Syndrome SUNCT symptomatique d’abcès et d’empyème cérébraux

Syndrome SUNCT symptomatique d’abcès et d’empyème cérébraux

Rev Neurol (Paris) 2007 ; 163 : 8-9, 829-832 © 2007. Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés 829 Brève communication Syndrome SUNCT symptomatique...

185KB Sizes 0 Downloads 121 Views

Rev Neurol (Paris) 2007 ; 163 : 8-9, 829-832

© 2007. Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés

829

Brève communication Syndrome SUNCT symptomatique d’abcès et d’empyème cérébraux M. El Amrani1, J.-C. Roger1, P. Fossati2, J. De Monredon1, J.-P. Serveaux1 1

Service de neurologie, CHD Félix-Guyon, Saint-Denis. Service de radiologie, CHD Félix-Guyon, Saint-Denis. Reçu le : 20/10/2006 ; reçu en révision le : 30/01/2007 ; accepté le : 30/03/2007. 2

RÉSUMÉ Le syndrome SUNCT est une céphalée trigémino-autonomique assez rare, généralement primaire mais dont les formes secondaires sont fréquentes. Les lésions en cause sont souvent localisées au niveau de la fosse postérieure ou de la base du crâne. Nous rapportons la première observation d’un syndrome SUNCT symptomatique d’un abcès cérébral localisé au niveau de la convexité du lobe frontal droit et compliqué d’un empyème.

Mots-clés : Syndrome SUNCT • Abcès cérébral • Empyème • Convexité du lobe frontal • Activation trigémino-vasculaire

SUMMARY Symptomatic SUNCT with cerebral abscess and subdural empyema. M. El Amrani, J.-C. Roger, P. Fossati, J. De Monredon, J.-P. Serveaux, Rev Neurol (Paris) 2007; 163: 8-9, 829-832 SUNCT syndrome is a rare form of a primary headache disorder, although secondary causes, particularly posterior fossa abnormalities, are well known. We report a new case in a 67-year-old man suffering SUNCT syndrome secondary to pyogenic cerebral abscess and empyema localized in the convexity portion of the right frontal lobe.

Keywords: SUNCT syndrome • Cerebral abscess • Empyema • Convexity frontal lobe • Trigeminovascular activation

Le syndrome SUNCT (short-lasting unilateral neuralgiform headache associated with conjunctival injection and tearing) a été décrit pour la première fois en 1989 par Sjaastad et al., (Sjaastad et al., 1989). Ce syndrome, dont les critères diagnostiques sont précisés par la dernière classification de l’International Headache Society (IHS, 2004) et qui fait partie des céphalées trigémino-vasculaires ou trigémino-autonomiques, associe des douleurs décrites comme des décharges électriques d’intensité très sévère, de durée brève comprise entre 5 secondes et 240 minutes, localisées au niveau de la branche ophtalmique du trijumeau et accompagnées d’une injection conjonctivale et d’un larmoiement. D’autres symptômes vasomoteurs tels que ptôsis, ou syndrome de Claude-Bernard-Horner, ou rhinorrhée… sont fréquents mais inconstants (El Amrani et al., 2001). Il a la particularité d’être rebelle aux traitements habituels des douleurs névralgiques et des céphalées essentielles, et serait assez souvent secondaire à des causes sousjacentes localisées principalement au niveau de la fosse postérieure et de la base du crâne (El Amrani et al., 2001). Nous rapportons la première observation associant un

syndrome SUNCT symptomatique d’un abcès cérébral compliqué d’un empyème et localisé au niveau de la convexité du lobe frontal droit.

OBSERVATION Cas n° 003390229/05 : un homme âgé de 67 ans, droitier, fut hospitalisé au début du mois de septembre 2005 pour des douleurs d’allure névralgique temporale droite associées à une faiblesse de la main gauche. Dans ses antécédents on notait un cancer de la prostate découvert en 1999 traité par chirurgie et radiothérapie, une polykystose hépato-rénale avec insuffisance rénale modérée, une hypertension artérielle, une hypercholéstérolémie et une goutte. Le début des symptômes remontait à la fin du mois d’août 2005 : apparition d’une faiblesse du cinquième doigt de la main gauche diffusant progressivement vers les autres doigts et rendant leur extension difficile. Deux à trois jours plus tard, apparaissaient des douleurs névralgiques temporales droites diffusant au niveau frontal et orbitaire à droite. Ces douleurs étaient décrites comme des décharges électriques très sévères durant en moyenne 15 à 30 secondes et évoluant, le plus souvent, en salves de 4 à 5 minutes.

