Ann Fr Anesth Réanim 2000 ; 19 : 563-6 © 2000 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés S0750765800002537/COR
Bactériémie à Enterobacter cloacae : émergence d’une résistance aux antibiotiques après antibioprophylaxie I. Mohammedi, E. Vieille, P. Boulétreau Service de réanimation, hôpital Édouard-Herriot, place d’Arsonval, 69003 Lyon, France
L’augmentation du nombre de bactériémies à Enterobacter spp. et l’acquisition d’une résistance aux bêta-lactamines sous traitement antibiotique curatif sont des phénomènes de plus en plus connus [1]. Nous rapportons le cas de l’émergence d’un variant résistant d’Enterobacter cloacae après une seule injection d’antibioprophylaxie par céfamandole. Un homme de 82 ans, aux antécédents d’arythmie complète par fibrillation auriculaire et de myocardiopathie ischémique peu sévère, a été opéré d’un anévrisme de l’aorte abdominale sous-rénale. L’antibioprophylaxie a consisté en une injection préopératoire de céfamandole. Le patient a été transféré de principe en réanimation. Une poussée d’insuffisance cardiaque globale postopératoire a gêné le sevrage respiratoire. Au 12e jour, en raison d’une fièvre à 39 °C et de sécrétions trachéales purulentes, et alors qu’il n’avait reçu aucun antibiotique jusque-là, deux hémocultures et un lavage broncho-alvéolaire ont permis d’isoler Enterobacter cloacae résistant aux céphalosporines de 3e génération, traité par l’association imipenem-cilastatine et nétilmicine. L’état clinique du patient s’est par la suite amélioré progressivement. La trachée a été extubée à j26 et le patient a regagné le service de chirurgie vasculaire à j31. Durant son séjour dans notre unité, aucun patient n’a été infecté ou colonisé par ce germe, alors que nous réalisons un dépistage régulier et prospectif des patients-réservoirs de bactéries multirésistantes (dès l’admission pour les patients à risque de portage et pour tous, de façon hebdomadaire, à partir du 7e jour), ce qui a permis d’exclure l’hypothèse d’une transmission croisée. Enterobacter est un germe commensal du tube digestif responsable de bactériémies, dont l’origine est nosocomiale la plupart du temps. Parmi les bac-
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tériémies nosocomiales à bacille à Gram négatif, celles à Enterobacter spp. sont actuellement en troisième position derrière celles à Escherichia coli et Klebsiella spp. [2]. La caractéristique principale du genre Enterobacter est sa propension à sélectionner des variants résistants, par hyperproduction d’une céphalosporinase déréprimée, sous traitement par céphalosporine de 2e ou plus fréquemment de 3e génération [3]. Cette situation incite la plupart des prescripteurs à éviter une monothérapie par céphalosporine de 3e génération lors du traitement d’infections dues à cette espèce bactérienne. Il apparaît, et c’est tout l’intérêt de cette observation, qu’une simple antibioprophylaxie par céphalosporine de 2e génération place les patients à risque d’avoir dans les suites un isolat résistant. RE´FE´RENCES 1 Chow J, Fine MJ, Shlaes DM, Quinn JP, Hooper DC, Johnson MP, et al. Enterobacter bacteremia : clinical features and emergence of antibiotic resistance during therapy. Ann Intern Med 1991 ; 115 : 585-90. 2 Diekema DJ, Pfaller MA, Jones RN, Doern GV, Winokur PL, Gales AC, et al. Survey of bloodstream infections due to Gramnegative bacilli : frequency of occurrence and antimicrobial susceptibility of isolates collected in the United States, Canada, and Latin America for the Sentry Antimicrobial Surveillance Program 1997. Clin Infect Dis 1999 ; 29 : 595-607. 3 Jacobson KL, Cohen SH, Inciardi JF, King JH, Lippert WE, Iglesias T, et al. The relationship between antecedent antibiotic use and resistance to extended-spectrum cephalosporins in Group I beta-lactamase-producing organisms. Clin Infect Dis 1992 ; 21 : 1107-13. Ann Fr Anesth Réanim 2000 ; 19 : 563
Thrombose veineuse jugulaire interne chez le traumatisé crânien grave G. Motte, Y. Barthelet Département d’anesthésie-réanimation A, CHU, hôpital Lapeyronie, 34295 Montpellier cedex 5, France
L’absence d’obstacle au drainage veineux cérébral est importante chez le traumatisé crânien grave (TCG). Toute gêne au retour veineux peut, en effet, contribuer à l’augmentation de la pression intracrâni-
