Système nerveux autonome : une source de biomarqueurs dans la maladie de Parkinson

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Neurologie

Mise au point

Presse Med. 2012; 41: 695–701 ß 2012 Publié par Elsevier Masson SAS.

Système nerveux autonome : une source de biomarqueurs dans la maladie de Parkinson Hélène Pouclet1,2,3, Thibaud Lebouvier1,2,3, Mathurin Flamant1,2,4, Emmanuel Coron1,2,4, Michel Neunlist1,2,4, Pascal Derkinderen1,2,3,4, Tiphaine Rouaud1,2,3

1. 2. 3. 4.

Inserm U913, 44093 Nantes, France University Nantes, 44093 Nantes, France CHU de Nantes, Department of Neurology, 44093 Nantes, France CHU de Nantes, IMAD, 44093 Nantes, France

Correspondance : Tiphaine Rouaud, CHU hôpital Laennec, service de neurologie, boulevard JacquesMonod, 44093 Nantes cedex 1, France. [email protected]

Key points Autonomic nervous system as a source of biomarkers in Parkinson’s disease No validated biomarker is yet available for Parkinson’s disease (PD). Clinical PD symptoms include dopa-responsive motor symptoms and dopa-resistant non motor symptoms. Some of the non motor symptoms begin during the premotor stage, like constipation, hyposmia or REM-sleep disorders. Dementia, gait disorders and dysarthria occur in later stages of the disease. PD pathology extends well beyond the substantia nigra. It affects autonomic and non autonomic nuclei in the brainstem and in the medulla, the olfactory bulb and the peripheral autonomic nervous system. Alpha-synuclein aggregates, called Lewy bodies and Lewy neurites, are detectable in these structures at early stages. The study of the enteric nervous system (ENS) displays the Lewy pathology in living patients through the digestive biopsies. Minor salivary glands analysis could be a good marker as well, but this needs confirmation.

tome 41 > n87–8 > juillet–août 2012 doi: 10.1016/j.lpm.2011.11.018

Points essentiels Il n’existe pas, à l’heure actuelle, de biomarqueur validé de la maladie de Parkinson (MP). Les signes cliniques de la MP comportent des signes moteurs sensibles à la lévodopa et des signes non moteurs doparésistants. Certains signes non moteurs apparaissent au stade prémoteur, comme la constipation, l’hyposmie ou les troubles du comportement en sommeil paradoxal. La démence et les signes axiaux (trouble de la statique, freezing, chutes et dysarthrie) apparaissent à un stade tardif. L’atteinte pathologique n’est pas restreinte à la perte neuronale nigrostriée. Elle concerne aussi des noyaux autonomes et non autonomes du tronc cérébral et de la moelle épinière, le bulbe olfactif et le système nerveux autonome (SNA) périphérique. Des agrégats d’a-synucléine, appelés corps et neurites de Lewy, y sont précocement mis en évidence. L’étude du système nerveux entérique (SNE) permet de mettre en évidence la pathologie de Lewy du vivant des patients parkinsoniens, par le biais des biopsies digestives. Sa mise en évidence au sein des glandes salivaires accessoires pourrait constituer un marqueur intéressant, mais les rares études concernées nécessitent confirmation.

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Disponible sur internet le : 28 janvier 2012

H Pouclet, T Lebouvier, M Flamant, E Coron, M Neunlist, P Derkinderen, T Rouaud

An anatomopathologic PD biomarker would be interesting at different stages of PD: for the positive diagnosis, to follow the progression and to develop neuroprotective treatments.

Un biomarqueur anatomopathologique de la MP analysable à différents stades de la MP permettrait le diagnostic positif, le suivi de la progression de la maladie et contribuerait au développement et à la validation de traitements neuroprotecteurs.

A

dégénérescence corticobasale) et de suivre l’évolution de la maladie (figure 1). Les traitements disponibles tels que lévodopa et agonistes dopaminergiques ont un effet uniquement symptomatique. De récentes études suggèrent qu’un inhibiteur de la monoamine oxydase B (IMAO-B), la rasagiline, ralentirait l’évolution de la MP [4]. Les résultats de ces études ont été largement débattus dans la presse neurologique, en particulier car le critère d’évaluation était clinique [5]. Dans ce contexte, un biomarqueur capable de suivre la progression de la maladie permettrait de confirmer l’effet modificateur de la maladie des IMAO-B, de contribuer au développement de nouvelles thérapeutiques neuroprotectrices et de les initier à un stade très précoce de la maladie. Malgré les progrès de la neuro-imagerie morphologique et fonctionnelle et le développement de techniques innovantes (protéomique, génomique. . .), aucun biomarqueur n’a été complètement validé, à l’heure actuelle, dans la MP [6].

