Traitement des anévrismes du tronc cœliaque : expérience personnelle et revue de la littérature

Traitement des anévrismes du tronc cœliaque : expérience personnelle et revue de la littérature

Journal des Maladies Vasculaires (Paris) © Masson, 2006, 31, 2, 72-75 ARTICLES ORIGINAUX TRAITEMENT DES ANÉVRISMES DU TRONC CŒLIAQUE : EXPÉRIENCE PE...

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Journal des Maladies Vasculaires (Paris) © Masson, 2006, 31, 2, 72-75

ARTICLES ORIGINAUX

TRAITEMENT DES ANÉVRISMES DU TRONC CŒLIAQUE : EXPÉRIENCE PERSONNELLE ET REVUE DE LA LITTÉRATURE G. LIPARI, B. MIGLIARA, A. CAVALLINI, G. BARUGOLA, G. ARMATURA, S. PARTELLI, E. BAGGIO Département de Sciences Chirurgicales et Gastro-entérologiques de l’Université de Vérone.

RÉSUMÉ :

ABSTRACT:

Traitement des anévrismes du tronc cœliaque : expérience personnelle et revue de la littérature

Treatment of celiac trunk aneurysms: personal experience and review of the literature

Introduction : Les anévrismes du tronc cœliaque représentent 4 % de tous les anévrismes des artères splanchniques. Il s’agit donc de lésions extrêmement rares dont il ne faut cependant pas négliger l’importance clinique ; en effet ces anévrismes occasionnent une mortalité significative en cas de rupture (14 %). Malades et méthodes : Nous faisons part de notre expérience dans le diagnostic et le traitement de trois patients porteurs d’un anévrisme du tronc cœliaque. Deux patients ont été traités par voie chirurgicale ouverte, le troisième ayant reçu un traitement endovasculaire percutané. Résultats : Nous n’avons enregistré aucune mortalité ; les complications post-opératoires, modestes, ont été représentées par une densification pulmonaire avec épanchement pleural pour les 2 patients chirurgicaux (tableau clinique résolu dans un deuxième temps) et par la migration d’une spirale dans une branche de l’artère splénique, sans conséquences ischémiques pour la rate, pour le patient traité par voie endovasculaire. Conclusions : Vu le comportement peu prévisible et le risque élevé en cas de rupture, nous estimons qu’il convient de traiter tous les patients présentant ce type de lésions anévrismales. Actuellement le meilleur type de traitement est la méthode endovasculaire grâce à l’amélioration de la technologie des stents. Ne seront destinés au traitement chirurgical que les patients chez lesquels les caractéristiques anatomiques et dimensionnelles de l’anévrisme rendent la procédure percutanée risquée ou techniquement non réalisable. (J Mal Vasc 2006 ; 31 : 72-75)

Introduction: Celiac trunk aneurysms represent 4% of all splanchnic artery aneurysms. These lesions are thus extremely rare but yet have a significant clinical importance. Mortality, mainly related to site characteristics, is a significant risk (14%) in the event of rupture. Patients and methods: We put forward our experience in both diagnosis and treatment in three patients, two women and one man (average age 55.3 years, range 35-74), presenting aneurysms involving the celiac trunk. The preoperative diagnosis was established successively with ultrasonography, CT scan and angiography. Two patients were treated via an open surgical approach while endovascular percutaneous treatment was performed for the third patient. Results: Mortality was null at 13 days on average from admission for the surgical patients and 4 days for the patient treated endovascularly. Postoperative complications were modest: pulmonary thickening with pleural effusion for the two surgical patients (spontaneous resolution), while for the third patient treated with an endovascular method, the stent migrated to a splanchnic arterial branch, with no consequence for the spleen. The average follow-up was 19 months (range 14-24). Full exclusion of the aneurysm was maintained at four months for the aneurysm treated percutaneously. A patent celiac was also maintained for the patients treated surgically. Conclusions: Considering the largely unforeseeable outcome and the high risk of rupture, we suggest that all the patients presenting this type of aneurysmal lesion should be treated. This attitude is widely advocated in the literature. Moreover, we noted null mortality in our small series, with only one percutaneous “re-do” case; resolutive at last control. With the present improvement in stent technology, endovascular treatment should be preferred. Patients should be treated surgically only if a percutaneous procedure would be risky or technically unfeasible due to the size of the aneurysm or its anatomic features. (J Mal Vasc 2006 ; 31 : 72-75)

Mots-clés : Anévrismes. Tronc cœliaque. Artères splanchniques. Endovasculaire.

