H, trouble de l’enfance ou de l’âge adulte ?

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G Model

ARTICLE IN PRESS

ENCEP-1174; No. of Pages 6

L’Encéphale xxx (2019) xxx–xxx

Disponible en ligne sur

ScienceDirect www.sciencedirect.com

Revue de la littérature

TDA/H, trouble de l’enfance ou de l’âge adulte ? Can ADHD have an adulthood onset? C. Ilario a , A. Alt a , M. Bader b , O. Sentissi a,∗ a b

Cappi Jonction, Department of Mental Health and Psychiatry, University Hospital of Geneva, 35, rue des Bains, 1205 Genève, Suisse Unité de recherche, service universitaire de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent, avenue d’Echallens 9, 1004 Lausanne, Suisse

i n f o

a r t i c l e

Historique de l’article : Rec¸u le 15 juin 2018 Accepté le 6 mai 2019 Disponible sur Internet le xxx Mots clés : TDA/H Adulte Attention Hyperactivité Impulsivité

r é s u m é Le TDA/H est un trouble neuro-développemental de l’enfant persistant à l’âge adulte. Des articles récents suggèrent cependant la possibilité d’une forme de TDA/H apparaissant de Novo à l’âge adulte. L’objectif de cet article de synthèse est de faire le point sur les études concernant ces tableaux cliniques pour déterminer s’ils s’inscrivent dans un continuum ou s’il s’agit de deux entités cliniques distinctes. Nous avons effectué une brève revue de la plus récente littérature scientifique et inclus des études de cohorte de suivi longitudinal. Nous en concluons que le TDA/H de l’adulte est encore considéré une continuité du TDA/H de l’enfance, mais la possibilité qu’il puisse être reconnu comme un trouble d’apparition tardive reste un sujet d’actualité. ´ © 2019 L’Encephale, Paris.

a b s t r a c t Keywords: AHDH Adult Attention Hyperactivity Impulsiveness

ADHD is the most common psychiatric disorder of childhood. It is considered to be a neurodevelopmental disorder that may persist from chilhood into adulthood. In childood it is associated with several outcomes such as inattention, hyperactivity and impulsivity. Symptoms may change as a person gets older with an increased risk of developing psychiatric comorbidities such as depression, anxiety and substance addiction. However, recent studies diverge from the traditional perspective. These authors hypothesized that ADHD may appear in adulthood, not as a continuation of child ADHD, but some limitations have to be considered. Firstly, ADHD often goes unrecognized throughout childhood. Secondly, families may help the children to develop compensation strategies and adaptative behaviors. The purpose of this report is to better investigate these different and innovative clinical results and understand if adult ADHD could really be considered as a distinct, different pathology, as a late-onset disorder. We conducted a brief review of literature and included the most recent scientific longitudinal follow-up cohort studies. We conclude that, while adult ADHD is still considered a continuation from childhood, many questions of late-onset ADHD remain and further research is necessary to better understand and explain the etiology, the development, the clinical impact, and the psychotherapeutic and pharmacologic treatment of this late-onset disorder. ´ Paris. © 2019 L’Encephale,

1. Introduction Le TDA/H (Trouble du Déficit de l’Attention avec ou sans Hyperactivité) est une pathologie psychiatrique chronique, longtemps considérée comme appartenant exclusivement au champ de la

∗ Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (O. Sentissi).

pédopsychiatrie, et caractérisée par la triade symptomatique de déficit de l’attention, d’hyperactivité et d’impulsivité motrice. Il existe aussi un sous-type de TDA/H sans hyperactivité, le syndrome Sluggish Cognitive Tempo (SCT). Il se caractérise par la somnolence, la léthargie, et le ralentissement de la pensée et du comportement ; de plus, l’impulsivité est moins marquée [1,2]. Le TDA/H a été décrit pour la première fois en 1887 par l’aliéniste franc¸ais de Bourneville [3] et en 1902 par le pédiatre anglais Still [4]. Il s’agirait du trouble psychiatrique de l’enfance le plus

https://doi.org/10.1016/j.encep.2019.05.004 ´ 0013-7006/© 2019 L’Encephale, Paris.

