Télémédecine : pas de régime de responsabilité spécifique

Télémédecine : pas de régime de responsabilité spécifique

European Research in Telemedicine/La Recherche Européenne en Télémédecine (2013) 2, 121—123 Disponible en ligne sur ScienceDirect www.sciencedirect...

273KB Sizes 1 Downloads 21 Views

European Research in Telemedicine/La Recherche Européenne en Télémédecine (2013) 2, 121—123

Disponible en ligne sur

ScienceDirect www.sciencedirect.com

DROIT

Télémédecine : pas de régime de responsabilité spécifique Telemedicine: No specific legal liability regime Y. Le Guen 1, M. Fumex 2,∗ 14, avenue Duquesne, 75350 Paris 07 SP, France Rec ¸u le 13 septembre 2013 ; accepté le 10 octobre 2013

MOTS CLÉS Télémédecine ; Pratique médicale ; Responsabilité de droit commun

KEYWORDS Telemedicine; Medical practice; Legal liability

Résumé En matière de télémédecine, le cadre juridique en vigueur apporte aux acteurs la visibilité et la sécurité indispensables à leurs actions sans contraindre leurs initiatives et sans qu’il soit nécessaire de mettre en place pour cette nouvelle forme de pratique médicale un régime de responsabilité qui s’écarte des principes de droit commun. © 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Summary The French legal framework for telemedicine activities provides the professionals with the essential safety and visibility they need to perform their activities without restraining their initiatives or requesting a dedicated legal liability regime. © 2013 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Forme de pratique médicale nouvelle, la télémédecine intrigue encore un bon nombre de professionnels de santé. Quand et comment puis-je la mettre en œuvre ? Fait-elle naître de nouvelles obligations ou bien des devoirs nouveaux à l’égard de patients pris en charge par ce biais ? Qu’en estil de la responsabilité des acteurs qui réalisent ou participent à la réalisation d’un acte médical à distance ?



Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (M. Fumex). 1 Ministère des affaires sociales et de la santé - Direction générale de l’offre de soins (DGOS) ; Sous-directeur du pilotage de la performance des acteurs de l’offre de soins. 2 Chargée de mission à la Direction générale de l’offre de soins (DGOS-SD/PF3). 2212-764X/$ — see front matter © 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. http://dx.doi.org/10.1016/j.eurtel.2013.10.003

122 Voila autant de questions que se posent légitimement certains professionnels de santé au sujet de la télémédecine et auxquelles il convient d’apporter des éléments de réponse. Définie à l’article L. 6316-1 du Code de la santé publique comme « une forme de pratique médicale à distance impliquant les technologies de l’information et de la communication » ; la télémédecine repose sur la présence d’au moins un professionnel médical (médecin, sagefemme, chirurgien dentiste), dont les compétences sont requises en vue de la réalisation d’une consultation, d’une expertise, d’une assistance ou d’une surveillance médicale1 . En nous permettant de nous affranchir des distances, cette pratique peut permettre de répondre à des enjeux fondamentaux de notre système de santé, en particulier en matière d’accessibilité des soins, notamment dans une logique de réduction des inégalités territoriales, mais également en enrichissant les pratiques des professionnels et en contribuant à l’amélioration de la qualité et de l’efficience des prises en charge partout sur le territoire. Aussi son déploiement est-il encouragé par les pouvoirs publics : la télémédecine constitue en effet l’un des engagements pris par la ministre dans le cadre du pacte territoire santé lancé en décembre dernier. Pour autant, la télémédecine n’a pas vocation à être mise en œuvre « partout » et « pour tout ». À ce titre, son déploiement est piloté par les pouvoirs publics. Ce rôle a été confié à un comité de pilotage associant les différentes administrations, les professionnels et les associations représentatives des patients. Compte tenu des priorités de santé publique et de la maturité des organisations, ce comité avait identifié dans un premier temps trois chantiers prioritaires pour faciliter le déploiement de la télémédecine en France : la permanence des soins en imagerie médicale, la prise en charge des accidents vasculaires cérébraux (AVC) et la santé des personnes détenues. Le déploiement de la télémédecine est par ailleurs décliné par les agences régionales de santé (ARS), qui ont élaboré des programmes régionaux de télémédecine (PRT) pour une durée de cinq ans, correspondant aux besoins de santé de leur territoire2 . Dans la même logique, le législateur et le pouvoir réglementaire se sont attachés à offrir aux acteurs de la télémédecine, au premier rang desquels figurent les professionnels de santé, un cadre juridique clair leur apportant la visibilité et la sécurité indispensables à leur action sans contraindre inutilement leurs initiatives dans le respect des droits du patient. Chaque projet de télémédecine doit ainsi donner lieu à un contrat avec l’ARS, ce qui contribue à la mise en cohérence des différentes initiatives régionales, dans le cadre des priorités du PRT.

