Traitement par le diazépam du syndrome de sevrage néonatal aux opiacés (23 cas)

Traitement par le diazépam du syndrome de sevrage néonatal aux opiacés (23 cas)

Archives de pédiatrie 11 (2004) 1308–1313 http://france.elsevier.com/direct/ARCPED/ Mémoire original Traitement par le diazépam du syndrome de sevra...

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Archives de pédiatrie 11 (2004) 1308–1313 http://france.elsevier.com/direct/ARCPED/

Mémoire original

Traitement par le diazépam du syndrome de sevrage néonatal aux opiacés (23 cas) Use of diazepam in the treatment of opioid neonatal abstinence syndrome F. Autret a, V. Mucignat a, I. De Montgolfier-Aubron b, M.-H. Blond c, S. Ducrocq a, F. Lebas a, F. Gold a,* a

Service de néonatologie, hôpital d’enfants Armand-Trousseau, Assistance publique – Hôpitaux de Paris 26, avenue du Docteur-Arnold-Netter, 75571 Paris cedex 12, France b Unité de néonatologie, groupe hospitalier Pitié-Salpétrière, Assistance publique – Hôpitaux de Paris Paris, France c Service de médecine néonatale, hôpital de Clocheville, Tours, France Reçu le 11 février 2004 ; accepté le 9 juin 2004 Disponible sur internet le 24 juillet 2004

Résumé Introduction. – L’exposition fœtale aux opiacés entraîne de nombreux risques dont le principal est le syndrome de sevrage néonatal. Ce syndrome associe des signes neurologiques et digestifs. Il peut engager le pronostic vital. L’évaluation de sa sévérité repose sur des échelles validées. La mortalité a été réduite par l’amélioration de sa prise en charge. Les médicaments les plus utilisés pour le contrôler, sont des morphiniques (élixir parégorique, teinture d’opium, morphine pure), le phénobarbital, la chlorpromazine et le diazépam. Il n’existe pas de consensus sur le traitement médicamenteux. Les données de la littérature sont contradictoires. Les études concernant le diazépam vont plutôt contre son utilisation. Notre objectif a été de décrire les résultats obtenus dans trois services de néonatalogie utilisant le diazépam et de les comparer à ceux de la littérature. Populations et méthodes. – Notre étude a concerné 23 nouveau-nés hospitalisés pour un syndrome de sevrage aux opiacés et traités par diazépam. L’échelle de Finnegan a permis d’évaluer la gravité des symptômes et de suivre l’effet du diazépam. Résultats. – Les durées de traitement et d’hospitalisation, le temps nécessaire pour récupérer le poids de naissance et le pourcentage de perte de poids par rapport au poids de naissance ont été les critères de jugement principaux. La durée moyenne de traitement était de sept jours, la durée moyenne d’hospitalisation de 18 jours, la reprise du poids de naissance s’effectuait en moyenne à dix jours de vie et la perte de poids était en moyenne de 6,5 % du poids de naissance. Le traitement par diazépam a été un échec chez un nouveau-né. Aucune déshydratation aiguë ni aucune convulsion ne sont survenues. Conclusion. – Notre étude est rétrospective, son effectif faible et sa méthodologie imparfaite. Nous ne pouvons donc pas comparer le diazépam aux autres médicaments. Cependant, nos résultats remettent en cause l’attitude « antidiazépam ». Seule une étude prospective contrôlée et randomisée permettrait d’orienter vers une attitude thérapeutique optimale. © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés. Abstract Introduction. – The fetal opiate exposure presents many risks for the newborn. One of the most important is the neonatal abstinence syndrome that associates neurological and digestive signs. In some cases the vital prognosis can be involved. The evaluation of the syndrome’s severity is based on certificated scales. The mortality has been reduced by the improved management of these neonates. Diamorphine, phenobarbital, chlorpromazine and diazepam are the most currently used. However, there is no consensus on the treatment. The data concerning the treatment are controversial, especially for the use of diazepam. The aim of our study was to describe the effects of diazepam obtained in three different centers and to compare our results to those of the literature.

* Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (F. Gold). © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.arcped.2004.06.012

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Population and methods. – Twenty-three neonates were included. They were all hospitalized for abstinence syndrome and treated by diazepam. The Finnegan scale was used to evaluate the symptom’s severity and the effects of the diazepam. The principal evaluation criteria were the duration of treatment and hospitalization, the timing in recovery of birth weight and the percentage of birth weight loss. Results. – The average treatment duration was 7 days, the average hospitalization duration was 18 days, the birth weight was recovered at 10 days of life and the percentage of loss of birth weight was 6.5%. Diazepam treatment failed in only one case. No case of intense dehydration occurred. Conclusion. – Due to the retrospective design of the study, the diazepam could not be compared to other drugs. Nevertheless, it argues against the “anti-diazepam” attitude. A controlled randomised prospective study is needed to evaluated the optimal therapeutic strategy. © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Syndrome de sevrage ; Nouveau-né ; Toxicomanie ; Grossesse ; Opiacés ; Diazépam Keywords: Neonatal abstinence syndrome; Substance withdrawal syndrome; Narcotic, adverse effects; Diazepam; Infant, newborn

La consommation d’opiacés pendant la grossesse expose l’enfant à naître à de nombreux risques aussi bien à court qu’à long terme. Chez le nouveau-né, le syndrome de sevrage néonatal (SSNN) est le principal risque : sa fréquence de survenue varie suivant les études de 40 à 90 % avec une valeur moyenne de 70 % [1]. L’évaluation de la sévérité du SSNN par des outils standardisés et validés est fondamentale pour poser l’indication d’un traitement médicamenteux et l’adapter en fonction de l’évolution chiffrée de la symptomatologie. Ces outils sont également utilisés pour mesurer l’efficacité, permettant de comparer les effets des différents traitements. Trois échelles permettent d’évaluer la gravité du SSNN : l’échelle de Lipsitz [2], l’échelle de Finnegan [3], l’échelle d’Ostrea [4]. Le traitement médicamenteux est indiqué si le score de Finnegan ou de Lipsitz est supérieur ou égal à 8 ou encore si le SSNN est « sévère » au score d’Ostrea. Quel que soit le score, le traitement médicamenteux est indiqué en cas de convulsions, de perte de poids importante, de fièvre ou de diarrhée et de vomissements entraînant une déshydratation. De nombreux médicaments sont utilisés pour traiter le SSNN [5,6]. On peut les séparer en deux catégories : les morphiniques (élixir parégorique, teinture d’opium, méthadone, morphine) et les non morphiniques (clonidine, phénobarbital, chlorpromazine, diazépam). Aucun médicament n’a prouvé sa supériorité sur un autre à travers un essai contrôlé et randomisé [7,8]. Aucun des médicaments couramment utilisés par les équipes françaises ne possède, dans son autorisation de mise sur le marché, l’indication « traitement du syndrome de sevrage néonatal ». Le diazépam (DZP) est critiqué, en particulier par les auteurs nord-américains, alors qu’il est utilisé par certaines équipes françaises en raison de la simplicité de son maniement et de la bonne connaissance qu’ont les néonatologistes de ce médicament dans d’autres indications. La polytoxicomanie est probablement en partie responsable de la grande disparité des stratégies thérapeutiques utilisées par les équipes [9]. Cette étude a été motivée par l’absence de consensus sur le traitement médicamenteux du SSNN aux opiacés dans les équipes françaises de néonatologie. Elle s’est proposée de répondre à la question suivante : le diazépam constitue-t-il une option recevable pour le traitement du SSNN aux opiacés ?