Pour citer cet article : Ilario C, et https://doi.org/10.1016/j.encep.2019.05.004

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commun [5] et il persisterait jusqu’à l’âge adulte chez 70 % des patients [6]. Les principaux facteurs prédictifs de l’évolution du TDA/H de l’enfant vers la forme de l’adulte sont la sévérité des symptômes, la présence de comorbidités psychiatriques, des antécédents familiaux de TDA/H ou d’autres troubles psychiatriques, notamment la dépression [7]. Les symptômes peuvent aussi surgir ex nihilo chez l’adolescent et l’adulte, selon des publications récentes qui soulèvent des débats sur l’existence clinique de l’apparition du TDA/H après l’enfance [8,10]. L’existence du TDA/H à l’âge adulte a suscité des débats pendant plusieurs décennies jusqu’à sa confirmation par des études de prévalence [11,12] et par de nombreuses études récentes. L’association « The European Network Adult ADHD » regroupant des experts européens a été constituée en 2003 afin d’attirer l’attention de la communauté scientifique sur ce sujet et de participer à la recherche de critères diagnostiques et de traitements plus appropriés pour des patients adultes [13]. En raison d’un manque de consensus, les critères diagnostiques de TDA/H proposés par le DMS-5 (Diagnostic and Statistical Manuel of Mental Disorders) [14] restent similaires à ceux figurant dans la précédente version du DSM-IV [15] avec néanmoins un âge limite d’apparition fixée à 12 ans au lieu de 7 ans, ce qui augmente la prévalence de manière non négligeable [16] et suscite des controverses [8–10,17]. En raison du débat suscité par certains auteurs qui émettent l’hypothèse d’un début du trouble à l’âge adulte [18–20], nous proposons de faire le point sur cette thématique qui soulève les questions de l’évolution catégorielle et dimensionnelle du TDA/H et des critères diagnostiques à travers les cycles de la vie à l’aide d’une revue de la littérature pour présenter et discuter les différences cliniques entre le TDA/H de l’enfance et celui de l’âge adulte.

(différentes sources d’information dont des auto et hétéro évaluations) et en suggérant que ces cas cliniques pourraient représenter des sujets qui n’ont pas été identifiés durant l’enfance (identification tardive plutôt qu’apparition tardive). Cette conclusion semble être prématurée en raison d’artefacts méthodologiques de ces recherches, comme la fiabilité des instruments diagnostiques du TDA/H utilisés, les difficultés de détecter les symptômes apparaissant entre les évaluations, les risques de faux positifs, les auto-évaluations rétrospectives des sujets adultes sur leurs fonctionnements durant l’enfance et l’inaptitude à identifier d’autres troubles entraînant des symptômes similaires (p.ex. abus de substances, autres problèmes de santé). Cependant, les réflexions suscitées par l’hypothèse de l’apparition d’un TDAH uniquement à l’âge adulte chez certains patients interrogent la pratique clinique, la validité des critères diagnostiques actuels ainsi que le rôle des processus développementaux et des étapes du cours de la vie. Un autre point important concerne l’approche dimensionnelle des symptômes par rapport aux critères catégoriels qui pourrait mieux investiguer les degrés de difficultés auxquels sont confrontés les patients ayant un TDA/H durant l’enfance, l’adolescence et l’âge adulte [9,23]. Des nouvelles études sont nécessaires pour vérifier la pertinence de notre compréhension actuelle du TDA/H qui pourrait être une construction regroupant des entités cliniques distinctes, des prises en charge spécifiques nécessitant alors d’être développées pour chacune d’entre elles. Dans ce contexte et pour mieux comprendre les différents enjeux de cette hypothèse, nous allons discuter les points les plus significatifs amenés par les auteurs qui ont proposé cette hypothèse. 3.1. Étiologie

