Revue de chirurgie orthopédique et traumatologique (2011) 97, 130—135
MÉMOIRE ORIGINAL
Traitement des infections de prothèses totales de hanche par débridement-lavage/conservation des implants : une étude prospective sur douze cas avec un recul minimum de deux ans夽 Infected total hip arthroplasty treated by a irrigation-debridement/component retention protocol. A prospective study in a 12-case series with minimum 2 years’ follow-up S. Klouche ∗, L. Lhotellier , P. Mamoudy Service de chirurgie osseuse et traumatologique, groupe hospitalier Diaconesses—Croix-Saint-Simon, 125, rue d’Avron, 75960 Paris cedex 20, France Acceptation définitive le : 17 janvier 2011
MOTS CLÉS Excisionlavagesynovectomie ; Conservation prothétique ; Infection sur prothèse totale de hanche
Résumé Introduction. — Le traitement d’une infection sur prothèse totale de hanche (PTH) est complexe et coûteux. L’excision-lavage-synovectomie avec conservation prothétique constitue une solution séduisante. Le taux de succès rapporté dans la littérature est très variable (18 à 90 %) et fonction des critères de sélection des patients. L’objectif de cette étude prospective était d’évaluer les critères de sélection choisis dans le service. Méthode. — Une étude prospective menée de novembre 2002 à décembre 2008 a inclus tous les patients ayant présenté une infection sur PTH, traités chirurgicalement, soit 210 patients. Les patients bénéficiaient d’une excision-lavage s’ils présentaient une infection aiguë à savoir, une infection postopératoire précoce survenue moins d’un mois après l’implantation de la prothèse ou une infection hématogène secondaire évoluant depuis moins de 15 jours. Au-delà de ce délai ou en cas de prothèse descellée, un changement prothétique était effectué. Notre série incluait 12 patients âgés de 69 ± 11,3 ans. La durée d’évolution était de 4,8 ± 3,5 jours. Une antibiothérapie adaptée aux germes était instaurée pour une durée de six semaines
DOI de l’article original : 10.1016/j.otsr.2011.01.002. Ne pas utiliser, pour citation, la référence franc ¸aise de cet article, mais celle de l’article original paru dans Orthopaedics & Traumatology: Surgery & Research, en utilisant le DOI ci-dessus. ∗ Auteur correspondant. Adresse e-mail : klouche
[email protected] (S. Klouche). 夽
1877-0517/$ – see front matter © 2011 Elsevier Masson SAS. All rights reserved. doi:10.1016/j.rcot.2011.02.004
Excision-lavage-synovectomie et infections de prothèses totales de hanche
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par voie intraveineuse puis six semaines per-os. Le recul moyen était de 40 ± 23 mois, avec aucun perdu de vue. Le critère principal de jugement était le taux de guérison apparente de l’infection à un recul minimum de deux ans, définie par l’absence de signes cliniques, biologiques et radiologiques d’infection et l’absence de décès imputable à l’infection ou au traitement. En cas de suspicion d’infection, la ponction de hanche ou les prélèvements peropératoires confirmaient la rechute (germe identique) ou la réinfection (germe différent). Résultats. — Il y a eu neuf guérisons (75 %) et trois échecs. Le score de Postel-Merle d’Aubigné au dernier recul était en moyenne de 17 ± 2. Nous avons trois échecs infectieux avec le même germe (deux streptococcus [1 groupe B, un groupe G] et un Enterococcus faecalis) que celui identifié comme étant responsable de l’infection. Discussion. — Nos résultats sont comparables à ceux de la littérature mais inférieurs à ceux du changement prothétique. Cependant, cette technique est une alternative intéressante au changement prothétique car c’est une chirurgie moins lourde, moins coûteuse. Conclusion. — Les critères de sélection des patients doivent être améliorés afin d’augmenter le taux de guérison de cette technique. Niveau de preuve. — IV, étude prospective non randomisée, non comparative. © 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Introduction Le traitement des prothèses totales de hanche (PTH) infectées est complexe et coûteux [1,2]. L’excision-lavage avec conservation des implants prothétiques est une des options thérapeutiques qui, sous certaines conditions, peut s’avérer intéressante. En effet, il s’agit d’une intervention chirurgicale moins lourde pour le patient, elle permet une reprise plus rapide de la fonction articulaire et le coût de cette prise en charge est plus faible que pour un changement prothétique. Les taux de guérison publiés dans la littérature sont très variables, de 18 à 90 % [3—16] et sont fonction des règles de sélection des patients. La sélection rigoureuse des patients, une excision-lavage large et un diagnostic bactériologique précis permettant une antibiothérapie adaptée sont la clé du succès [8]. Plusieurs facteurs de risque d’échec ont été identifiés [8,12] : essentiellement une durée d’évolution de l’infection supérieure à 15 jours, les comorbidités et la présence d’une fistule. Le but de cette étude prospective était d’évaluer les critères de sélection utilisés dans le service.