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enne. Nous rapportons le cas d’une thrombose des deux veines jugulaires internes chez un TCG. Un homme de 34 ans a été victime d’une chute de six mètres de hauteur. Le bilan lésionnel mettait en évidence un TCG (score de Glasgow = 4) avec des lésions cérébrales hémorragiques diffuses et un œdème cérébral s’accompagnant d’une déviation de la ligne médiane. Il existait par ailleurs un traumatisme thoracique avec une contusion pulmonaire bilatérale, une contusion hépatique et des fractures étagées du rachis dorsal sans signe neurologique. Il n’y avait pas de lésions du rachis cervical, des parties molles du cou, des membres ou des premières côtes. Un capteur intraparenchymateux (Codman™) objectivait une hypertension intracrânienne (> 40 mmHg) qui nécessitait une ventilation artificielle avec hypocapnie modérée, la perfusion de thiopental et de noradrénaline, une osmothérapie par mannitol et sérum salé hypertonique. Le patient était perfusé par un cathéter triple lumières en polyuréthane avec revêtement hépariné et antibactérien (Multi-Med, Baxter, longueur 16 cm, diamètre 7F) placé par voie sous-clavière droite jusqu’au 13e jour, puis à gauche. Il n’y a pas eu de prescription d’héparine, en raison du risque hémorragique intracérébral initial, d’une thrombopénie et de troubles de la coagulation. L’évolution a été marquée par la persistance d’une hypertension intracrânienne de plus en plus difficile à contrôler à partir de la fin de la deuxième semaine. Une scanographie cérébrale montrait alors la persistance d’un œdème cérébral majeur avec déviation de la ligne médiane. Cette hypertension intracrânienne rebelle était attribuée à l’existence concomitante d’un syndrome de détresse respiratoire aiguë sévère lié à une pneumopathie à Echerichia coli. L’apparition, le 17e jour, d’un œdème et d’une cyanose du membre supérieur gauche faisait pratiquer une écho-Doppler veineuse, qui montrait une thrombose de la veine sous-clavière gauche et des deux veines jugulaires internes. Malgré une héparinothérapie, le patient évoluait vers un coma dépassé. Les thomboses sur cathéters veineux centraux sont observées dans 3 à 66 % des cas selon le contexte clinique et les moyens d’investigations utilisés [1]. Elles sont souvent asymptomatiques, seule l’échoDoppler permet alors de les mettre en évidence [2]. Elles peuvent être à l’origine d’embolies pulmonaires
(incidence estimée entre 9 et 25 % des cas) et de séquelles fonctionnelles sur le membre intéressé [1, 3]. Notre patient associait plusieurs facteurs de risque de thrombose sur cathéter, comme la plupart des TCG [1, 3, 4] : a) cathéter de gros diamètre ; b) administration de substances irritantes pour l’endoveine (thiopental, osmothérapie, nutrition parentérale) ; c) syndrome inflammatoire ; d) absence d’administration d’héparine. Il nous paraît intéressant de souligner l’importance de la recherche d’un obstacle au retour veineux par thrombose jugulaire interne chez le TCG, en cas de persistance anormalement prolongée d’un œdème cérébral. Un dépistage systématique ne semble cependant pas justifié [5]. RE´ FE´ RENCES 1 Segal J. Prolonged barbiturate therapy in a patient with closed head injury and venous thrombosis. Neurosurgery 1993 ; 32 : 468-72. 2 Gaitini D, Kaftori JK, Pery M, Engel A. High-resolution realtime ultrasonography, diagnosis and follow-up of jugular and subclavian vein thrombosis. J Ultrasound Med 1988 ; 7 : 621-7. 3 Mahé V, Bonnal T, Riou JY, Bernage F, Écoffey C. Embolie pulmonaire massive due à une thrombose sur cathéter central chez l’enfant. Ann Fr Anesth Réanim 1993 ; 12 : 505-7. 4 Bernam X, Fripp RR, Yabeck SM, Wernly G, Corlew S. Great vein and right atrial thrombosis in critically ill infants and children with central venous line. Chest 1990 ; 4 : 963-7. 5 Ross P, Ehrenkranz R, Kleinmann CS, Seashore JH. Thrombus associated with central venous catheter in infants and children. J Pediatr Surg 1989 ; 24 : 253-6. Ann Fr Anesth Réanim 2000 ; 19 : 563-4.
Vous avez dit « Détracteurs » A. Bénichou Centre clinical, BP 100, 2, chemin de Fregeneuil, 16800 Soyaux, France
L’éditorial du Professeur Bricard [1] appelle à notre avis quelques commentaires et une petite mise au point. Nul n’a contesté jusqu’ici l’utilité de la consultation d’anesthésie à distance de l’intervention, telle que rendue obligatoire par le décret n°941050 du 5 décembre 1994. Cette obligation, qui devient une contrainte dans de nombreux cas, est-elle justifiée et cette utilité est-elle d’ordre médical ou purement psychologique ?