2. Méthode Nous avons effectué une brève revue de la littérature scientifique anglophone dans les moteurs de recherche PUBMED, MEDLINE, et GOOGLE SCHOLAR en utilisant les mots-clés suivants : ADHD, Adult, Inattention, Hyperactivity, Impulsivity. La période de temps couverte par notre recherche a été du 2000 à avril 2018 Nous avons retrouvé sept références parues depuis 2013 qui discutent de l’hypothèse d’une apparition d’un TDA/H exclusivement à l’âge adulte [8,9,18–22]. Nous avons choisi de prendre en compte des études de cohorte avec un suivi longitudinal de patients qui ont présenté ce trouble dans l’enfance et de les comparer avec des articles qui évaluent une population adulte répondant aux critères diagnostiques du TDA/H afin de discuter l’évolution de ce trouble.

L’étiologie du TDA/H n’est pas connue, mais des facteurs environnementaux (niveau socio-économique des parents, adoption, traumas pendant l’enfance) et biologiques (facteurs prénataux, héritabilités génétiques, mutations de Novo, facteurs cérébraux et neuropsychologiques, comorbités) peuvent être impliqués dans son développement [24]. Les facteurs biologiques aussi pourraient constituer des biomarqueurs et aider à un diagnostic et une prise en charge plus précoce [25,26]. Le TDA/H de l’enfant est caractérisé par une héritabilité génétique familiale, en partie réglée par des polymorphismes nucléotidiques, par une variabilité du nombre des copies d’un gène, par des altérations dans les voies de production des neurotransmetteurs et par différents types de marques épigénétiques. Concernant le TDA/H de l’adulte, aucune prédisposition génétique n’a encore été trouvée à ce jour [27].

3. Résultats et synthèse

3.2. Caractéristiques épidémiologiques

Trois études longitudinales récentes [18,19,21] observent la présence d’un groupe d’adultes ayant un TDAH qui serait apparu à l’âge adulte avec une incidence de 10,3 % [19], 5,5 % [21], 2,7 % [18], supérieure à celle de TDA/H de l’adulte comme forme évolutive de l’enfance, qui s’élève à 1,5 % [19], 2,6 % [21] et 0,3 % [18]. Ces études avancent l’hypothèse que certains patients ayant un TDAH à l’âge d’adulte n’ont pas présenté un trouble neurodéveloppemental durant l’enfance. Ces auteurs ont avancé les conclusions suivantes : « le TDA/H de l’adulte est plus complexe qu’une simple continuité d’un désordre de l’enfance » [18] ; « le TDA/H de l’enfant et celui de l’adulte sont deux syndromes différents » [19] ; « le TDA/H de l’adulte n’est pas une pathologie neurodéveloppemental » [21]. Ces articles ont suscité des réactions critiques de plusieurs auteurs faisant autorité dans ce domaine de recherche [8–10,17]. Ces experts s’interrogent sur l’existence de cette nouvelle entité clinique en émettant des critiques sur les méthodologies de ces études

Deux des principales études longitudinales des vingt dernières années à ce propos sont celles des équipes de Biederman [28] et Faraone [5]. À partir d’un groupe d’enfants et d’adolescents atteints de TDA/H, ils ont examiné l’évolution et la rémission de la pathologie après un suivi de quatre ans en utilisant des différentes définitions de rémission. Ils ont constaté que, même si les symptômes résiduels ne permettaient plus de poser le diagnostic de TDA/H à l’âge adulte, la rémission fonctionnelle n’était pas complète. Des résultats similaires ont été rapportés par l’équipe de Faraone [5] qui, à travers une étude de méta-analyse, ont évalué séparément la persistance syndromatique (sujets répondant aux critères complets) et symptomatique (sujets répondant à des critères sub-seuils) du TDA/H d’après la littérature. Ils ont constaté que, même si le taux de persistance syndromatique était assez faible (15 % à 25 ans), le taux de persistance symptomatique était beaucoup plus élevé (65 %). Ces résultats ont confirmé l’idée que les

