Hypercalcémie sévère de cause inhabituelle, à la recherche du coupable : cas clinique et revue de la littérature

Hypercalcémie sévère de cause inhabituelle, à la recherche du coupable : cas clinique et revue de la littérature

G Model NEPHRO-1062; No. of Pages 6 Ne´phrologie & The´rapeutique xxx (2018) xxx–xxx Disponible en ligne sur ScienceDirect www.sciencedirect.com C...

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NEPHRO-1062; No. of Pages 6 Ne´phrologie & The´rapeutique xxx (2018) xxx–xxx

Disponible en ligne sur

ScienceDirect www.sciencedirect.com

Cas clinique

Hypercalce´mie se´ve`re de cause inhabituelle, a` la recherche du coupable : cas clinique et revue de la litte´rature Severe hypercalcemia of unusual cause, looking for the culprit: Case report and review of the literature M. Jalbert a,b,*, A. Mignot b, A.-S. Gauchez c, A.-C. Dobrokhotov d, J. Fourcade b a

Service d’endocrinologie et diabe´tologie, CHU Grenoble-Alpes, 38700 La Tronche, France Service de ne´phrologie, centre hospitalier me´tropole Savoie, 73000 Chambe´ry, France Laboratoire de me´decine nucle´aire, centre hospitalier me´tropole Savoie, 73000 Chambe´ry, France d Pharmacie, centre hospitalier me´tropole Savoie, 73000 Chambe´ry, France b c

I N F O A R T I C L E

Historique de l’article : Rec¸u le 13 novembre 2017 Accepte´ le 18 mars 2018 Mots cle´s : Dihydrotachyste´rol Hypercalce´mie Hypoparathyroı¨die Insuffisance re´nale aigue¨ Maladie iatroge`ne

R E´ S U M E´

Introduction. – L’hypercalce´mie n’est pas un e´ve´nement rare et peut engendrer des conse´quences se´ve`res. Ses e´tiologies principales sont l’hyperparathyroı¨die primaire et les pathologies ne´oplasiques. L’e´tiologie iatroge`ne par intoxication a` la vitamine D est plus rare. Pre´sentation du cas. – Une femme aˆge´e de 76 ans, d’origine finlandaise, consulte aux urgences pour une douleur thoracique. Son histoire me´dicale est difficile a` pre´ciser en raison de la barrie`re de la langue et d’une confusion initiale. Elle pre´sente une hypercalce´mie se´ve`re a` 4,14 mmol/L, une insuffisance re´nale et une arythmie cardiaque complique´e secondairement d’un e´pisode ische´mique coronaire. La clinique et la biologie orientent vers la recherche d’une pathologie he´matologique et ne´oplasique. Le diagnostic e´tiologique iatroge`ne est permis par l’apport secondaire de pre´cisions sur son histoire me´dicale. Elle e´tait traite´e pour une hypoparathyroı¨die post-chirurgicale par dihydrotachyste´rol, un de´rive´ de la vitamine D. L’arreˆt de la substitution, le traitement par hydratation et biphosphonates ont permis la correction rapide de l’hypercalce´mie. Discussion. – L’intoxication au dihydrotachyste´rol est une e´tiologie rare d’hypercalce´mie. Du fait de sa demi-vie longue, le risque d’hypercalce´mie semble plus important qu’avec les autres de´rive´s de la vitamine D. Cette mole´cule, retire´e du marche´ franc¸ais en 1982, n’est pas de´tecte´e par les dosages de 25 et 1,25 OH vitamine D. Conclusion. – Nous rapportons ici un cas original d’intoxication au dihydrotachyste´rol, dont le risque d’hypercalce´mie doit eˆtre connu. Le suivi me´dical rapproche´, recommande´ en cas d’hypoparathyroı¨die, semble particulie`rement ne´cessaire en cas de supple´mentation par cette mole´cule.

C 2018 Socie ´ te´ francophone de ne´phrologie, dialyse et transplantation. Publie´ par Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s.