1. Population et Méthodes 1.1. Population Nous avons réalisé une étude d’observation rétrospective et pluricentrique. Elle a concerné une période de sept ans, allant d’octobre 1994 à juillet 2001. Elle a été réalisée à partir de dossiers obstétricopédiatriques de trois services de néonatologie, tous dirigés par le même chef de service : le service de médecine néonatale de l’hôpital de Clocheville à Tours d’octobre 1994 à décembre 1997, celui de l’hôpital Trousseau à Paris de mai 1998 à août 2001, et celui de la maternité du groupe hospitalier Pitié Salpêtrière à Paris de juin 1999 à juillet 2001. Seuls les nouveau-nés ayant développé un SSNN suffisamment sévère pour justifier un traitement médicamenteux ont été inclus dans l’étude. Les nouveau-nés ayant développé un SSNN modéré, n’ayant pas nécessité de traitement médicamenteux, ont été exclus de l’étude. Tous les nouveau-nés inclus ont bénéficié du même protocole de traitement médicamenteux par le DZP par voie orale en première intention ; tous ont bénéficié des soins habituels de nursing infirmier (bercement, réduction de toutes les stimulations sensorielles). 1.2. Méthodes Le protocole de traitement et de surveillance du traitement a toujours été le même. Le traitement médicamenteux par DZP était débuté en cas de score de Finnegan supérieur ou égal à 7. La posologie initiale était de 1 mg/kg par jour en moyenne, mais pouvait être de 2 mg/kg par jour en cas de SSNN sévère. L’administration se faisait en deux à quatre prises orales par jour. Pendant le traitement d’entretien, les posologies étaient réduites et ajustées sur le score de Finnegan, qui était évalué toutes les six à huit heures. Les paliers d’augmentation ou de diminution des doses étaient de 0,25 à 0,5 mg/kg par jour. L’objectif recherché était l’obtention d’un score de Finnegan entre 3 et 6. L’arrêt du traitement se faisait quand la posologie de DZP était inférieure à 0,25 mg/kg par jour, et de toute façon après 15–20 jours de traitement. L’échelle de Finnegan était utilisée pour évaluer

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de façon systématique la gravité du SSNN à l’arrivée dans le service, puis toutes les quatre à six heures en début d’hospitalisation, puis de façon plus espacée en fonction de l’amélioration clinique de l’enfant. Pour évaluer l’importance du SSNN, avant traitement et au cours du traitement, nous avons, pour chaque enfant, utilisé le score de Finnegan moyenné sur la journée et le score de Finnegan maximal de la journée. Par exemple, le douzième enfant de l’étude, au cours de la première journée d’hospitalisation, a obtenu des scores de Finnegan suivants : 7, 8, 9 et 10. Au cours de cette journée, son score de Finnegan moyenné était donc de 8,5 et son score de Finnegan maximal de 10. Pour évaluer les doses de DZP nécessaires, nous avons noté pour chaque enfant les doses de DZP maximales, minimales et moyennes reçues durant son hospitalisation. Par exemple, le douzième enfant de l’étude a reçu 0,7 mg/kg par jour le premier jour d’hospitalisation, 0,7 mg/kg par jour le deuxième, 0,4 mg/kg par jour le troisième et 0,2 mg/kg par jour le quatrième, puis n’a plus eu besoin de traitement médicamenteux. Au cours de son hospitalisation, la dose maximale de DZP reçu a donc été de 0,7 mg/kg par jour, la dose minimale de 0,2 mg/kg par jour, et la dose moyenne de 0,5 mg/kg par jour. Pour évaluer l’effet du DZP sur le SSNN, nous avons choisi comme critères de jugement : la durée du traitement, la durée d’hospitalisation, le temps nécessaire pour récupérer le poids de naissance, et le pourcentage de perte de poids par rapport à la naissance. Les résultats ont été exprimés en moyenne ± écart-type, avec les extrêmes notées entre parenthèses.

mation était donc illicite. Une polytoxicomanie aux opiacés a été mise en évidence chez 19 femmes (91,3 %). Les données concernant les doses exactes et les durées de consommation étaient insuffisantes pour en faire état. Un tabagisme était avoué dans 16 cas (69,6 %), et un alcoolisme dans quatre cas (17,4 %). Une toxicomanie autre qu’aux opiacés a été retrouvée chez 12 femmes (52 %) : il s’agissait de cannabis dans cinq cas (21,7 %), de cocaïne dans trois cas (13 %), et de benzodiazépines dans neuf cas (39,1 %). Le mode d’accouchement était une voie basse dans 18 cas (78,3 %) et une césarienne dans cinq cas (21,7 %). 2.2. Nouveau-nés (n = 23) Le terme moyen était de 38,6 ± 2,4 SA avec des extrêmes allant de 30 à 41 SA. Trois enfants (13 %) sont nés prématurément (< 37 SA) dont un seul (4,3 %) est né à moins de 30 SA. Le poids de naissance était de 2778 ± 446 g (2010 à 3600 g). La taille était de 47,4 ± 2,6 cm (41,5 à 52 cm). Le périmètre crânien était de 33,2 ± 1,6 cm (29,6 à 36 cm). Les scores d’Apgar étaient : de 8,7 ± 2,6 (0 à 10) à une minute ; de 9,5 ± 1,4 (4 à 10) à cinq minutes. Deux nouveau-nés (8,7 %) ont été transférés en réanimation en raison d’une détresse respiratoire sans lien avec le sevrage, et ont reçu des morphiniques à visée sédative avant toute administration de DZP. Pour l’un d’entre eux, issu de la série de Trousseau, il s’agissait d’une inhalation méconiale à terme ; il a reçu du Fentanyl®, dès son arrivée en réanimation. Pour l’autre, issu de la série de Tours, il s’agissait d’un prématuré de 35 SA ayant présenté une maladie des membranes hyalines. Il a reçu en réanimation de la morphine et du Fentanyl®. 2.3. SSNN

