Traitement de l'amylose AL, données actuelles

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La Revue de médecine interne 27 (2006) 809–812 http://france.elsevier.com/direct/REVMED/ Éditorial Traitement de l’amylose AL, données actuelles Tre...

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La Revue de médecine interne 27 (2006) 809–812 http://france.elsevier.com/direct/REVMED/

Éditorial

Traitement de l’amylose AL, données actuelles Treatment of AL amyloidosis, current data A. Jaccard Service d’hématologie clinique et de thérapie cellulaire, CHU de Limoges, 2, avenue Martin-Luther-King, 87042 Limoges cedex, France Reçu le 14 juin 2006 ; accepté le 26 juin 2006 Disponible sur internet le 10 juillet 2006

Mots clés : Amylose AL ; Traitement intensif ; Autogreffe de cellules souches sanguines ; Melphalan ; Dexaméthasone Keywords: AL amyloidosis; High-dose therapy; Peripheral blood stem cell transplantation; Melphalan; Dexamethasone

L’amylose AL est une pathologie rare et sévère, liée aux dépôts dans différents organes de chaînes légères monoclonales d’immunoglobulines sous forme de fibrilles ayant une structure particulière bêtaplissée les rendant résistantes à la protéolyse. L’augmentation progressive de ces dépôts va empêcher le fonctionnement normal des organes touchés donnant suivant les cas une cardiopathie restrictive, un syndrome néphrotique, une atteinte digestive, hépatique, neurologique, articulaire, musculaire ou cutanée. La symptomatologie est extrêmement variée et les patients vont être vus par des médecins de spécialités différentes suivant l’organe initialement atteint et la présentation clinique. 1. Traitement de l’amylose AL : évolution des connaissances Longtemps a dominé l’idée qu’il n’y avait pas de traitement réellement efficace dans cette maladie et c’est le grand mérite des équipes américaines de la Mayo Clinic et du centre de traitement de l’amylose à Boston d’avoir démontré qu’une chimiothérapie visant à supprimer la production de la protéine monoclonale pouvait être efficace et améliorer la survie des patients atteints [1,2]. La notion que les dépôts une fois constitués ne peuvent pas régresser est fausse. Il existe un état d’équilibre entre la formation de la substance amyloïde et son élimination par les cellules phagocytaires de l’organisme. Il n’existe pas

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encore de thérapeutique permettant d’augmenter la vitesse d’élimination des dépôts et le traitement va donc viser à déplacer l’équilibre en faveur de l’élimination en faisant diminuer le taux de la protéine monoclonale pathogène. 2. Comment surveiller l’efficacité d’un traitement ? Une erreur courante dans la prise en charge des patients atteints d’amylose est de raisonner comme dans les maladies tumorales et de penser que si après quelques cures de chimiothérapie il n’y a pas une diminution franche des dépôts, comme il peut y avoir une diminution franche de la taille d’un ganglion dans un lymphome, le traitement est inefficace. L’amélioration clinique est beaucoup trop lente dans cette pathologie pour qu’elle soit le critère permettant de guider la conduite du traitement. L’élimination des dépôts sera plus ou moins rapide et nécessitera une baisse plus ou moins importante de la protéine monoclonale suivant l’organe atteint et suivant les patients. Après la disparition de la chaîne légère monoclonale, la régression d’une amylose hépatique peut être relativement rapide avec une diminution nette de la taille du foie en trois mois, mais cela n’est en général pas vrai pour les autres formes d’amylose. Dans les amyloses cardiaques, s’il peut y avoir une amélioration quasi immédiate de la symptomatologie en raison du caractère directement pathogène des chaînes légères amyloïdogènes pour le myocarde, la diminution d’épaisseur des parois cardiaques ne sera souvent visible à l’échographie cardiaque qu’après plusieurs années. Après traitement efficace d’une amylose rénale, le délai médian

