Traitements médicamenteux de la dépression

Traitements médicamenteux de la dépression

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Traitements psychiatriques

Dossier thématique

Mise au point

Presse Med. 2008; 37: 867–875 ß 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Traitements médicamenteux de la dépression Catherine Agbokou, Philippe Fossati

Service de psychiatrie adulte, Hôpital Pitié-Salpétrière, Université Paris VI, F-75013 Paris, France

Correspondance :

Key points Drug treatment of depression Depression is a frequent disorder, with a one-year prevalence rate ranging between 5 and 15%, according to studies in the general population. Its medical, social, and economic consequences make it a major public health problem. Depression is a recurrent disorder: 50% of patients have a recurrence within 2 years and 75% over a longer term. In 20% of cases the depression becomes chronic. The objective of antidepressant therapy is to obtain a complete remission of symptoms. Treatment of an episode of major depression takes place in two stages: acute treatment for 2–3 months; followed by consolidation treatment for 4–5 months. Continuation of antidepressant treatment after return to an asymptomatic condition (consolidation treatment) is necessary to prevent relapses in the short term and recurrences in the long term.

L

a dépression chez l’adulte constitue un problème préoccupant de santé publique, selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), en 2020, elle devrait devenir la première cause de morbidité chez la femme et la deuxième chez l’homme (après les maladies cardiovasculaires). En France, cette maladie psy-

tome 37 > n85 > mai 2008 > cahier 2 doi: 10.1016/j.lpm.2008.01.012

Points essentiels La dépression est une affection fréquente dont la prévalence sur 1 an varie entre 5 et 15 %, suivant les études faites en population générale. Ses conséquences médicales, sociales et économiques constituent un problème majeur de santé publique. La dépression est un trouble récidivant : 50 % des patients récidivent dans les 2 ans et 75 % récidivent à plus long terme. De plus, dans 20 % des cas la dépression devient chronique. L’objectif des chimiothérapies antidépressives est l’obtention d’une rémission symptomatique complète. Différents temps thérapeutiques d’un épisode dépressif majeur reposent sur :  un traitement d’attaque : 2–3 mois ;  suivi d’un traitement de consolidation : 4–5 mois. La poursuite du traitement antidépresseur au-delà du retour à l’état asymptomatique (traitement de consolidation) est nécessaire pour prévenir les rechutes dépressives à court terme et les récidives dépressives à long terme.

chique touche 2 millions de personnes, dont 2 fois plus de femmes que d’hommes. Dans sa forme typique, la dépression peut être définie comme un trouble psychologique traduisant une rupture avec l’état et le fonctionnement antérieurs du patient, caractérisé par une

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Disponible sur internet le : 19 mars 2008

Catherine Agbokou, Hôpital de la Pitié-Salpêtrière, 47-83, boulevard de l’Hôpital, F-75013 Paris France. Tel.: +33 (0) 1 42 16 12 33 [email protected]

C Agbokou, P Fossati

baisse de l’humeur, un ralentissement psychomoteur associé à un retentissement somatique. Un épisode dépressif peut survenir à tous les âges, du jeune enfant à la personne âgée. Il multiplie par 30 le risque de suicide. Il s’agit d’un trouble récidivant : 50 % des patients récidivent dans les 2 ans et 75 % récidivent à plus long terme. De plus, on estime que 20 % des patients souffrent de dépression chronique. La prise en charge spécifique des épisodes dépressifs caractérisés (ou majeurs) repose sur l’association d’un traitement médicamenteux et d’une prise en charge psychologique. Dans certains cas, le recours à un traitement antidépresseur physique – électroconvulsivothérapie ou stimulation magnétique transcrânienne – est indiqué. Après un rappel de sémiologie, nous nous intéresserons aux différents médicaments antidépresseurs disponibles ainsi qu’aux recommandations de leur bonne utilisation.