Y. Le Guen, M. Fumex Juridiquement, la télémédecine est une pratique médicale qui, si elle est nouvelle, n’en reste pas moins une activité médicale à part entière. Dans ces conditions, les obligations et, partant, la responsabilité qu’il incombe aux professionnels de santé d’endosser dans le cadre d’une organisation de télémédecine sont ainsi identiques à celles auxquelles ils sont astreints dans le cadre d’une activité médicale dite « classique ». Les articles R. 6316-2 à R. 6316-10 rappellent les obligations auxquels les professionnels de santé sont astreints dans le cadre d’une activité de télémédecine. Il s’agit pour l’essentiel : • de l’obligation faite au médecin d’informer et de recueillir le consentement de son patient sur l’acte qu’il pratique et les informations qu’il peut être amené à échanger avec d’autres professionnels de santé pour les besoins de sa prise en charge ; • de l’obligation de s’assurer que le processus technologique utilisé permet d’identifier le patient et qu’elle permet l’authentification des autres professionnels de santé impliqués dans la réalisation de l’acte ; • de l’obligation de s’assurer que les professionnels de santé impliqués dans la prise en charge ont accès aux données médicales du patient nécessaires à la réalisation de l’acte ; • de l’obligation de souscrire une assurance en responsabilité civile professionnelle ; • de l’obligation de s’assurer des compétences (exercice régulier et conforme aux diplômes requis et obtenu, formation) des professionnels de santé impliqués dans la prise en charge ; • de l’obligation de veiller au respect des dispositions relatives à l’hébergement et au partage des données de santé à caractère personnel. Ces obligations ne sont pas nouvelles et les professionnels de santé sont désormais rompus à leur mise en œuvre dans le cadre de leur exercice quotidien3 . En ce qui concerne plus précisément les médecins, le respect de ces obligations relève en outre de leurs devoirs déontologiques. La pratique de la télémédecine ne mettant pas d’obligation nouvelle à la charge des professionnels de santé, elle ne justifie pas non plus la création d’un régime de responsabilité spécifique. Ce principe a été rappelé et développé dans un document consultable en ligne sur le site Internet du ministère des Affaires sociales et la Santé, au lien suivant : http://www.sante.gouv.fr/ la-telemedecine-strategie-nationale-de-deploiement-de-latelemedecine.html. La prise en charge des soins repose déjà sur la collaboration entre les professionnels de santé et la coordination de leurs compétences ; chaque acteur détient en effet à son niveau un rôle clé dans la prise en charge globale du patient. Il en est ainsi par exemple au sein d’un bloc opératoire où la présence du chirurgien est requise au même titre que celle du médecin anesthésiste, de l’infirmier de bloc (Ibode) ou

1

Les actes pouvant être réalisés par télémédecine sont limités. Ils sont définis à l’article R. 6316-1 du Code de la santé publique. 2 Le PRT est l’une des composantes du schéma régional d’organisation des soins (SROS) des ARS.

3 Ces obligations sont pour la plupart issues de la Loi du 4 mars 2002 relative aux droits des patients et à la qualité du système de santé.

Télémédecine : pas de régime de responsabilité spécifique de l’infirmier anesthésiste (IADE). Dans ce cas de figure, la chaîne de responsabilité n’est pas complexifiée par la multiplicité des acteurs. Ces derniers doivent en effet agir dans le cadre de leurs compétences, dans le respect de leurs obligations spécifiques et du patient et conformément à des règles de bonnes pratiques, des procédures et des protocoles dont chacun sait qu’ils permettent de délimiter précisément les responsabilités. La télémédecine est probablement le témoin le plus abouti de la collaboration entre professionnels de santé. Elle formalise en effet les processus liés à cette collaboration via les différents contrats requis par le cadre réglementaire. À ce titre, elle permet de mieux décrire les différentes actions réalisées par les professionnels de santé impliqués dans la prise en charge des patients et constitue pour eux une source de sécurité supplémentaire dans le cadre du parcours de soins.

123

Conclusion En conclusion, à l’heure de la « prise en charge globale » et du déploiement des logiques de « parcours », qui rend impossible un exercice isolé de la médecine, la télémédecine ne rend pas la pratique médicale plus complexe ; sa mise en œuvre ne doit pas être source d’inquiétudes pour les professionnels de santé. Au contraire, elle sécurise la pratique de l’art médical en leur permettant de coordonner leurs actions sur la base de protocoles préétablis et compris de chacun des intervenants.

Déclaration d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.