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estimations de la persistance du TDAH dépendent fortement de la fac¸on dont on définit la persistance. De plus, une autre étude [29] souligne aussi le fait que, le screening du TDA/H n’étant pas systématique chez l’adulte, les psychiatres ont tendance à sous-estimer et sous-diagnostiquer cette pathologie lorsqu’elle dépasse le seuil du diagnostic clinique. Ces analyses considèrent donc le TDA/H comme une pathologie de l’enfance qui diminue avec l’âge, ce qui justifie le besoin d’études supplémentaires sur ce problème. Nous avons analysé plusieurs études longitudinales avec une population totale de 9513 individus avec un TDA/H depuis l’enfance, issus d’études de cohorte d’origines géographiques différentes, comme montré dans le Tableau 1. Cinq pour cent à 21,9 % des patients adultes répondaient à tous les critères diagnostiques de TDA/H [18,21], dont 95 % présentaient des symptômes marqués avec des difficultés académiques et relationnelles, des comorbidités psychiatriques tels que des troubles anxieux, du comportement ou addiction au cannabis et autres toxiques, ainsi que des troubles neuro-cognitifs avec un QI légèrement inférieur à la moyenne [21]. Une des études longitudinales a suivi 1307 individus (avec et sans TDA/H) de la naissance jusqu’à l’âge de 38 ans, dont 95 % ont achevé leurs études [18]. L’incidence du TDA/H de l’enfant et de l’adulte y était conforme aux estimations de la littérature (respectivement 6 % et 3,1 %). De fac¸on inattendue, les groupes TDA/H de l’enfant et de l’adulte comprenaient des ensembles pratiquement sans superposition ; 90 % des cas de TDA/H de l’adulte n’avaient pas d’antécédents de TDA/H de l’enfant. De même, le groupe TDA/H de l’adulte n’a pas montré de risque polygénique pour le TDA/H de l’enfant. Toutefois, cet écart peut être en partie dû aux limites de l’étude considérée (faux positifs, autres pathologies telles que troubles de la personnalité et addiction qui peuvent être la première cause d’inattention) et aux différences inévitables entre des échantillons représentatifs de la communauté et les échantillons cliniquement vérifiés. L’équipe de Caye a mis en évidence l’absence de symptômes de TDA/H de l’enfant chez 87,4 % de jeunes adultes pour lesquels le TDA/H avait été diagnostiqué à 18 ans [19]. La prévalence du TDA/H à l’âge adulte dans cette population est de 12,2 %, ce qui est plus élevé que les données issues des principales méta-analyses de référence (entre 2,5 et 5 %). Cet écart entre les deux études

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précédemment citées peut être en partie expliqué par les différences d’âge entre les deux populations, la prévalence du TDA/H ayant tendance à diminuer avec l’âge [30]. En outre, le TDA/H des jeunes adultes (18–19 ans) pourrait être un diagnostic tardif d’un TDA/H de l’enfance ne remplissant pas au départ tous les critères diagnostiques [19] du DSM-5. Il est aussi possible que les critères du DSM-5 ne soient pas suffisamment sensibles pour décrire un trouble dont l’expression clinique pourrait varier en fonction de l’âge d’observation [18,19]. Une étude récente utilisant la cohorte de la MTA Study s’est intéressée aux données de 239 patients ayant un TDA/H et de 239 sujets contrôles concernant les évaluations entre les âges de 10 ans et 25 ans [31]. Les analyses rigoureuses des sujets ont débouché sur l’exclusion d’environ 95 % des sujets présentant un diagnostic de TDA/H d’apparition tardive à l’âge adulte, le plus souvent en raison de la consommation abusive de substances psycho-actives. Par ailleurs, la majorité des nouveaux diagnostics de TDA/H a lieu durant l’adolescence. Les sujets ayant une apparition à l’âge adulte d’un TDA/H avaient déjà plusieurs problèmes psychiatriques précédemment qui rendent difficile la distinction entre le TDA/H et leurs comorbidités. 3.3. Sex-ratio Depuis plusieurs décades, un certain nombre d’études ont permis une clarification des différences retrouvées pour le sex ratio entre les populations d’enfants et d’adultes. Actuellement, le TDA/H de l’enfant est considéré comme un trouble à prédominance masculine, avec un sex-ratio entre 2:1 et 9:1. Le TDA/H de l’adulte présente un sex ratio de 1 [18]. Pour comprendre cette différence, il faut considérer que les symptômes psychiatriques nécessaires au diagnostic sont, dans l’enfance, mis en évidence plus souvent chez les garc¸ons que chez les filles [1,5]. Ainsi, les comportements cliniquement significatifs d’hyperactivité seraient repérés pendant l’enfance alors que les déficits attentionnels, accompagnés ou non d’hyperactivité, seraient identifiés plus tardivement en étant en particulier rapportés par les patients adultes dans les auto-questionnaires [18].