2. Résultats Vingt-trois nouveau-nés ont été inclus dans cette étude, tous issus de grossesses monofœtales. Sur ces 23 nouveaunés, dix (43,5 %) ont été hospitalisés à l’hôpital de Clocheville de Tours d’octobre 1994 à décembre 1997, neuf (39 %) à l’hôpital Trousseau de Paris de mai 1998 à août 2001, et quatre (17,5 %) à la maternité du groupe hospitalier Pitié Salpêtrière de Paris de juin 1999 à juillet 2001. 2.1. Mères (n = 23) L’âge moyen des mères était de 30,1 ± 5,6 ans avec des extrêmes allant de 19 à 38 ans. Trois d’entre elles (13 %) avaient une sérologie HIV positive et 15 (65 %) avaient une hépatite C active. La grossesse avait été bien suivie dans 16 cas (70 %). La consommation d’héroïne a été retrouvée chez 16 femmes (69,5 %). Un traitement de substitution par méthadone avait été instauré avant le début de la grossesse chez six femmes (26,1 %). Une consommation de buprénorphine a été retrouvée chez 13 femmes (56,5 %) : chez aucune de ces 13 femmes le traitement par la buprénorphine n’entrait dans le cadre d’un programme de substitution et sa consom-

Le SSNN est survenu dans un délai moyen de 30,5 heures (0 à 144 heures). La symptomatologie neurologique a été révélatrice du SSNN dans 100 % des cas. Des signes digestifs étaient présents dans cinq cas (23 %) et des signes végétatifs (sueurs, bâillements, troubles de la thermorégulation, marbrures) dans trois cas (14 %). Le score de Finnegan moyenné était de 8,6 ± 3 (5 à 15) avant tout traitement médicamenteux. Le délai d’hospitalisation en unité de néonatalogie était de 1,9 jours (0 à 14 jours) ; le nouveau-né hospitalisé au quatorzième jour de vie en néonatalogie était issu de la série de Trousseau : il était resté 14 jours en maternité, où il était traité par de l’élixir parégorique. 2.4. Traitement médicamenteux La posologie journalière moyenne de DZP était de 0,6 ± 0,2 mg/kg par jour (0,4 à 1 mg/kg par jour). La posologie journalière maximale de DZP était de 1 ± 0,3 mg/kg par jour (0,5 à 1,7 mg/kg par jour). La posologie journalière minimale de DZP était de 0,4 ± 0,2 mg/kg par jour (0,2 à 1 mg/kg par jour). L’âge moyen des nouveau-nés en début de traitement par le DZP