Key-words: Aneurysms. Celiac Trunk. Endovascular. Splanchnic arteries.

Tome 31, no 2, 2006

TRAITEMENT DES ANÉVRISMES DU TRONC CŒLIAQUE

INTRODUCTION Les anévrismes du tronc cœliaque représentent environ 4 % de tous les anévrismes splanchniques (1). Dans 18 % des cas, ils sont associés à des anévrismes de l’aorte abdominale et dans 38 % à d’autres anévrismes viscéraux (2). La première intervention de traitement d’un anévrisme du tronc cœliaque a été rapportée dans la littérature par Schumacker et Siderys en 1958 (3). Les anévrismes ont une fréquence identique dans les deux sexes et ils sont plus fréquents entre 50 et 60 ans ; 72 % des patients ont plus de 40 ans (4, 5). Du point de vue étiologique, jusqu’en 1950, ils étaient surtout secondaires à la syphilis ou à la tuberculose. Actuellement les causes principales sont, par ordre de fréquence, l’athérosclérose (51,8 %) (5), la dégénérescence de la tunique moyenne, la dysplasie fibromusculaire (38,8 %) (5), les anomalies congénitales et les traumatismes (1, 5-7). Bien qu’il s’agisse d’une pathologie plutôt rare, nous pensons qu’elle revêt une importance clinique considérable, parce qu’elle reste souvent (41,3 % des cas) (5) complètement asymptomatique ou peut s’associer à une symptomatologie tout à fait aspécifique (caractérisée par une douleur à l’épigastre ou bien par un tableau d’angine abdominale), jusqu’au moment de la rupture, qui dans la plupart des cas provoque une hémorragie intrapéritonéale ; elle se manifeste plus rarement par des saignements du segment gastro-intestinal par perforation d’organes creux voisins, ce qui est généralement suivi par l’apparition rapide d’un tableau de choc hémorragique (1). MALADES ET MÉTHODES Nous rapportons notre expérience dans le traitement de 3 anévrismes du tronc cœliaque représentant 8,6 % des 35 anévrismes viscéraux traités dans le Département des Sciences Chirurgicales du CHU G.B. Rossi de Vérone entre 1985 et 2000. Deux cas ont été traités en mode électif, le troisième ayant nécessité un traitement d’urgence. Ce groupe de patients était formé de deux femmes et d’un homme, pour un âge moyen de 55,3 ans (plage de 37 à 74 ans). L’un de ces patients s’est présenté avec un tableau clinique caractérisé par un ictère, des nausées, des vomissements et par une anémie à évolution rapide et un choc hémorragique ayant rendu indispensable une laparotomie d’urgence pour laquelle on n’a pas procédé aux habituels examens instrumentaux préopératoires (échographie, scanner abdominal, angiographie). Le rapport intra-opératoire fit état d’un hématome rétropéritonéal dû à la fissuration d’un anévrisme du tronc cœliaque arrivant jusqu’à l’origine de l’artère splénique. Vu l’aspect sacciforme de la lésion, on effectua une anévrismorraphie avec chirurgie et plastie de réduction de la paroi artérielle. Reçu le 4 avril 2005. Acceptation par le Comité de rédaction le 21 février 2006. Tirés à part : G. LIPARI, Département de Sciences Chirurgicales, Université de Vérone, Policlinico G.B. Rossi, P. le L.A. Scuro, Verona 37134, Italie. E-mail : [email protected]

