Traitements non chirurgicaux des carcinomes cutanés et de leurs précurseurs

Traitements non chirurgicaux des carcinomes cutanés et de leurs précurseurs

en ligne sur / on line on www.em-consulte.com/revue/lpm www.sciencedirect.com Presse Med. 2011; 40: 690–696 ß 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits r...

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en ligne sur / on line on www.em-consulte.com/revue/lpm www.sciencedirect.com

Presse Med. 2011; 40: 690–696 ß 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mise au point

Cance´ rologie/ Dermatologie

Traitements non chirurgicaux des carcinomes cutanés et de leurs précurseurs Siham Lourari, Carle Paul, Nicolas Meyer.

Université Paul-Sabatier, CHU de Toulouse, service de dermatologie, 31059 Toulouse cedex 9, France

Correspondance : Disponible sur internet le : 17 mars 2011

Siham Lourari. CHU de Toulouse, hôpital Larrey, service de dermatologie, 24, chemin de Pouvourville, TSA 30030, 31059 Toulouse cedex 9, France. [email protected]

Key points Non-surgical treatment of skin carcinomas and their precursors The skin carcinomas are the most common skin cancers and adult cancers. Risk factors for skin cancer are known. Surgery is the treatment of choice for skin carcinomas. There are several alternative therapies for the treatment of skin cancer and precancerous lesions: radiotherapy, cryosurgery, curettage, electrocautery, photodynamic therapy, topical imiquimod, and topical 5-fluorouracil. The management of skin cancer and precancerous lesions has been the subject of recommendations for good practice in diagnosis and therapy.

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es carcinomes cutanés sont les plus fréquents des cancers cutanés (90 %) et des cancers de l’adulte. En France, deux registres départementaux des cancers on systématiquement recueilli les cas de carcinome cutané (respectivement depuis 1983 – Doubs et 1991 – Haut-Rhin). Ces données montrent une augmentation de l’incidence des carcinomes basocellulaires (CBC) et épidermoïdes (augmentation de 25 % entre 1991/ 1993 et 1997/1999 pour le CBC). L’incidence standardisée du

Points essentiels Les carcinomes cutanés sont les plus fréquents des cancers cutanés et des cancers de l’adulte. Les facteurs de risque des carcinomes cutanés sont connus. La chirurgie est le traitement de premier choix des carcinomes cutanés. Il existe plusieurs alternatives thérapeutiques pour le traitement des carcinomes cutanés et des lésions précancéreuses : la radiothérapie, la cryochirurgie, le curetage-électrocoagulation, la photothérapie dynamique, l’imiquimod topique, et le 5-fluoro-uracile topique. La prise en charge des carcinomes cutanés et des lésions précancéreuses a fait l’objet de recommandations de bonne pratique pour la prise en charge diagnostique et thérapeutique.

CBC (population mondiale) est passée au cours de ces deux périodes de 72,6 à 81,8 cas pour 100 000 personnes par an chez l’homme et de 62,2 à 67,6 cas pour 100 000 personnes par an chez la femme [1]. Cette augmentation régulière de l’incidence est partiellement le fait de l’allongement de la durée de vie mais aussi de modifications comportementales, en particulier l’exposition solaire récréative [2]. Les autres facteurs de risque connus de cancer cutané sont : une carnation claire (au mieux évaluée

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Méthodes médicales et physiques de traitement des carcinomes cutanées et des lésions précancéreuses Cryothérapie et cryochirurgie Il s’agit de méthodes de destruction tissulaire par le froid au moyen d’azote liquide. La cryothérapie consiste à vaporiser de l’azote liquide sur une lésion dans le but d’obtenir une congélation. Elle permet une destruction tissulaire superficielle. La cryothérapie est une méthode simple, rapide et peu coûteuse. Plusieurs séances peuvent être nécessaires. Son efficacité est variable [7] : la

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cryothérapie semble procurer un bon taux de guérison si elle est correctement faite (un cycle de congélation de 30 secondes sur une zone débordant la lésion de 3 mm, ou deux cycles de congélation – décongélation de 20 secondes). Toute fois son utilisation reste limitée aux KA. Elle ne trouve pas ses indications dans le traitement des carcinomes cutanés. La cryochirurgie a une action plus profonde. Le froid diffuse dans l’épaisseur cutanée au moyen d’une cryode de contact, sous anesthésie locale et sous contrôle d’un impédancemètre. La cryochirurgie est une alternative à la chirurgie pour les CBC superficiels localisés sur une zone à faible risque de récidive. Elle peut également être proposée pour les CBC nodulaires bien limités d’une taille inférieure à 1 cm quelle que soit la localisation.