Diagnostic clinique La sémiologie d’un syndrome dépressif franc complet est caractérisée par une triade symptomatique [1] associant :  une humeur dépressive : tristesse pathologique, douleur morale (dans certains cas, celle-ci peut e´voluer vers une anesthe´sie affective), vision pessimiste de soi et du monde, perte de l’estime de soi, autode´valorisation. A` l’extreˆme, le patient peut pre´senter des ide´es me´lancoliques d’indignite´, d’incurabilite´ et/ou de culpabilite´. On retrouve une diminution ou absence de plaisir (anhe´donie) ou des inte´reˆts pour les activite´s habituelles. Des symptoˆmes anxieux sont fre´quemment observe´s. Les ide´ations suicidaires doivent syste´matiquement eˆtre recherche´es ;  un ralentissement psychomoteur : bradypsychie, aboulie (difficulte´ a` prendre des de´cisions), troubles cognitifs (trouble de la concentration, de l’attention et de la me´moire). D’un point de vue moteur, on peut observer un visage peu expressif, hypomimique, voire un « ome´ga me´lancolique », un ton

Glossaire Afssaps AMM Anaes EDM BDNF ECT HAS IMAO IRSNa ISRS

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OMS

Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé autorisation de mise sur le marché Agence nationale d’accréditation et d’évaluation en santé épisode dépressif majeur Brain Derived Neurotrophic Factor électroconvulsivothérapie Haute autorité de santé inhibiteur de la monoamine-oxydase inhibiteur de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline inhibiteur sélectif de la recapture de la sérotonine Organisation mondiale de la santé

monocorde, une rarete´ des mouvements, une lenteur de la marche (parfois une agitation) ;  des signes somatiques : une asthe ´ nie, des troubles du sommeil (insomnie de 2e partie de nuit, insomnie d’endormissement, ou plus rarement hypersomnie), des troubles de l’alimentation (anorexie associe´e ou non a` une perte de poids, l’hyperphagie est plus rare [10 %]), des troubles de la sexualite´ (baisse de la libido, impuissance, frigidite´), des plaintes somatiques diverses (ce´phale´es, constipation, polyalgies, etc.). Cette symptomatologie doit être installée depuis au moins 15 jours et marquer une rupture avec le comportement habituel du sujet. La classification américaine du DSM-IV-TR [2] distingue :  les épisodes dépressifs majeurs (EDM) : de ´ finis par la pre´sence pendant une pe´riode de temps suffisante (2 semaines conse´cutives) d’un nombre suffisant de symptoˆmes (cf. encadré 1) ;  les dépressions récurrentes : re ´ pe´tition d’e´pisodes de´pressifs avec une e´volution unipolaire ;  les dépressions entrant dans le cadre d’un trouble bipolaire et des troubles cycliques. Le trouble de´pressif bipolaire est un trouble de l’humeur comportant le plus souvent une alternance d’e´pisodes de´pressifs majeurs et d’e´pisode(s) maniaque(s) (de´finition du trouble bipolaire de type I), d’e´pisode(s) hypomaniaque(s) (trouble bipolaire de type II), ou d’e´pisodes mixtes (concomitance dans un meˆme e´pisode de symptoˆmes de´pressifs et maniaques) ;  les troubles dysthymiques ou de ´ pression chronique (dure´e > 2 ans) ;  les troubles dépressifs non spécifiés Pour chaque épisode dépressif, il est important de préciser : - son intensite´ : le´ger, mode´re´ ou severe ; - l’existence de caracte´ristiques me´lancoliques ; - l’existence de caracte´ristiques psychotiques. Les symptoˆmes e´voque´s sont les ide´es de´lirantes et les hallucinations. Le DSMIV-TR [2] distingue les caracte´ristiques psychotiques non congruentes a` l’humeur et les caracte´ristiques psychotiques congruentes a` l’humeur, c’est-a`-dire celles pour lesquelles le contenu des ide´es de´lirantes ou des hallucinations concorde avec les the`mes de´pressifs. Cette spécification de l’épisode dépressif caractérisé orientera le choix des thérapeutiques lors des différentes phases de traitement, notamment pour définir les stratégies de prévention des récidives.

