Mycobactérioses
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Synthèse : Mycobactérioses atypiques : maladies infectieuses émergentes ? Les mycobactéries atypiques (ou mycobactéries non tuberculeuses, MNT) font maintenant partie des pathogènes émergents. Cette émergence récente s’explique par l’augmentation du nombre de patients exposés au risque. En effet, l’utilisation de traitements immunosuppresseurs dans diverses pathologies, l’amélioration de la survie des patients immunodéprimés et notamment, parmi eux, des transplantés, a fait augmenter la population exposée au risque. Par ailleurs, l’amélioration de survie des patients mucoviscidosiques et l’amélioration des techniques diagnostiques, expliquent aussi l’émergence de cette pathologie. Toutefois, malgré tous les efforts pour améliorer le diagnostic des mycobactérioses « atypiques », l’épidémiologie de cette maladie reste mal définie et, si certains groupes à risques sont bien identifiés, le diagnostic reste complexe et les indications thérapeutiques difficiles à poser. Enfin, le tableau se complique encore avec les difficultés thérapeutiques dues, d’un côté, à la toxicité médicamenteuse et, d’un autre, à l’efficacité limitée de certaines classes antibiotiques.
Les mycobactéries « atypiques » Les mycobactéries atypiques sont des mycobactéries généralement retrouvées dans l’environnement hydrotellurique. On distingue, au sein des mycobactéries, deux grands groupes :
les mycobactéries à croissance rapide et les mycobactéries à croissance lente, selon qu’elles sont capables ou non de se développer in vitro, en donnant des colonies visibles en moins de 7 jours. Les principales espèces retrouvées chez les patients atteints de mucoviscidose appartiennent à ces deux groupes : les espèces du complexe aviaire (M. avium et M. intracellulare) et Mycobacterium kansasii sont des mycobactéries à croissance lente, tandis que M. abcessus est une mycobactérie à croissance rapide. Cette année, une session entière a été consacrée aux infections à mycobactéries non tuberculeuses.
Mycobactérioses atypiques chez l’enfant La présentation clinique semble différente selon que l’on s’adresse à une population immunodéprimée ou non. Hors immunodépression, il s’agit fréquemment d’une atteinte ganglionnaire isolée. L’atteinte pulmonaire serait l’apanage des patients immunodéprimés ou suivis pour une mucoviscidose, elle serait rare chez les enfants immunocompétents âgés de moins de 10 ans. Dans une série américaine, seuls 41 cas avaient été isolés de 1930 à 2003 [1].
Enfants atteints de mucoviscidose Dans la mucoviscidose, la prévalence des prélèvements positifs à MNT oscille de 6 à 13 % selon les études. Elle augmente avec l’âge des patients (5 % avant 15 ans et environ 15 % après 15 ans) ; dans l’enfance, on trouve une nette prédominance de M. abcessus et la quasi-absence du complexe aviaire [2]. Les patients colonisés à MNT seraient plus âgés, avec un meilleur VEMS, moins fréquemment colonisés à Pseudomonas aeruginosa et plus fréquemment à S. aureus [3]. Il a été rappelé que la mise en évidence d’une mycobactérie atypique chez un patient atteint de mucoviscidose avant transplantation n’est pas un critère pour refuser celle-ci, mais ce résultat devrait alerter les cliniciens sur les risques de rechute [4]. Les deux espèces les plus fréquemment isolées dans le contexte de la mucoviscidose sont Mycobacterium abcessus et Mycobacterium avium intracellulare. Toutefois, les conséquences de cette colonisation sur la dégradation de la fonction respiratoire restent très discutées. Il semblerait que les patients colonisés aient plus fréquemment des opacités radiologiques, mais qu’il n’existe pas chez ces patients de dégradation accélérée de la fonction respiratoire. Actuellement, il existe un large consensus sur la pathogénicité de Mycobacterium abcessus, que ce soit chez les patients mucoviscidosiques ou non. Dans un travail publié par Catherinot et coll. [5], les auteurs ont démontré l’existence d’une relation entre la sévérité de l’infection et certaines formes alléliques, ou « séquovars », du gène hsp65, qui encode une © 2008 SPLF. Édité par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés
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J.-R. Zahar
protéine de choc thermique de 65 kDa. Les formes « R » (pour la forme « rugueuse » ou rough que prennent les colonies, par opposition à la forme « S » ou smooth habituelle) seraient aussi principalement impliquées dans les infections persistantes.
Enfants immunodéprimés En cas d’immunodépression, les mycobactéries toucheraient aussi bien les patients suivis pour une immunodépression congénitale (déficit immunitaire commun variable, syndrome d’hyper-IgM) que ceux ayant acquis une immunodépression (leucémie, transplantation pulmonaire).
Mycobactéries atypiques chez l’adulte Dans une présentation consacrée à l’adulte, les auteurs ont rappelé que les mycobactéries atypiques étaient trouvées dans notre environnement et notamment dans l’eau. Ces bactéries sont opportunistes et sont essentiellement mises en évidence en cas d’immunosuppression. Les signes cliniques en cas d’infection sont insidieux et non spécifiques et les prélèvements peuvent être fréquemment mis en défaut, car cette maladie survient chez des patients présentant des surinfections bactériennes chroniques. Si l’atteinte pulmonaire est prédominante en cas de mucoviscidose, la pathologie est souvent disséminée chez les patients sidéens. Chez l’adulte, les mycobactéries atypiques sont responsables de moins de 5 % des infections à mycobactéries en Europe et leur incidence serait de 0,4 cas pour 100 000 habitants. Au total, 94 % des manifestations sont pulmonaires, 3 % ganglionnaires et 3 % cutanées. Aux États-Unis, l’incidence dans la population des transplantés serait de 7,5 à 8,2 cas pour 100 000 personnes. Les mycobactérioses atypiques doivent être évoquées chez les patients atteints de mucoviscidose, de bronchiectasies et, à un moindre degré, de bronchopneumopathie chronique obstructive. Elles touchent essentiellement les patients immunodéprimés, notamment ceux qui sont traités par étanercept ou tout autre anti-TNF [6].
