Revue de chirurgie orthopédique et traumatologique 106 (2020) 51–57
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Mémoire original
Tiges sur mesure pré-cintrées pour la correction chirurgicale de la cyphose thoracique dans la scoliose idiopathique de l’adolescent : résultats préliminaires夽 Patient-specific rods for thoracic kyphosis correction in adolescent idiopathic scoliosis surgery: Preliminary results Federico Solla a,∗ , Jean-Luc Clément a , Vincent Cunin b , Carlo M. Bertoncelli a , Vincent Fière c , Virginie Rampal a a
Orthopédie pédiatrique, hôpital pédiatrique de Nice CHU-Lenval, 06200 Nice, France Orthopédie pédiatrique, CHU de Lyon, 69800 Bron, France c Chirurgie du rachis, centre orthopédique Santy et HPJM Lyon GDS Ramsay, 69008 Lyon, France b
i n f o
a r t i c l e
Historique de l’article : Rec¸u le 30 octobre 2018 Accepté le 3 septembre 2019 Mots clés : Scoliose idiopathique de l’adolescent Arthrodèse postérieure Tiges sur mesure Cintrage Cyphose thoracique
r é s u m é Introduction. – La restitution d’une cyphose thoracique adaptée à l’équilibre sagittal est primordiale lors de la correction chirurgicale des scolioses idiopathiques de l’adolescent (SIA). Nous proposons d’utiliser des tiges sur mesure pré-cintrées pour tenter de restituer au mieux la cyphose thoracique nécessaire à cet équilibre. Hypothèse. – La cyphose au recul est influencée favorablement par le cintrage des tiges sur mesure. Matériel et méthodes. – Série prospective de 37 SIA (dont 17 hypocyphotiques) opérées avec des tiges sur mesure pré-cintrées selon des critères prédéfinis, fonction de l’incidence pelvienne (25◦ à 40◦ pour la tige du côté convexe et 10◦ de plus pour la tige du côté concave). La cyphose thoracique a été mesurée en préopératoire et au dernier recul (12–36 mois, moyenne 19). Les moyennes ont été comparées par test de Student. L’analyse multivariée a été réalisée par régression linéaire. Résultats. – La cyphose thoracique a augmenté en moyenne de 14◦ au recul et était comparable à la cyphose planifiée avec un écart moyen nul (p = 0,85). La cyphose au recul était influencée favorablement par le cintrage de la tige du côté concave et par la cyphose préopératoire (p < 0,05). Pour les patients en hypocyphose préopératoire (< 20◦ ), la cyphose au recul était inférieure à la cyphose planifiée de 5◦ en moyenne. Pour les patients en normocyphose préopératoire, la cyphose au recul était supérieure à la cyphose planifiée de 4◦ en moyenne. Conclusion. – L’utilisation de tiges pré-cintrées sur mesure a permis d’obtenir une cyphose au recul proche de la cyphose planifiée. La cyphose au recul était influencée par le cintrage des tiges et par la cyphose préopératoire. Un sur-cintrage de la tige concave semble nécessaire pour les cas d’hypocyphose, et inutile dans les cas de normocyphose. Niveau de preuve. – III, étude prospective sans comparateur. ´ ´ es. © 2019 Elsevier Masson SAS. Tous droits reserv
1. Introduction
DOI de l’article original : https://doi.org/10.1016/j.otsr.2019.07.027. 夽 Ne pas utiliser, pour citation, la référence franc¸aise de cet article, mais celle de l’article original paru dans Orthopaedics &Traumatology: Surgery & Research, en utilisant le DOI ci-dessus. ∗ Auteur correspondant. Hôpital Lenval, orthopédie pédiatrique et chirurgie des scolioses, 57, Avenue Californie, Nice, 06200, France. Adresse e-mail :
[email protected] (F. Solla). https://doi.org/10.1016/j.rcot.2019.11.002 ´ ´ 1877-0517/© 2019 Elsevier Masson SAS. Tous droits reserv es.