Correspondance : M. EL AMRANI, service de neurologie, CHD Félix-Guyon, 97405 Saint-Denis Cedex. E-mail : [email protected]

M. EL AMRANI et coll.

830

Rev Neurol (Paris) 2007 ; 163 : 8-9, 829-832

Fig. 1. – Photo du patient montrant un ptôsis de l’œil droit homolatéral aux crises de SUNCT et persistant entre les épisodes douloureux. Patient photo showing a ptosis in the right eye persistent between of crises SUNCT syndrome.

Elles étaient systématiquement accompagnées de larmoiements et de rougeurs importants, ainsi que d’un ptôsis modéré de l’œil droit. La fréquence des décharges était estimée entre une trentaine et une quarantaine par heure. La parole et la mastication déclenchaient systématiquement ces décharges douloureuses rendant l’alimentation impossible. Il n’y avait pas de zone gâchette cutanée. Entre les crises douloureuses, le patient gardait un ptôsis de l’œil droit. Le patient a consulté aux urgences de l’hôpital où l’examen clinique trouva un déficit moteur des extenseurs des doigts de la main gauche, des réflexes ostéo-tendineux plus vifs à gauche, une hypoesthésie tactile et douloureuse de tous les doigts de la main gauche et un ptôsis de l’œil droit (Fig. 1). Le reste de l’examen neurologique et général fut normal. Un scanner X cérébral objectiva une

hypodensité frontale droite isolée sans aucun effet de masse. Le bilan biologique initial (numération formule sanguine, ionogramme sanguin, vitesse de sédimentation, dosage de la C-réactine protéine (CRP) et de la PSA fut normal. Un traitement à base de carmabazépine fut instauré à doses progressives et fut suivi d’une amélioration partielle des douleurs avec une diminution modérée de la fréquence des crises sans modification de l’intensité. Une hyperthermie à 40 °C associée à une somnolence et une discrète aggravation du déficit moteur de la main gauche s’installèrent en 48 heures. Le bilan biologique de contrôle montra un syndrome inflammatoire biologique avec une CRP à 245 mg/l sans hyperleucocytose. Les hémocultures, l’analyse des urines, la radiographie pulmonaire ainsi qu’un scanner X thoraco-abdominal furent normaux. La ponction lombaire montra une méningite avec 650 leucocytes/mm3 dont 48 p. 100 étaient des cellules neutrophiles et 50 p. 100 de lymphocytes. La protéinorachie était à 2,59 g/l mais la glucorrachie et la chlorrurorachie étaient normales. Une imagerie par résonance magnétique cérébrale (IRM) objectiva un abcès cérébral compliqué d’un empyème assez diffus au niveau de la convexité du lobe frontal droit (Fig. 2). Sur certaines coupes coronales de l’IRM cérébrale, l’empyème semblait diffuser vers la base du crâne (Fig. 2). Sur les coupes sagittales de l’IRM cérébrale, la moelle cervicale haute était normale. Une antibiothérapie empirique à base de Vancomycine® — Gentamycine® et Claforan® fut suivie d’une amélioration progressive de la douleur qui disparut au bout d’une semaine. Le ptôsis resta plus longtemps, pour disparaître au bout de plusieurs semaines. La température s’est normalisée progressivement au bout de plusieurs jours. L’examen stomatologique trouva une dentition défectueuse pouvant représenter la porte d’entrée de l’abcès. Plusieurs IRM cérébrales de contrôle, réalisées respectivement à un mois puis à deux mois après le début du traitement, montrèrent une disparition progressive de l’abcès et de l’empyème. Seuls persistaient une pachyméningite frontale droite avec une petite cavité kystique et un petit nodule hyperdense correspondant aux séquelles de l’abcès. Le bilan biologique de contrôle, réalisé à plusieurs reprises après le début du traitement, s’est normalisé progressivement avec disparition du syndrome inflammatoire. La carbamazépine fut progressivement arrêtée sans rechute des douleurs.

a b Fig. 2. – IRM cérébrale séquence FLAIR (coupes axial et coronale) montrant un hypersignal de la convexité du lobe frontal droit correspondant à l’abcès et un isosignal correspondant à l’empyème. Flair Axial and coronal cerebral MRI showing pyogenic cerebral abscess and subdural empyema localized in the convexity portion of the right frontal lobe.