Au-delà de 15 jours d’évolution de l’infection ou en cas de prothèse descellée, un changement prothétique était réalisé. Le geste chirurgical était suivi d’un traitement antibiotique adapté d’une durée maximale de trois mois. Seules les excisions-lavages à but curatif étaient retenues c’està-dire sans prescription d’antibiothérapie suppressive à vie. En cas d’échec, nous ne réalisions pas une seconde excisionlavage et une autre option thérapeutique était choisie. Les patients ont signé un consentement éclairé et l’étude a rec ¸u l’accord du comité d’éthique.
Critère de jugement principal Le critère principal de jugement était la guérison apparente de l’infection initiale, après une durée de suivi minimale de deux ans après l’intervention. Elle était définie par l’absence de signes cliniques, biologiques et radiologiques d’infection de la prothèse de hanche, et l’absence de décès directement lié à l’infection ou au traitement.
Patients
Patients et méthodes Critères d’inclusion et d’exclusion Une étude prospective observationnelle a été menée de novembre 2002 à décembre 2008. Selon notre arbre décisionnel, les patients bénéficiaient d’une excision-lavage s’ils présentaient une infection aiguë à savoir, selon la classification de Tsukayama [14], une infection postopératoire précoce survenue moins d’un mois après l’implantation de la prothèse ou une infection hématogène secondaire évoluant depuis moins de 15 jours. Le diagnostic d’infection secondaire était posé sur un faisceau d’arguments : un foyer infectieux à distance, des hémocultures positives et si la bactérie isolée au niveau de la prothèse n’était pas une bactérie habituelle de contamination peropératoire [17]. Les patients ne présentaient aucun signe radiographique d’infection osseuse (tels que des appositions périostées ou une ostéolyse autour de la prothèse) ou de descellement.
De novembre 2002 à décembre 2008, 210 infections sur PTH ont été traitées chirurgicalement dans le service. Un changement en un temps a été réalisé chez 106 patients, un changement en deux temps chez 76 patients et une résection ou une coaptation chez 16 patients. Douze patients ont été traités par une excision-lavage à but curatif avec conservation des implants (avec ou sans changement de la tête fémorale ou de l’insert acétabulaire), cinq hommes et sept femmes d’âge moyen de 69 ± 11,3 ans. Selon la classification de l’American Society of Anaesthesiologists, un patient était ASA 1, dix patients ASA 2 et un patient ASA 3. La pathologie initiale pour laquelle une PTH a été posée était une coxarthrose primitive chez huit patients, secondaire dans trois cas (une post-tuberculeuse [les prélèvements lors de l’implantation étaient négatifs], une post-radique et une secondaire à la maladie de Legg Calve Perthes) et une ostéonécrose de hanche. La durée moyenne d’évolution de l’infection entre le début estimé des signes cliniques et l’excision-lavage était de 4,8 ± 3,5 jours (de un
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S. Klouche et al.