Tableau 1 Caractéristiques socio-démographiques et diagnostiques des études ayant mis en avant l’hypothèse d’un diagnostic TAD/H adulte inaugural.

Méthode Critères diagnostiques Pays Durée de l’étude Nombre de patients ge d’apparition

Persistance des critères diagnostics à l’âge adulte Échelles

Moffit et al. 2015 étude longitudinale prospective DSM 5 Nouvelle Zélande 1972–2010 (38 ans) 1037 11, 13, 15 ans (TDA/H de l’enfant) ; 38 ans (TDA/H de l’adulte), dont le 5 % évolutif depuis l’enfance 21,90 %

Caye et al. 2016 étude longitudinale prospective DSM 5 Brésil 1993–2011 (18 ans) 5249 11 ans (TDA/H de l’enfant) ; 18–19 ans (TDA/H de l’adulte), dont 12,6 % évolutif depuis l’enfance 12,20 %

Agnew–Blais et al. 2016 étude longitudinale prospective DSM-IV Angleterre 1994–2012 (18 ans) 2232 7, 10, 12 ans (TDA/H de l’enfant) 18 ans (TDA/H de l’adulte), dont le 21,9 % évolutif depuis l’enfance 21,10 %

Auto- et hétéro-évaluations

auto et hétéro évaluations

Symptômes

Hyperactivité, inattention, impulsivité (TDA/H de l’enfant) ; inattention, difficultés d’adaptation, impulsivité (TDA/H de l’adulte)

Strenghts and Difficulties Questionnaire (SDQ), auto et hétéro évaluations Agressivité, hyperactivité, impulsivité, inattention (TDA/H de l’enfant) ; inattention, hyperactivité, impulsivité (TDA/H de l’adulte)

QI Comorbidités psychiatriques

93,03 (enfants) ; 96,91 (adultes) Dépression, anxiété (TDA/H de l’enfant) ; dépendance à l’alcool et au cannabis, TCA, anxiété, dépression (TDA/H de l’adulte)

97,17 (enfants) ; 97,68 (adultes) Phobie scolaire, anxiété, dépression (TDA/H de l’enfant) Toxiques, risque suicidaire élevé, MST, dépression, anxiété (TDA/H de l’adulte)

Hyperactivité, impulsivité, inattention, difficultés relationnelles (TDA/H de l’enfant) Hyperactivité, inattention, impulsivité, troubles de la concentration (TDA/H de l’adulte) 90,4 (enfants) ; 96,0 (adultes) performance scolaire perturbée, troubles de l’attachement, retraite sociale, anxiété, dépression (TDA/H de l’enfant) Trouble des conduites, dépression, anxiété, consommation de toxiques (TDA/H de l’adulte)

TDA/H : trouble du deficit d’attention avec ou sans hyperactivité ; DSM : Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders ; SDQ : Strenghts and Difficulties Questionnaire ; TCA : troubles du comportement alimentaire.