M. EL AMRANI et coll.

© 2007. Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés

Brève communication • Syndrome SUNCT symptomatique d’abcès et d’empyème cérébraux

DISCUSSION Le syndrome SUNCT est caractérisé par une fréquence élevée des formes symptomatiques (El Amrani et al., 2001). Les lésions en cause, déjà décrites, sont : des malformations artérioveineuses ou un méningiome de l’angle ponto-cérébelleux homolatéraux (Bussone et al., 1991 ; Morales et al., 1994 ; Ramirez-Morino et al., 2004), un angiome caverneux du tronc cérébral (De Benedittis, 1996), un infarctus du tronc cérébral (Penart et al., 2001), des anomalies osseuses crâniennes (impression basilaire, crâniosténose) (Moris et al., 2001 ; Berg et Goadsby, 2001), des adénomes hypophysaires à prolactine (Ferrari et al., 1988 ; Massiou et al., 2002 ; Matharus et al., 2003 ; Levy et al., 2003 ; Rocha Filho et al., 2006), des lésions orbitales (Lim et al., 2002 ; Black et al., 2005) et du sinus caverneux (Kaphan et al., 2003). Dans toutes ces observations, les causes du syndrome SUNCT ont été localisées au niveau soit de la fosse postérieure, soit de la base du crâne, soit au niveau de l’orbite ou du sinus caverneux homolatéraux. Ceci peut suggérer une activation par ces différentes lésions des fibres trigéminales et des terminaisons libres péricarotidiennes nociceptives, génératrices de la douleur. Cette activation peut être de nature compressive ou générée par des sécrétions hormonales, notamment dans les adénomes hypophysaires à prolactine (Massiou et al., 2002 ; Matharu et al., 2003). En effet, Massiou et al. (2002) et Levy et al. (2003) ont rapporté des cas de syndromes SUNCT associés à un adénome à prolactine secrétant sans aucun effet compressif et dont les douleurs ont été exacerbées par des agonistes dopaminergiques (bromocriptine, cabergoline). Ceci suggère un rôle du système dopaminergique et de l’axe hypothalamohypophysaire dans l’étiologie des céphalées liées aux adénomes hypophysaires notamment les céphalées trigémino-vasculaires telles que l’algie vasculaire de la face et le SUNCT (Matharu et al., 2003). La première particularité de notre observation est la lésion causale du syndrome SUNCT (abcès cérébral compliqué d’empyème). La deuxième particularité est la localisation inhabituelle de cette lésion causale (convexité du lobe frontal droit) qui est située très loin de la base du crâne. Une telle localisation rend théoriquement très peu probable le lien entre l’abcès cérébral et le syndrome SUNCT. Cependant, la topographie homolatérale à l’abcès des symptômes douloureux et vasomoteurs, la chronologie presque concomitante de l’apparition de ces symptômes, du déficit moteur de la main gauche (en rapport avec l’abcès et l’empyème cérébraux hémisphérique droit) et du ptôsis de l’œil droit (en rapport avec une activation du système nerveux sympathique homolatéral) rendent très probable ce lien. En effet, les structures anatomiques du système nerveux sympathique sont localisées au niveau de la base du crâne ainsi qu’aux niveaux cervical et para-vertébral dorsal. L’activation du système nerveux sympathique dans notre observation ne peut se faire qu’au niveau de la base du crâne, probablement par la diffusion de l’empyème comme le suggère la coupe coronale de l’IRM cérébrale (Fig. 2). Cette diffusion

831

de l’empyème serait responsable de l’activation, d’une part du système trigémino-vasculaire générateur de la douleur du SUNCT et, d’autre part, du système nerveux sympathique responsable du ptôsis. Une diffusion d’un empyème rachidien dorsal vers la région cervicale responsable d’un syndrome de Claude-Bernard-Horner chez un nourrisson de trois mois fut récemment rapportée par des auteurs indiens (Bhaskar, 2006). D’autre part, nous avons constaté que sous carbamazépine seule, l’amélioration des douleurs ne fut que partielle et que sous antibiotiques associés, l’amélioration fut complète en quelques jours. Tous ces éléments suggèrent un lien direct entre le syndrome SUNCT d’une part et l’abcès et l’empyème cérébraux d’autre part. La dernière particularité de notre observation fut la persistance du ptôsis plusieurs semaines après la disparition des douleurs. Une constatation similaire fut rapportée par Prakash et Lo (2004).