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Les deux patients soumis ensuite à une intervention élective étaient en revanche paucisymptomatiques ; l’anévrisme du tronc cœliaque avait été mis en évidence, dans les deux cas, par des échographies abdominales de contrôle, effectuées pour éclaircir une modeste symptomatologie abdominale douloureuse non spécifique. Une fois la lésion identifiée, ces deux patients furent soumis à un scanner abdominal puis à une angiographie sélective de l’artère cœliaque, sur la base de laquelle fut ensuite décidée la meilleure stratégie opératoire (fig. 1 et 2). Pour ce qui concerne le traitement : – cas n° 1 (1987) : nous avons pratiqué une intervention de type traditionnel avec anévrismectomie et reconstruction de la continuité vasculaire par pontage aorto-cœliaque prothétique (PTFE 8 mm) ; – cas n° 2 (1999) : nous avons eu recours à l’approche percutanée avec embolisation du sac au moyen de spirales métalliques ; quatre mois plus tard, un traitement complémentaire a toutefois été nécessaire, toujours par embolisation par spirales, en raison de la présence d’une petite zone de revascularisation de l’anévrisme ; – cas n° 3 (1985) : anévrismorraphie avec réduction du calibre de la paroi artérielle.

RÉSULTATS ET DISCUSSION Dans notre petite série, la mortalité a été nulle et les complications postopératoires modestes : apparition d’une densification pulmonaire et d’un épanchement pleural pour chacun des patients traités chirurgicalement et par thérapie médicale puis résolution du tableau clinique ; l’hospitalisation moyenne de ces patients a été de 13 jours (plage de 10 à 16 jours). Dans le cas du patient traité par voie percutanée, on a constaté la migration d’une spirale dans la branche segmentaire supérieure de l’artère splénique, sans conséquences ischémiques pour la rate ; quatre mois plus tard, on a observé, lors du contrôle échographique, une petite zone de revascularisation de l’anévrisme qui a nécessité un deuxième traitement, pratiqué lui aussi par voie percutanée, ce traitement s’étant révélé définitif lors des contrôles suivants. L’hospitalisation postopératoire de ce patient a été significativement plus courte que celle des patients traités chirurgicalement puisqu’elle n’a duré que 4 jours. Chez les patients traités chirurgicalement, les contrôles successifs (suivis de 14 et 24 mois) ont montré que la perméabilité du tronc cœliaque était toujours maintenue. Les anévrismes du tronc cœliaque sont dans l’absolu des lésions très rares, comme le confirme la littérature (4 % seulement de tous les anévrismes viscéraux) (1) et notre expérience (8,6 % de tous les anévrismes viscéraux traités entre 1985 et 2000). Malgré cela, ils revêtent une importance clinique considérable aussi bien pour les artères naissant du tronc cœliaque et les territoires importants qu’elles nourrissent que parce que dans la plupart des cas, ils restent complètement asymptomatiques jusqu’au moment de leur rupture. Le risque de rupture est relativement faible et peut être estimé à environ 13 % (1, 8, 9), mais la rupture est associée à une mortalité de

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G. LIPARI

Journal des Maladies Vasculaires

1a 1b 2

FIG 1. – Cas n° 1: scanner abdominal ; une flèche montrant

l’anévrisme. Case nq 1: abdominal scan; aneurysm (arrow). FIG 2. – Cas n° 2 : angiographie sélective de l’artère cœliaque ; une flèche montrant l’anévrisme. Case nq 2: selective angiography of the celiac artery: aneurysm (arrow).

40-100 % (8-10). L’indication de la littérature concernant la mortalité globale des patients porteurs d’un anévrisme du tronc cœliaque est de 14 % (10), la mortalité en cas de chirurgie élective étant nettement inférieure, autour de 5 % (2, 11). Le choix du type de traitement (chirurgical par voie ouverte ou percutanée) est influencé par de nombreuses variables, telles que les conditions générales et locales du patient, l’étiologie, les caractéristiques et les dimensions de la lésion. CONDITIONS GÉNÉRALES Les conditions générales du patient permettent évidemment d’orienter le traitement et on choisira l’approche percutanée chez tous les patients dont les conditions générales sont particulièrement mauvaises ou qui présentent d’importantes pathologies associées (diabète décompensé, bronchopneumopathies importantes, cardiopathies mal compensées).