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avant diminution de 50 % de la protéinurie est de 12 mois [3] et il faut un an au moins pour qu’un effet bénéfique soit visible sur une macroglossie. L’efficacité du traitement d’une amylose AL doit donc être jugée sur la baisse de la protéine monoclonale directement responsable de la formation des dépôts. Avec les méthodes classiques d’immunochimie, 20 % des patients n’ont pas de protéine monoclonale détectable dans le sang ou les urines et surtout 50 % n’ont pas de protéine monoclonale quantifiable permettant un suivi de l’efficacité [4], cela en raison du faible taux des immunoglobulines monoclonales dans les amyloses AL, de l’existence fréquente de chaînes légères isolées, retrouvées uniquement dans les urines et souvent noyées dans une protéinurie glomérulaire importante. L’introduction d’un dosage néphélométrique fiable des chaînes légères libres sériques [5], non liées aux chaînes lourdes, (Kits Freelite, laboratoire The Binding Site) a révolutionné dans les trois dernières années la prise en charge des amyloses AL en permettant chez plus de 90 % des patients un suivi précis de la réponse au traitement. Ce dosage fait appel à des anticorps polyclonaux reconnaissant des antigènes accessibles uniquement sur les chaînes légères libres, non liées à une chaîne lourde d’immunoglobuline. Il semble qu’une baisse de 50 % soit une bonne réponse s’accompagnant en général d’une amélioration clinique [4] et d’une diminution des marqueurs d’atteintes cardiaques [6]. Un dosage précoce, dans le mois suivant un traitement intensif permet de prévoir la réponse ultérieure [7]. La possibilité d’avoir une idée précise de la réponse au traitement permet de définir des stratégies thérapeutiques où un traitement de première ligne, s’il n’est pas efficace, sera remplacé par un traitement de sauvetage. La modification du schéma thérapeutique sera d’autant plus rapide que la maladie est sévère, notamment en cas d’atteinte cardiaque grave, où l’espérance de vie du patient est courte en l’absence de réponse. 3. Quels sont les traitements efficaces ? À la fin des années 1990, le protocole MP associant melphalan et prednisone en cures mensuelles était le traitement de référence [1,2]. Il permettait un allongement significatif, mais faible de la survie des patients qui passait de 12 à 18 mois avec un taux de réponse d’environ 30 %, ces réponses n’apparaissant qu’après plus de six mois de traitement, délai beaucoup trop long pour les patients ayant une atteinte sévère et une survie médiane inférieure à six mois. L’introduction des traitements intensifs avec autogreffe de cellules souches, qui avaient fait la preuve de leur efficacité dans le traitement du myélome, a suscité d’importants espoirs avec des taux de réponse beaucoup plus importants et des survies paraissant bien meilleures. Les publications successives des deux centres de référence américains [8,9] ont petit à petit imposé l’idée qu’il s’agissait du meilleur traitement de l’amylose AL, mais rapidement un débat est apparu sur leur réelle efficacité. La toxicité des traitements intensifs est beau-

coup plus importante dans l’amylose AL que dans le myélome [8–10] et ne peuvent entrer dans une stratégie intensive que 40 % environ des patients, sélectionnés sur l’absence de facteurs de gravité. Une étude rétrospective de la Mayo Clinic [11] montre que le fait de remplir ces critères de sélection est également un facteur de bon pronostic pour les patients traités de façon conventionnelle. Les meilleurs taux de survie rapportés dans les séries de patients traités par chimiothérapie intensive suivie d’autogreffe pourraient être au moins en partie liés à cette sélection des patients. 4. Essai multicentrique randomisé français Nous avons donc décidé en 1999 de réaliser une étude randomisée multicentrique comparant traitement intensif et traitement conventionnel. Du fait de la rareté de cette pathologie, les deux groupes coopérateurs français travaillant sur le myélome, MAG (myélome autogreffe) et IFM (intergroupe francophone du myélome) se sont réunis pour cette étude. Les patients atteints d’une amylose AL systémique devaient pour être inclus avoir un performans status correct, inférieur à trois, ne pas avoir reçu plus de deux cures de chimiothérapie et avoir entre 18 et 70 ans. Le critère principal de jugement était la survie. L’objectif était de montrer une amélioration de 25 % de la survie dans le bras intensif par rapport au bras conventionnel ce qui nécessitait d’inclure 100 patients. Le schéma du traitement intensif était simple, recueil de cellules souches par cytaphérèses sous G-CSF seul et chimiothérapie par melphalan à forte dose suivie de la réinjection des cellules souches. Pour le bras conventionnel, nous avions choisi d’essayer d’améliorer les résultats du traitement de référence, melphalan et prednisone, en remplaçant la prednisone par de fortes doses de dexaméthasone connue pour sa rapidité d’action dans le myélome, en conservant le melphalan pour son efficacité à long terme. Les patients recevaient le protocole MDex (melphalan 10 mg/m2 et dexaméthasone 40 mg per os quatre jours par mois de 12 à 18 mois). Presque quatre ans après le début de notre étude, une équipe italienne a publié son expérience avec un protocole pratiquement identique [12] obtenant des taux de réponse deux fois plus élevés avec ce schéma qu’avec MP et une excellente survie de leurs 46 patients. Les 100 patients prévus ont été inclus entre janvier 2000 et janvier 2005. Les premiers résultats ont été rapportés au congrès américain d’hématologie en décembre 2005 [13] et au congrès de la SNFMI à Nancy, l’analyse finale est en cours. Notre étude confirme les excellents résultats obtenus par l’association melphalan et dexaméthasone, retrouvant des taux de réponse hématologique et clinique équivalents de ceux de l’équipe italienne. Ces taux de réponse, proche de 70 % pour les réponses hématologiques et 40 % pour les réponses cliniques ne sont pas différents de ceux du bras autogreffe. La médiane de survie globale est meilleure dans le bras M-Dex, 56 versus 24 mois, ce qui est à la limite de la significativité statistique (p < 0,07). Cette supériorité est liée, les taux de réponse étant proches dans les deux bras à la mortalité plus

