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ScienceDirect www.sciencedirect.com Journal de Traumatologie du Sport 33 (2016) 48–68
Mise au point
Tendinopathies « mal connues » du pied et de la cheville Unknown tendinopathy of the foot and ankle J.M. Sverzut a,∗ , O. Silbermann-Hoffman b , D. Ait Ali Yahia a a
Service de radiologie, hôpital Lariboisière, 2, rue Ambroise-Paré, 75475 Paris cedex 10, France b Hôpital américain de Paris, 63, boulevard Victor-Hugo, 92200 Neuilly-Sur-Seine, France Disponible sur Internet le 28 janvier 2016
Résumé Les tendinopathies de la cheville et du pied se chevauchent et font partie d’un même processus évolutif micro- et macroscopique. Leur diagnostic passe par une bonne connaissance de l’anatomie normale ainsi que des différentes modalités d’imagerie. Dans ce domaine, l’examen de première intention est l’échographie. Elle permet de mettre en évidence les tendinoses, les ténosynovites (mécaniques exclusivement), les ruptures tendineuses, les luxations, les ressauts et les conflits ostéo-tendineux. La tomodensitométrie est moins performante que l’IRM dans l’analyse des tendons mais permet, néanmoins, une meilleure exploration des calcifications, des arrachements et des fragments osseux. Cependant, certaines tendinopathies « mal connues », car peu fréquentes, sont de diagnostic difficile d’un point de vue clinique et requièrent un radiologue averti pour les identifier. © 2016 Publi´e par Elsevier Masson SAS. Mots clés : Tendinopathies ; Pied et cheville ; Pièges diagnostiques
Abstract Tendinosis of the ankle and foot overlap each other and are part of the same evolving microscopic and macroscopic process. Their evaluation necessitates good knowledge of the normal anatomy and imagery modes necessary to make the diagnosis. The first intention exam is ultrasound. It allows to make more evident tendinosis, tenosynovitis (exclusively mechanical), tendon rupture, tendon dislocation, tendon snapping and bone tendon impingement. MRI is superior to plain films for the study of abnormalities. The last however allows a better exploration of calcifications and fractures. The diagnosis remains difficult in certain cases, notably for tendinosis “not very well known” meaning either the diagnosis is difficult or negligent from a clinical perspective, either less known from normal radiological procedure because very infrequent. © 2016 Published by Elsevier Masson SAS. Keywords: Tendinosis; Foot and ankle; Diagnostic pitfalls
1. Introduction Les tendons de la cheville se répartissent en quatre groupes (Fig. 1) :
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Auteur correspondant. Adresses e-mail :
[email protected] (J.M. Sverzut),
[email protected] (O. Silbermann-Hoffman). http://dx.doi.org/10.1016/j.jts.2015.12.010 0762-915X/© 2016 Publi´e par Elsevier Masson SAS.
• le groupe médial des fléchisseurs avec, d’avant en arrière, les tendons du tibial postérieur, du fléchisseur commun des orteils et du long fléchisseur de l’hallux ; • le groupe antérieur des extenseurs, symétrique du groupe médial, avec, de dedans en dehors, les tendons du tibial antérieur, du long extenseur de l’hallux et du long extenseur des orteils ; • le groupe latéral des tendons fibulaires, court et long, parfois accompagnés d’un fibulaire accessoire. Ces trois groupes
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• le groupe dorsal est constitué des tendons extenseurs avec le court et le long extenseur des orteils dont le court extenseur de l’hallux ; • le groupe plantaire est constitué d’une part, des tendons médiaux avec le court fléchisseur, l’abducteur et l’adducteur de l’hallux (faisceau oblique et profond) et, d’autre part, des tendons latéraux avec le court fléchisseur, l’abducteur et l’opposant du V ; • le groupe intermédiaire comprend le long et le court fléchisseur des orteils ; • le groupe profond comprend les interosseux dorsaux, les interosseux plantaires et les lombricaux.
Fig. 1. Groupes tendineux de la cheville d’après G. Morvan.
tendineux sont recouverts de retinaculum en continuité entre eux (Fig. 2) ; • le groupe postérieur constitué du tendon calcanéen et des tendons plantaire et soléaire accessoires, inconstants. Les tendons du pied sont répartis en quatre groupes dépendant des muscles dorsaux, plantaires, intermédiaires et profonds :
Dans ce texte, nous développerons les tendinopathies « mal connues » car de diagnostic clinique difficile ou peu fréquent. Nous rappellerons la symptomatologie clinique. Les tendinopathies (dégénérescence chronique microtraumatique sans inflammation du tendon) sont favorisées par la complexité du trajet tendineux, par leur contact avec les rétinaculum de la cheville (qui sont en continuité entre eux), voire par certaines variantes anatomiques. Sous ce terme de tendinopathies nous regrouperons : les tendinoses, les ténosynovites (mécanique exclusivement), les ruptures tendineuses, les luxations, les ressauts et les conflits ostéo-tendineux. Ces différentes entités s’entremêlent et font partie d’un même processus évolutif micro- et macroscopique. Le couple échographie-radiographie, orienté par l’examen clinique, éventuellement complété par l’IRM (visualisation en plus de « l’œdème osseux ») permet de poser le diagnostic, bien que l’IRM soit de plus en plus souvent réalisée en première intention. Le scanner permet de mieux analyser l’os, notamment dans la recherche de fracture. 2. Le groupe médial des tendons fléchisseurs 2.1. Le tendon tibial postérieur
Fig. 2. Rétinaculums de la cheville d’après G. Morvan.