CONDITIONS LOCALES Un autre critère utile pour le choix du traitement actif à mettre en œuvre est représenté par la présence d’interventions chirurgicales abdominales antérieures ou par une anamnèse positive d’inflammations péritonéales (pancréatites, cholécystites, péritonites), toutes conditions pour lesquelles on peut parler d’ « abdomen hostile ». ÉTIOLOGIE Dans les très rares cas de pseudo-anévrismes, le choix peut se porter utilement sur les procédures percutanées, qui permettent d’éviter les risques de rupture liés aux manipulations chirurgicales. CARACTÉRISTIQUES DE LA LÉSION Elles sont très importantes. La morphologie du sac anévrismal peut orienter fortement les choix thérapeuti-

Tome 31, no 2, 2006

TRAITEMENT DES ANÉVRISMES DU TRONC CŒLIAQUE

TABLEAU I. – Type d’intervention pour les anévrismes du tronc

cœliaque. Type of procedure for celiac trunk aneurysms. Méthode

Type d’intervention

%

Remarques

Chirurgicale

Anévrismectomie avec reconstruction

69 %

Intervention de 1er choix

Ligature

17 %

Circulation collatérale suffisante

Anévrismorraphie (directe ou avec patch)

10 %

Anévrismes sacciformes

Embolisation

3%

Uniquement chez les patients à haut risque

Endovasculaire

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chez tous les patients. Cette attitude est d’ailleurs partagée par la plupart des auteurs (3-5, 9, 10, 12). Nous devons en outre signaler que la mortalité de notre série est nulle et que nous n’avons eu qu’un seul cas de « re-do » percutané, qui s’est avéré résolutif lors des contrôles. Les faibles chiffres de notre série de cas personnelle (par ailleurs liés à la rareté de ce type de pathologie) ne permettent pas de tirer des conclusions absolues quant au choix du type de traitement, même s’il convient de remarquer que le traitement percutané est en train de se répandre progressivement, grâce à l’affirmation des stents recouverts et donc à la possibilité, non seulement d’emboliser le sac, mais aussi de traiter des lésions anatomiquement moins favorables. Nous estimons donc qu’actuellement le premier choix doit être endovasculaire, et qu’il ne faut passer au traitement chirurgical que chez les patients chez lesquels les caractéristiques anatomiques et dimensionnelles de l’anévrisme rendent la procédure percutanée risquée ou techniquement non réalisable.

SHANLEY CJ, et al. Ann Vasc Surg, 1996 ; 10 : 315-22. RÉFÉRENCES

ques : en effet dans les cas d’anévrismes sacciformes à collet large, l’embolisation directe du sac s’avère extrêmement difficile et comporte un risque de déplacement des substances embolisantes tel qu’il est nettement préférable d’opter pour un traitement chirurgical ou pour la mise en place d’un stent couvert. En revanche, en cas d’anévrismes sacciformes avec un bon collet, on choisira en premier l’intervention de type endovasculaire, de préférence avec mise en place de spires ou de microbilles ou encore d’une colle cyanoacrylique. Enfin, dans les cas d’anévrismes fusiformes, notre choix s’oriente en règle générale vers la mise en place d’un stent couvert. DIMENSIONS DE LA LÉSION Les lésions particulièrement volumineuses, portant sur l’origine des vaisseaux de bifurcation de l’artère cœliaque ne peuvent évidemment pas être traitées par voie percutanée ; chez ces patients, on devra par conséquent pratiquer une anévrismectomie chirurgicale avec reconstruction de la continuité vasculaire des axes de bifurcation, en utilisant de préférence la veine saphène inversée. Les stratégies thérapeutiques possibles rapportées dans la littérature sont résumées dans le tableau I. CONCLUSION Malgré la rareté de cette lésion, vu le comportement peu prévisible et le risque élevé en cas de rupture, nous pensons qu’il faut traiter ce type de lésions anévrismales

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