A B S T R A C T

Keywords: Acute renal failure Dihydrotachysterol Hypercalcemia Hypoparathyroidism Iatrogenic disease

Introduction. – Hypercalcemia is not a rare event and can lead to severe consequences. Its main etiologies are primary hyperparathyroidism and neoplasic conditions. The iatrogenic etiology by vitamin D intoxication is more rarely found. Case presentation. – A 76-year-old finish woman comes to the emergency room for chest pain. Her medical history is impossible to specify due to the language barrier and initial confusion. She has severe hypercalcaemia (4.14 mmol/L), renal insufficiency, cardiac arrhythmia later complicated by an ischemic cardiac episode. Clinic and biologic examinations initially guided the research towards a hematological and neoplasic pathology. The iatrogenic etiology will be permitted by the contribution of details on its

* Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (M. Jalbert). https://doi.org/10.1016/j.nephro.2018.03.003 C 2018 Socie ´ te´ francophone de ne´phrologie, dialyse et transplantation. Publie´ par Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s. 1769-7255/

Pour citer cet article : Jalbert M, et al. Hypercalce´mie se´ve`re de cause inhabituelle, a` la recherche du coupable : cas clinique et revue de la litte´rature. Ne´phrol ther (2018), https://doi.org/10.1016/j.nephro.2018.03.003

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medical history and treatment learnt secondly. She was treated for post-surgical hypoparathyroidism by dihydrotachysterol, a vitamin D derivative. The cessation of substitution, treatment with hydration and biphosphonates allowed the rapid correction of hypercalcemia. Discussion. – Dihydrotachysterol intoxication is a rare etiology of hypercalcemia. Because of the longer half-life of this molecule, the risk of hypercalcemia seems to be greater than with other vitamin D derivatives. This molecule, withdrawn from the French market in 1982, is not detected by the dosage of 25 and 1.25 OH vitamin D. Conclusion. – We report an original case of intoxication by dihydrotachysterol. The risk of hypercalcemia encountered with this molecule must be known. The close medical follow-up recommended in case of hypoparathyroidism seems to be particularly necessary in case of supplementation by this molecule.

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1. Introduction L’hypercalce´mie est de´finie par une calce´mie corrige´e par le taux d’albumine supe´rieure a` la norme supe´rieure du laboratoire, ou une calce´mie ionise´e supe´rieure a` 1,40 mmol/L. Son incidence annuelle est d’environ 500 nouveaux cas par million d’individus. Les e´tiologies les plus fre´quentes sont l’hyperparathyroı¨die primaire (55 % des cas) et les pathologies ne´oplasiques (30 % des cas) [1]. L’e´tiologie iatroge`ne par intoxication a` la vitamine D est une cause rare d’hypercalce´mie. Nous discutons ici le cas d’une patiente d’origine finlandaise ayant pre´sente´ une hypercalce´mie se´ve`re a` 4,14 mmol/L a` son admission, avec un pronostic vital engage´. Le diagnostic e´tiologique iatroge`ne par intoxication a` la vitamine D a e´te´ rendu difficile a` e´tablir en raison de l’absence d’information me´dicale a` son sujet, d’une clinique et d’un bilan biologique ne permettant que de proce´der par e´limination des autres e´tiologies.

2. Pre´sentation du cas 2.1. Pre´sentation et prise en charge initiales Madame L., aˆge´e de 76 ans, d’origine finlandaise, est admise aux urgences pour une douleur thoracique. Chez cette patiente ne parlant pas franc¸ais et tre`s peu anglais, se pre´sentant seule, les ante´ce´dents et l’anamne`se sont difficiles a` pre´ciser, mais il semblerait qu’elle soit porteuse d’une hypertension arte´rielle et qu’a` son arrive´e aux urgences, la douleur ait ce´de´ spontane´ment. L’e´lectrocardiogramme s’inscrit en arythmie cardiaque par fibrillation auriculaire. Il existe un ralentissement psychomoteur, une asthe´nie, l’abdomen est sensible, mais le reste de l’examen clinique est sans particularite´. Le bilan biologique (Tableau 1) met en e´vidence une insuffisance re´nale avec cre´atinine a` 297 mmol/L, de´bit de filtration glome´rulaire a` 13 mL/min, ure´e a` 14,45 mmol/L ; une hypercalce´mie a` 4,14 mmol/L ; la natre´mie est a` 146 mmol/L et la kalie´mie a` 4,4 mmol/L ; la troponine est a` 62 ng/L. Devant ces perturbations biologiques, la patiente est transfe´re´e en unite´ de soins continus. Elle est traite´e par 90 mg de pamidronate de sodium en intraveineux et hydratation par chlorure de sodium 0,9 %. 2.2. Recherche e´tiologique de l’hypercalce´mie et e´volution L’interrogatoire est comple´te´ par l’appel te´le´phonique de sa fille, vivant en France. Il existe une notion de douleurs diffuses depuis plusieurs jours, d’asthe´nie depuis plusieurs mois, associe´e a` une perte de poids de 10 kg sur les derniers mois. Elle ne connaıˆt pas toute l’histoire me´dicale de sa me`re, mais sait qu’elle est effectivement traite´e pour une hypertension arte´rielle, a e´te´ ope´re´e