Tableau 1
Porte d’entrée et germes responsables. Délai d’évolution de l’infection (jours)
Mode de contamination
Porte d’entrée
Âge (ans)
Sexe
Nombre interventions antérieures sur site
Patient 1
58
M
1
10
Secondaire
Patient 2
74
M
1
1
Secondaire
Patient 3
83
F
1
7
Postopératoire précoce
Patient 4a
81
F
1
2
Secondaire
Cutanée
Patient 5
74
F
3
3
Secondaire
ORL
Patient 6
85
F
3
9
Secondaire
Patient 7
63
F
2
4
Secondaire
Génitale
Patient 8a
68
M
2
11
Secondaire
Urinaire
Patient 9
53
M
2
2
Secondaire
Dentaire
Patient 10a
78
F
2
3
Secondaire
Cutanée
Patient 11
56
M
1
2
Patient 12
59
F
1
4
Postopératoire précoce Secondaire
Digestive
Patient 9
53
M
2
2
Secondaire
Dentaire
Patient 10a
78
F
2
3
Secondaire
Cutanée
Patient 11
56
M
1
2
Patient 12
59
F
1
4
Postopératoire précoce Secondaire
Digestive
a
Digestive
Germe responsable
Staphylococcus aureus MS Streptococcus du groupe B Streptococcus groupe G + Staphylococcus aureus MS Streptococcus du groupe B Streptococcus pneumoniae Citrobacter freundii Enterococcus faecalis Enterococcus faecalis Streptococcus mitis Streptococcus groupe G Streptococcus groupe G Streptococcus du groupe B Streptococcus mitis Streptococcus groupe G Streptococcus groupe G Streptococcus du groupe B
Patients en échec.
à 11 jours). Le mode de contamination était postopératoire précoce chez deux patients opérés précédemment dans le service d’une PTH initiale et secondaire probable dans dix cas. La porte d’entrée a été identifiée chez huit patients (Tableau 1). Cliniquement, le mode de début était brutal chez tous les patients avec une fièvre en moyenne de 39 ± 0,5 ◦ C, des frissons, des douleurs à la hanche et une impotence fonctionnelle plus ou moins marquée. Le score préopératoire de Postel-Merle d’Aubigné était en moyenne de 8,9 ± 4,2 points. Les parties molles étaient normales chez sept patients, inflammatoires ou abcédées chez quatre patients et un patient présentait une fistule productive apparue quatre jours avant l’intervention. Biologiquement, le nombre de leucocytes moyen était de 10 763/mm3 (de 3830 à 27 280), la vitesse de sédimentation moyenne était de 74 (de 43 à 120) et la C-réactive protéine moyenne était de 186,2 mg/L (de 72 à 335). La ponction préopératoire a été réalisée chez 11 patients. Pour un patient, seul un
prélèvement au cathlon au niveau de la cicatrice a été effectué et le germe a été identifié (streptocoque du groupe G). Dix ponctions ont permis d’identifier le germe responsable (une étant négative chez un patient sous antibiothérapie préopératoire) avec un nombre moyen de cellules dans le liquide articulaire de 108 969/mm3 (de 2400 à 580 000) dont 93 % (de 77 à 99) de polynucléaires neutrophiles en moyenne. Sept des 12 patients avaient une prothèse cimentée. La durée moyenne d’hospitalisation était de 22 (de 14 à 35) jours. Le recul moyen était de trois ans et demi sans aucun perdu de vue.
Chirurgie L’excision-lavage était réalisée à ciel ouvert en reprenant la voie d’abord précédemment utilisée. La synovectomie était large (antérieure, postérieure, supérieure et inférieure)
Excision-lavage-synovectomie et infections de prothèses totales de hanche Tableau 2
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Analyse des trois cas de rechutes au même germe.