Temps évolutifs La symptomatologie dépressive s’installe progressivement en 2 à 3 semaines avec une fluctuation possible des symptômes au cours du temps. La durée moyenne spontanée d’un accès dépressif varie traditionnellement de 6 à 12 mois. L’instauration d’un traitement antidépresseur a pour objectif de raccourcir ce délai. tome 37 > n85 > mai 2008 > cahier 2

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Crite`res diagnostiques d’un e´pisode de´pressif majeur, c’est-a`-dire caracte´rise´ (DSM-IV-TR) A. Au moins 5 des symptômes suivants doivent être présents pendant une même période d’une durée de 2 semaines et avoir représenté un changement par rapport au fonctionnement antérieur ; au moins un des symptômes est soit une humeur dépressive, soit une perte d’intérêt ou de plaisir. 1- Humeur dépressive présente pratiquement toute la journée, presque tous les jours signalée par le sujet (par exemple : se sent triste ou vide) ou observée par les autres (par exemple : pleure). 2- Diminution marquée de l’intérêt et du plaisir pour toutes ou presque toutes les activités, pratiquement toute la journée, presque tous les jours (signalée par le sujet ou observé par les autres). 3- Perte ou gain de poids significatif en absence de régime (par exemple : modification du poids corporel en 1 mois excédant 5 %) ou diminution ou augmentation de l’appétit presque tous les jours. 4- Insomnie ou hypersomnie presque tous les jours. 5- Agitation ou ralentissement psychomoteur presque tous les jours (constatés par les autres, non limités à un sentiment subjectif de fébrilité ou de ralentissement intérieur). 6- Fatigue ou perte d’énergie presque tous les jours. 7- Sentiment de dévalorisation ou de culpabilité excessive ou inappropriée (qui peut être délirante) presque tous les jours (pas seulement se faire prier ou se sentir coupable d’être malade). 8- Diminution de l’aptitude à penser ou à se concentrer ou indécision presque tous les jours (signalées par le sujet ou observées par les autres). 9- Pensées de mort récurrentes (pas seulement une peur de mourir), idées suicidaires récurrentes sans plan précis ou tentative de suicide ou plan précis pour se suicider. B. Les symptômes ne répondent pas aux critères d’épisode mixte. C. Les symptômes traduisent une souffrance cliniquement significative ou une altération du fonctionnement social, professionnel, ou dans d’autres domaines importants. D. Les symptômes ne sont pas imputables aux effets physiologiques directs d’une substance (par exemple une substance donnant lieu à abus, un médicament) ou une affection médicale générale (par exemple hypothyroïdie). E. Les symptômes ne sont pas expliqués par un deuil, c’est-à-dire après la mort d’un être cher, les symptômes persistent pendant plus de 2 mois ou s’accompagnent d’une altération marquée du fonctionnement, de préoccupations morbides, de dévalorisation, d’idées suicidaires, de symptômes psychotiques ou d’un ralentissement psychomoteur.

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Dans les dépressions unipolaires, les temps évolutifs d’un épisode dépressif font l’objet de définitions précises. Ainsi on parle de :  rémission partielle : pe ´ riode pendant laquelle est observe´e une ame´lioration clinique telle que le patient ne remplisse plus les crite`res diagnostiques d’un e´pisode tout en souffrant de symptoˆmes non minimes ;  rémission complète : pe ´ riode de temps bre`ve (2 mois pour le DSM-IV-TR) ou` le patient est redevenu asymptomatique (le patient ne pre´sente ni les crite`res symptomatiques, ni les crite`res de pre´sence de symptoˆmes mineurs). Il s’agit de la fin de la phase aigue¨ de traitement ;  guérison : re ´ mission comple`te qui dure un « certain temps » (non spe´cifie´ par les classifications CIM-10 et DSM-IV-TR). La ¸ gue´rison implique l’absence de rechutes. De facon empirique une dure´e de re´mission comple`te de 6 mois est retenue pour parler de gue´rison. Le terme de gue´rison renvoie a` l’e´pisode actuel et non a` la maladie ;  rechute : re ´ apparition des symptoˆmes re´pondant aux crite`res diagnostiques de l’e´pisode de´pressif au cours de la pe´riode de re´mission et avant le de´lai requis pour parler de gue´rison. La de´finition du terme rechute souligne que les symptoˆmes ne sont pas ceux d’un nouvel e´pisode ;  récidive ou récurrence : apparition d’un nouvel e ´ pisode chez un patient gue´ri de l’e´pisode pre´ce´dent. On ne parle donc de re´cidive qu’apre`s une gue´rison. Une dure´e asymptomatique de 6 mois est ge´ne´ralement retenue.  épisode dépressif chronique : e ´ pisode d’une dure´e supe´rieure a` 2 ans ;  dépression résistante : re ´ ponse the´rapeutique insuffisante apre`s 2 traitements diffe´rents bien conduits, c’est-a`-dire a` posologies efficaces et pendant une dure´e suffisante (au moins 6 semaines).