Les courbures de la scoliose idiopathique de l’adolescent (SIA) se développent dans les trois plans de l’espace. La projection sagittale de cette déformation se traduit souvent par une hypocyphose thoracique et une hypolordose lombaire [1–3]. L’hypocyphose postopératoire est source de dégénérescence disco-vertébrale à l’âge adulte par déséquilibre du tronc [4,5]. Les instrumentations vertébrales postérieures permettent actuellement des corrections
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coronales presque complètes mais les résultats sagittaux diffèrent amplement selon les études [1,2,6–10]. La cyphose thoracique (CT) normale est acceptée entre 10◦ et 55◦ selon les auteurs [1,2,11–14]. Cependant, la CT idéale pour chaque individu est peu étudiée. Il y a pourtant une relation géométrique entre l’incidence pelvienne (IP) et la lordose lombaire (LL) ainsi qu’entre la CT et les paramètres pelviens [1–3,11]. Lors de la correction chirurgicale des SIA, il semble donc important d’essayer de donner au patient une CT adaptée à son équilibre sagittal. La plupart des chirurgiens se basent sur leur expérience en cintrant les tiges pendant l’intervention sans définir la CT souhaitée ni mesurer l’angulation donnée à la tige. L’utilisation de tiges sur mesure paraît efficace dans la correction des déformations rachidiennes de l’adulte [15]. Nous proposons donc d’utiliser des tiges pré-cintrées pour la chirurgie des SIA, afin d’obtenir une CT au recul proche de la CT planifiée et, in fine, un meilleur équilibre sagittal postopératoire. La diminution de la durée opératoire et l’amélioration des propriétés mécaniques des tiges cintrées industriellement constituent également des avantages attendus [15]. L’objectif de cet article était d’analyser les premiers résultats d’une série de SIA opérées avec arthrodèse postérieure et tiges sur mesure planifiées en fonction de l’incidence pelvienne. La première question était d’évaluer la cyphose au recul, avec l’hypothèse que le cintrage des tiges et la cyphose initiale influenc¸aient favorablement la cyphose au recul. La 2e question était d’évaluer si la cyphose au recul était corrélée aux autres paramètres angulaires et à la qualité de vie.
2. Matériel et méthodes 2.1. Patients Entre 2015 et 2017, deux chirurgiens (JLC et FS) ont inclus de manière prospective des patients opérés d’une SIA répondant aux critères suivants : • SIA avec instrumentation incluant au moins le segment T4–T11 ; • commande et utilisation de tiges pré-cintrées (TPC) sur mesure ; • bilan radiologique complet avec radiographies du rachis en entier debout de face et de profil et radiographies en bending ; • technique de réduction par translation simultanée sur 2 tiges avec haute densité d’ancrages [10,16,17] et montages hybrides (vis pédiculaires, crochets-pinces, et parfois des liens sous-lamaires) ; • recul minimum de 1 an. Ont été exclues les SIA ayant eu une libération antérieure ou une traction par halo crânien avant l’arthrodèse postérieure et les SIA Lenke 5, car ces dernières ont été instrumentées par montage sélectif [18]. 2.2. Sous-groupes La série a été divisée en 2 sous-groupes selon la cyphose thoracique « à instrumenter » (CTAI), définie comme la cyphose préopératoire mesurée entre la vertèbre thoracique proximale et la vertèbre thoracique distale qui allaient être instrumentées (Fig. 1) :
Fig. 1. Patient 1, mensuration des cyphoses sur les radiographies de profil préopératoire (1a) et au recul de 1 an (1b) ; Traits et chiffres noirs : cyphose globale (en préopératoire entre T2 et T11, en postopératoire entre T3 et T12) ; Traits et chiffres blancs : cyphose du segment thoracique à instrumenter (en préopératoire), cyphose du segment thoracique instrumenté (en postopératoire).
F. Solla et al. / Revue de chirurgie orthopédique et traumatologique 106 (2020) 51–57 Tableau 1 Données générales. Répartition garc¸ons/filles (n) Âge (ans)a Suivi (mois)a Stade de Risser de 0 à 5 (n) Type de scoliose selon Lenke de 1 à 6 (n) Limite supérieure d’instrumentation : T2, T3, T4 (n) Limite inférieure d’instrumentation : T11, T12, L1, L2, L3, L4 (n) Densité d’implants %a SRS-22 préopératoire moyen SRS-22 au recul moyen SRS-22 préopératoire vs recul (p) a
3 ; 34 14 (12 ; 19) 19 (12 ; 36) 0, 1, 15, 13, 6, 2 21, 13, 0, 1, 0, 2 10, 6, 21 4, 1, 13, 11, 5, 3 82% (71% ; 92%) 3,61 4,08 0,008
Valeur moyenne (minimum ; maximum).