de la thyroı¨de il y a de nombreuses anne´es et ne´cessite une substitution par L-thyroxine, et d’un me´lanome du membre infe´rieur gauche en 1976 conside´re´ en re´mission. Il n’existe pas de notion d’insuffisance re´nale ante´rieure. L’examen clinique plus complet ne retrouve pas de douleurs a` la palpation des reliefs osseux, pas d’ade´nome´galie ni d’organome´galie, pas de masse a` la palpation mammaire. L’examen cutane´ est sans particularite´. Sur le plan cardiaque, la troponine de controˆle est en augmentation a` 218 ng/L, l’e´lectrocardiogramme est toujours en fibrillation auriculaire avec re´ponse ventriculaire rapide a` 120 battements par minute, et apparition secondaire d’un sous-de´calage diffus du segment ST. Le traitement est comple´te´ par acide ace´tylsalicylique 250 mg et beˆtabloquants. Le rythme cardiaque redevient sinusal en 48 heures. Sur le plan du bilan phosphocalcique, en plus de l’hypercalce´mie, sont retrouve´es une phosphate´mie a` la limite supe´rieure de la normale, une magne´se´mie normale a` 0,83 mmol/L, une 1,25 OH vitamine D normale a` 76 pmol/L et une 25 OH vitamine D basse a` 55 nmol/L. L’hypothe`se de l’hyperparathyroı¨die primaire est vite e´limine´e devant une PTH effondre´e a` 9 ng/L, adapte´e a` l’hypercalce´mie. Sous pamidronate et hydratation, la calce´mie s’abaisse nettement et atteint une valeur normale en 72 heures. Sur le plan de l’insuffisance re´nale, les bilans sanguin et urinaire orientent vers une e´tiologie organique. Le scanner abdominopelvien retrouve des reins de taille normale, bien diffe´rencie´s, sans dilatation des cavite´s pye´localicielles, calcul ou aspect de ne´phrocalcinose. La fonction re´nale reste nettement perturbe´e, avec une cre´atinine toujours autour de 240 mmol/L, justifiant la poursuite du bilan e´tiologique et des soins en service de ne´phrologie. Le bilan e´tiologique de cette hypercalce´mie est donc comple´te´ en service de ne´phrologie :  dans l’hypothe`se d’une sarcoı¨dose : radiographie pulmonaire sans particularite´, dosage d’enzyme de conversion de l’angiotensine normale a` 47 UI/L (35–105) ;  dans l’hypothe`se d’une pathologie he´matologique de type mye´lome : e´lectrophore`se des prote´ines se´riques retrouvant un pic monoclonal dans la zone des beˆta-2-globulines et gammaglobulines. L’immunophe´notypage met en e´vidence une IgA kappa monoclonale a` 6,3 g/L. Un avis he´matologique pre´conise la re´alisation d’un mye´logramme qui retrouve une plasmocytose entre 3 et 9 %, insuffisante pour e´voquer le diagnostic de mye´lome. Dosage de chaıˆnes le´ge`res libres kappa a` 35,5 mg/L (3,30–19,40), rapport kappa/lambda a` 1,893, normal dans le contexte d’une insuffisance re´nale ;  dans l’hypothe`se d’une pathologie ne´oplasique solide : scintigraphie TEP-TDM au FDG n’apportant pas d’argument formel en faveur d’une pathologie ne´oplasique occulte, PTHrp a` 1,6 mmol/L (norme < 1,3 mmol/L), TSH sous L-thyroxine a` 6,20 mUI/L.