Traitement médicamenteux Les dysfonctions neurobiologiques sous-tendant la dépression et les modes d’action des antidépresseurs restent mal connues. L’efficacité des antidépresseurs imipraminiques tricycliques a initialement conduit les chercheurs à penser qu’une déficience en monoamines cérébrales (telles la dopamine, la sérotonine et la noradrénaline) serait à l’origine de la dépression et que le traitement antidépresseur agirait en réparant cette déficience. Les médicaments antidépresseurs sont répartis en 5 classes [3] (tableau I) :  les imipraminiques (tricycliques ou non) qui inhibent le recaptage pre´synaptique des neurotransmetteurs (principalement la se´rotonine et la noradre´naline) et diminuent la sensibilite´ des re´cepteurs postsynaptiques noradre´nergiques (down régulation) ;  les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (ISRS) ¸ qui inhibent de facon se´lective le recaptage pre´synaptique de la se´rotonine ;

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Encadre´ 1

Mise au point

Traitements psychiatriques

C Agbokou, P Fossati

Tableau I Classification des antidépresseurs Augmentation posologique*

Posologie moyenne (mg/j)y

Propriétés remarquables

IRSS Citalopram, Séropram1 1

Escitalopram, Séroplex Fluoxétine, Prozac

1

Fluvoxamine, Floxyfral1 Paroxétine, Déroxat1, Divarius1 Sertraline, Zoloft

1

10 mg/1–2 semaine

10–40

Sédation ++

10 mg/1–2 semaine

10–20

Sédation ++

10 mg par 2–3 semaines

10–40

Stimulant

50 mg/semaine

100–200

Sedation +++

10 mg par 1–2 semaines

20–40

Sédation ++, anxiolytique

25 mg par 1–2 semaines

50–200

Non sédatif, anxiolytique

IRSNa 75–100

Milnacipran, Ixel1 37.5–75 mg/semaine

75–225

Non sédatif, anxiolytique

10–25 mg/semaine

75–150

Sédation +++

25–50 mg/semaine

75–150

Sédation ++

25–50 mg/semaine

75–150

Sédation ++

25–50 mg/semaine

75–150

Sédation ++

Maprotiline, Ludiomil

25–50 mg/semaine

75–150

Trimipramine, Surmontil1

10–25 mg/semaine

75–150

Sédation +++

10–30 mg/semaine

30–90

Sédation +++

15 mg/semaine

15–45

Sédation +++

Venlafaxine, Effexor

1

Principaux ADTC Amitriptyline, Laroxyl1 Clomipramine, Anafranil Dosulépine, Prothiaden

1

1

Imipramine, Tofranil1 1

Autres Miansérine, Athymil1 Mirtazapine, Norset

1

37,5

Tianeptine, Stablon1 IMAO Iproniazide, Marsilid1

25 mg/semaine

50–100

(non sélectif, irréversible) Moclobémide, moclamine

300–450

ADTC : antidépresseurs tricycliques ; IRSS : inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine ; IRSNa : inhibiteurs de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline. * Les antidépresseurs doivent être introduits progressivement jusqu’à la posologie conférant le meilleur bénéfice clinique (balance bénéfices/risques/effets secondaires). y Une fois la posologie antidépressive minimale atteinte, un laps de temps suffisant (2–4 semaines) est requis avant d’envisager toute nouvelle augmentation posologique.