groupe hypo-cyphotique (H) avec CTAI ≤ 20◦ et groupe normocyphotique (N) avec CTAI préopératoire > 20◦ [1] (Tableau 1). 2.3. Planification Les limites de l’instrumentation ont été décidées selon les critères de Lenke pour le choix des courbures à instrumenter et selon les critères du GES (groupe d’étude de la scoliose) pour le choix des vertèbres limites de l’instrumentation [12,19]. La CT globale était définie comme la cyphose maximale du patient, comprise entre la vertèbre supérieure de transition (entre la cyphose thoracique et la lordose cervicale), et la vertèbre inférieure de transition (entre la cyphose thoracique et la lordose lombaire) (Fig. 1). La CT globale planifiée était définie sur les radiographies calibrées préopératoires (Fig. 2 et 3) pour chaque patient en fonction de l’incidence pelvienne [20]. Elle était comprise entre 27◦ et 44◦ , d’autant plus élevée que l’incidence était forte (Tableau 2). Dans la planification, la cyphose préopératoire n’était pas considérée. La planification de l’angle de cintrage de la tige pré-cintrée (ATPC) tenait compte du fait que le rachis thoracique instrumenté n’incluait pas l’intégralité de la cyphose globale du patient (qui est habituellement comprise entre T2 et T12) mais une fraction
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de celle-ci, par exemple les 8/10 en cas de montage T4–T12. Cette fraction donnait donc la cyphose planifiée pour le segment à opérer, qui était donc utilisée comme ATPC du côté convexe. Géométriquement, l’ATPC était compris entre : • l’extrémité proximale du montage ; • l’extrémité distale de la tige en cas d’appui sur T11, ou le point de transition entre la courbure à concavité antérieure et la courbure à convexité antérieure, correspondant à la position théorique de l’implant de T12 (Fig. 1 et 2). Nous avons décidé de majorer cet angle de 10◦ pour la tige du côté concave afin de compenser l’aplatissement prévisible de celleci pendant les manœuvres de correction (Fig. 3 et 4) [21]. Concernant la lordose lombaire, sa valeur théorique était calculée comme incidence pelvienne + 10◦ ; cette valeur était attribuée pour les 2/3 au segment L4–S1 et 1/3 au segment L1–L4, puis repartie selon les niveaux à instrumenter. Les résultats concernant la lordose lombaire n’ont pas été analysés car cette série incluait des niveaux très variés d’appui distal, entre T11 et L4. La longueur des tiges était mesurée sur la radiographie coronale (Fig. 2). Les tiges en CrCo, de diamètre 6 mm (Medicrea, Rillieux-la Pape, France), étaient alors commandées 10 à 20 jours avant la chirurgie, livrées au bloc opératoire et implantées sans modification du cintrage (Fig. 3).
2.4. Critères d’évaluation Toutes les mesures radiologiques ont été réalisées en préopératoire et au dernier recul par un opérateur indépendant (VC) à l’aide du programme informatique Keops Analyzer® [22]. La CTAI a été définie plus haut : par exemple, en vue d’un montage T3–L2, la CTAI était mesurée entre T3 et T12. L’angle de la tige pré-cintrée (ATPC) était défini comme l’angle à concavité antérieure de la tige du côté convexe. Par exemple, dans une planification de montage T3–L2, l’ATPC était mesuré entre
Fig. 2. Patient 2, radiographie préopératoire et planification ; 2a : Vue frontale avec identification des niveaux à instrumenter ; 2b : Vue latérale ; cyphose globale (T2–T12) préopératoire = 7 ; 2c : Alignement planifié avec cyphose thoracique globale T2–T12 = 35◦ , cyphose T4-T12 = 30◦ et tige virtuelle.