2.1.1. Anatomie Le tendon est maintenu par le retinaculum médial derrière le coin postéromédial de l’épiphyse tibiale (portion verticale). Il se courbe ensuite pour passer sous la malléole médiale, entre le fascia superficiel et le ligament collatéral médial de la cheville. Dans ce segment, le tendon a un trajet horizontal ; il se dirige vers l’os naviculaire. Le tendon tibial postérieur a une portion proximale rétro- et sous-malléolaire médiale, qui est de calibre inférieur à sa portion distale. Juste avant son insertion osseuse, le tendon s’évase, tel un éventail, au contact du Spring ligament avant de se diviser en deux contingents pour venir s’insérer d’une part, sur la tubérosité médiale de l’os naviculaire et le cunéiforme médial (faisceau principal) et, d’autre part, sur les 2e , 3e cunéiformes, les 2e , 3e , 4e métatarsiens et le cuboïde (faisceau latéral). L’élargissement distal du tendon (diamètre moyen de 8 mm) est observé chez 100 % des sujets asymptomatiques ; le diamètre moyen de la portion proximale du tendon est de 4 mm. Le tendon tibial postérieur, avant sa division distale, comprend souvent une plage ou un nodule fibro-cartilagineux
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Fig. 3. Ténosynovite fissuraire du tibial postérieur (IRM en T2 Fat Sat en coupe axiale) (voir flèche).
(87,5 %) sur son versant profond, au contact du Spring ligament, qui peut être responsable d’un hypersignal sur les séquences en densité de protons et qui ne doit pas être interprété comme pathologique [1]. De même, la présence de liquide en petite quantité entourant la partie distale du tendon est physiologique et ne correspond pas à une ténosynovite. 2.1.2. Pathologie 2.1.2.1. Les tendinopathies mécaniques chroniques du tibial postérieur (TP). Les signes cliniques consistent en des douleurs de l’arche interne, le long du trajet du tendon et/ou en regard de la voûte plantaire. Parfois, le motif de consultation est l’apparition progressive d’un pied plat douloureux, le plus souvent unilatéral et prédominant du côté gauche. Il s’agit de la rupture progressive dégénérative classique en « chewing gum », déstabilisant la statique médiale du pied. De nombreuses structures participent à la stabilité de l’arche interne longitudinale : le tendon tibial postérieur avec ses nombreuses ramifications tendineuses, le Spring ligament, l’aponévrose plantaire, et les ligaments plantaires. En échographie, le TP pathologique peut présenter différents aspects : • le tendon dégénératif est hypoéchogène, entouré d’un halo hypoéchogène, avec une hyperhémie Doppler intra- et péritendineuse ; • la découverte de plages anéchogènes permanentes (non liées à l’anisotropie) témoigne de zones de fissurations intratendineuses en rapport avec une rupture partielle (Fig. 3) ; • le calibre du tendon est augmenté au stade de début de la tendinose (Fig. 4), mais l’évolution se fait vers un amincissement focal du tendon, traduisant un allongement progressif avec, en règle générale, une forte hyperhémie Doppler, qui aboutit, si la tendinopathie est négligée, à une rupture complète (Fig. 5).
Fig. 4. Tendinose hypertrophique du tibial postérieur avec discrète ténosynovite (IRM en coupe axiale T2 Fat Sat) (voir flèche).
La classification de Rosenberg et al. des tendinopathies comprend trois types d’anomalies (Fig. 6) : • type I : tendon intact, mais hypertrophié « en fuseau » et hétérogène ; • type II : tendon intact, mais aminci « en sablier » ; • type III : tendon absent sur une longueur variable ; • les types I et II correspondent à des ruptures partielles intratendineuses, le type III à une rupture complète. La zone de rupture du TP se situe souvent quatre centimètres avant son insertion distale et correspond à la zone
Fig. 5. Rupture du tendon tibial postérieur (IRM en coupe axiale en T2 Fat Sat) (voir flèche).
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Fig. 6. Classification des tendinoses du tibial postérieur d’après Rosenberg (Rosenberg Zs, MR Imaging of the ankle and foot, Radiographics October 2000; 20: 153-79).
d’hypo-vascularisation tendineuse. Des associations lésionnelles sont à rechercher. Une laxité et parfois une lésion du Spring ligament sont fréquemment associées aux dysfonctionnements chroniques du TP : • en échographie, le Spring ligament apparaît hypoéchogène, siège d’un hypersignal Doppler avec un épaississement proximal et surtout distal au contact de la tête du talus [2] ; • en IRM, le Spring apparaît aminci, la fissure intratendineuse est visible en hypersignal franc T2 au sein du tendon, la tendinose en signal intermédiaire (non liquidien) sur les séquences pondérées Rho Fat Sat et T1. On recherchera également un syndrome du sinus du tarse, notamment des kystes sur le rétinaculum du sinus du tarse fréquemment associés à une synovite et à une tendinose du tendon tibial postérieur (p < 0,05) [3] (Fig. 7). Une association à des lésions dégénératives de l’aponévrose plantaire proximale est moins fréquente mais parfois rapportée. Les tendinopathies chroniques du tibial postérieur sont souvent non reconnues cliniquement et sont à l’origine de troubles fonctionnels pouvant être handicapant (apparition d’un pied plat valgus) [4]. 2.1.2.2. Tendinopathie distale sur variante anatomique. La présence d’un os naviculaire accessoire de type II est une autre cause de tendinopathie du tibial postérieur (TP). C’est un point d’ossification secondaire qui ne se fusionne pas à l’os naviculaire dont il reste séparé par une syndesmose ou synchondrose de 1 à 2 mm. Il en existe plusieurs variantes : le type I correspond à « une rotule » dans le tendon tibial postérieur et le type III à un os naviculaire cornu. Cette variante de la normale est très fréquente (4 à 21 % des sujets), avec une prédominance féminine. Elle est
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le plus souvent asymptomatique, mais peut être à l’origine de douleurs de la face médiale du pied. Une étude portant sur 17 patients symptomatiques a mis en évidence un œdème de la tubérosité médiale de l’os naviculaire et de l’os accessoire (100 %), parfois de la synchondrose elle-même, associée fréquemment à une tendinopathie du TP (75 % des cas) (ténosynovite, tendinose, rupture partielle voire totale du TP et éventuelle bursite) et une inflammation du tissu graisseux adjacent, attribuée à des tractions répétées du TP sur l’os accessoire et sur la synchondrose (Fig. 8) [5]. Un élargissement de la synchondrose, supérieur à 2 mm, (17,6 % des cas) témoignerait de son instabilité [5]. Chez l’enfant, des lésions de la synchondrose par traction tendineuse peuvent se voir (de même que de rares disjonctions) lors de la pratique sportive (Fig. 9). Pathologies associées à un os naviculaire accessoire de type 2: • tendinose distale du tibial postérieur (± rupture partielle et bursite) ; • remaniements dégénératifs de la synchondrose ; • lésion par traction tendineuse, voire avulsion de la synchondrose (apophysite).