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 les inhibiteurs de la recapture de la sérotonine et de la ¸ noradrénaline (IRSNa) qui inhibent de facon se´lective le recaptage pre´synaptique de la se´rotonine et de la norade´naline. Cette double inhibition n’est pas toujours « synchronise´e » et peut de´pendre de la dose (par ex. l’effet noradre´nergique de la venlafaxine n’apparaıˆt que pour les posologies les plus e´leve´es) ;  les « autres » antide ´ presseurs (de me´canisme pharmacologique diffe´rent) ;  les inhibiteurs de la monoamine-oxydase (IMAO), irre ´ versibles non se´lectifs (agissant sur la MAO-A et la MAO-B) ou

se´lectifs de la MAO-A qui inhibent l’activite´ enzymatique des monoamine-oxydases entraıˆnant une augmentation synaptique des taux de monoamines ce´re´brales. Les imipraminiques sont les antidépresseurs historiques de référence. Les ISRS, IRSNa et les « autres antidépresseurs » sont plus récents, présentent moins de contre-indications et sont généralement mieux tolérés. Ces modes d’actions ne permettent pas d’expliquer les délais d’action des antidépresseurs (cf. infra). Ainsi d’autres mécanismes d’action ont probablement un rôle important dans tome 37 > n85 > mai 2008 > cahier 2

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Figure 1 Temps thérapeutiques d’un épisode dépressif majeur

l’efficacité antidépressive, comme l’action sur l’activation et l’expression de facteurs de transcription et de facteurs neutrophiques tel le BDNF (Brain Derived Neurotrophic Factor) permettant la survie et la croissance neuronale, la stimulation de la neurogenèse des cellules de l’hippocampe [4] et/ou la correction d’une hypofonctionnalité frontale.

Différents temps thérapeutiques Le schéma thérapeutique est présenté dans la figure 1.

Traitement aigu ou traitement d’attaque L’objectif principal de cette phase de traitement est d’obtenir une rémission complète des symptômes, chez un patient pour lequel un diagnostic d’épisode dépressif caractérisé a été fait. Cette phase de traitement durera 2 à 3 mois selon les recommandations des autorités de santé [5] (Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé : Afssaps).

dépresseur n’a démontré une supériorité d’efficacité clinique par rapport à un autre [5]. Sauf cas particulier1 il est recommandé en première intention de prescrire un IRSS, un IRSNa ou éventuellement un antidépresseur appartenant à la classe des « autres antidépresseurs » en raison de leur meilleure tolérance. Ces principes thérapeutiques sont fondés sur la meilleure tolérance et la meilleure maniabilité des IRSS, IRSNa et des antidépresseurs de la classe « autres antidépresseurs » associées à un risque létal moins important lors d’un surdosage (volontaire ou involontaire). Le choix de la molécule au sein de sa classe va dépendre des propriétés sédatives ou stimulantes (dès les premiers jours de traitement). L’effet stimulant est recherché chez les patients déprimés où le ralentissement psychomoteur est important. L’effet sédatif est bénéfique chez les déprimés les plus anxieux et/ou ayant des troubles du sommeil (difficultés d’endormissement, réveils précoces). La prescription d’un antidépresseur imipraminique se fait préférentiellement en deuxième ou en troisième intention.

Choix de l’antidépresseur

tome 37 > n85 > mai 2008 > cahier 2

1 En cas d’EDM sévère avec caractéristiques mélancoliques, les imipraminiques peuvent être prescrits en première intention. Si le tableau est sévère (caractéristiques psychotiques, catatonie, risque suicidaire notamment) ou en cas de contre-indication aux médicaments ou chez la personne âgée, l’électroconvulsivothérapie est une alternative particulièrement efficace aux traitements médicamenteux [6].