Pour citer cet article : Ilario C, et https://doi.org/10.1016/j.encep.2019.05.004

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3.4. Comorbidités spécifiques Les comorbidités psychiatriques au TDA/H sont très fréquentes et sont estimées à 59 % des cas (33,1 % des cas avec une symptomatologie sévère invalidante), dont la plus fréquente est la dépression (92,9 %) [32]. Les patients TDA/H ont un ressenti majoré d’expériences négatives (via une baisse de l’estime de soi, un ostracisme et un isolement social actif) et un risque significatif de troubles de l’humeur [33]. Chez les patients ayant un TDA/H, le trouble bipolaire I s’avère être plus fréquent que le trouble bipolaire II [34] et la comordibité accélère l’apparition précoce du trouble bipolaire [35]. Les symptômes de la phase maniaque ou hypomane peuvent se superposer avec ceux du TDA/H (agitation, loquacité, distractibilité) [36]. Les traits plus distinctifs du trouble bipolaire, c’est-à-dire l’existence de phases dépressives ainsi que l’évolution épisodique des symptômes, peuvent aider à élucider un diagnostic différentiel. Les troubles anxieux sont la deuxième comorbidité la plus fréquente, avec incidence similaire dans les deux sexes [37]. Ils apparaissent dans l’enfance comme une anxiété de performance et persistent jusqu’à l’âge adulte [38]. Concernant les troubles de la personnalité, qui apparaissent à l’âge adulte, les hommes ont tendance à développer un trouble de la personnalité antisocial ainsi que des addictions aux substances, tandis que les femmes développeraient plutôt un trouble de la personnalité borderline [39]. Le TDA/H et les troubles de la personnalité associés sont liés à un majeur risque de problèmes légaux et d’incarcération. En effet, en comparaison avec la population générale, la prévalence du TDAH est cinq fois plus élevée dans les populations carcérales de jeunes (30,1 %) et dix fois plus élevée dans les populations carcérales adultes (26,2 %), sans différences significatives entre les sexes [40]. L’espérance de vie de cette population est réduite, compte tenu d’un risque accru de passage à l’acte suicidaire. Le décès par suicide chez les sujets ayant un TDA/H de l’enfant et de l’adulte est plus élevé que celle de la population générale [41]. Pour le TDA/H de l’enfant, le risque de passage à l’acte suicidaire est du 8,6 % (hommes) et 4,7 % (femmes), avec apparition d’idées suicidaires dans le 18 % (hommes) et 11 % (femmes) des cas. Chez les adultes souffrant d’un TDA/H, le risque suicidaire est du 16 %, plus élevé que chez l’enfant (1/3 des cas) en raison des fréquentes comorbidités psychiatriques. Uneconstatation inattendue concerne les perturbations cognitives. Les difficultés neuropsychologiques (troubles de l’attention, du langage, de la concentration et de la mémoire) présentes chez les patients avec un TDA/H persistant depuis l’enfance, ont tendance à persister à l’âge adulte. Il est important de relever que, sur le plan cognitif, il n’y a pas de différences significatives entre des adultes sains et des patients souffrant d’un TDA/H de l’adulte [18]. 3.5. Spécificité du diagnostic Le diagnostic de TDA/H est souvent plus aisé chez l’enfant : les difficultés à gérer les comportements hyperactifs et impulsifs, les émotions, le manque de concentration sont des symptômes relevés dans le milieu scolaire ou familial et ceux-ci conduisent les parents à consulter des professionnels [16]. Par contre, pendant l’adolescence et encore plus en âge adulte, ces symptômes peuvent être sous-évalués. Chez l’adolescent, les parents peuvent attribuer ces symptômes à des comportements propres à la période de l’adolescence. Chez l’adulte, le diagnostic devient encore plus subtil car les jeunes adultes ne sont plus sous la surveillance directe de leurs professeurs ou leurs parents [16]. Par conséquent, les symptômes comme l’oubli de rendez-vous, le manque de concentration ou les comportements parfois inappropriés avec collègues et amis, peuvent être souvent cachés, banalisés ou atténués par des stratégies de compensation, occultant ainsi la gravité et la