u second rang des maladies neurodégénératives après la maladie d’Alzheimer, la maladie de Parkinson (MP) touche 1 % de la population après 65 ans et 4 % après 85 ans. Son diagnostic est essentiellement clinique, caractérisé par une triade associant akinésie, tremblement de repos et hypertonie plastique, une bonne dopasensibilité et l’exclusion des diagnostics différentiels. Il n’existe pas, à l’heure actuelle, de biomarqueur validé permettant de faire un diagnostic précoce ou d’identifier des populations à risque. Leur développement a été entravé par la conception traditionnelle de la maladie, selon laquelle l’atteinte neuropathologique prédomine au niveau de la substance noire (SN) mésencéphalique, région inaccessible du vivant des patients [1]. De récentes études montrent que les lésions de la maladie sont plus diffuses et qu’elles affectent notamment le système nerveux autonome (SNA), central et périphérique [2,3]. Certaines portions du SNA périphérique sont accessibles aux biopsies, permettant l’analyse des processus neuropathologiques du vivant du patient et le développement de biomarqueurs histopathologiques originaux de la MP.

Intérêts d’un biomarqueur dans la maladie de Parkinson Un biomarqueur est « une caractéristique mesurée objectivement et évaluée comme indicateur de processus physiologique ou pathologique, ou de l’action des médicaments », selon le National Institute of Health. Il s’agit d’un paramètre clinique ou biologique, dont la mesure est précise et reproductible, qui permet de définir un état normal ou pathologique et/ou la réponse à un traitement. Chez les patients parkinsoniens, un biomarqueur permettrait de diagnostiquer précocement la maladie, d’aider au diagnostic différentiel entre MP et autres syndromes parkinsoniens dégénératifs (atrophie multisystématisée, paralysie supranucléaire progressive et

Glossaire

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IMAO-B MP SN SNA SNC SNE

inhibiteur de la mono-amine oxydase B maladie de Parkinson substance noire système nerveux autonome système nerveux central système nerveux entérique

Atteinte dans la maladie de Parkinson ne se limite pas à la substance noire Sur le plan neuropathologique, la MP est classiquement considérée comme une maladie dégénérative des neurones dopaminergiques de la SN, cette perte étant responsable de la bradykinésie et de l’hypertonie. Cette perte neuronale au sein de la SN s’accompagne d’inclusions intracellulaires dans les somas (corps de Lewy) et/ou dans les prolongements (neurites de Lewy) des neurones survivants [7], dont le principal composant est l’a-synucléine [8]. Le rôle précis de cette protéine n’est pas connu. Les travaux de Braak ont montré que les neurones de la SN ne sont pas les seuls ni surtout les premiers touchés par le processus neurodégénératif dans la MP [2,9]. D’autres régions du système nerveux central (SNC) et du système nerveux périphérique sont précocement atteintes par la pathologie de Lewy. La partie basse du tronc cérébral, le bulbe olfactif et les composantes centrale et périphérique du SNA sont affectés par la pathologie de Lewy plus précocement que la SN [2,9]. Ces lésions extranigrales se traduisent par des symptômes non moteurs, précédant les symptômes moteurs caractéristiques de la maladie [10,11]. Les plus fréquents sont les troubles du comportement en sommeil paradoxal, l’hyposmie ou la constipation, qui peuvent survenir dix à 20 ans avant les premiers signes moteurs [11] (figure 1). L’hyposmie serait la conséquence de l’atteinte du bulbe olfactif et de centres olfactifs encéphaliques, tels que l’amygdale et le cortex tome 41 > n87–8 > juillet–août 2012