Pour citer cet article : Jalbert M, et al. Hypercalce´mie se´ve`re de cause inhabituelle, a` la recherche du coupable : cas clinique et revue de la litte´rature. Ne´phrol ther (2018), https://doi.org/10.1016/j.nephro.2018.03.003

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Tableau 1 Re´sultats biologiques des pre´le`vements re´alise´s a` l’admission.

Pre´le`vements sanguins Calcium (mmol/L) Calce´mie corrige´e (mmol/L) Cre´atinine (mmol/L) De´bit de filtration glome´rulaire (CKD-EPI, mL/min/1,73 m2) Ure´e (mmol/L) Phosphore (mmol/L) Parathormone (ng/L) 25 OH vitamine D (nmol/L)a 1,25 OH vitamine D (pmol/L)a Prote´ines (g/L) Albumine (g/L) Troponine (ng/L) Pre´le`vements urinaires Calcium (mmol/L) Cre´atinine (mmol/L) Ure´e (mmol/L) Phosphore (mmol/L) Prote´ines (g/L) Rapport prote´ines/cre´atinine (mg/mmol) a

Patiente

Valeurs normales

4,14 4,31 297 13 14,45 1,80 9 55a 76a 73 33 228

2,20–2,55 2,20–2,55 45–84

3,21 2,9 69 5,9 0,12 42

1,8–8,3 0,80–1,45 15–75 75–200 43–168 64–83 35–52 < 14

2,5–7,5 6,3–13,4 150–710 13–44 < 0,15 < 25

Dosages re´alise´s le lendemain de l’admission, en regard d’une calce´mie en baisse a` 2,89 mmol/L.

Le retour de conge´s anticipe´ de la fille de Madame L. a permis d’obtenir la solution a` cette hypercalce´mie, reste´e jusqu’alors sans explication. Elle nous a tout d’abord dit retrouver sa me`re dans un bien meilleur e´tat ge´ne´ral, car elle avait en effet repe´re´ des troubles cognitifs et un ralentissement qui ont disparu apre`s correction de l’hypercalce´mie. Elle lui a demande´ avec quel me´decin finlandais elle pouvait pre´ciser son histoire me´dicale, et a pu reconstituer, graˆce aux boıˆtes de me´dicaments retrouve´s chez elle, l’ordonnance habituelle de sa me`re. Il s’est alors ave´re´ que Madame L. avait e´te´ ope´re´e en 2005 d’une thyroı¨dectomie totale, avec hypoparathyroı¨die secondaire diagnostique´e sur un e´pisode d’hypocalce´mie. Il e´tait e´galement mentionne´ dans un compte rendu me´dical un diagnostic de gammapathie monoclonale de signification inde´termine´e MGUS a` IgA-kappa, qui n’e´tait connu ni de la patiente ni de sa fille, et qui expliquait le pic IgA-kappa que nous avions mis en e´vidence. Apre`s ve´rification clinique, la cicatrice cervicale de thyroı¨dectomie e´tait fine et tre`s peu visible chez cette patiente au teint paˆle (d’apre`s Madame L., un peu plus visible en e´te´, mais pour autant jamais remarque´e par sa fille). Elle e´tait traite´e par amlodipine 5 mg/jour, losartan 100 mg/ jour, levothyroxine 100 mg/jour, mais e´galement par 4 comprime´s de dihydrotachyste´rol 0,2 mg/jour (de´rive´ de synthe`se de la vitamine D, retire´ du marche´ franc¸ais en 1982) et 1000 mg de calcium e´le´ment par jour. La dernie`re consultation avec un endocrinologue semblait dater de 9 ans en arrie`re, en 2008, mais Madame L. e´tait suivie re´gulie`rement par son me´decin traitant qui renouvelait les ordonnances et prescrivait un bilan biologique de manie`re annuelle. Le dernier bilan datant de 4 mois avant son hospitalisation n’avait pas mene´ a` une modification de son traitement vitaminocalcique. Il a donc e´te´ retenu le diagnostic d’hypercalce´mie se´ve`re par intoxication au dihydrotachyste´rol utilise´ en supple´mentation d’une hypoparathyroı¨die post-chirurgicale. L’e´volution a permis de confirmer ce diagnostic, puisque, secondairement, la calce´mie a continue´ a` s’abaisser pour passer en dessous de la norme infe´rieure (calcium ionise´ en fin d’hospitalisation a` 1,02 mmol/L [1,17–1,29]), avec un controˆle de parathormone sanguine reste´ bas en regard de la calce´mie a` 16 ng/L (15–75).