Curetage–électrocoagulation Le curetage–électrocoagulation, technique de destruction rapide, comporte sous anesthésie locale, une détersion de la lésion à la curette puis une coagulation à l’aide d’un bistouri électrique. Le geste est rapide à réaliser et peu coûteux. L’étude des copeaux de curetage permet la confirmation histologique du diagnostic mais ne permet pas le contrôle des marges. Elle nécessite un diagnostic clinique certain, une tumeur bien limitée d’extension superficielle et un opérateur entraîné. En France cette méthode est peu utilisée.

Lasers Le laser CO2, utilisé dans les KA et le Cis, provoque par effet thermique, une vaporisation non sélective des tissus, avec perte de substance et nécrose de coagulation des berges. Il permet aussi un effet de coupe. C’est une méthode plus coûteuse, et moins accessible que l’association curetage-électrocoagulation. Dans une étude rétrospective sur 31 patients ayant des KA, 58 % d’entre eux n’avaient pas récidivé après un suivi d’au moins deux ans [8]. Ces données ne permettent pas de statuer sur la valeur thérapeutique de la procédure et il semble qu’elle n’apporte aucun avantage par rapport aux méthodes précédentes.

Fluoro-uracile Le 5-FU est un agent cytotoxique, antimétabolite de la classe des antipyrimidiques. Le 5-FU agit par inhibition de la synthèse de l’ARN messager. Le 5-FU crème 5 % dispose d’une AMM pour le traitement des KA et des Cis. La posologie est de 2 applications par jour en couche mince et en petite quantité, sur les lésions. La surface cutanée totale traitée ne doit pas mesurer plus de 500 cm2 (23  23 cm environ). Le traitement doit être poursuivi pendant quatre semaines. Les effets indésirables les plus fréquemment observés sont des réactions locales (douleurs, prurit, brûlure au point d’application). Ces effets secondaires restent tolérables dans la majorité des cas, mais nécessitent un encadrement rigoureux de la prescription car ils peuvent conduire à un arrêt prématuré du traitement. Le rapport coût/efficacité de ce traitement est très favorable [5].

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par le phototype tel que défini par Fitzpatrick), les lésions précancereuses comme les kératoses actiniques (KA), les cicatrices de brûlures, les radiodermites, les ulcérations chroniques, la PUVAthérapie, l’arsenic, les pesticides, les hydrocarbures, le tabac. . . [3]. Les lésions carcinomateuses cutanées peuvent être séparées schématiquement en 2 groupes (voir ci-dessous). Les CBC, les plus fréquents, sont des tumeurs d’évolution lente, caractérisées par un potentiel destructeur local et régional. On en distingue trois types histologiques principaux : infiltrant, superficiel et sclérodermiforme :  les carcinomes e ´ pidermoı¨des (CE) (anciennement de´nomme´s spinocellulaires) d’e´volution plus agressive, avec un potentiel me´tastatique initialement lymphophile puis he´matoge`ne. Les carcinomes e´pidermoı¨des peuvent exister sous forme intrae´pidermique (Carcinome in situ [Cis] – maladie de Bowen). Les carcinomes e´pidermoı¨des se de´veloppent volontiers sur des le´sions de KA, cependant le potentiel e´volutif d’une KA ne peut eˆtre de´fini au pre´alable : 26 % de ces ke´ratoses re´gressent spontane´ment [4]. La prise en charge du patient doit tenir compte, en plus de l’objectif curatif, d’un re´sultat esthe´tique convenable et d’un confort optimal ;  le type de la tumeur, sa taille, son caracte ` re re´cidivant et sa localisation sont des e´le´ments de´terminant dans le choix de la the´rapeutique [5]. La chirurgie est le traitement de premier choix des carcinomes cutane´s. Elle va de la simple exe´re`se-suture en ambulatoire a` l’exe´re`se en deux temps avec reconstruction plastique sous anesthe´sie ge´ne´rale en fonction de l’importance du geste a` re´aliser [5]. La chirurgie permet un taux de gue´rison de´passant 90 % pour les CE d’exe´re`se comple`te [6] et un controˆle histologique de la pie`ce d’exe´re`se. Cependant au prix d’une rançon cicatricielle parfois non ne´gligeable qui peut conduire a` une mauvaise observance du suivi ;  plusieurs alternatives the ´ rapeutiques a` la chirurgie valide´es existent : radiothe´rapie, cryochirurgie, curetage-e´lectrocoagulation, photothe´rapie dynamique (PDT), imiquimod topique (AldaraW), et 5-fluoro-uracile (5-FU) topique (EfudixW).