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était de 3,5 ± 3,9 jours (1 à 14 jours). L’âge moyen des nouveau-nés au moment où ils recevaient la posologie maximale de DZP était de 4,3 ± 3,9 jours (1 à 14 jours). La durée de traitement par DZP était de 7,1 ± 5,9 jours (2 à 20 jours). La durée moyenne d’hospitalisation était de 18,4 ± 9,2 jours (9 à 51 jours). La reprise du poids de naissance s’était effectuée en moyenne à 10,8 ± 4,8 jours de vie (6 à 22 jours). Le pourcentage de perte de poids par rapport au poids de naissance était en moyenne de 6,5 ± 2,7 % (3,8 à 12,4 %). Le score de Finnegan moyen est resté supérieur ou égal à 7 pendant 2,4 ± 1,9 jours (0 à 6 jours). Le score de Finnegan maximum était supérieur ou égal à 7 pendant 4,9 ± 3 jours (1 à 11 jours). Le recours à la morphine en raison d’une amélioration insuffisante par le DZP seul a été nécessaire une fois (4,3 %). Il s’agissait d’un nouveau-né de la série de La Pitié Salpêtrière. Sa mère était traitée par méthadone (50 mg/jour) et consommait également de nombreux autres psychotropes. Il est né eutrophe, à terme et n’a pas présenté d’autre maladie que le SSNN. La morphine a été débutée à J5 de vie en raison de l’inefficacité du DZP sur la symptomatologie neurologique. La dose moyenne de DZP utilisée était de 2,2 mg/kg par jour. La morphine a été poursuivie pendant 14 jours à la dose moyenne de 0,4 mg/kg par jour. Aucun des nouveau-nés de notre étude n’a convulsé. 2.5. Effets indésirables imputables au DZP pendant le traitement Un soutien nutritionnel par une perfusion intraveineuse a été nécessaire chez sept enfants (33 %). La durée moyenne de perfusion a été de 1,19 jours (1 à 10 jours). Une nutrition par sonde gastrique a été nécessaire chez 16 enfants (76,2 %). La durée moyenne d’utilisation de la sonde gastrique a été de 8,25 ± 5,3 jours (2 à 20 jours). L’autonomie alimentaire a été acquise en 9,8 ± 6,1 jours de vie (1 à 21 jours). Des régurgitations ont été clairement mentionnées, dans les dossiers obstétricopédiatriques, chez 17 enfants (74 %), dont 12 (65 %) ont nécessité un traitement antireflux. Un nouveau-né (4,5 %) a présenté un ballonnement abdominal important ayant empêché son alimentation entérale : il s’agissait du prématuré de 35 SA atteint de maladie des membranes hyalines ; ce ballonnement est survenu sous morphine et avant l’utilisation de DZP. Des pauses respiratoires et/ou des apnées étaient présentes chez quatre nouveau-nés (18,2 %). Deux d’entre eux étaient à terme et ont présenté une infection maternofœtale confirmée. Un autre, également à terme, avait un reflux gastroœsophagien sévère ayant nécessité un traitement par Prépulsid®. Le quatrième était le prématuré de 35 SA atteint de maladie des membranes hyalines. Un ictère néonatal était présent chez cinq enfants (22,7 %) dont un seul a nécessité de la photothérapie. Des épisodes d’hypoglycémie ont été notés chez deux nouveau-nés (9,1 %).

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3. Discussion Les résultats obtenus dans cette étude, en termes de durée de traitement et de durée d’hospitalisation, sont comparables, voire meilleurs que ceux de la littérature. Ni la survenue de convulsions néonatales, ni les effets indésirables classiquement imputés au DZP n’ont été particulièrement fréquents dans notre population. Le DZP paraît donc être une option recevable pour le traitement médicamenteux du SSNN aux opiacés. 3.1. Critiques méthodologiques Notre étude est rétrospective et non comparative. Nous ne pouvons donc que comparer nos résultats à ceux de la littérature. Ces comparaisons sont « historiques » et donc non définitivement concluantes, ce d’autant que les critères d’évaluation sont différents d’une étude à l’autre et que notre effectif était faible. De plus, notre échantillon était constitué de trois séries différentes, celle de Tours, celle de Trousseau et celle de La Pitié-Salpêtrière. Ces trois séries avaient en commun un protocole identique. Cependant, la prise en charge des nouveau-nés et la gravité du SSNN pouvaient différer d’une série à l’autre. 3.2. Analyse des résultats Parmi les 23 enfants traités par DZP, un seul a été considéré comme un échec de traitement et a nécessité de la morphine qui a dû être poursuivie pendant 14 jours. Dans une étude randomisée de 1983, Carin et al. [10] ont conclu à une supériorité du phénobarbital sur l’élixir parégorique, devant des durées moyennes de traitement de 17 jours avec le phénobarbital et de 22 jours avec l’élixir parégorique. La durée moyenne de traitement que nous avons observée dans notre étude (7,1 jours) pourrait nous laisser penser que le DZP est plus efficace que le phénobarbital et que l’élixir parégorique. De même, aucun enfant de notre étude n’a convulsé, alors que des convulsions sont rapportées chez 11 % des enfants traités par phénobarbital dans une étude randomisée comparant le phénobarbital et l’élixir parégorique [11]. Cependant, ces différences peuvent ne traduire qu’une sévérité moindre des SSNN dans notre étude. Nous ne disposons malheureusement pas de moyens de comparaison de la sévérité du SSNN entre l’étude de Carin et al. et la nôtre. 3.3. Analyse de la littérature La littérature compte, depuis 1969, 14 études concernant des comparaisons entre différents médicaments utilisés pour traiter le SSNN. Dans ces 14 études, les médicaments évalués sont le phénobarbital (12 études), l’élixir parégorique (11 études), la chlorpromazine (une étude), la morphine (une étude), la méthadone (une étude) et le DZP (neuf études). Pacifico et al. [12] comparent, sans préciser le mode d’attribution des traitements, l’efficacité de la morphine seule, du