Âge Sexe Tares ASA Âge de la PTH (en mois) Type de PTH Nombre d’interventions antérieures sur site États des parties molles Délai estimé d’évolution de l’infection (jours) Mode de contamination Porte d’entrée Germe responsable Changement tête fémorale et/ou insert Durée ATB IV (en semaines) Durée ATB per os (en semaines) Délai de la rechute après l’arrêt des ATB (en mois) Traitement de la rechute Dernier recul (années)
Patient 4
Patient 8
Patient 10
81 F DNID 3 2 Cimentée 1
68 H Calculs urinaires 2 55 Cimentée 2
78 F 2 2 Cimentée 2
Inflammatoire 2
Inflammatoire 11
Inflammatoire 3
Secondaire Cutanée Streptococcus groupe B Non
Secondaire Urinaire Enterococcus faecalis Tête fémorale
Secondaire Cutanée (probable) Streptococcus groupe G Non
6 0
6 6
6 6
<1
3
<1
Excision-lavage avec ATB à vie 5
Changement en 1 temps 4
Changement en 1 temps 2
avec excision de toutes les zones abcédées ou nécrotiques articulaires et péri-prothétiques ainsi que des ossifications péri-articulaires éventuelles. La prothèse était luxée pour un nettoyage de toutes les interfaces. Les implants étaient testés en peropératoire pour vérifier l’absence de descellement. Lorsque cela était possible, un changement de la tête fémorale et/ou de l’insert acétabulaire était pratiqué. Dans quatre cas, un changement de la tête fémorale a été réalisé, associé à un changement de l’insert en polyéthylène dans deux cas.
Antibiothérapie Une antibiothérapie préopératoire a été débutée chez tous les patients après la réalisation de la ponction préopératoire. Il s’agissait d’une bi-antibiothérapie par voie veineuse, à doses efficaces, probabiliste au début puis rapidement adaptée au germe identifié à la ponction. Nous n’avons utilisé aucune antibiothérapie locale. La durée de l’antibiothérapie par voie intraveineuse était de six semaines suivie d’une antibiothérapie par voie orale durant six autres semaines. La tolérance aux antibiotiques était satisfaisante.
Bactériologie Au moins trois prélèvements profonds étagés étaient réalisés en peropératoire. Les germes retrouvés sont résumés dans le Tableau 1.
Résultats Chaque patient n’a bénéficié que d’une seule excisionlavage. Le taux de guérison à plus de deux ans de recul était de 75 %. Le score de Postel-Merle d’Aubigné au dernier recul était en moyenne de 17 ± 2. Nous avons trois échecs infectieux au même germe (Tableau 2). La première patiente était âgée de 81 ans, diabétique non insulinodépendante, ASA 3. La PTH, cimentée, avait été implantée deux mois auparavant pour une coxarthrose primitive. Le germe responsable était un streptocoque du groupe B. Le mode de contamination était secondaire devant l’identification de la porte d’entrée, une escarre talonnière développée lors de sa précédente hospitalisation, confirmée par un prélèvement bactériologique local. Le délai écoulé entre l’apparition des premiers signes infectieux et l’excision-lavage était de deux jours. La durée du traitement antibiotique était de six semaines uniquement par voie intraveineuse, la patiente n’ayant pas pris son traitement par voie orale. La rechute est survenue 15 jours après l’arrêt des antibiotiques avec une impotence fonctionnelle totale sans fièvre ni frisson. La rechute a été confirmée par une ponction de hanche. Devant l’âge de la patiente et le terrain, une excision-lavage « a minima » a été réalisée, associée à une antibiothérapie intraveineuse pendant six semaines puis une antibiothérapie suppressive à vie (céfalexine 1 g × 3 par jour). Sous ce traitement, l’infection paraît stabilisée à un recul de cinq ans. Pour le deuxième échec, il s’agissait d’un patient jeune traité chirurgicalement pour des calculs urinaires. L’infection était secondaire à porte d’entrée urinaire. Suite