RÉFÉRENCES BERG JWM, GOADSBY PJ. (2001). Significance of atypical presentation of symptomatic SUNCT: a case report. J Neurol Neurosurg Psychiatry, 70: 244-246. BHASKAR G, LODHA RAKESH, KABRA SK. (2006). Unusual complications of empyema thoracis: Diaphragmatic palsy and Horner’s syndrome. Indian J Pediatr, 73: 941-943. BLACK DF, SWANSON JW, EROSS EJ, CUTRER FM. (2005). Secondary SUNCT due to intraorbital metastatic bronchial carcinoid. Cephalalgia, 25: 633-635. BUSSONE G, LEONE M, DALLA VOLTA G, STRADE L, GASPAROTTI R, DI MONDA R. (1991). Shortlasting unilateral neuralgiform headache attacks with tearing and conjunctival injection: the first symptomatic case? Cephalalgia, 11: 123-127. DE BENDITTIS G. (1996). SUNCT syndrome associated with cavernous angioma of the brainstem. Cephalalgia, 16: 503-506. EL AMRANI M, MASSIOU H, BOUSSER MG. (2001). Le syndrome SUNCT ; présentation de deux cas. Rev Neurol, 157 : 1519-1524. FERRARI MD, JOOST H, VAN SETERS AP. (1988). Bromocriptineinduced trigeminal neuralgia attacks in a patient with a pituitary tumor. Neurology, 38: 1482-1484. Headache Classification Subcommittee of the International Headache Society (2004). The International Classification of headache Disorders. 2nd Edition. Cephalalgia, 24 (Suppl 1): 1-160. KAPHAN E, EUSOBIO A, DONNET A, WITJAS T, ALI CHERIF A. (2003). Shortlasting unilateral neuralgiform headache attacks with conjunctival injection and tearing (SUNCT syndrome) and tumour of the cavernous sinus. Cephalalgia, 23: 395-397. LEVY MJ, MATHARU MS, GOADSBY PJ. (2003). Prolactinomas, dopamine agonists and headache: two cases reports. Eur J Neurol, 10: 169-173. LIME ECH, TEOH HL. (2003). Headache-it’s more than meets the eye: orbital lesion masequerading as SUNCT. Cephalalgia, 23: 558-560. MASSIOU H, LAUNAY JM, LEVY C, EL AMRANI M, EMPERAUGER B, BOUSSER MG. (2002). SUNCT syndrome in two patients with prolactinomas and bromocriptine-induced attacks. Neurology, 58: 1698-1699. MATHARU MS, LEVY MJ, MERRY RT, GOADSBY PJ. (2003). SUNCT syndrome secondary to prolactinoam. J Neurol Neurosurg Psychiatry, 74: 1590-1592. MORALES F, MOSTASERO E, MARTA J, SANCHEZ S. (1994). Vascular malformation of the cerebellopontine angle associated with SUNCT syndrome. Cephalalgia, 14: 301-302. MORIS G, RIBACOBA R, SOLAR DN, VIDAL JA. (2001). SUNCT syndrome and seborrheic dermatitis associated with craniostenosis. Cephalalgia, 21: 157-159.

M. EL AMRANI et coll.

832

Rev Neurol (Paris) 2007 ; 163 : 8-9, 829-832

PENART A, FIRTH M, BOWEN JCR. (2001). Short-lasting unilateral neuralgiform headache with conjunctival injection and tearing (SUNCT) following presumed dorsolateral brainstem infarction. Cephalalgia, 21: 236-239. PRAKASH KM, LO YL. (2004). SUNCT syndrome in association with persistent Horner syndrome in a chines patient. Headache, 44: 256-8. RAMIREZ-MORENO JM, FERNANDEZ-PORTALES I, GARCIA CASTANON I, GOMEZ-GUTIERREZ M, OJALVO MJ, CASADO-NARANJO I. (2004).

Sindrome SUNCT y neoplasias en el sistema nerviosa central. Una nueva asociacion. Neurologia, 19: 326-330. ROCHA FILHO PAS, GALVAO ACR, TEIXEIRA MJ, RABELLO GD, FORTINI I, CALDERARO M, CARROCINI D. (2006). SUNCT syndrome associated with pituitary tumor. Arq Neuropsiquiatr, 64(2-B): 507-510. SJAASTAD O, SAUNTE C, SALVESEN R, FREDRIKSEN TA, SEIM A, ROE OD et al. (1989). Shortlasting unilateral neuralgiform headache attacks with conjunctival injection, tearing, sweating, and rhinorrhea. Cephalalgia, 9: 147-156.

M. EL AMRANI et coll.