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Figure 1 Pourquoi développer des biomarqueurs dans la maladie de Parkinson (MP) ? Cette représentation schématique de l’évolution du processus pathologique et des signes cliniques montre que la phase symptomatique motrice de la maladie (fond dégradé gris) n’est pas majoritaire dans le temps. En effet, le processus pathologique commence bien plus tôt, lors de la phase prémotrice (fond blanc), avec l’apparition de la pathologie de Lewy dans des régions extranigrales (zone orange) et de la dégénérescence neuronale dopaminergique nigrostriée (zone rouge). Lorsque la dénervation dopaminergique nigrostriée atteint 70 %, apparaissent les signes cliniques moteurs (ligne continue) répondeurs au traitement symptomatique dopaminergique. À l’inverse, les signes non moteurs (ligne discontinue) sont des symptômes dopa-résistants. Certains sont précoces, comme la constipation, l’hyposmie, les troubles du comportement en sommeil paradoxal, l’anxiété, la dépression. D’autres apparaissent tardivement, ce sont les symptômes les plus invalidants de la maladie : démence, troubles de la statique posturale, dysarthrie. Un biomarqueur validé de la MP aurait des intérêts à plusieurs niveaux de l’évolution : 1 : le diagnostic au stade prémoteur de la MP sera un défi lorsque des stratégies thérapeutiques neuroprotectrices auront vu le jour, permettant de ralentir, voire de stopper le processus pathologique avant l’atteinte de la substance noire ; 2 : lors de l’apparition des premiers signes moteurs (zone verte), un biomarqueur permettrait de confirmer le diagnostic positif de la maladie, en excluant définitivement les diagnostics différentiels ; 3 : au cours de la phase symptomatique motrice, il pourrait servir de marqueur pronostique prédictif de la survenue des signes axiaux (troubles de la statique posturale et dysarthrie) et du déclin cognitif, permettant ainsi l’optimisation du traitement, et pourrait contribuer à valider les effets neuroprotecteurs de nouvelles thérapeutiques à ce stade.

Système nerveux autonome : une nouvelle source de biomarqueurs de la maladie de Parkinson Le SNA contrôle les activités automatiques, respiratoires, cardiovasculaires, cutanées, digestives, urogénitales, pupillaires et salivaires. Il est divisé en trois composantes, le système nerveux sympathique, parasympathique et le SNE. Les systèmes tome 41 > n87–8 > juillet–août 2012

sympathique et parasympathique sont organisés en unités fonctionnelles comportant un neurone préganglionnaire « central » dont le corps cellulaire est situé dans les centres autonomes du SNC et un neurone post-ganglionnaire « périphérique » qui se projette sur l’organe effecteur (muscle lisse ou glande). Le SNE appartient au contingent périphérique du SNA. Il est composé d’un vaste réseau de neurones post-ganglionnaires et assure l’innervation du tractus digestif [12] (figure 2).

Système nerveux autonome sympathique et parasympathique comme source de biomarqueurs de la maladie de Parkinson La pathologie de Lewy a été décrite dans les centres autonomes du tronc cérébral et de la moelle épinière, dans les ganglions

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périrhinal [10]. Les troubles du comportement en sommeil paradoxal résulteraient de l’atteinte du locus subcoeruleus, situé dans la partie inférieure de la protubérance [10]. La constipation serait la conséquence d’une atteinte précoce du noyau dorsal moteur du vague situé dans le bulbe rachidien et/ou du SNA, en particulier du système nerveux entérique (SNE) [10].

H Pouclet, T Lebouvier, M Flamant, E Coron, M Neunlist, P Derkinderen, T Rouaud

incision. La réalisation de biopsies des glandes salivaires accessoires, plus facilement accessibles, pourrait constituer une alternative intéressante pour la détection des prolongements de Lewy tels que le suggère une étude préliminaire de Cersosimo et al., mais ces résultats demandent confirmation [20].

Système nerveux entérique comme source de biomarqueurs de la maladie de Parkinson

Figure 2 Le système nerveux entérique s’organise en deux plexus principaux Le plexus sous-muqueux (de Meissner), situé sous la muscularis mucosae et le plexus myentérique (d’Auerbach), plus profond, situé entre les deux couches de musculeuse, circulaire et longitudinale. Les biopsies coliques réalisées au cours d’une endoscopie permettent l’étude du plexus sous-muqueux.

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sympathiques et dans les neurones post-ganglionnaires de patients parkinsoniens [2,3,13–15]. Certains de ces neurones post-ganglionnaires, dont ceux innervant la peau et les glandes salivaires peuvent être analysés par biopsies et représentent donc une source potentielle de biomarqueurs histopathologiques de la MP [16]. En 2008, une étude autopsique a démontré la présence de corps et de prolongements de Lewy dans la peau de l’avantbras et de la paroi abdominale de dix patients parkinsoniens sur 14 analysés [17]. Une étude pilote portant sur l’analyse de biopsies cutanées thoraciques et crurales de 20 patients parkinsoniens fut publiée l’année suivante. Seuls deux des 20 patients étudiés avaient des lésions cutanées identifiables [18]. Concernant la mise en évidence de pathologie de Lewy dans les glandes salivaires, les deux études autopsiques disponibles ont montré la présence de pathologie de Lewy dans les glandes sous-maxillaires chez la quasi-totalité des sujets examinés [2,19]. Des études complémentaires sur de plus grands effectifs sont nécessaires. La réalisation de biopsies des glandes sous-maxillaires en routine ne serait toutefois pas envisageable du vivant des patients car elles imposent une