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Imiquimod

Le diclofénac disodique topique est un anti-inflammatoire non stéroïdien associé au hyaluronate de sodium. Il inhibe les cyclooxygénases et réduit la synthèse de prostaglandines et d’acide arachidonique impliqués dans la croissance des tumeurs épithéliales. Le diclofenac disodique topique à 3 % (SolarazeW) est utilisé pour le traitement des KA à la posologie de deux applications par jour pendant deux à trois mois. Dans une étude randomisée en double aveugle, le taux de guérison des KA était de 50 % contre 20 % avec le placebo [11]. La tolérance est bonne, mais son efficacité est inférieure à celle de l’imiquimod ou du 5-FU topique.

molécules précurseurs des porphyrines et parmi celles-ci principalement l’acide 5-aminolévulinique (5- ALA) et plus récemment sa forme estérifiée, le méthyle aminolévulinate (MetvixiaW), qui dispose de l’AMM en France depuis 2006. Ces molécules sont capables de pénétrer les couches anormales de l’épiderme et de s’accumuler spécifiquement dans les cellules tumorales quand elles sont appliquées de façon topique. Elles y sont métabolisées en protoporphyrine IX [12,13]. L’effet thérapeutique de la PDT est obtenu lors de l’exposition du tissu cible à une source lumineuse dont la longueur d’onde d’activation doit correspondre à la longueur d’onde d’excitation du photosensibilisant utilisé. Les pics d’absorption de la protoporphyrine IX sont tous dans les limites du spectre visible et permettent l’illumination par des lumières monochromatiques (laser) ou polychromatiques. La source lumineuse est une lumière bleue ou rouge (la pénétration en profondeur des lumières rouges est supérieure à celle des lumières bleues : environ 6 mm). L’irradiation des cellules photosensibilisées va induire une réaction photooxydative avec formation d’espèces oxygénées, radicaux libres et oxygène singulet. Ces produits induisent une apoptose et une nécrose de la lésion. Le traitement de plusieurs lésions situées sur une zone de peau étendue peut être réalisé dans la même séance. Le nombre de séances nécessaires est de 1 pour les KA et de 2, espacées d’une semaine, pour les Cis et le CBC superficiel. La PDT n’est pas autorisée pour la prise en charge des CBC nodulaires en France, mais elle l’est en Europe [5,13]. La PDT donne de bon résultats esthétiques et un taux de guérison de 69-93 % [14]. La PDT a montré son équivalence thérapeutique avec la cryothérapie et le 5-FU topique pour le traitement des Cis, en réduisant l’incidence des effets secondaires [13]. Les taux d’efficacité à trois mois ont été évalués de 88 à 100 % [15]. La PDT présente l’avantage de ne pas restreindre les indications éventuelles de chirurgie ultérieure, et de pouvoir être réalisée plusieurs fois dans le temps. Les effets secondaires sont avant tout les douleurs, souvent vives. Elles varient selon les patients et les localisations (plus vives aux extrémités y compris céphalique). La ventilation d’air ou la pulvérisation d’eau par brumisateur ou de vapeur d’azote liquide ont été proposées pour la diminuer mais leur efficacité est incomplète. La PDT peut être considérée comme une alternative intéressante pour les Cis, les KA réfractaires ou très étendues, et les CBC superficiels de grande taille [13]. Son évaluation médico économique reste à faire.

