]. Les avantages théoriques du traitement chirurgical sont la suppression d’une source potentielle d’emboles, l’ablation d’une lésion ou d’une masse douloureuse, la possibilité de réaliser une neurolyse du nerf ulnaire (afin de lever une compression nerveuse), l’ablation du thrombus ayant entraîné le vasospasme réflexe et occlus les
Pour citer cet article : Malgras B, et al. Syndrome du marteau hypothénarien : cas clinique et revue de la littérature. J Mal Vasc (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.jmv.2014.03.004
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vaisseaux collatéraux adjacents, et la réalisation d’une sympathectomie péri-artérielle locale [1,3,7,8]. D’autres traitements ont été également proposés comme la sympathectomie thoracique ou le bloc sympathique (ganglion stellaire, bloc de Bier) afin d’augmenter le flux vasculaire dans la sténose vasculaire ulnaire et de développer la collatéralité ; mais leur efficacité reste à prouver dans le SMH et ils ne font donc pas l’objet actuellement de recommandations dans l’arsenal thérapeutique du SMH [2,3,7]. Aussi des traitements instrumentaux comme la thrombolyse in situ (traitement endovasculaire après une artériographie) ou l’injection de vasodilatateurs en intraartériel ont été également proposés en cas de segments artériels ulnaires pathologiques non anévrysmaux chez des patients présentant des ischémies digitales [3]. En l’absence d’essais prospectifs randomisés, la supériorité d’un traitement sur l’autre n’a pas été clairement démontrée et repose seulement sur les données d’études rétrospectives de faibles effectifs. Dans la série de 47 patients de Marie et al., un traitement médical bien conduit a été efficace dans plus de 80 % des cas à court terme et dans 70 % cas à 1 an. Les échecs précoces ont été traités par chirurgie sans récidive à long terme, et les récidives à 1 an par un nouveau traitement conservateur [2]. Ainsi, Keo et al. ont retrouvé une efficacité du traitement médical chez la plupart de leurs patients (présentant des symptômes moins sévères et moins fréquents une fois traités) avec toutefois près de 80 % des patients qui restaient symptomatiques à 5 ans [4]. Il est important d’insister sur le respect des mesures hygiéno-diététiques comme l’arrêt du tabac et l’éviction des activités traumatiques de la loge hypothénar puisque dans ces 2 séries la plupart des patients ayant récidivé ne les avaient pas observées [2,4]. Cela impose parfois l’arrêt d’une activité professionnelle donc un préjudice certain pour l’individu concerné, toutefois le SMH est reconnu comme maladie professionnelle et peut donc donner lieu à des indemnisations. Le résultat des séries chirurgicales est variable selon les études. Dethmers et al. ont retrouvé une persistance de symptômes liés au SMH dans la plupart des patients opérés malgré un pontage parfaitement perméable dans 50 % des cas [7]. D’autres séries chirurgicales ont rapporté une efficacité à long terme de plus de 80 % des cas après réalisation de pontages veineux, et notamment dans une série récente de 67 patients de la Mayo Clinic [9,10]. Malgré les résultats de ces différentes séries, il est difficile de trancher sur la supériorité d’un traitement par rapport à l’autre car les traitements médicaux et chirurgicaux sont souvent combinés. Toutefois, et après analyse de la littérature, certaines indications peuvent être dégagées. Ainsi la mise en place d’un traitement médical adapté à la sévérité de la symptomatologie (syndrome de Raynaud jusqu’à l’ischémie avec ou sans nécrose digitale) est systématique et précoce, dès la suspicion d’un SMH et ce même avant le diagnostic lésionnel définitif grâce à l’imagerie [3]. La chirurgie est indiquée devant tout échec ou efficacité partielle du traitement médical bien conduit. Elle apparaît
également être plutôt indiquée chez des patients symptomatiques présentant un anévrysme, surtout non thrombosé, ou un aspect tortueux de l’artère ulnaire afin d’éliminer une source emboligène potentielle dans les artères digitales [2,3,9].
Conclusion Le SMH est une cause rare d’ischémie digitale qui peut se traiter de fac ¸on médicale et/ou chirurgicale en fonction de la symptomatologie engendrée et des lésions anatomiques présentes. Le traitement doit être précoce et systématiquement médical au début. La chirurgie se discute en fonction de l’efficacité de celui-ci, de la symptomatologie et des lésions anatomiques mises en évidence à l’imagerie. Une part importante du traitement repose également sur des règles hygiéno-diététiques visant à éviter les récidives relativement fréquentes. Ainsi le syndrome peut parfois entraîner des répercutions socioprofessionnelles non négligeables chez des sujets souvent jeunes.
Déclaration d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.
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Pour citer cet article : Malgras B, et al. Syndrome du marteau hypothénarien : cas clinique et revue de la littérature. J Mal Vasc (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.jmv.2014.03.004