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fréquence de l’impact de ces mêmes symptômes [42]. Ces manifestations ont cependant un impact conséquent sur la qualité de vie et peuvent entraîner des comorbidités psychiatriques [43]. Par ailleurs, le diagnostic de TDA/H de l’adulte est principalement basé sur des auto-évaluations, sans prendre suffisamment en compte les informations rapportées par l’entourage familial et professionnel, ce qui est pourtant nécessaire pour établir un diagnostic de TDA/H de l’enfance, qui est donc plus aisé [9]. L’auto-évaluation est liée à la perception personnelle des symptômes, évalués par le patient même, avec un risque majeur de faux positifs. S’il est plus difficile de reconnaître les symptômes de TDA/H de l’adulte, quand ils sont rapportés ils peuvent être cependant surestimés. 3.6. Enjeux Les patients avec un diagnostic de TDA/H de l’enfance mais sans prise en charge efficace ont un risque accru de décrochage scolaire avec un niveau de scolarité inférieur à la moyenne. Cela est en rapport soit avec les difficultés d’apprentissage et relationnels avec leurs pairs, soit avec une tendance majeure à prendre des décisions impulsives, notamment sur l’arrêt des études ; aucune différence significative entre les deux sexes a été retrouvée [43]. La persistance des symptômes à l’âge adulte est associée à un risque accru d’autres comorbidités psychiatriques et constitue un facteur prédictif majeur de l’incapacité de travail à long terme [44]. Le TDA/H de l’adulte entraîne des répercussions économiques lourdes en termes de coûts directs, c’est-à-dire la prise en charge thérapeutique et pharmacologique, mais aussi par des coûts indirects : la baisse de productivité au travail, le taux d’absentéisme élevé ou le risque majeur de comportements délictueux et d’incarcération [43]. 3.7. Traitements Le traitement du TDA/H est multimodal. La psychoéducation doit être la première étape de la prise en charge. Ceci permet une meilleure conscience morbide du trouble et, par conséquent, une amélioration de la qualité de vie des patients et de leur entourage [45]. Sur le plan pharmacologique, les psychostimulants dérivés d’amphétamine sont les médicaments les plus utilisés et les plus efficaces pour le traitement du TDA/H [46,47]. Le méthylphénidate et la déxamphetamine sont recommandés en première intention dans le traitement médicamenteux du TDA/H. Leur efficacité a été confirmée par des méta-analyses contrôlées randomisées (RTCs) [48,49]. Les effets thérapeutiques du méthylphénidate sont cliniquement significatifs à partir d’une dose moyenne de 77,4 mg/j. À cause de sa brève durée d’action (4 heures), les préparations en libération prolongée sont les plus utilisées (durée d’action 6–12 heures) [50]. Concernant la déxamphetamine, la posologie quotidienne recommandée est de 5–60 mg/j [51]. L’efficacité et le profil de sécurité sont superposables à ceux du méthylphénidate [52]. L’agence européenne du médicament a limité l’utilisation de méthylphénidate et de déxamphetamine aux enfants à partir de six ans et aux adolescents [41]. Pour les adultes, il n’y a pas encore de consensus sur son utilisation [53]. En effet, si la possibilité d’un détournement d’usage par des patients toxicomanes souffrant de TDA/H a longtemps été un frein à sa prescription, il semblerait que le methylphénidate réduit plutôt les comorbidités addictologiques chez ce type de patients en traitant de manière efficace leur TDA/H [53]. Une deuxième possibilité de traitement est l’atomoxétine, une molécule non psycho-stimulante qui est aussi un inhibiteur sélectif du transporteur présynaptique de la noradrénaline avec également un effet sur la dopamine dans le cortex préfrontal [54,55]. L’atomoxétine permet d’améliorer significativement les