134 Tableau 3
S. Klouche et al. Exemples d’études sur les excisions-lavages des PTH infectées.
Auteur
Site de l’infection
Année
Nombre de patients
Recul moyen (ans)
Nombre de procédures
Taux de guérison (%)
Tsukayama et al. [16] Tattevin et al. [7] Lhotellier [8] Meehan et al. [10] Marculescu et al. [12] Aboltins et al. [13] Estes et al. [14]
Hanche Hanche Hanche Hanche Hanche Hanche Hanche
1996 1999 2002 2003 2006 2007 2010
41 34 52 19 99 20 20
3,8 1,6 4,7 3,9 2 2,7 2,4
1 1 1 1à 3 1à 4 1à 4 2 temps
68 38,2 79 89,5 60 90 90
Genou Genou Genou Genou Genou
à une infection urinaire à Enterococcus faecalis documentée, le patient a présenté une douleur de hanche avec fièvre, frissons et impotence fonctionnelle. Le délai écoulé entre l’apparition des premiers signes infectieux et l’excisionlavage avec changement de la tête fémorale était de 11 jours. La rechute est survenue trois mois après l’arrêt des antibiotiques, le patient a alors présenté une douleur de la hanche sans fièvre. Une ponction de hanche a confirmé une rechute au même germe. Un changement en un temps a été réalisé associé à une antibiothérapie adaptée (six semaines en intraveineux puis six semaines per os). L’infection est guérie à plus de quatre ans de recul. Pour le troisième échec, la patiente âgée de 78 ans, sans comorbidités, avait eu précédemment un changement de prothèse par trochantérotomie suite à des luxations récidivantes. L’infection a été étiquetée secondaire probable devant une plaie cutanée précédant les signes cliniques de quatre jours et le type de germe retrouvé (streptocoque du groupe G). La rechute est survenue quelques jours après l’arrêt des antibiotiques, confirmée par une ponction de hanche. Un changement en un temps a été réalisé associé à une antibiothérapie adaptée. L’infection est guérie à plus de deux ans de recul.
Discussion À notre connaissance, il n’existe pas d’études prospectives dans la littérature sur les excisions-lavages des PTH infectées. Nous obtenons un taux de guérison à plus de deux ans de recul et après une seule procédure de 75 % ce qui est comparable aux derniers résultats publiés (Tableau 3). En effet, à plus de deux ans de recul, Tsukayama [16] obtient une guérison de l’infection après une seule procédure chez 68 % des patients et Marculescu [12] après plusieurs excisions-lavages chez 60 % des patients (prothèses de hanche et de genou confondues). Estes [14] obtient un taux de guérison de 90 % à plus de deux ans de recul avec un protocole en deux temps. Cependant, ces taux de guérison restent inférieurs à ceux des changements de PTH en un ou deux temps [16,18]. Plusieurs facteurs de risque d’échec ont été identifiés. Le plus consensuel est le délai écoulé entre le début des signes et la réalisation de l’excision-lavage : le risque d’échec est plus élevé au-delà de huit jours pour Marculescu et al. [12], quatre jours pour Meehan et al. [10] et deux jours pour Brandt et al. [4]. Les autres facteurs d’échec retrouvés dans la littérature sont les comorbidités, la présence de fistule et
une prothèse descellée [6,9,12]. La qualité de l’excision est également un facteur de réussite. Elle doit être large et minutieuse. Dans le service, pendant la période de l’étude, seuls 12 patients sur 210 répondaient aux critères de choix d’une excision-lavage avec conservation des implants, à savoir pour une infection postopératoire une PTH implantée depuis moins d’un mois et pour une infection supposée aiguë, une durée d’évolution de l’infection de moins de 15 jours entre les premiers signes cliniques d’infection jusqu’à la prise en charge chirurgicale, sur une prothèse non descellée et avec un germe connu. Le respect de ces conditions augmentant les chances de guérison de l’infection, elles apparaissent indispensables pour proposer une excision-lavage mais pas suffisantes pour atteindre le taux de réussite des changements prothétiques. Dans notre série, nous n’avons pas pu effectuer une analyse statistique multi-variée pour rechercher les facteurs de risque vu le faible nombre de patients