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Fig. 3. Tiges fabriquées pour le patient 2 ; 3a : angle T4–T12 de la tige pré-cintrée du côté convexe = 30◦ , angle T12–L2 = 15◦ ; 3b : angle T4–T12 de la tige pré-cintrée du côté concave = 40◦ , angle T12–L2 = 15◦ . Tableau 2 Résultats angulaires présentés comme suit : valeur moyenne (minimum ; maximum). Paramètres
Série complète
Groupe H
Groupe N
Nombre de patients CTAI ATPC CTI p (CTI vs CTAI) Gain attendu Gain réel Ecart (Gain réel - Gain attendu) Répartition selon l’écarta (n) Cyphose T4–T12 préopératoire Cyphose T4–T12 au recul P (Cyphose T4–T12 préopératoire vs au recul) Cyphose globale préopératoire Cyphose globale planifiée Cyphose globale au recul P (cyphose globale préopératoire vs au recul) Angle de Cobb coronal préopératoire Angle de Cobb coronal au recul Correction coronale % au recul
37 21 (1 ; 39) 34 (25 ; 40) 34 (24 ; 49) 0,001 14 (−14 ; 36) 14 (–1 ; 39) 0 (−16 ; 18) 13 ; 12 ; 12 16 (0 ; 36) 31 (22 ; 46) E-5 20 (1 ; 46) 37 (27 ; 44) 35 (25 ; 56) E-4 53 (39 ; 64) 13 (1 ; 32) 74 (51 ; 98)
17 9 (1 ; 18) 34 (25 ; 40) 29 (24 ; 39) E-9 25 (11 ; 36) 20 (10 ; 39) −5 (−16 ; 10) 2 ; 5 ; 10 7 (0 ; 14) 29 (22 ; 36) E-7 11 (1 ; 19) 37 (28 ; 44) 32 (25 ; 39) E-7 55 (39 ; 64) 16 (2 ; 32) 70 (53 ; 98)
20 29 (20 ; 39) 34 (25 ; 40) 38 (27 ; 49) E-6 5 (−14 ; 17) 9 (–1 ; 21) 4 (18 ; −8) 11 ; 7 ; 2 24 (18 ; 36) 34 (26 ; 46) E-5 30 (20 ; 46) 37 (27 ; 43) 38 (27 ; 56) 0,002 51 (40 ; 62) 11 (1 ; 21) 77 (51 ; 98)
p (H vs N) E-10 0,66 E-5 E-8 E-5 0,001 0,002 E-9 E-4 E-10 0,51 0,001 0,09 0,03 0,09
En gras : p < 0,05. H : hypocyphose ; N : normocyphose ; CTAI : cyphose thoracique du segment thoracique à instrumenter (préopératoire) ; ATPC : angle de la tige pré-cintrée du côté convexe = cyphose planifiée pour le segment thoracique à instrumenter ; CTI : cyphose thoracique du segment thoracique instrumenté (au dernier recul) ; Gain attendu : ATPC–CTAI ; Gain réel : CTI–CTAI. a Répartition entre résultats : sur-corrigés (écart ≥ = 5◦ ) ; optimaux (écart compris entre −5◦ et + 5◦ ) ; sous-corrigés (écart < −5◦ ).
l’extrémité proximale du montage (correspondant à l’implant de T3) et la position théorique de l’implant de T12. La cyphose thoracique « instrumentée » (CTI) était définie comme la cyphose au dernier recul entre la vertèbre instrumentée
thoracique proximale et la vertèbre instrumentée thoracique distale (Fig. 1 et 4). Ces 3 angles (CTAI, ATPC et CTI) ont pu être comparés, puisqu’ils étaient mesurés sur les mêmes segments pour chaque patient.
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Fig. 4. Patient 2, radiographie de face et profil au recul de 2 ans ; cyphose thoracique T4–T12 = 29.
Le gain attendu a été défini comme la différence entre l’ATPC et la CTAI ; le gain réel comme la différence entre la CTI et la CTAI ; l’écart comme la différence entre le gain réel et le gain attendu (= CTI–ATPC). Trois groupes de résultats étaient définis en fonction de cet écart : résultat optimal si l’écart était de plus ou moins 5◦ , résultat sous-corrigé s’il était < −5◦ et sur-corrigé s’il était > + 5◦ .
2.5. Paramètres secondaires La cyphose T4–T12, la cyphose globale et l’angle de Cobb coronal de la courbure principale ont également été mesurés en préopératoire et au dernier recul. Une cyphose jonctionnelle proximale (CJP) a été recherchée [8]. Les patients ont rempli le questionnaire de qualité de vie SRS22 en préopératoire et au dernier suivi.