Le SNE, ou « troisième composante » du SNA, est un vaste réseau neuronal comportant plus de 100 000 neurones postganglionnaires, situés dans la paroi du tractus digestif, du tiers inférieur de l’oesophage au rectum. Il est organisé en deux plexus, le plexus myentérique, qui contrôle la motricité digestive et le plexus sous-muqueux, qui contrôle principalement les sécrétions digestives [12] (figure 2). Le SNE peut fonctionner indépendamment du SNC, d’où sa qualification de « second cerveau ». Le SNC exerce toutefois une régulation importante sur le SNE par des afférences et efférences sympathiques (issues du ganglion sympathique prévertébral) et parasympathiques (issues du noyau dorsal moteur du vague et du noyau parasympathique sacré). La présence de corps et neurites de Lewy dans le SNE des patients parkinsoniens à partir de pièces autopsiques ou de prélèvements opératoires a été démontrée dès les années 1980 [21,22]. Plus récemment, une étude autopsique exhaustive réalisée par une équipe américaine a montré la présence de corps et de neurites de Lewy dans la quasi-totalité du tube digestif des patients parkinsoniens étudiés [2]. Le plexus sous-muqueux peut être analysé par des biopsies coliques réalisables en routine. Une biopsie standard contient en moyenne 35 ganglions, permettant l’analyse d’environ 150 neurones [23]. Une étude portant sur 29 patients parkinsoniens, ayant chacun subi une colonoscopie avec prélèvement de quatre biopsies coliques, a révélé la présence de neurites de Lewy chez 21 d’entre eux. Les dix témoins étaient tous indemnes de la pathologie de Lewy. La charge lésionnelle des biopsies était corrélée à la sévérité de l’atteinte clinique : les patients ayant une charge lésionnelle importante étaient ceux ayant le plus de signes axiaux (instabilité posturale, dysarthrie notamment) et la moins bonne réponse à la lévodopa [24]. Ces signes axiaux traduisent habituellement la sévérité de la maladie [25]. Nous proposons donc que l’analyse du SNE par biopsies coliques soit un biomarqueur de sévérité de la MP.

Hypothèse de Braak Ces résultats s’inscrivent dans une nouvelle théorie, formulée par Braak, selon laquelle le processus pathologique ne débute pas au niveau de la SN. Il suggère un début de l’atteinte dans le SNA périphérique, touchant d’abord les neurones post-ganglionnaires entériques, puis se propageant de façon tome 41 > n87–8 > juillet–août 2012

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rétrograde et centripète vers le système nerveux central par le biais des efférences vagales [9]. Il a proposé une progression des lésions en six stades, basée sur la distribution temporospatiale des lésions [14] et émis l’hypothèse qu’un agent de l’environnement (type virus), qui pénètrerait dans l’organisme par voie olfactive ou digestive, pourrait déclencher l’agrégation de l’a-synucléine. Cette agrégation se propagerait ensuite selon une dissémination « prion-like » entre des structures nerveuses prédisposées et surtout interconnectées [3,9]. Cependant, cette hypothèse, source de débats, n’est pas encore un modèle validé par tous les spécialistes de la MP.

Perspectives pour l’utilisation du système nerveux autonome comme source de biomarqueurs de la maladie de Parkinson Quel site choisir ? Le SNE a par rapport aux autres sites biopsiables des avantages pour la mise au point de biomarqueurs de la MP : contrairement aux biopsies de peau et de glandes salivaires qui ne permettent que l’analyse des prolongements neuronaux, les biopsies digestives permettent l’étude d’un système nerveux intégré avec une analyse quantitative et qualitative des neurones

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Figure 3 Neurites de Lewy visualisés dans les plexus sous-muqueux du côlon gauche (A, B) et du rectum (C, D) de deux patients parkinsoniens

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Les marquages par l’anticorps anti-a-synucléine phosphorylée, marqueur des formes pathologiques de l’a-synucléine et l’anticorps anti-neurofilament 200 (NF), marqueur neuronal, montrent que les inclusions d’a-synucléine sont également immunoréactives pour NF. Cela confirme qu’il s’agit bien de structures neuronales. Le marquage somatique par l’anticorps anti-a-synucléine phosphorylée (astérisque en C, D) est également présent chez les témoins et n’est pas spécifique de la MP. Échelle : 50 mm.