En paralle`le, la fonction re´nale s’est ame´liore´e avec un chiffre de cre´atine´mie en fin d’hospitalisation a` 114 mmol/L. La patiente a quitte´ le service avec une supple´mentation adapte´e comprenant 0,25 mg de calcitriol et 500 mg de calcium e´le´ment par jour. Nous avons demande´ a` Madame L. de proce´der a` des dosages hebdomadaires de la calce´mie et de recontacter ses me´decins habituels de`s son retour en Finlande. Nous avons obtenu des nouvelles de la patiente plusieurs mois apre`s son retour en Finlande. Elle avait pu, a` son retour, faire le point avec un endocrinologue : la calce´mie 4 mois avant son hospitalisation e´tait effectivement normale et il n’a pas e´te´ retrouve´ d’explication claire a` l’e´pisode d’hypercalce´mie apparu par la suite. Le bilan phosphocalcique e´tait stabilise´ depuis l’arreˆt du dihydrotachyste´rol.

3. Discussion 3.1. Vitamine D et hypercalce´mie L’intoxication a` la vitamine D est une cause rare d’hypercalce´mie [2]. Il faut y songer lorsqu’il existe une histoire de chirurgie thyroı¨dienne avec supple´mentation vitaminocalcique. Les difficulte´s diagnostiques chez cette patiente ont tenu aux faits que l’interrogatoire e´tait rendu difficile en raison de la barrie`re de la langue, de la confusion et du ralentissement psychomoteur initial, que l’ordonnance de la patiente n’e´tait pas disponible, et que la famille avait e´te´ peu informe´e de l’histoire me´dicale. De plus, nous avons e´te´ e´loigne´s du diagnostic e´tiologique par l’ante´ce´dent carcinologique et la suspicion initiale de mye´lome, hypothe`ses plausibles devant la notion de douleurs diffuses, d’asthe´nie et d’amaigrissement e´voluant depuis plusieurs mois. Par ailleurs, les valeurs des dosages de vitamine D native et active n’orientaient pas vers l’e´tiologie iatroge`ne. 3.2. Recommandations de traitement de l’hypoparathyroı¨die Les recommandations europe´ennes de traitement de l’hypoparathyroı¨die chez l’adulte proposent de traiter en premie`re intention par les me´tabolites actifs de la vitamine D (alfacalcidol,

Pour citer cet article : Jalbert M, et al. Hypercalce´mie se´ve`re de cause inhabituelle, a` la recherche du coupable : cas clinique et revue de la litte´rature. Ne´phrol ther (2018), https://doi.org/10.1016/j.nephro.2018.03.003

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Tableau 2 Analogues de la vitamine D et traitement de l’hypoparathyroı¨die. D’apre`s les recommandations europe´ennes de traitement de l’hypoparathyroı¨die chez l’adulte, et e´tabli a` partir de Shoback et al. [2,3]. Traitement a

Calcitriol (1,25(OH)2D3) Alfacalcidiol (1a(OH)D3)b Dihydrotachyste´rol Vitamine D2 (ergocalcife´rol) ou vitamine D3 (chole´calcife´rol) a b

Dose recommande´e

De´lai d’action (jours)

Dure´e d’action (jours)

0,25–2,0 mg 1 a` 2 fois par jour 1,5–4 mg 1 fois par jour 0,3–1,0 mg 1 fois par jour 25 000–200 000 UI par jour

1–2 1–2 4–7 10–14

2–3 5–7 7–21 14–75

Actif sans ne´cessite´ d’hydroxylation. Active´ en 1,25(OH)2D par hydroxylation he´patique en position 25.