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Le choix du traitement antidépresseur doit tenir compte de la sévérité de la dépression, des antécédents du patient (privilégier un traitement auquel le patient a répondu précédemment), des effets latéraux de la molécule (stimulante ou sédative) et des éventuelles contre-indications. Aucun anti-

C Agbokou, P Fossati

Figure 2 Algorithme des stratégies chimiothérapeutiques dans les épisodes dépressifs caractérisés monopolaires (*) L’évaluation de la réponse à un traitement antidépresseur se fait 4 à 6 semaines après l’introduction ou le changement d’un antidépresseur prescrit à posologie efficace.

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Dans les épisodes avec caractéristiques psychotiques (mélancolie délirante, etc.), une association antidépresseurantipsychotique est le traitement médicamenteux le plus efficace.

Dans les épisodes dépressifs des troubles bipolaires, la prescription d’un antidépresseur en monothérapie est déconseillée du fait du risque de virage maniaque. La prescription d’un antidépresseur n’est légitime qu’en association avec un thytome 37 > n85 > mai 2008 > cahier 2

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Durée du traitement d’attaque Le délai d’action des antidépresseurs est compris entre 2 et 4 semaines quels que soient la classe ou le mode d’administration mais l’amélioration de certains symptômes peut être plus précoce (après quelques jours de traitement pour l’anxiété et le sommeil, par exemple). Le délai nécessaire à l’obtention d’une réponse thérapeutique complète est de 6 à 8 semaines. Par conséquent, à l’exception des cas où les patients s’aggravent, il est recommandé de ne pas interrompre un traitement antidépresseur en l’absence d’amélioration avant 4 semaines de traitement à posologie efficace En fonction des patients, cette phase de traitement durera 2 à 3 mois (recommandations de l’Afssaps [5]). Réponse thérapeutique insuffisante : rémission partielle Attention, on ne parle de réponse insuffisante à un traitement antidépresseur que si le traitement a été bien conduit, ce qui sous-entend : une bonne observance, une posologie efficace et une durée suffisante de traitement (6 à 8 semaines) (figure 2). En cas de réponse insuffisante, il est recommandé :  soit d’augmenter la posologie de l’antide´presseur, en particulier avec les imipraminiques et la venlafaxine (possibilite´ de controˆler les taux se´riques pour ajuster la posologie) ;  soit de changer de classe de traitement antide ´ presseur ;  soit d’associer une psychothe ´ rapie (the´rapie interpersonnelle, cognitivocomportementale, d’inspiration analytique, etc.), si tel n’e´tait pas le cas auparavant ;  soit, dans certains cas de de ´ pression se´ve`re, d’envisager l’ECT (e´lectroconvulsivothe´rapie). En cas de non-réponse ou de réponse partielle après cette première phase d’optimisation thérapeutique, certains médicaments peuvent être utilisés en vue d’augmenter ou potentialiser l’effet du traitement antidépresseur. Cette potentialisation consiste à renforcer l’effet antidépresseur initial par l’ajout d’un médicament n’ayant pas d’activité antidépressive par lui-même. Les propriétés potentialisatrices de ces molécules restent controversées et leur utilisation est du domaine du spécialiste. Ces pratiques se font en dehors des AMM respectives de ces produits. On utilise ainsi :

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l’association antide´presseur-lithium. Cette association entraıˆne chez certains patients une re´mission rapide des symptoˆmes de´pressifs (effet « starter ») [7] ;  l’association d’hormones thyroı¨diennes (T3) combine ´ es aux antide´presseurs tricycliques [8]. La plupart des auteurs recommandent une dose de 25 a` 50 mg pour une dure´e de 2 a` 4 semaines ;  des combinaisons avec des anticonvulsivants : valpromide, carbamaze´pine ou lamotrigine [8] ;  l’adjonction d’un traitement antipsychotique [9] : olanzapine, rispe´ridone, etc. Les oestrogènes, le pindolol, la buspirone ou les psychostimulants sont également utilisés par certaines équipes. 