2.6. Analyses statistiques Les analyses statistiques ont été réalisées avec le programme XLStat (Addinsoft, Paris, France). Les valeurs moyennes ont été comparées par test de Wilcoxon, de Student ou analyse de la variance. Les taux ont été comparés par le test exact de Fisher. Les corrélations ont été évaluées par le test de Pearson. Les analyses multivariées ont été effectuées par régressions linéaires multiples. Les coefficients de régression sont présentés avec leur intervalle de confiance à 95 % (IC95 %) [23]. Le seuil de significativité a été fixé à p < 0,05.
3. Résultats 3.1. Données générales Sur trente-huit patients avec montages incluant le segment T4–T11 pour SIA, un a été perdu de vue et 37 ont été analysés au recul minimum de 1 an (Tableau 1) : 20 appartenaient au groupe N, 17 au groupe H. Les ancrages étaient des vis pédiculaires polyaxiales, (85 %), des pinces à double crochet (11 %), des bandes sous-lamaires (4 %) (Fig. 1 et 4).
3.2. Cyphose Dans l’ensemble de la cohorte, le gain réel moyen (différence entre CTI et CTAI) était de 14◦ , égal au gain attendu ; la CTI moyenne était comparable à l’ATPC moyen du côté convexe, avec un écart moyen nul (p = 0,85, D de Cohen = 0,047) (Tableau 2). Cependant, 12 patients avaient un résultat optimal, 12 étaient sous-corrigés et 13 sur-corrigés (Tableau 2). Dans le groupe H, le gain réel moyen était de 20◦ pour un gain attendu de 25◦ ; 10 patients sur 17 étaient sous-corrigés. Dans le groupe N, le gain réel moyen était de 8◦ pour un gain attendu de 4◦ ; 11 patients sur 17 étaient sur-corrigés. En multivarié, la CTI était influencée par la CTAI (coefficient 0,72, IC95 % 0,497 ; 0,937 ; p = E-5) et par l’APTC de la tige concave (coefficient = 0,27, IC95 % 0,005 ; 0,540 ; p = 0,04). L’écart (CTI–ATPC) était fortement corrélé au gain attendu (coefficient de corrélation 0,74, p = E-7).
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La régression linéaire multivariée a trouvé la CTAI (coefficient = 0,41, p = 0,002) et le gain attendu (coefficient = 0,62, p = E-5) comme prédicteurs de l’écart. 3.3. Autres résultats La correction coronale moyenne était de 74 % (Tableau 1). Les données coronales (angles de Cobb, flexibilité, correction) n’étaient pas corrélées aux données concernant la cyphose (coefficients < 0,10). Aucune CJP n’a été observée. Les résultats angulaires coronaux et sagittaux étaient similaires entre les différents types de Lenke (p > 0,1). L’augmentation du score SRS-22 était faiblement corrélée au gain réel, à la CTI et à la correction coronale (coefficient < 0,20). 4. Discussion Cette étude rapporte les résultats des tiges pré-cintrées selon un protocole de cintrage élaboré en fonction de l’incidence pelvienne. Les résultats ont permis de confirmer l’hypothèse que la CTI était influencée favorablement par le cintrage des tiges – surtout de celle du côté concave – et aussi par la cyphose préopératoire. La cyphose globale au recul était normale chez tous les patients. La CTI était, en moyenne, proche de l’ATPC. Au recul, 1/3 des patients avait atteint la cyphose planifiée, 1/3 était sur-corrigé et 1/3 souscorrigé. La cyphose planifiée était identique dans les 2 groupes (H et N) car elle n’a pas été choisie en fonction de la cyphose initiale du patient – qui fait partie de la déformation scoliotique – mais selon l’incidence pelvienne [20]. Ainsi, le gain attendu était plus important pour les hypocyphoses que pour les normocyphoses. Les résultats cliniques et radiologiques de cette attitude restent à évaluer à plus long terme. Dans le groupe hypocyphotique, l’augmentation de la cyphose était importante, en moyenne de 20◦ , conformément aux publications antérieures sur la même technique de correction [2,10,17]. Toutefois, la CTI restait en moyenne sous-corrigée de 5◦ par rapport à la cyphose planifiée et de 15◦ par rapport à l’angle de la tige concave. Cela reflète une « perte » de correction sagittale liée à la rigidité du rachis, responsable d’un aplatissement des tiges lors de la correction, qui est bien visible sur la tige concave lors de la manœuvre de translation [21]. Dans le groupe