2.1.2.3. Lésion post-traumatique. 2.1.2.3.1. Luxation tendineuse du TP. La luxation du tendon du muscle tibial postérieur est peu fréquente. Elle survient chez un jeune sportif, après un traumatisme violent ou parfois après des microtraumatismes répétés. Le mécanisme lésionnel associe une flexion dorsale forcée avec supination de l’arrière-pied. Le tendon du muscle tibial postérieur migre en avant de la malléole médiale. Parfois, la palpation permet de mettre en évidence le tendon luxé sur le bord antérieur de la malléole médiale. Par la suite, peuvent survenir des épisodes répétés de luxation du tendon ou un syndrome douloureux médial avec empâtement de la région de la malléole médiale, en raison d’une subluxation ou une luxation fixée du tendon (Fig. 10). Sur les radiographies, on peut parfois observer une écaille qui double la malléole médiale, correspondant à une avulsion osseuse de l’insertion du retinaculum des fléchisseurs. L’échographie a un rôle diagnostique majeur grâce à l’analyse de ce retinaculum des fléchisseurs et à la manœuvre dynamique d’inversion contrariée. Dans certains cas, le diagnostic différentiel avec celui d’entorse du ligament collatéral médial de la cheville, lésion rare rappelons-le, est difficile et source d’erreur. 2.1.2.3.2. Rupture tendineuse du TP. Elle peut survenir sur une tendinopathie de type II de Rosenberg suite à un banal faux mouvement ou spontanément et plus rarement chez le sportif. Elle est rarement secondaire à un traumatisme fermé avec fracture distale du tibia [6]. Le gap doit être apprécié ainsi que la qualité des moignons tendineux.
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Fig. 7. Association d’une tendinose hypertrophique du tibial postérieur et d’un syndrome du sinus du tarse en IRM. a : hypertrophie du tendon tibial postérieur avec des hypersignaux T2 Fat Sat intra-tendineux et discrète ténosynovite (coupe axiale) ; b : syndrome du sinus du tarse : remplacement de la graisse du sinus du tarse par un tissu fibreux en hyposignal T1 et disparition des ligaments interosseux (coupe coronale) (voir flèche).
2.2. Le tendon long fléchisseur de l’hallux 2.2.1. Anatomie Le tendon long fléchisseur de l’hallux (LFH) passe à la face dorsale du talus puis dans la gouttière rétromalléollaire au sein d’un canal ostéofibreux (canal de Richet) ; il continue son trajet vers l’avant en passant sous le sustentaculum tali puis se retrouve
au niveau de la voûte plantaire. À hauteur de la tubérosité de l’os naviculaire, siège une zone de croisement (recouverte par une zone fibreuse) avec le tendon du long fléchisseur des orteils appelé nœud de Henry (Fig. 11). Au niveau plantaire, une anastomose tendineuse entre le tendon du long fléchisseur de l’hallux et celui du long fléchisseur des orteils est présente dans 66 à 100 % des cas selon les
Fig. 8. Tendinose fissuraire du tibial postérieur d’insertion sur un os naviculaire accessoire de type II avec ténosynovite et remaniements dégénératifs de la synchondrose (coupes axiales en IRM) (voir flèche).
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Fig. 9. Apophysite naviculaire chez un patient sportif de 11 ans. Œdème de la synchondrose, du noyau d’ossification naviculaire et de l’insertion distale du tendon tibial postérieur par phénomène de traction tendineuse (IRM en axial en T2 Fat Sat) (voir flèche).
séries. Il existe de nombreuses variantes d’interconnexions qui se distribuent aux lames tendineuses du deuxième, troisième et quatrième rayons. Le tendon poursuit sa course à la face plantaire de la colonne médiale, passe entre les deux sésamoïdes recouverts par la poulie inter-sésamoïdienne pour se terminer sur la phalange distale de l’hallux. 2.2.2. Pathologie 2.2.2.1. Les tendinopathies mécaniques. Tendinose et ténosynovite : le conflit du carrefour postérieur et la ténosynovite proximale isolée du LFH chez la danseuse sont bien connus (Fig. 12a et b) de même que la ténosynovite distale dans le tunnel inter-sésamoïdien dans le cadre d’une instabilité métatarsophalangienne (dégénérative ou post-traumatique [Fig. 13]) ou sur fracture de la base de P1. Plus rares sont les ténosynovites proximales sur corps étrangers secondaires à une arthrose de la cheville (Fig. 14), du fait de la communication physiologique de l’articulation talocrurale
avec la gaine du long fléchisseur de l’hallux présente chez 20 % des sujets. 2.2.2.2. Les lésions post-traumatiques. 2.2.2.2.1. Fissure du long fléchisseur de l’hallux au nœud de Henry. Le mécanisme lésionnel est le plus souvent traumatique (chute ou entorse avec mécanisme en hyperextension de l’hallux, pied en éversion) ou microtraumatique (marathoniens). Il n’existe pas, dans la littérature, de cas documenté en imagerie. La chirurgie s’avère efficace après échec du traitement conservateur [7]. Il peut s’agir simplement d’un syndrome du croisement similaire à ceux rencontrés au membre supérieur avec amélioration clinique après débridement chirurgical [8]. 2.2.2.2.2. Rupture tendineuse. Elle peut se situer dans la partie haute du LFH, en arrière du talus, ou dans sa partie distale après fracture de la base de P2, ou par avulsion de la face plantaire de P2 secondaire à une extension violente (« Turf To ») (saut en hauteur par exemple) [9].