Traitement de consolidation L’objectif de la phase de consolidation est de prévenir la rechute de l’épisode. Cette période de traitement est également appelée par certains auteurs période « d’entretien ». C’est l’entretien de la rémission obtenue après le traitement d’attaque de la phase aiguë. Un arrêt prématuré du traitement antidépresseur est un facteur de risque de rechute important (risque multiplié par 5) [3]. Le médicament servant à la consolidation est l’antidépresseur qui a permis d’obtenir la rémission symptomatique complète, à la posologie ayant permis l’obtention de la réponse thérapeutique. L’Afssaps recommande une phase de consolidation d’une durée de 16 à 20 semaines après la rémission des symptômes dépressifs [5]. On retient en général une durée de 6 mois. Au total, la guérison d’un épisode dépressif caractérisé nécessite au minimum 9 à 12 mois de traitement antidépresseur.

Traitement de maintenance ou préventif L’objectif est la prévention de récidive. Plusieurs études contrôlées ont montré l’efficacité de divers antidépresseurs sur des périodes de plus d’un an. Ces études montrent une supériorité des agents pharmacologiques par rapport au placebo. Les molécules étudiées étaient l’imipramine, l’amitryptiline, la sertraline, la fluvoxamine, la fluoxétine et le citalopram. En France 2 antidépresseurs, la venlafaxine [10] et la sertraline [11], ont une autorisation de mise sur le marché (AMM) dans l’indication « prévention des récidives dépressives ». Le traitement prophylactique des récidives ou récurrences monopolaires est fortement recommandé chez des sujets ayant présenté 2 à 3 épisodes dépressifs [5] :  2 e ´ pisodes sont suffisants pour les patients aux ante´ce´dents familiaux de de´pression re´currente, ayant un aˆge d’apparition pre´coce de la maladie (avant 20 ans), ou ayant fait 2 e´pisodes durant les 3 dernie`res anne´es avec une soudainete´ et une intensite´ se´ve`re ;

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morégulateur et doit être réservée aux épisodes d’intensité modérée à sévère. En cas de dépression légère, un thymorégulateur seul suffit parfois. Un avis spécialisé ou une hospitalisation doivent être envisagés en cas de survenue ou de persistance d’idées suicidaires ou de l’existence de caractéristiques psychotiques associées. La prescription d’un anxiolytique et/ou d’un hypnotique ne doit pas être systématique. Elle peut être justifiée en début de traitement lorsqu‘existent une insomnie et/ou une anxiété invalidantes.

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pour les autres un traitement prophylactique n’est justifie´ qu’apre`s 3 e´pisodes de´pressifs caracte´rise´s d’intensite´ le´ge`re ou mode´re´e. Le traitement préventif des troubles bipolaires repose sur le traitement des accès aigus (dépressifs ou maniaques) et sur la prévention des rechutes. Cette prévention s’effectue grâce à l’utilisation au long cours d’un traitement thymorégulateur.



Arrêt du traitement Pour les patients n’ayant pas d’indication à un traitement de maintenance, l’arrêt progressif du traitement doit être envisagé. On considère que plus le traitement a été prolongé, à posologie élevée, et plus la demi-vie du produit est courte, plus la décroissance devra être progressive. Une attention particulière doit être portée à rechercher une réapparition éventuelle des symptômes dépressifs lors de cette période. Au-delà de la surveillance de la réapparition de symptômes dépressifs, il faut aussi prévenir et rechercher les manifestations d’un syndrome de sevrage [12]. Les syndromes de sevrage s’observent le plus souvent avec les antidépresseurs aux propriétés sérotoninergiques (IRSS, IRSNa, antidépresseurs tricycliques). Les symptômes fréquents de sevrage peuvent être une anxiété, une irritabilité, une tension nerveuse, des cauchemars, des sensations vertigineuses ou encore un syndrome pseudogrippal (rhinorrhée, myalgies, malaise, nausées, vomissements, diarrhée, frissons). Il est important de distinguer les signes psychiques de sevrage d’une réapparition de symptômes dépressifs. En cas d’apparition d’un syndrome de sevrage la réintroduction transitoire de traitement est parfois nécessaire avant de reprendre un sevrage plus progressif. L’Agence nationale d’accréditation et d’évaluation en santé (Anaes, devenue la Haute autorité de santé [HAS]) [5] recommande, pour un traitement inférieur à 1 an, un arrêt en quelques semaines, en diminuant par exemple toutes les semaines la posologie journalière ; et pour un traitement supérieur à1 an un arrêt en quelques mois, en diminuant par exemple tous les mois la posologie journalière.