Moyens diagnostiques Les moyens diagnostiques sont similaires à ceux de la tuberculose et comprennent non seulement une culture et une identification à l’examen direct sur crachats, mais aussi l’amplification génique par PCR ; s’y ajoute la réalisation de sérologie en ELISA. En effet, la détection d’Ig dirigées contre l’Ag60 semble être intéressante dans le diagnostic des infections à MNT, avec une sensibilité et une spécificité de respectivement 87 et 95 % [7]. 58
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Critères diagnostiques d’infection Le diagnostic d’infection à MA repose globalement sur les classiques critères cliniques, radiologiques et microbiologiques de l’ATS [8]. Cependant, ces critères peuvent être difficiles à analyser en cas de pathologie pulmonaire sous-jacente comme la mucoviscidose, puisque nombre des signes et symptômes retenus, comme la toux, une hémoptysie ou la présence de bronchectasies, peuvent être retrouvés en dehors de toute infection à mycobactéries atypiques chez les patients atteints de cette maladie. La positivité des résultats microbiologiques est alors souvent le reflet, soit d’une colonisation, soit d’une contamination. Toutefois, les critères microbiologiques apparaissent comme l’élément central du diagnostic d’infection à MNT. En pratique, le diagnostic repose donc sur les résultats microbiologiques associés aux données radiologiques et cliniques. Toutefois, il faut insister sur le fait que les cultures faussement négatives sont fréquentes au début de l’infection. Au cours d’une présentation au congrès, il a été proposé un schéma diagnostique en fonction du terrain (fig. 1). Résultats microbiologiques
Positifs 3 prélèvements
Cultures positives (x 3)
Négatifs
Culture positive (1 à 3) Culture négative
Scanner (présence d'opacités) Scanner
Comorbidité ?
Suivi
Suivi Traitement
Fig. 1.
Arbre diagnostique des infections à mycobactéries atypiques.
Thérapeutique La principale difficulté n’est pas, en réalité, de faire le diagnostic d’infection mycobactérienne, mais de pouvoir juger de la nécessité d’un traitement spécifique et du caractère actif de l’infection. La clinique et les examens radiologiques simples sont souvent évocateurs, mais ils ne sont ni assez sensibles ni assez spécifiques. Pour cette raison, la plupart des auteurs recommandent aujourd’hui la réalisation d’un examen tomodensitométrique en haute résolution afin de rechercher des lésions évocatrices d’atteinte mycobactérienne (excavations, consolidation segmentaire, nodules périphériques, aspect d’arbre en bourgeon).
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En l’absence d’anomalies caractéristiques, et si le malade est cliniquement stable, une nouvelle imagerie doit être réalisée 12 à 15 mois plus tard. L’apparition d’anomalies évocatrices lors de ce suivi doit faire discuter le traitement chez les malades pour lesquels les cultures restent positives. La mise sous traitement spécifique nécessite d’avoir posé avec certitude le diagnostic d’infection mycobactérienne active selon les critères décrits plus haut. Le traitement antibiotique comporte une poly-antibiothérapie et doit être entrepris après antibiogramme, du fait de la polyrésistance habituelle des MNT et de la fréquence des résistances acquises. Une réduction de l’immunosuppression doit être la première étape avant même l’introduction des antibiotiques. Toute infection concomitante (virale ou bactérienne) devra être traitée avant d’envisager un traitement pour l’infection à mycobactérie atypique. Les antibiotiques testés sont choisis en fonction de l’espèce en cause. La mesure des concentrations minimales inhibitrices (CMI) est recommandée, en utilisant de préférence une microméthode par dilution en milieu liquide. Les auteurs ont insisté sur l’absence de corrélation entre les données de l’activité in vitro et in vivo des antibiotiques, notamment pour des espèces comme Mycobacterium xenopii. Par ailleurs, dans certains cas, l’éradication semble impossible. Traditionnellement, la rifampicine, la rifabutine, l’éthambutol et la streptomycine sont fréquemment actifs sur Mycobacterium avium intracellulare, Mycobacterium kansasii et Mycobacterium haemophilum. Les nouveaux macrolides (clarithromycine ou azithromycine) sont essentiels dans le traitement des infections à MAC. M. chelonae, abcessus et fortuitum sont généralement résistants aux antituberculeux classiques et sensibles à l’amikacine, la ciprofloxacine, la clarithromycine. Les durées de traitement sont généralement longues, de 12 à 18 mois selon l’espèce isolée. Les schémas thérapeutiques sont largement détaillés dans les recommandations de l’ATS [8].
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À RETENIR • Les infections pulmonaires à mycobactéries atypiques sont rares hors immunodépression. • Dans la mucoviscidose, la prévalence est de 5 à 15 % selon l’âge, la présence de mycobactéries atypiques ne récuse pas la transplantation. • Le diagnostic repose sur des critères microbiologiques et clinico-radiologiques. • Le traitement nécessite une réduction de l’immunosuppression si possible et une polyantibiothérapie sans certitude de réussite.
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