Fig. 10. Luxation du tendon tibial postérieur en dedans de la malléole médiale (IRM en axial en T2 Fat Sat en a, en T1 en b) (voir flèche).
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Fig. 11. Nœud de « Henry », croisement des tendons long fléchisseur de l’hallux et fléchisseur commun des orteils avec présence d’une adhérence reliant les 2 tendons (flèche) (coupes coronales en T2 en IRM).
La rupture du LFH en regard de la face plantaire de M1 ou de P1, après chirurgie d’un hallux valgus, est cependant le cas le plus fréquent. 2.3. Le fléchisseur commun des orteils
qui longent la face plantaire des articulations métatarsophalangiennes, dont elles restent séparées par la plaque plantaire. La présence de liquide synovial dans sa gaine peut être physiologique car celle-ci communique avec la gaine synoviale du LFH et l’articulation talocrurale (piège diagnostique).
2.3.1. Anatomie Trois fois plus petit que le TP, le tendon long fléchisseur des orteils (LFO) chemine juste derrière lui, passe à la surface médiale du sustentaculum tali, puis file vers la plante, en passant sous le tendon LFH qu’il croise et avec lequel il s’anastomose ponctuellement (nœud de Henry), puis se divise en 4 bandelettes
2.3.2. Pathologie Comme dans le cas du LFH, la tendinose et la ténosynovite se rencontrent chez le danseur. Dans le pied plat valgus, une ténosynovite sous-malléolaire médiale peut accompagner la ténosynovite du tibial postérieur.
Fig. 12. Syndrome du carrefour postérieur : ténosynovite du long fléchisseur de l’hallux et œdème en hypersignal T2 Fat Sat de l’os trigone, du bord supérieur du calcanéum et des parties molles de la région postérieure de la cheville (IRM en T2 Fat Sat en sagittal en a et en axial en b) (voir flèche).
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Fig. 13. Ténosynovite du long fléchisseur de l’hallux en IRM (c) en coronal en T2 Fat Sat dans le cadre d’un « Turf Toe » avec rupture de la plaque plantaire de la 1re articulation métatarsophalangienne et disjonction d’un sésamoïde bipartite (a et b en sagittal en T2 Fat et T1) (voir flèche).
On rencontre fréquemment une ténosynovite sous-capitale dans les instabilités de la métatarsophalangienne, au cours du syndrome du 2e rayon (Fig. 15). Plus rarement, un conflit ostéo-tendineux est possible lors des synostoses de cheville (Fig. 16).
3. Le groupe latéral : les tendons fibulaires 3.1. Anatomie Les tendons fibulaires passent dans la gouttière rétromalléolaire, située à la face postérieure de la malléole latérale. Dans cette gouttière, ils sont contenus dans une gaine synoviale commune et sont recouverts par le rétinaculum supérieur des fibulaires qui adhère au périoste de la fibula en avant, et sur le calcanéus en arrière. Plus bas, les deux tendons sont séparés par un petit tubercule situé à la face latérale du calcanéus (trochlée ou tubercule des fibulaires, anciennement nommée tubercule des péroniers) où ils sont maintenus par le rétinaculum inférieur des fibulaires qui va de la pointe de la trochlée au calcanéus. Il peut exister une éminence rétrotrochléaire isolée (les deux tendons fibulaires passent en avant) ou située en arrière de la trochlée des fibulaires.
Le tendon du muscle long fibulaire (LF) est situé en arrière et latéralement par rapport au court fibulaire (CF) qu’il plaque contre la face postérieure de la fibula. Le LF présente 3 courbures : la première se situe à la pointe de la malléole latérale ; le tendon passe en arrière de la trochlée des fibulaires, puis se dirige en bas, en dedans et en avant. Il contourne alors la partie latérale et inférieure du cuboïde pour partir en dedans et s’insérer sur les faces latérale et plantaire du premier cunéiforme et sur le premier métatarsien. En regard du cuboïde, le tendon LF contient fréquemment un os sésamoïde appelé os peroneum qui peut parfois être bi- ou pluripartite. Le CF est en avant du LF dans la gouttière rétromalléolaire. Puis, il passe en avant de la trochlée des fibulaires et s’insère sur la base du cinquième métatarsien. L’orientation des tendons fibulaires est source de fausse anomalie de signal ou « phénomène de l’angle magique », qui survient sur les séquences à temps d’écho court (T1 et densité de protons avec ou sans Fat Sat). Il ne faudra pas porter le diagnostic de tendinopathie ou de rupture devant un tendon de signal intermédiaire ou même en discret hypersignal ; en cas de doute, l’addition d’une séquence axiale STIR permet de réduire de 50 % cet artefact et améliore la sensibilité diagnostique (82,35 vs 75,27 %) [10].
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Fig. 14. Ténosynovite du long fléchisseur de l’hallux avec ostéonchondromes dans la gaine synoviale (en hyposignal T1 et T2) sur arthrose tibiotalienne et soustalienne. IRM en coronal en T2 Fat Sat et T1 en a et c, en sagittal en T2 Fat Sat en b (voir flèche).
Un contrôle échographique ou par tomodensitométrie (VR) peut être utile (recherche d’un os peroneum en l’absence de radiographies) (Fig. 17 et 18). 3.2. Pathologie 3.2.1. Les tendinopathies mécaniques La gouttière rétromalléolaire est le plus souvent concave (82 %) en arrière. Elle peut être plate (11 %) ou convexe (7 %) ce qui peut prédisposer à une pathologie fissuraire ou à une instabilité.