Tableau 3 Spe´cificite´ des techniques utilise´es pour le dosage de 25(OH)vitamine D et 1,25(OH)2vitamine D au Centre hospitalier me´tropole Savoie (technique immunoradiome´trique IDS), re´actions croise´es exprime´es en pourcentage. 25(OH) vitamine D

%

1,25(OH)2 vitamine D

%

25(OH) vitamine D3 25(OH) vitamine D2 24,25(OH)2 vitamine D3 Chole´calcife´rol (D3) Ergocalcife´rol (D2)

100 75 100 < 0,01 < 0,3

1,25(OH)2 vitamine D3 1,25(OH)2 vitamine D2 24,25(OH)2 vitamine D3 25(OH) vitamin D3

100 91 < 0,01 < 0,01

Fig. 1. E´tiologies des hypercalce´mies (d’apre`s P. Houiller. Que faire d’une hypopara en 2017 ? http://www.cjnephro.com/download/14-p-houillier-hypoparathyroidie/).

calcitriol ou dihydrotachyste´rol) [3]. Les doses recommande´es et la dure´e d’action pour chaque mole´cule sont repre´sente´es dans le Tableau 2, e´tabli a` partir de l’article de Shoback et al. [4]. Les recommandations indiquent que l’alfacalcidol et le calcitriol ont une dure´e d’action plus courte que le dihydrotachyste´rol, exposant a` un risque moindre de toxicite´. Quack et al. de´crivent, en Allemagne, en 2005, cinq cas d’hypercalce´mie chez des patients traite´s au long cours par dihydrotachyste´rol apre`s parathyroı¨dectomie [5]. Selon cet article, du fait de la demi-vie plus longue de cette mole´cule, les e´pisodes d’hypercalce´mie apparaissent plus fre´quemment que lors d’un traitement par analogue de la vitamine D de demi-vie courte.

3.3. Me´tabolisme de la vitamine D et particularite´s du dihydrotachyste´rol Le dihydrotachyste´rol n’est plus disponible en France depuis 1982, et n’est pas de´tecte´ par le dosage de 25 OH vitamine D et 1,25 OH vitamine D (Tableau 3), ce qui explique les valeurs non e´leve´es des dosages de vitamine D re´alise´s chez Madame L. Ainsi, au vu des e´le´ments dont nous disposions au de´but de la prise en charge de la patiente, avec une valeur de parathormone se´rique basse et de vitamine D non e´leve´e, nous n’e´tions pas oriente´s vers une intoxication a` la vitamine D mais plutoˆt vers une

Pour citer cet article : Jalbert M, et al. Hypercalce´mie se´ve`re de cause inhabituelle, a` la recherche du coupable : cas clinique et revue de la litte´rature. Ne´phrol ther (2018), https://doi.org/10.1016/j.nephro.2018.03.003

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Fig. 2. Structure chimique et formule mole´culaire des analogues de la vitamine D utilise´s dans le traitement de l’hypoparathyroı¨die.

e´tiologie ne´oplasique (me´tastases oste´olytiques, mye´lome, se´cre´tion parane´oplasique de PTHrp) (Fig. 1). Des valeurs de 1,25 OH vitamine D dans les limites de la normale ont e´te´ de´crites par l’analyse des me´tabolites de la vitamine D chez des sujets sains recevant de fortes doses de vitamine D, en faveur d’un me´canisme de re´gulation fin [6]. De manie`re ge´ne´rale, le me´tabolisme de la vitamine D comporte une premie`re hydroxylation en position 25 par le foie re´gule´e par la concentration plasmatique de 25 (OH) vitamine D (demi-vie se´rique 3 semaines), puis une deuxie`me hydroxylation dans le tubule proximal en position 1 par la 1a-hydroxylase, apre`s internalisation sous l’effet de la me´galine, pour former la 1,25-dihydroxyvitamine D ou calcitriol (me´tabolite actif de la vitamine D, demi-vie se´rique de 4 heures environ). Cette deuxie`me