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importante dans le bras autogreffe, mortalité due au délai avant chimiothérapie imposée par la procédure de recueil de cellules souches et à la toxicité de cette stratégie. Dans le bras autogreffe, dix patients sont décédés avant d’avoir pu recevoir le traitement dont quatre patients pendant la période de G-CSF. Neuf patients sont décédés dans les 100 jours qui ont suivi le traitement intensif. Les critères de sélection des patients dans cette étude étant moins stricts que ceux utilisés par les équipes américaines, nous avons séparé les patients en deux groupes suivant qu’ils respectaient ou non les critères d’éligibilité pour un traitement intensif définis par la Mayo Clinic [11]. Nous avons séparé ainsi les patients en deux groupes avec des survies très différentes. La survie des patients les plus graves est identique dans le bras M-Dex et dans le bras autogreffe. Le traitement intensif ne fait pas mieux, mais il ne fait pas moins bien pour ces patients ayant majoritairement une atteinte cardiaque évoluée. En revanche, pour les 60 patients sans critère de gravité, on retrouve une tendance en faveur d’une supériorité du bras Mdex (p < 0,1). La non-supériorité du traitement intensif n’est donc pas liée à l’inclusion de patients ayant une atteinte trop sévère. 5. Comparaison autogreffe et traitement conventionnel dans la littérature Il n’existe pas d’autre étude randomisée comparant traitement intensif et chimiothérapie conventionnelle dans l’amylose AL. Une étude cas témoin a été publiée en 2004 [14] reprenant 63 patients autogreffés à la Mayo Clinic, appariés à 63 patients ayant des caractéristiques identiques, mais n’ayant pas reçu d’autogreffe. Cette étude montre que la survie est meilleure chez les patients autogreffés, mais elle est contestable sur plusieurs points soulignés par deux lettres dans Blood [15,16], le principal étant que les patients dans le bras conventionnel ont, au mieux, reçu un traitement par melphalan prednisone qui ne doit plus être considéré comme le meilleur traitement conventionnel des amyloses AL. Dans notre étude les patients traités par M-DEX qui répondent aux critères de la Mayo Clinic pour être candidat à un traitement intensif ont une survie à trois ans de 80 % identique à celle des patients autogreffés de l’étude cas témoin. 6. Futures stratégies Notre étude ne retrouve pas de supériorité, dans un cadre multicentrique, du traitement intensif par rapport au traitement conventionnel et n’incite pas à proposer une autogreffe en première ligne aux patients avec une amylose AL. Le protocole M-Dex, qui est en général bien toléré, peut induire des réponses extrêmement rapides, illustrées sur la Fig. 1 par l’évolution du taux des chaînes légères lambda chez une femme de 51 ans atteinte d’une amylose AL cardiaque sévère avec une dyspnée de stade IV NYHA en janvier 2006, qui très rapidement a vu disparaître l’excès de chaînes

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Fig. 1. Évolution du taux des chaînes légères Lambda (valeurs normales < 26,3 mg/l) après traitement par M-Dex, première cure débutée le 14 janvier 2006.

légères monoclonales, et qui après cinq cures de M-Dex a repris une activité presque normale. Aucun traitement ne peut être plus rapidement efficace, en particulier un traitement intensif où il faut un certain délai pour collecter les cellules souches et organiser le traitement. Il paraît donc logique de débuter par un traitement oral de type M-Dex, en essayant d’augmenter le taux de bonne réponse par l’adjonction, dans le cadre de protocoles prospectifs, de nouvelles substances efficaces dans le myélome et en surveillant de façon rapprochée l’évolution des chaînes légères libres sériques. Un traitement de sauvetage, qui pourra être un traitement intensif, sera proposé aux patients non répondeurs après un délai d’autant plus court que leur maladie est grave et leur espérance de vie courte en l’absence de réponse. Remerciements Merci au Dr Véronique Loustaud-Ratti pour son amicale relecture. Références [1] Skinner M, Anderson J, Simms R, Falk R, Wang M, Libbey C, et al. Treatment of 100 patients with primary amyloidosis: a randomized trial of melphalan, prednisone, and colchicine versus colchicine only. Am J Med 1996;100:290–8. [2] Kyle RA, Gertz MA, Greipp PR, Witzig TE, Lust JA, Lacy MQ. A trial of three regimens for primary amyloidosis: colchicine alone, melphalan and prednisone, and melphalan, prednisone, and colchicine. N Engl J Med 1997;336:1202–7. [3] Leung N, Dispenrieri A, Fervenza FC, Lacy MQ, Villicana R, Cavalcante JL, et al. Renal response after high-dose melphalan and stem cell transplantation is a favourable marker in patients with primary systemic amyloidosis. Am J Kidney Dis 2005;46:270–7. [4] Lachmann HJ, Gallimore R, Gillmore JD, Carr-Smith HD, Bradwell AR, Pepys MB, et al. Outcome in systemic AL amyloidosis in relation to changes in concentration of circulating free immunoglobulin light chains following chemotherapy. Br J Haematol 2003;122:78–84. [5] Abraham RS, Katzman JA, Clark RJ, Bradwel AR, Kyle RA, Gertz MA. Quantitative analysis of serum free light chains. A new marker for the diagnostic evaluation of primary systemic amyloidosis. Am J Clin Pathol 2003;119:274–8.

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