La présence d’un muscle accessoire comme le peroneus quartus ou d’une variante anatomique (jonction myotendineuse basse du CF) peut être également source de conflit des fibulaires dans la région rétromalléolaire. Les autres causes de conflit entre tendons et trochlée des fibulaires comprennent [11] : • une hypertrophie osseuse de la trochlée des fibulaires dans le cadre d’un pied creux ; • une hypertrophie osseuse de l’éminence rétrotrochléaire ;
Fig. 15. Ténosynovite des fléchisseurs du 2e orteil dans le cadre d’un syndrome du 2e rayon avec rupture de la plaque plantaire et épanchement liquidien intra-articulaire (IRM en T2 Fat Sat en sagittal et coronal en a et b) (voir flèche).
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Fig. 16. Ténosynovite chronique du long fléchisseur des orteils par conflit ostéo-tendineux sur synostose incomplète tibio-talo-calcanéenne incomplète en IRM (b et d en sagittal et coronal T2 Fat Sat ; en coronal et axial en T2 Fat Sat en a et c) (voir flèche).
• un conflit post-fracturaire (fragment osseux déplacé lors d’une fracture trans-thalamique du calcanéum). L’hypertrophie des retinaculums engendre une ténosynovite sténosante (Fig. 19a, b, c et d). La présence d’une lame de liquide dans la gaine des fibulaires, en arrière de la malléole est possible, notamment dans les suites d’une entorse latérale de cheville avec rupture du ligament calcanéofibulaire, et ne doit pas faire porter le diagnostic de ténosynovite. Une ténosynovite peut être secondaire à un conflit mécanique de quelle que nature qu’il soit. Elle est parfois sténosante avec hypertrophie de la synoviale et épaississement fibreux péritendineux apparaissant en hyposignal sur toutes les séquences (Fig. 20a et b). Il peut exister également une tendinose distale du long fibulaire à son insertion sur le cunéiforme médial et du 1er métatarsien, rare, que l’on rencontre chez les sportifs (tennis) [12].
• peroneus quartus : il est le plus souvent asymptomatique mais parfois à l’origine d’un conflit sur les fibulaires en rétromalléolaire avec épanchement réactionnel dans la gaine des fibulaires, voire responsable d’un syndrome fissuraire (Fig. 21 et 22) ; • os peroneum : c’est un os sésamoïde, présent dans 25 % des cas, situé à l’intérieur du tendon du long fibulaire. Il se situe en regard du cuboïde ou de l’interligne calcanéocuboïdien, ce qui correspond à la zone de réflexion de ce tendon qui passe de la face latérale du médiopied à la région plantaire en glissant dans la gouttière qui lui est dédiée au sein du cuboïde. L’os peroneum est bilatéral dans environ 60 % des cas. Un conflit ostéo-tendineux (entre l’os sésamoïde et le cuboïde) ou POPS (« painful os peroneum syndrome ») peut survenir en cas d’os sésamoïde hypertrophique ou de cuboïde un peu proéminent lors du glissement du LF dans sa gouttière, ou en cas d’arthrose calcanéocuboïdienne avec ostéophytose. L’IRM met en évidence un œdème osseux du sésamoïde et/ou du cuboïde associé ou non à une tendinose du long fibulaire [13].
3.2.2. Tendinopathie sur variante anatomique Des muscles accessoires ou inconstants et des os sésamoïdes peuvent être à l’origine d’une pathologie tendineuse ou d’un conflit ostéo-tendineux :
3.2.3. Le syndrome fissuraire des fibulaires Ce syndrome peut se voir chez de jeunes athlètes mais aussi chez des personnes âgées. Il est plus souvent symptomatique chez le sujet jeune contrairement au sujet âgé.
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Fig. 17. Suspicion de rupture du tendon long fibulaire en regard de la face latérale de l’os cuboïde chez une patiente présentant des douleurs chroniques latérales. En effet, le tendon long fibulaire n’est pas visualisé en IRM (flèches blanches) (T2 Fat Sat en axial, sagittal et coronal en a et b, c, d). Un contrôle scannographie en coupe sagittale (Fig. 18) confirme la continuité du tendon et met en évidence un petit os péronéum. Ceci est dû à la présence d’un nodule fibro-cartilagineux assurant le glissement du tendon le long dans la gouttière cuboïdienne (la présence d’un os péronéum et le phénomène d’angle magique sont également incriminés) (voir flèche).
Sobel a décrit quatre stades (Fig. 23) : • • • •
stade 1 : aplatissement du CF contre la fibula ; stade 2 : fissuration non transfixiante du CF ; stade 3 : fissuration transfixiante de 1 à 2 cm ; stade 4 : fissuration transfixiante de plus de 2 cm.
Le clivage longitudinal du CF peut être physiologique (11 à 37 % dans les séries anatomiques) ; pour affirmer la fissuration, on pourra s’aider du contexte clinique, de la présence d’un épanchement liquidien dans sa gaine et d’une prise de gadolinium de sa gaine en IRM (ou d’une hyperhémie en Doppler-énergie) (Fig. 24). Diagnostic différentiel d’une douleur du bord latéral du médiopied (en l’absence de traumatisme) : • • • •
tendinose/rupture du tendon LF ; conflit ostéo-tendineux avec la trochlée des fibulaires ; fracture de contrainte de l’os peroneum ou du cuboïde ; conflit osseux entre l’os peroneum et le cuboïde ;
3.2.4. Lésions post-traumatiques 3.2.4.1. Rupture du LF. La rupture du LF peut survenir sur facteur prédisposant :
Fig. 18. Aspect continu du tendon long fibulaire en scanner (coupe sagittale) et contenant un petit os péronéum (voir flèche).
• la zone de conflit la plus fréquente siège en regard de la malléole latérale ; • son association avec une fracture du calcanéum est classique ; • sa rupture en regard du médiopied, rare, peut survenir du fait d’une hypertrophie de la trochlée des fibulaires ou de la présence d’un os peroneum ;
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Fig. 19. Conflit ostéo-tendineux entre la trochlée des fibulaires (qui est érodée en a en T1) et le tendon long fibulaire qui est élargi et fissuré (en b, c, d en T2 Fat Sat) (voir flèche).