normo-cyphotique, la cyphose au recul était surcorrigée de 4◦ en moyenne par rapport à cyphose planifiée. Ces résultats suggèrent de continuer à sur-cintrer la tige du côté concave de 10◦ (ou plus) pour les hypocyphoses et ne plus surcintrer pour les cyphoses normales. Un sur-cintrage « à la carte » pourrait aussi être proposé, par exemple de 5◦ pour les hypocyphoses modérées. Le choix de mesurer la CT des vertèbres instrumentées a permis d’analyser l’action des tiges pré-cintrées sur le rachis instrumenté. Cette mesure ne correspond pas nécessairement à la cyphose thoracique globale ni à la cyphose thoracique « standard », habituellement mesurée dans la littérature entre T4 (ou T5) et T12 [7–9,12]. La planification de l’ATPC doit tenir compte du fait que le rachis thoracique instrumenté inclut une fraction de la cyphose globale du patient, fonction du nombre de niveaux thoraciques instrumentés. Les résultats coronaux et de qualité de vie étaient comparables aux données publiées [6,9,19] et n’étaient pas corrélés aux résultats sagittaux. La tendance à une moindre correction coronale dans le groupe hypocyphotique suggère que l’hypocyphose rend la correction 3D plus difficile. Les limites de cette étude sont le suivi court, la petite taille de l’échantillon et l’absence de série comparative. Ces résultats préliminaires concernent spécifiquement la translation simultanée sur
2 tiges en CrCo de diamètre 6 mm ; ils ne sont pas immédiatement transposables aux autres techniques et matériaux. L’originalité, l’inclusion prospective, la technique chirurgicale uniforme, le faible taux de perte de vue, l’analyse indépendante et standardisée des radiographies constituent les points forts de cette étude. 5. Conclusion L’utilisation de tiges pré-cintrées sur mesure a permis d’obtenir une cyphose du segment thoracique instrumenté (CTI) proche de l’angle des tiges pré-cintrées (ATPC). La cyphose au recul est influencée par le cintrage des tiges mais aussi par la cyphose préopératoire. Dans les cas d’hypocyphose préopératoire, une sous-correction de la cyphose a été observée, partiellement compensée par le surcintrage de 10◦ sur la tige du côté concave. Dans les cas de normocyphose préopératoire, une sur-correction de la cyphose a été observée, probablement liée au sur-cintrage de la tige du côté concave, qui ne semble donc pas nécessaire. Éthique Toutes les procédures étaient conformes aux normes éthiques de la déclaration d’Helsinki de 1964 et à ses amendements ultérieurs. Le comité de protection des personnes a approuvé cette étude (numéro 14.009). Tous les parents et patients ont fourni une autorisation écrite. Déclaration de liens d’intérêts F.S. a rec¸u des financements pour des congrès par Medicrea International. V.C. a rec¸u des financements pour des congrès par Medicrea International et Synthes. J.L.C. est consultant pour Medicrea International. V.F. est consultant pour Medicrea International et Clariance. Les autres auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts. Sources de financement Pas de financement spécifique. Contribution des auteurs FS a conc¸u l’étude, fait les analyses statistiques et écrit l’article et les tableaux. JLC a opéré les patients, participé à la conception de l’étude et corrigé l’article. VC a mesuré les radiographies, participé à la conception de l’étude et corrigé l’article. VF est à l’origine du concept de tiges sur mesure, a participé à la conception de l’étude et corrigé l’article. VR a participé à la conception de l’étude et corrigé l’article. CMB a participé au recueil et à l’analyse des données, au suivi des patients et corrigé la version finale. Références [1] Clement JL, Geoffray A, Yagoubi F, et al. Relationship between thoracic hypokyphosis, lumbar lordosis and sagittal pelvic parameters in adolescent idiopathic scoliosis. Eur Spine J 2013;22:2414–20. [2] Clement JL, Pelletier Y, Solla F, Rampal V. Surgical increase of thoracic kyphosis increases unfused lumbar lordosis in selective fusion for thoracic adolescent idiopathic scoliosis. Eur Spine J 2019;28:581–9.
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