hydroxylation est re´gule´e et stimule´e par la parathormone, un faible apport en calcium ou une hypophosphate´mie. Dans certaines pathologies, il existe un e´chappement a` cette re´gulation, comme dans les granulomatoses ou` la production de calcitriol par les macrophages n’est pas re´gule´e. Il est de´montre´ que la 1ahydroxylase est exprime´e par de nombreux tissus capables de convertir la 25 OH D en 1,25(OH)2D, alors utilise´e localement par action non plus endocrine, mais paracrine ou autocrine, ce qui expliquerait son action ple´iotrope [7]. L’explication du me´tabolisme du dihydrotachyste´rol in vivo diffe`re selon les auteurs qui traitent ce sujet. Certains auteurs pensent qu’il subit une hydroxylation unique au niveau he´patique en position 25, mais pas d’hydroxylation en position 1. En effet, les de´buts de l’utilisation du dihydrotachyste´rol en tant que

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M. Jalbert et al. / Ne´phrologie & The´rapeutique xxx (2018) xxx–xxx

traitement de l’hypocalce´mie ont montre´ son efficacite´, meˆme chez des patients ane´phriques, supposant l’absence de ne´cessite´ d’hydroxylation re´nale pour obtenir une mole´cule active [8]. D’autres auteurs, au contraire, affirment qu’il existe in vivo une formation de de´rive´s hydroxyle´s e´galement en position 1, et sugge`rent la re´alisation d’une hydroxylation extrare´nale, probablement par les cellules de´rive´es de la moelle osseuse [9]. Apre`s renseignement aupre`s du laboratoire qui commercialisait ante´rieurement le dihydrotachyste´rol, il semblerait que celui-ci ait e´te´ retire´ du marche´ en 1982 devant un e´chappement a` la re´gulation he´patique de l’activite´ de la 25-hydroxylase, diminuant ainsi la protection contre une surcharge en vitamine D. Le dihydrotachyste´rol reste ne´anmoins commercialise´ dans certains pays d’Europe, sous les noms de Dihydrotachyste´rol1 (en Bulgarie, Re´publique Tche`que, Hongrie, Slovaquie, Lituanie), AT101 (en Suisse et au Royaume-Uni), Atiten1 (en Italie), Dihydral1 (aux Pays-Bas et Luxembourg), Dygratyl1 (en Finlande et Sue`de), Tachystin1 (en Lituanie, Re´publique Tche`que, Estonie, Allemagne, Hongrie, Roumanie, Slovaquie), Tachyrol1 (en Irlande et au Royaume-Uni), DHT Intensol1 (en Espagne), Hytakerol1 (au Canada et au Japon), Parterol1, Antitanil1 et Dichystrolum1. La structure chimique du dihydrotachyste´rol est repre´sente´e sur la Fig. 2, en comparaison de celle des autres analogues de la vitamine D. Les analogues a` demi-vie courte (calcitriol et alfacalcidol) sont porteurs de deux groupes OH en positions 1 et 3. Les autres analogues, qui ont une demi-vie plus longue, n’en ont qu’un seul. En cas d’intoxication a` la vitamine D avec une mole´cule de demi-vie courte, une suspension de ce traitement et une hydratation peuvent suffire a` corriger la calce´mie. En revanche, dans les intoxications au dihydrotachyste´rol, une telle prise en charge a une efficacite´ mode´re´e en raison de sa demi-vie plus longue. Le traitement par biphosphonates (dans le cas pre´sent par pamidronate), en plus de l’arreˆt de la prise de vitamine D et de l’hydratation, montre une efficacite´ rapide puisqu’une correction de la calce´mie est observe´e en 72 h. L’effet rapide du pamidronate dans l’intoxication au dihydrotachyste´rol a de´ja` e´te´ de´crit dans l’article de Jensterle et al., qui relate une hypercalce´mie se corrigeant au quatrie`me jour apre`s une injection intraveineuse de 60 mg de pamidronate [10].