• la rupture peut aussi compliquer l’évolution d’une tendinopathie chronique se révélant parfois de manière aiguë, à l’occasion d’un traumatisme peu important [14]. On distingue trois types topographiques de rupture du LF : • type 1 : la rupture tendineuse siège en amont de l’os peroneum. Elle n’entraîne pas de modification de l’aspect et de la position
de celui-ci et nécessite un examen échographique ou IRM pour être reconnue ; • type 2 : la rupture tendineuse est due à une fracture de l’os peroneum. Le fragment proximal de l’os fracturé est déplacé par la rétraction du moignon tendineux proximal ; • type 3 : la rupture est localisée en aval de l’os sésamoïde. Elle entraîne le déplacement complet de cet os en amont de l’interligne articulaire calcanéocuboïdien.
Fig. 20. Tendinose et ténosynovite des fibulaires (en T2 Fat Sat en a et en T1 post-gadolinium Fat Sat en b) (voir flèche).
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Fig. 21. Ténosynovite des fibulaires sur péronéus quartus (flèche). IRM en T2 Fat Sat en axial coronal et sagittal (en a, c et d) et en axial T1.
Le déplacement de l’os peroneum (type 3) ou d’une partie de cet os (type 2), est le plus souvent inférieur à 2 cm car le fragment se bloque au niveau de la trochlée des fibulaires ; en cas de sésamoïde de petite taille, la rétraction peut se faire jusqu’en regard de l’articulation talocalcanéenne [13]. Différencier une fissure osseuse de l’os peroneum d’un os sésamoïde bi- ou pluripartite peut être difficile. L’IRM permet de visualiser un œdème intra-osseux. La tomodensitométrie est parfois nécessaire pour mettre en évidence une fracture non déplacée parfois difficile à affirmer sur l’IRM seule (Fig. 25a, b et c).
3.2.4.2. Instabilité tendineuse. Elle fait suite à une anomalie du rétinaculum. On en dénombre trois types : • subluxation du CF ou du LF à la face latérale de la fibula, secondaire à une éversion contrariée ou survenant de manière spontanée (Fig. 26) ; • instabilité intertendineuse (ressaut) ; • instabilité intratendineuse. La subluxation à la face latérale de la fibula est de diagnostic clinique aisé. On cherchera des signes indirects à type d’avulsion
Fig. 22. Muscles péronéus quartus bilatéraux en scanner (en a : coupe axiale ; en b : coupe coronale) (voir flèche).
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Fig. 23. Classification de Sobel de la fissuration longitudinale du tendon court fibulaire (Sobel M, Foot Ankle int 1994 15:112).
osseuse et d’épaississement du retinaculum supérieur des fibulaires secondaires, le plus souvent à un traumatisme sportif en flexion dorsale forcée (skieur, footballeur, patineur sur glace). Oden a décrit quatre types de lésions du rétaniculum supérieur (Fig. 27) [15] : • type I : poche de décollement au niveau de l’insertion fibulaire ; • type II : rupture de l’insertion fibulaire ; • type III : avulsion osseuse de l’insertion fibulaire ; • type IV : rupture postérieure du rétinaculum ; L’instabilité intertendineuse est moins fréquente. Elle intéresse une population jeune avec une prédominance féminine ; seule l’échographie permet de confirmer le diagnostic de ressaut
Fig. 24. Fissure longitudinale du tendon court fibulaire avec ténosynovite (Coupe axiale IRM en T2 Fat Sat) (voir flèche).
Fig. 25. Fracture d’un os péronéum et rupture du tendon long fibulaire de type 2 (a et b IRM en T2 Fat Sat en axial et coronal ; en c : scanner en coupe sagittale) (voir flèche).
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Fig. 26. Luxation des tendons fibulaires avec poche de décollement latéromalléolaire de type 1 d’Oden (IRM en axial T1) (voir flèche).
des fibulaires en mettant en évidence l’enroulement tendineux du CF et du LF que l’on pourrait appeler « la samba » des fibulaires. L’instabilité intratendineuse correspond au passage du LF dans une fissuration du CF. L’échographie avec sa manœuvre dynamique d’éversion contrariée a un rôle diagnostique majeur. 4. Le groupe antérieur des extenseurs 4.1. Le tendon tibial antérieur 4.1.1. Anatomie Le muscle tibial antérieur (TA) a un tendon qui se dégage progressivement des fibres musculaires à partir du tiers distal de la jambe jusqu’au cou-de-pied et traverse un dédoublement du feuillet superficiel du ligament annulaire antérieur du tarse ; en dessous de ce ligament (point de réflexion), il s’incline en bas, en avant et en dedans vers le bord médial du pied. Il s’insère à la face médiale du premier os cunéiforme dont il est inconstamment séparé par une bourse séreuse et sur la partie inférieure et médiale de la base du premier métatarsien. La gaine synoviale débute trois centimètres au-dessus du ligament annulaire du tarse et se termine en regard de l’interligne talonaviculaire. Il se termine sur la base du 1er métatarsien et sur le cunéiforme médial, à proximité de l’insertion du tendon LF et du
Fig. 27. Classification de la luxation des tendons fibulaires d’après Oden (Oden R. Tendon injuries about the ankle resulting from skiing. Clin Orthop 1987; 216: 63-9).