Photothérapie dynamique

Radiothérapie

La PDT est un traitement non invasif destiné à détruire sélectivement par la lumière des cellules pathologiques ayant accumulé une substance photosensibilisante. Les molécules actuellement les plus utilisées par voie topique sont des

La radiothérapie : est une technique qui donne de bons résultats en termes de contrôle local dans de nombreuses formes cliniques et histologiques de CBC et CE. Le taux de guérison est estimé respectivement pour le CBC et pour le CE à 94,4 et

L’imiquimod est une imidazoquinoline, qui induit la synthèse et la libération de cytokines pro-inflammatoires par stimulation agoniste du TLR-7. Ceci lui confère une activité antivirale et antitumorale. L’imiquimod crème à 5 % est commercialisé en sachets, permettant de couvrir une zone cutanée de 10–20 cm2 (un sachet/jour maximum). L’AMM autorise son utilisation sur le CBC superficiel de petite taille, les KA non hyperkératosiques du visage ou du cuir chevelu, chez l’adulte immunocompétent, lorsque la taille ou le nombre des lésions limite l’efficacité et/ ou la tolérance de la cryothérapie. Les applications sont réalisées par le patient lui-même, le soir, trois fois par semaine pendant huit semaines pour les KA et 1 fois/j, cinq jours par semaine pendant six semaines pour le CBC. Le produit est laissé en place pendant huit heures puis éliminé par lavage abondant. De par le mode d’action pharmacologique de la molécule, les réactions locales sont fréquentes et peuvent conduire à espacer les applications. Dans une étude prospective européenne évaluant des patients ayant un CBC superficiel traités pendant 12 semaines, cinq fois par semaine, 90 % des patients cliniquement guéris à la 12e semaine de traitement ont été suivi pendant cinq ans. Chez ces 163 patients, 18 récidives sont survenues, le plus souvent dans les six à 12 mois suivant le traitement [9]. L’imiquimod n’a pas d’AMM pour les Cis mais elle est considérée comme une alternative efficace à la chirurgie. Une étude randomisée contre placebo conclue à 73 % d’efficacité (histologiquement prouvée) de la crème imiquimod à 1 application/j pendant 16 semaine, comparé à zéro réponse dans le bras placebo [10]. L’imiquimod est utile dans les lésions cutanées ou anogénitales qu’elles soient HPV-induites ou pas. Ses modalités thérapeutiques (durée du traitement, nombre d’application par semaine) dans les Cis restent à valider.

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Diclofénac disodique topique

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92,7 % à cinqans et à 84,8 et 78,6 % à 15 ans [16]. L’utilisation de la radiothérapie impose une confirmation histologique préalable du diagnostic. La radiothérapie peut faire appel aux rayons X de basse énergie à la curiethérapie ou à la l’électron-thérapie haute énergie. L’indication de la radiothérapie doit être posée avec précaution et adaptée selon : l’âge, l’autonomie, l’éloignement géographique du patient, la localisation et la taille du carcinome, la disponibilité et la spécificité du plateau technique du service de radiothérapie [5]. Dans ce cadre, les indications les plus fréquentes sont :  pour les CBC avec exe ´ re`se incomple`te ou re´cidive´s ou nodulaires d’une taille infe´rieure a` 2 cm de l’extre´mite´ ce´phalique ou avec un envahissement osseux ou cartilagineux. En fonction du pronostic de la tumeur, il est propose´ de respecter des marges de se´curite´ minimales de 5 a` 10 mm du volume irradie´ par rapport au volume tumoral [5] ;  les CE primitifs posant des proble ` mes particuliers a` la chirurgie conventionnelle, des CE de mauvais pronostique : CE re´cidivants ou d’e´volution avance´e, pour lesquels le traitement chirurgical peut eˆtre associe´ a` la radiothe´rapie pour ame´liorer le controˆle tumoral. La radiothérapie adjuvante est indiquée dans les cas suivants : exérèse microscopiquement incomplète sans possibilité de reprise chirurgicale et CE avec engainement péri-nerveux extensif. La radiothérapie est contre-indiquée, en cas de syndromes génétiques prédisposant aux cancers cutanés du type nvomatose basocellulaire et Xeroderma pigmentosum. La radiothérapie n’est pas recommandée :  chez les sujets de moins de 60 ans ;  comme traitement des CBC scle ´ rodermiformes ;  sur certaines zones : oreilles, mains, pieds, jambes, organes ge´nitaux.