associe´e, comme illustre´ dans ce cas, a` une morbidite´, une ˆ ts importants. Cette alte´ration de la qualite´ de vie, et des cou observation souligne donc l’importance de bien discuter les indications de thyroı¨dectomie totale et de les re´server aux cas ou` un traitement alternatif n’apporterait pas une balance be´ne´fice– risque plus favorable. 4. Conclusion Cette observation souligne que l’intoxication a` la vitamine D, cause rare d’hypercalce´mie, peut engendrer des conse´quences se´ve`res. Le diagnostic e´tiologique de l’hypercalce´mie peut s’ave´rer difficile lorsque l’histoire me´dicale du patient est impre´cise. En effet, l’examen clinique ainsi que les examens biologiques et d’imagerie effectue´s chez notre patiente ont surtout permis d’e´liminer les autres e´tiologies d’hypercalce´mie, avant d’obtenir plus d’informations anamnestiques. Le traitement par dihydrotachyste´rol, de´rive´ de la vitamine D non commercialise´ en France, semble dans la litte´rature plus a` risque de complications iatroge`nes en raison d’une demi-vie plus longue que les autres de´rive´s propose´s par les recommandations de traitement de l’hypoparathyroı¨die, et d’un possible e´chappement a` la re´gulation he´patique de l’activite´ de la 25-hydroxylase. Il n’est pas de´tecte´ par les dosages de vitamines D sanguins, ce qui complique le diagnostic e´tant donne´ que les algorithmes diagnostiques propose´s en France ne tiennent pas compte de cet e´le´ment. Un suivi me´dical re´gulier clinique et biologique est essentiel chez les patients porteurs d’une hypoparathyroı¨die substitue´e, afin d’e´viter des complications iatroge`nes qui peuvent parfois engager le pronostic vital. L’hypoparathyroı¨die est, en termes de fre´quence, la premie`re complication apre`s thyroı¨dectomie totale. Le cas rapporte´ ici met en e´vidence la ne´cessaire justification des indications de chirurgie thyroı¨dienne au vu de l’alte´ration de la qualite´ de vie et des risques lie´s a` l’hypoparathyroı¨die de´finitive. ˆ ts De´claration de liens d’inte´re Les auteurs de´clarent ne pas avoir de liens d’inte´reˆts. Re´fe´rences

3.4. Suivi et e´ducation du patient traite´ : comment re´duire le risque d’hypercalce´mie ? Les recommandations europe´ennes de traitement de l’hypoparathyroı¨die proposent de traiter par analogue actif de la vitamine D et supple´mentation calcique, afin de maintenir le taux de calcium se´rique autour de la limite infe´rieure des valeurs de re´fe´rence [3]. Notre patiente prenait quotidiennement 0,8 mg par jour, ce qui semble repre´senter une dose correcte. Il est e´galement conseille´ par les recommandations la mise en place d’un suivi rapproche´, clinique (recherche de symptoˆmes d’hypo- ou d’hypercalce´mie), et biologique (dosage du calcium ionise´ ou corrige´, magne´sium, phosphate, cre´atinine), tous les 3 a` 6 mois. Il est aussi propose´ de proce´der, lors de l’initiation du traitement, a` une e´ducation the´rapeutique afin d’apprendre au patient a` repe´rer les signes d’hypo- ou d’hypercalce´mie pour consulter rapidement. Une telle e´ducation the´rapeutique chez notre patiente aurait peut-eˆtre permis de de´celer plus pre´cocement les symptoˆmes e´vocateurs d’hypercalce´mie, et d’e´viter le passage en re´animation ainsi que la mise en jeu du pronostic vital. L’hypoparathyroı¨die permanente apre`s thyroı¨dectomie (persistant plus de 6 mois ou 1 an apre`s la chirurgie, selon les de´finitions) survient au de´cours de 2 a` 12 % des chirurgies [11]. Elle reste la complication la plus fre´quente apre`s thyroı¨dectomie, et est

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Pour citer cet article : Jalbert M, et al. Hypercalce´mie se´ve`re de cause inhabituelle, a` la recherche du coupable : cas clinique et revue de la litte´rature. Ne´phrol ther (2018), https://doi.org/10.1016/j.nephro.2018.03.003