Fig. 28. Terminaison à proximité des 3 tendons principaux de la cheville et du pied : le tibial antérieur, le tibial postérieur et le long fibulaire d’après G. Morvan.
tibial postérieur ce qui peut poser des problèmes de diagnostic étiologique (Fig. 28). 4.1.2. Pathologie 4.1.2.1. Les tendinopathies mécaniques chroniques. La tendinopathie dégénérative du TA est la pathologie la plus fréquente (Fig. 29). Elle est souvent méconnue, si bien qu’elle peut évoluer vers la rupture totale. Elle touche en majorité des hommes, d’âge moyen de 61 ans. Elle est exceptionnelle chez les sujets jeunes. On distingue classiquement les ruptures en un temps, et celles en deux temps : • la rupture en un temps se rencontre le plus souvent chez le sportif ; • la rupture en deux temps se rencontre habituellement chez les sujets de plus de 50 ans. La rupture est précédée d’une phase de gonflement diffus douloureux de la face antérieure du coude-pied qui peut durer plusieurs mois. La rupture se constitue souvent à l’occasion d’un traumatisme anodin, comme une glissade en flexion plantaire forcée dans un escalier, un faux pas, un simple mouvement de flexion dorsale forcée, la reprise tardive et mal préparée d’une activité sportive, plus rarement après un choc direct. Il a été décrit des cas de ruptures associées à une fracture fermée de jambe.
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Fig. 29. Tendinopathie hypertrophique du tibial antérieur avec rupture partielle (IRM dans le plan sagittal en a en T1 et en b en T2 Fat Sat) (voir flèche).
La rupture siège un peu au-dessus de l’insertion distale du tendon. Elle s’accompagne d’une rétraction de l’extrémité proximale qui est renflée et est située, en règle générale, à hauteur du ligament annulaire antérieur. La rupture du TA peut être prise pour une tumeur des tissus mous.
La situation superficielle du TA rend aisée la recherche des signes cliniques de rupture récente. L’épaississement synovial éventuellement associé donne une tuméfaction en sablier, siégeant de part et d’autre du ligament annulaire antérieur.
Fig. 30. Kyste synovial antéro-latéral de la cheville dû à un conflit entre les tendons péroneus tertius et le court extenseur des orteils (IRM en T2 Fat Sat dans le plan axial et sagittal en a et en b, en T1 dans le plan axial en c et en T1 post-gadolinium Fat Sat en d) (voir flèche).
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Fig. 31. Tendinopathie fissuraire d’insertion du tibial antérieur (IRM en sagittal en T2 Fat Sat) (voir flèche).
La rupture aiguë par macrotraumatisme est exceptionnelle. Elle nécessite un mécanisme en étirement avec le pied en flexion plantaire forcée et rotation externe (chute sur les fesses avec l’avant-pied bloqué). L’intervention chirurgicale en cas de rupture a pour but d’améliorer la fonction. Elle n’a pas de visée antalgique puisque la douleur disparaît spontanément [19]. 4.1.2.3.2. La tendinose proximale et la péritendinopathie de la jonction musculotendineuse. Elles surviennent le plus souvent lors d’un surmenage mécanique passager et s’associent fréquemment à une atteinte du retinaculum supérieur des extenseurs :
Le plus souvent, le diagnostic n’est pas fait initialement et les patients sont examinés après un délai variant de trois semaines à deux ans après l’accident inaugural. La douleur s’estompe relativement rapidement, le steppage est souvent minime. La flexion dorsale active du pied reste affaiblie, l’atténuation variant avec le délai écoulé, jusqu’à pouvoir empêcher dans certains cas la marche sur les talons. L’association d’une rupture du tendon TA à une tendinopathie et même à une rupture du tendon tibial postérieur a été rapportée [16]. L’échographie met bien en évidence la tendinose avec un tendon hypoéchogène, siège d’une hyperhémie en Doppler-énergie ou d’une ténosynovite. La rupture du tendon TA peut simuler une masse des parties molles.
• le tendon est en situation de compression ou de friction : conflit avec des chaussures renforcées, marche excessive, pratique de sport (patin à glace, ski) ; • ces péritendinopathies avec lésion du rétinaculum peuvent être associées à une entorse de la cheville ou du Chopart.
4.1.2.2. Tendinopathie sur variante anatomique. Le peroneus tertius ou troisième fibulaire est un muscle quasi-constant (absent dans seulement 8,5 à 10 % des cas selon les auteurs). Il prend son origine sur la partie distale et médiale de la fibula et de la membrane interosseuse. Son corps musculaire est de taille variable, situé au contact de l’extenseur commun des orteils et vient s’insérer par un tendon sur la base du cinquième ou du quatrième métatarsien. Il peut être à l’origine d’un ressaut lorsqu’il est hypertrophié [17]. Il peut être à l’origine d’un kyste synovial de la région antérolatérale de la cheville lorsqu’il entre en conflit lors du croisement avec le muscle court extenseur des orteils [18] (Fig. 30a, b, c et d).
4.2. Les tendons longs extenseurs de l’hallux (LEH) et des orteils (LEO)
4.1.2.3. Lésions post-traumatiques. 4.1.2.3.1. Rupture tendineuse. Deux types de lésions sont rencontrés : les ruptures vraies qui siègent en plein corps, sous les poulies de réflexion ou à l’insertion distale des tendons et les lésions fissuraires. Les ruptures du tendon TA sont exceptionnelles chez le sportif et font souvent suite à un long passé de ténosynovite ou de tendinopathie (Fig. 31a et b), fréquent chez le coureur à pied. La rupture en un temps se définit par l’absence de douleur préalable, encore qu’on puisse trouver des signes avant-coureurs tels qu’une douleur minime, une sensation de crampe ou de tension, en particulier à la montée ou à la descente des escaliers ou des difficultés à la marche en terrain accidenté.
4.1.2.3.3. L’enthésopathie distale du TA. Elle peut être confondue avec une enthésopathie du tendon tibial postérieur ou du LF du fait de la proximité de leur insertion terminale. Elle est relativement fréquente et mal connue. Son diagnostic est aisé avec le couple radio/échographie ou par IRM (Fig. 32a et b). La bifurcation du tendon terminal est une variante anatomique qui a été confondue par certains auteurs avec une fissure longitudinale distale asymptomatique [20].