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symptômes d’inattention et l’hyperactivité chez les adultes ayant un TDA/H par rapport au placebo [54], mais son efficacité est inférieure à celle des traitements de première intention dans la réduction des symptômes du TDA/H [49]. Les premiers effets du traitement apparaissent après 1–2 semaine de son introduction à dose efficace, mais il faut jusqu’à 6 mois pour avoir une stabilisation clinique [54]. L’atomoxétine ne comporte pas de risque de détournements d’usage et a aussi une capacité de réduire la consommation d’alcool (de 26 %) par rapport au placebo chez les patients ayant une comorbidité d’addiction à l’alcool [55]. Par ailleurs, cette molécule est peu utilisée comme traitement de première intention du TDA/H adulte en raison de son efficacité jugée comme modérée et du délai action retardé [47]. Les principaux effets secondaires sont l’hypertension artérielle et la tachycardie [56] et également asthénie, nausées, perte de l’appétit et dysfonction érectile [57]. Malgré l’efficacité des traitements médicamenteux, certains patients continuent à présenter des symptômes invalidants du TAD/H. Pour cette raison, les psychothérapies ont une place importante dans le traitement du TDA/H. Pour le TDA/H de l’enfant, la psycho-information des parents, la thérapie cognitivocomportementale et la psychothérapie systémique sont également préconisés, ainsi que l’entraînement comportemental des habiletés sociales [58]. Pour les adultes, la psychothérapie la plus efficace s’avère être la thérapie cognitivo-comportamentale [58]. Les thérapies psychologiques permettent une amélioration clinique majeure et plus rapide quand elles sont combinées avec le traitement médicamenteux, par rapport aux seuls traitements psychothérapeutiques [59]. Les approches neurocognitives, comme le neurofeedback et la remédiation cognitive sur ordinateur, semblent être intéressantes mais elles doivent être validées par de nouvelles études avec une méthodologie plus robuste permettant de mieux en identifier les processus neuro-cognitifs, ainsi que la spécificité de leurs impacts sur les symptômes du TDA/H et la durée de leurs effets [60].

4. Conclusion Malgré le nombre restreint de preuves scientifiques à notre disposition, à ce stade il semblerait que le TDA/H soit un trouble évolutif survenant pendant l’enfance. Concernant ces patients pour lesquels un diagnostic de TDA/H a été établi uniquement à l’âge adulte, le trouble pourrait avoir été masqué pendant l’enfance grâce à des facteurs protecteurs, comme l’environnement familial, ou en raison de comorbidités psychiatriques avec symptômes similaires. La reconstruction anamnéstique des symptômes présents pendant l’enfance expose les patients adultes et leurs proches à des biais de remémoration qui doivent être pris en considération dans le dépistage du TDA/H. Le diagnostic de TDA/H à l’âge adulte est souvent posé chez de jeunes adultes, ce qui pourrait être très souvent un diagnostic tardif d’une pathologie déjà présente pendant l’enfance et dont l’intensité des troubles n’aurait pas été suffisante pour être cliniquement significative dans le cadre des critères diagnostiques catégoriels actuels. Les cliniciens doivent investiguer de manière rigoureuse les symptômes et les difficultés des patients depuis leur enfance jusqu’à l’âge adulte ainsi que les troubles associés et les consommations de substances psycho-actives. Il est également important que de nouvelles recherches longitudinales évaluent les caractéristiques cliniques du TDA/H et des troubles associés pour préciser les facteurs de risque et les profils évolutifs ainsi que les effets des prises en charge multimodales. Ces informations pourraient être utiles pour les critères diagnostiques en tenant compte des étapes de la vie et déboucher sur des recommandations prenant en compte les caractéristiques du TDA/H et les singularités des situations. Ces

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données scientifiques permettraient aussi d’identifier les patients dont un TDA/H apparaîtrait à l’âge adulte et de cerner leurs caractéristiques cliniques ainsi que les prises en charge appropriées.

Déclaration de liens d’intérêts Le Dr O sentissi a eu des honoraires de consultant ou advisory board: Otsuka; Lilly; Lundbeck; Euthérapie-Servier; Sandoz Sunovion et Lundbeck. Les autres auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.

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