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phénobarbital associé au DZP et du phénobarbital associé au DZP et à la morphine, chez 25 nouveau-nés exposés à l’héroïne. Les auteurs utilisent un score de Finnegan moyen quotidien comme critère d’évaluation. Ils concluent à une supériorité de la morphine seule par rapport aux deux autres associations thérapeutiques. Cette étude est difficilement interprétable en raison du peu de détails fournis quant à sa méthodologie. Madden et al. [13] comparent, dans une étude randomisée, la méthadone, le phénobarbital et le DZP, chez 51 nouveaunés exposés à la méthadone et/ou à l’héroïne. Le mode d’évaluation de la gravité du SSNN n’est pas standardisé. Les auteurs utilisent la durée du traitement et la durée d’hospitalisation comme critères principaux d’évaluation de l’efficacité des traitements. Ils concluent à une absence de différence significative entre les trois groupes. Cette étude doit être interprétée avec précaution. En effet, la décision de continuer ou d’arrêter un traitement n’est pas fondée sur un score standardisé. Finnegan et al. [14] comparent, dans une étude randomisée, l’élixir parégorique, le phénobarbital et le DZP, chez 139 nouveau-nés exposés aux opiacés in utero et/ou à d’autres toxiques. Le diagnostic est obtenu par l’interrogatoire, l’analyse toxicologique des urines et les données sociales. Les auteurs utilisent le score de Finnegan comme outil de mesure. Le contrôle des symptômes avec la dose de médicament la plus élevée est le critère principal d’évaluation de l’efficacité des traitements. Chez les enfants exposés aux opiacés seuls, le contrôle du SSNN est obtenu dans 93 % des cas avec l’élixir parégorique, dans 50 % des cas avec le phénobarbital et jamais avec le DZP. Chez des nouveau-nés exposés aux opiacés associés à d’autres toxiques, le contrôle du SSNN est obtenu dans 61 % des cas avec l’élixir parégorique, dans 89 % des cas avec le phénobarbital et dans 40 % des cas avec le DZP. Finnegan et al. [15], en utilisant le même schéma d’étude, rapportent des résultats similaires sur 176 patients. Kaltenbach et al. [16] comparent, dans une étude dont le mode d’attribution des traitements n’est pas précisé, l’élixir parégorique, le phénobarbital, le DZP et l’association phénobarbital/DZP, chez 69 nouveau-nés exposés à la méthadone et/ou à d’autres toxiques. Le diagnostic est obtenu par l’interrogatoire. En ce qui concerne le contrôle des symptômes du SSNN, le phénobarbital est moins efficace que l’élixir parégorique (47 vs 91 %) mais plus efficace que le DZP (47 vs 0 %). Aucune différence de développement à six mois de vie n’est observée entre phénobarbital, DZP et l’association phénobarbital/DZP en utilisant l’échelle de développement mental de Bayley comme critère d’évaluation. Finnegan et al. [17] et Kron et al. [18] comparent, dans deux études dont le type d’attribution des traitements n’est pas précisé, l’élixir parégorique, le phénobarbital, le DZP, et l’absence de traitement, chez respectivement 26 et 39 nouveau-nés exposés in utero à la méthadone ou à l’héroïne. Le mode de confirmation du diagnostic n’est pas précisé. La performance de succion est l’outil de mesure et d’évaluation