Psychoéducation La prescription d’une chimiothérapie antidépressive doit s’accompagner d’une information éclairée donnée au patient sur le(s) médicament(s) prescrit(s) (modalités de prise, délai d’action, effets indésirables les plus fréquents) et sur la nécessité de poursuivre le traitement même après une amélioration clinique. L’éducation des patients favoriserait l’observance thérapeutique et aboutirait ainsi à une meilleure efficacité thérapeutique [13].

Cas particuliers Dépression de l’enfant et de l’adolescent

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La prise en charge d’un enfant ou d’un adolescent déprimé est complexe tant au niveau diagnostique que thérapeutique. La

prise en charge ne saurait se limiter à la simple prescription isolée d’un antidépresseur aussi validée soit son utilisation chez l’adulte. En France, les médicaments antidépresseurs sont déconseillés dans le traitement de la dépression chez l’enfant et l’adolescent. Cependant, le recours à ces médicaments peut être justifié après une évaluation du rapport bénéfice/risque par un spécialiste. La prescription s’accompagnera d’une surveillance étroite à la recherche d’un comportement suicidaire et ne doit pas se substituer à la psychothérapie [14].

Dépression du partum et du post-partum Il est estimé que 10 % des femmes enceintes [15] et que 15 % des accouchées souffriront de dépression. Une identification et une prise en charge précoces améliorent le pronostic [16]. Le nombre élevé de grossesses documentées en pharmacovigilance permet d’affirmer le caractère peu ou pas tératogène des antidépresseurs IRSS et des antidépresseurs imipraminiques.

Dépression du sujet âgé La majorité des antidépresseurs est aussi efficace chez le sujet âgé que chez le sujet jeune [17]. Toutefois, les comorbidités médicales associées entraîneraient une vulnérabilité croissante aux effets indésirables. L’expérience clinique suggère qu’un antidépresseur doit être introduit précautionneusement (avec une augmentation très progressive des doses) mais jusqu’à atteindre une posologie antidépressive efficace (c’est-à-dire dans la fourchette thérapeutique classique du sujet adulte). La nécessité de réduire les effets secondaires au minimum guide la prescription. Les IRSS et IRSNa, qui ont une meilleure sécurité d’emploi et moins d’interactions médicamenteuses que les tricycliques, sont souvent prescrits en première intention. Le moclobémide (IMAO de type A réversible) peut s’avérer utile en cas de dépression avec ralentissement du fait de propriétés psychostimulantes. Après la rémission d’un premier épisode dépressif, le traitement antidépresseur de consolidation devrait être maintenu de façon encore plus prolongée que chez l’adulte [18].

Conclusion La dépression est une pathologie fréquente qui peut affecter des sujets de tous les âges. L’idée qu’un accès dépressif est une pathologie simple car aiguë et réversible apparaît erronée au regard des profils évolutifs variés et complexes de cette maladie. Les antidépresseurs disponibles produisent leur effet antidépresseur après plusieurs semaines de traitement et ils n’ont initialement qu’un effet suspensif sur les symptômes rendant nécessaire la poursuite du traitement au-delà du retour à l’état asymptomatique (traitement de consolidation d’environ 6 mois). Que ce soit dans le cadre d’un trouble unipolaire ou d’un trouble bipolaire, la dépression est une pathologie potentiellement chronique avec des risques de rechute et/ou de tome 37 > n85 > mai 2008 > cahier 2

Traitements médicamenteux de la dépression

récidives importants. Il est consensuel de dire que le traitement prophylactique des récurrences dépressives dans le cadre d’un trouble unipolaire repose sur un traitement antidépresseur au long cours. Le traitement prophylactique des accès dépressifs

ou maniaques d’un trouble bipolaire repose, lui, sur un traitement par thymorégulateur au long cours. Conflits d’intérêts : aucun

Mise au point

Traitements psychiatriques

Références

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