mais nous formulons les hypothèses suivantes. Pour le premier échec, les causes d’échec pourraient être l’âge avancé de la patiente classée ASA 3 et la durée de l’antibiothérapie avec l’absence de relai antibiotique par voie orale dû au refus de la patiente. Pour le second patient, la PTH avait presque cinq ans d’âge et nous avons considéré qu’il s’agissait d’une infection aiguë mais peut-être qu’il s’agissait d’un épisode aigu sur une infection chronique chez ce patient présentant des calculs rénaux depuis longtemps pour lesquels il avait été opéré. En effet l’infection était due à E. faecalis, retrouvé également dans l’examen cytobactériologique des urines. Pour le troisième échec, la patiente avait eu précédemment une reprise par trochantérotomie ayant nécessité une réparation par un cerclage. Lors de l’excision-lavage seule la partie saillante du cerclage avait pu être enlevée. Cette persistance d’une partie du matériel pourrait expliquer la rechute. Deux de ces échecs sont donc probablement dus à des facteurs d’échec déjà décrits : les comorbidités et une excision chirurgicale insuffisante. Pour le troisième patient, le délai réel d’évolution de l’infection était probablement plus long que le délai estimé. Il est en effet très difficile d’affirmer avec certitude le caractère aigu d’une infection [17], et il est probable que les délais estimés entre les signes cliniques et la reprise chirurgicale minorent la durée réelle d’évolution de l’infection, du fait de l’existence d’un délai entre la contamination de la prothèse et l’expression clinique de son infection qui peut prendre plusieurs jours. L’infection secondaire est donc bien différente de l’infection aiguë d’origine per- ou
Excision-lavage-synovectomie et infections de prothèses totales de hanche péri-opératoire, où la date d’implantation de la prothèse, donc de sa contamination probable, est connue avec certitude. Dans notre série, les trois échecs avaient une infection jugée secondaire. L’excision-lavage est une stratégie thérapeutique certes moins coûteuse que le changement prothétique mais quand elle est couronnée de succès. En effet, dans l’étude des coûts que nous avions réalisée dans le service [1], la durée d’hospitalisation en chirurgie (MCO) et en hôpital de soins de suite et de rééducation (SRR) expliquait le coût plus élevé du traitement des PTH infectées par rapport aux reprises propres et aux PTH initiales. Or pour les excisions-lavages, la durée d’hospitalisation était en moyenne plus courte en chirurgie et le patient bénéficiait plus souvent d’une hospitalisation à domicile (HAD) pour le suivi de son traitement antibiotique par voie intraveineuse et de séances de kinésithérapie à domicile. Dans ce coût également, ne figure pas le coût moyen de la PTH. Mais il faut garder à l’esprit que l’échec de la procédure de conservation de l’implant vient rajouter son coût à celui du changement ultérieur de prothèse. Certain auteurs ont montré une augmentation de leur taux de guérison avec le nombre de procédures [10,12,13] mais au prix d’un allongement de la durée d’hospitalisation et une multiplication du nombre d’interventions chirurgicales, ce qui nous paraît peu intéressant pour la qualité de vie du patient et pour la collectivité en comparaison avec un changement en un temps d’emblée. La principale limite de cette étude était le faible nombre de patients ce qui ne nous a pas permis d’analyser statistiquement les facteurs de risque d’échec.
Conclusion L’excision-lavage synovectomie est certes une option thérapeutique intéressante mais le taux de guérison est nettement plus faible que celui du changement prothétique. S’il y a une rechute, tout le gain réalisé pour le patient et la collectivité s’estompe. La présence de comorbidités doit être ajoutée dans notre arbre décisionnel et en cas de doute sur la durée réelle d’évolution d’une infection qualifiée de secondaire, il nous paraît plus raisonnable d’effectuer un changement prothétique.
Conflit d’intérêt Aucun.
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