de l’efficacité des traitements. Cette efficacité est décroissante dans le sens : élixir parégorique (qui restaure la succion), absence de traitement, phénobarbital (qui a peu d’effet) puis DZP. Ce dernier perturbe davantage la succion que les autres traitements. Ces études sont les seules utilisant un outil de mesure objectif (les scores de SSNN ont une composante subjective). Cependant, l’interprétation des données concernant le DZP est gênée par le petit effectif du groupe de nouveau-nés recevant ce traitement (5 et 6 respectivement). Herzlinger et al. [19] comparent le DZP et l’élixir parégorique dans un essai non randomisé chez 60 nouveau-nés exposés à la méthadone ou à l’héroïne in utero. Le diagnostic est obtenu par l’interrogatoire et l’analyse toxicologique des urines. Le critère d’évaluation principal est la survenue de convulsions. Les auteurs concluent que l’élixir parégorique est plus efficace pour la prévention des crises que le DZP. Cependant, cette étude n’est pas randomisée et l’utilisation du DZP est découragée. Kandall et al. [20] comparent, dans une étude dont le mode d’attribution des traitements n’est pas précisé, l’élixir parégorique et le DZP, chez 132 nouveau-nés exposés à la méthadone ou à l’héroïne. Le diagnostic est obtenu par l’interrogatoire et l’analyse toxicologique des urines maternelles. Les auteurs retrouvent que les convulsions sont statistiquement plus fréquentes dans le groupe de nouveau-nés traités par DZP. Cependant, la méthodologie de cette étude est très mal détaillée : la méthode d’attribution des traitements n’est pas randomisée, les chiffres concernant les résultats ne sont pas indiqués. La revue de la littérature ne permet donc pas de tirer des conclusions significatives quant à l’efficacité de l’élixir parégorique, de la morphine, de la méthadone, du phénobarbital, de la chlorpromazine, et du DZP dans le traitement du SSNN. L’élixir parégorique paraît être supérieur dans la restauration du comportement de succion mais une supériorité globale n’est en revanche pas généralement démontrée quand le résultat principal repose sur le contrôle des symptômes cliniques, obtenus par les scores d’abstinence néonatale. Le phénobarbital est d’ailleurs supérieur à l’élixir parégorique dans une étude pour le contrôle du SSNN dans un sous-groupe de nouveau-nés qui avaient été exposés à de multiples drogues in utero. Quand il n’y a pas de distinction dans les sousgroupes de nouveau-nés avec SSNN ou quand l’évaluation de l’efficacité du phénobarbital se fait chez des nouveau-nés exposés seulement à des opiacés, les résultats sont contradictoires, avec cependant une tendance à un meilleur contrôle du SSNN avec l’élixir parégorique. L’efficacité de la chlorpromazine a uniquement été étudiée dans une étude datant de 1969. Cette étude, peu discriminante, conclut à l’absence de différence entre phénobarbital et chlorpromazine. Malgré l’absence complète de preuve d’efficacité de la chlorpromazine, elle reste utilisée dans le traitement du SSNN. L’efficacité de la clonidine dans le contrôle des symptômes de SSNN n’a pas été évaluée par des études comparatives. Enfin, une étude suggère que le DZP puisse aggraver le comportement de succion et moins bien contrôler les convulsions ; cepen-

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dant, en raison de sa méthodologie, elle ne permet pas vraiment de confirmer les effets positifs ou délétères du DZP. Le but du traitement du SSNN doit être de permettre au nouveau-né de bien s’adapter à la vie extra-utérine. Il s’agit : d’assurer la sauvegarde, et donc d’éviter les complications vitales (déshydratation aiguë et convulsions) ; d’assurer le confort et le bien être du nouveau-né ; et de préserver au mieux la liaison mère-enfant, en laissant celui-ci auprès de sa mère dès les premiers jours de vie chaque fois que possible. Les études futures concernant le traitement médicamenteux du SSNN devraient être menées en se fondant principalement sur ces trois critères de jugement.

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