Sous le rétinaculum inféro-antérieur, ces deux tendons sont juste en dehors du tendon tibial antérieur. L’extenseur propre de l’hallux est au contact de l’artère pédieuse. Ils sont sujets à un conflit sous le ligament annulaire. Un frottement avec la chaussure, les impactions répétitives (football, karaté) peuvent être responsables de bursite, de tendinose ou de péritendinopathie (Fig. 33a, b, c). 4.3. Le tendon long extenseur de l’hallux Il est situé en dehors du tibial antérieur et son diamètre est environ deux fois moindre que celui du TA. Il existe trois zones potentielles de conflit : • le retinaculum supérieur des extenseurs est la première zone possible de conflit. L’examen clinique recherche un œdème du long extenseur de l’hallux et une douleur à la pression en regard du retinaculum lors de l’étirement en flexion plantaire ; • une deuxième zone de conflit se situe en regard de l’articulation métatarsophalangienne, chez les femmes portant des talons hauts ; • une troisième zone de conflit possible se trouve au niveau d’une arthropathie dégénérative du Lisfranc ostéophytique (« tarse bossu ») (Fig. 34a, b et c).
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Fig. 32. Enthésopathie distale du tibial antérieur : aspect hypoéchogène et épaissi de l’insertion distale du tendon tibial antérieur en échographie (en a : coupe coronale ; en b : coupe sagittale) (voir flèche).
La rupture (proximale et distale) de ce tendon est rare. Elle peut survenir lors de traumatismes ouverts ou fermés ou dans le cadre d’une entorse par hyperextension de la première articulation métatarsophalangienne (“Turf Toe”) (Fig. 35a et b).
Il peut être le siège d’une tendinose ou d’une ténosynovite proximale et distale (comme le LEH) et subir un conflit osseux secondaire à un « tarse bossu » (Fig. 37a, b et c).
5. Le groupe postérieur 4.4. Le tendon long extenseur des orteils
5.1. Le tendon plantaire
Il se trouve en dehors du LEH dont il est séparé par l’artère pédieuse. Le conflit sous le retinaculum peut se traduire par une tuméfaction douloureuse crépitante à la face antérieure de la cheville avec une ténosynovite à l’échographie ou à l’IRM (Fig. 36a et b).
Le muscle plantaire (plantaire grêle) est un muscle inconstant fréquent : sa présence est rapportée dans 80 à 93 % des cas selon les études. C’est un muscle bi-articulaire, puisqu’il s’insère sur la ligne supra-condylienne du fémur sur le versant supérieur ou médial de l’insertion du gastrocnémien latéral et se termine sur la partie
Fig. 33. Péritendinopathie du long extenseur des orteils par conflit avec le rétinaculum supérieur des extenseurs après une marche prolongée chez un patient sportif (IRM en T2 Fat Sat en axial en a et en b ; en T2 Fat Sat en sagittal en c) (voir flèche).
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Fig. 34. Conflit ostéo-tendineux entre un tarse “bossu” et le tendon long extenseur de l’hallux (en T2 Fat Sat en sagittal en a et b, en T2 Fat Sat en coronal en c) (voir flèche).
postéro-médiale du calcaneus ou sur le tendon calcanéen, voire sur le retinaculum des fléchisseurs. Son corps musculaire s’étend sur 7 à 13 cm. Sa jonction myotendineuse est située en regard de l’insertion du soléaire sur le tibia. On distingue trois types cliniques de rupture : au tiers supérieur, moyen et inférieur :
croisé antérieur du genou, une contusion osseuse du compartiment latéral du fémur, une entorse du ligament poplité arqué ; • au tiers moyen (partie tendineuse haute) il se présente comme un « Tennis Leg » ; • au tiers inférieur (partie tendineuse basse), une rupture, très rare, ou une tendinopathie sont confondues cliniquement avec une atteinte du tendon calcanéen.
• au tiers supérieur, c’est une désinsertion myotendineuse associée, dans environ 60 % des cas, à une lésion du ligament
La partie haute du tendon, entre le muscle gastrocnémien médial et le soléaire, est plus facile à individualiser en
Fig. 35. Rupture du tendon long extenseur de l’hallux dans le cadre d’une entorse métatarsophalangienne (« Turf Toe »). IRM dans le plan sagittal en T2 Fat Sat en a, en sagittal en T1 en b (voir flèche).
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Fig. 36. Conflit entre le rétinaculum supérieur des extenseurs et le tendon long extenseur des orteils (IRM en T2 Fat Sat en coupes axiales montrant un œdème péri-rétinaculaire) (voir flèche).
Fig. 37. Conflit ostéo-tendineux entre un tarse « bossu » et le tendon long extenseur des orteils (IRM en T2 Fat Sat dans le plan sagittal) (voir flèche).
échographie qu’en IRM. Elle mesure 1 à 2 mm d’épaisseur. Sa partie basse, médiocalcanéenne, peut être mieux visible en IRM qu’en échographie. Bianchi et al. [21] ont rapporté 5 cas de rupture distale, qui se situaient à 4,84 ± 0,5 cm de l’insertion calcanéenne. Il ne faut pas confondre une rupture isolée du tendon plantaire avec une rupture partielle du tendon calcanéen, et ne pas prendre une rupture complète du tendon calcanéen pour une rupture partielle en cas de tendon plantaire sain interposé. Il est en effet possible, au cours d’une rupture du tendon calcanéen, de voir une incarcération du tendon plantaire dans la lésion calcanéenne à l’origine d’une douleur secondaire [22].
6. Conclusion Certaines tendinopathies sont négligées car de diagnostic difficile, peu fréquentes dans la pratique courante du clinicien ou du radiologue. Le couple radiographie–échographie basé sur des bonnes connaissances anatomiques et orienté par un examen clinique minutieux permet dans la plupart des cas de faire le diagnostic. L’IRM reste l’examen de choix pour une détection optimale de la plupart des lésions tendineuses et de l’œdème intra-osseux. Elle est complétée parfois par une tomodensitométrie pour l’évaluation des anomalies osseuses.
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Déclaration de liens d’intérêts Les auteurs n’ont pas précisé leurs éventuels liens d’intérêts.
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