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entériques [23]. De plus, l’analyse du SNE par biopsies coliques permet de détecter des neurites de Lewy avec une sensibilité proche de 75 % en utilisant quatre biopsies [24]. Cette sensibilité pourrait être améliorée par l’augmentation du nombre de biopsies coliques analysées ou par la réalisation de biopsies de tube digestif haut. En effet, la densité de la pathologie de Lewy dans le tube digestif des patients parkinsoniens est distribuée selon un gradient rostrocaudal, avec une charge lésionnelle importante dans le bas oesophage et l’estomac, plus faible dans le côlon et le rectum [2,26]. Les conditions de réalisation et d’analyse des biopsies digestives devront toutefois être améliorées pour être applicables à des études à plus grande échelle. Les biopsies digestives analysées par notre équipe ont jusqu’à présent été obtenues au cours d’une coloscopie. Cette procédure peut se compliquer de perforation dans un cas sur 1000 [27] et nécessite une préparation et une anesthésie générale. La réalisation de biopsies rectales ou du côlon gauche au cours d’une simple rectosigmoïdoscopie, examen ne nécessitant, ni préparation, ni anesthésie, pourrait être une alternative. Nos résultats montrent toutefois que la sensibilité des biopsies rectales pour détecter la pathologie de Lewy est inférieure à 25 % et celle des biopsies de côlon gauche est de 42 % (figure 3) [28]. L’analyse de biopsies du côlon gauche pourrait constituer un bon « compromis », sous réserve d’en augmenter la sensibilité par la réalisation et l’analyse d’un plus grand nombre de biopsies. Enfin, notre technique d’analyse des biopsies nécessite une dissection et une fixation immédiates après l’endoscopie, par un personnel formé à cette technique [23]. Une technique d’analyse des biopsies après leur congélation permettrait la mise en oeuvre d’études multicentriques, en facilitant les procédures de conservation et de transport des prélèvements. L’analyse du SNE par électrophorèse bidimensionnelle, une technique efficace pour la détection des formes pathologiques d’a-synucléine du SNC, permettrait de répondre à ces exigences [29].

moteurs. La mise en évidence de pathologie de Lewy au sein de biopsies coliques permettrait de le confirmer à un stade précoce, notamment pour les formes atypiques et d’exclure les diagnostics différentiels dont l’atrophie multisystématisée et la paralysie supranucléaire progressive. Les données anatomiques disponibles suggèrent en effet que le SNE est épargné par le processus pathologique dans ces deux dernières affections [30]. L’importance de la charge lésionnelle détectée au sein du SNE est corrélée à celle de la maladie, notamment à la présence de signes axiaux (figure 1). La possibilité de quantifier cette charge lésionnelle par la réalisation itérative de biopsies coliques contribuerait à confirmer ou infirmer le rôle potentiellement neuroprotecteur de nouvelles thérapeutiques. L’atteinte du SNE dans la MP précède l’apparition des signes moteurs [9]. Son analyse par biopsies coliques permettrait de diagnostiquer la maladie à un stade prémoteur. Lorsqu’un traitement neuroprotecteur aura fait la preuve de son efficacité, l’identification précoce des patients permettra de l’initier dès la confirmation diagnostique, afin d’espérer retarder la survenue des signes moteurs et du handicap [11]. Mais pour le moment, les conséquences de la mise en évidence de la pathologie de Lewy dans le SNE restent du domaine de la recherche.

Conclusion

Implications directes du recours aux biopsies coliques en tant que biomarqueur dans la maladie de Parkinson

La mise en exergue d’une atteinte multisystémique (et non restreinte à la SN) au cours de la MP, notamment des systèmes nerveux autonomes, ouvre de nouvelles perspectives quant au développement de biomarqueurs originaux de la maladie. Valider un biomarqueur de la MP est un défi, en raison de ses répercussions cliniques et thérapeutiques. Le SNA et plus précisément le SNE, accessibles par la réalisation de biopsies digestives, pourraient constituer une source de tels biomarqueurs. La mise en évidence de la pathologie de Lewy au sein du SNE de patients parkinsoniens à un stade très précoce suggère en effet qu’il pourrait s’agir d’une véritable fenêtre sur le processus dégénératif affectant le système nerveux central, accessible du vivant du patient.

À l’heure actuelle, le diagnostic de MP est exclusivement clinique. Il est fait tardivement, au stade d’apparition des signes

Déclaration d’intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.

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