La difficulté de l’indication de la radiothérapie réside dans les séquelles radiques secondaires qui compliqueraient une prise en charge chirurgicale ultérieure. Les autres traitements non invasifs doivent lui être préférés dans la mesure du possible.

Prise en charge thérapeutique des états précancéreux (les kératoses actiniques)

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Cance´ rologie/Dermatologie

La KA est une lésion squameuse, de quelques millimètres, ayant une couleur de peau normale ou légèrement rosée ou pigmentée, qui se palpe plus qu’elle ne se voit, et siège principalement sur les zones photo-exposées. Les malades ont le plus souvent de multiples KA qui peuvent, soit persister, soit involuer. Le risque de dégénérescence en carcinome épidermoïde (CE) d’une KA est certain. Ainsi, 72 à 97 % des cas de CE sont associés à des KA [17,18]. Seul un petit nombre de KA évolue vers un CE, sans qu’il soit possible de déterminer au préalable quelle lésion va se transformer. Le risque de développement d’un CE chez les malades atteints de KA multiples serait autour de 6,1 à 10,2 % par personne sur dix ans [19]. Deux autres études indiquent que les CE serait associées à des KA dans 72 à 97 % des cas [17,18]. La prise en charge de ces lésions a fait l’objet de recommandations de bonne pratique pour la prise en charge diagnostique et thérapeutique [5]. Les options thérapeutiques sont à considérer en fonction du nombre des KA, de leur localisation, des caractéristiques du patient (tableau I). Dans notre expérience, le traitement de référence des KA reste la cryothérapie. Il est préférable de ne pas opérer ces lésions. Les alternatives médicales ou physiques à la cryothérapie sont à réserver aux cas les plus complexes (KA profuses et/ou résistant à une cryothérapie bien conduite, et/ou récidivant à une fréquence élevée). Dans ce cas nous proposons d’utiliser l’imiquimod pour les lésions réparties en champ pour des surfaces de moins de 20 cm2, le 5-FU topique pouvant être proposé aux patients

Tableau I Kératose actinique. Kératose(s) actinique(s) Nombre

Localisation

Patient

< 10 lésions

> 10 lésions

Vertex, oreilles, nez, front

Régions péri-orbitaires

État général altéré Eloignement géographique

Cryothérapie

5-FU crème/ Imiquimod crème

Cryothérapie/ 5-FU crème

Cryothérapie/ diclofénac topique

Crythérapie/5-FU crème/ imiquimod crème/ diclofénac sodique topique

5-FU crème/Imiquimod crème

PDT

Imiquimod crème/ PDT

5-FU crème/PDT/ Imiquimod crème

PDT

Diclofénac sodique topique

Diclofénac sodique topique

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PDT : photothérapie dynamique.

S Lourari, C Paul, N Meyer.

ayant des KA en champ sur des surfaces de plus de 20 cm2. Le risque d’effets indésirables locaux sur une durée de traitement de quatre à six semaines nous fait préférer la PDT pour les patients ayant des lésions des zones exposées et chez les patients à risque de mauvaise observance. La PDT nous semble également une approche intéressante pour les patients associant des CBC superficiels et/ou Cis à des KA, dans la mesure ou il est possible de proposer un recours unique pour l’ensemble des lésions. Il a également été montré que chez les malades transplantés, la PDT pouvait réduire la fréquence et le nombre des kératoses, ces sujets sont à nos yeux de bons candidats à cette procédure.

Traitements non chirurgicaux des carcinomes cutanés

supe´rieur a` 1 cm (zone interme´diaire) ou 2 cm (zone a` risque faible) ;  CBC de mauvais pronostique : type scle ´ rodermiforme, re´cidive de CBC nodulaire, CBC nodulaire supe´rieur a` 1 cm de diame`tre (zone a` haut risque). Les recommandations thérapeutiques du CBC sont fonction de ces facteurs pronostics (tableau II). La chirurgie doit être privilégiée pour toutes le formes simples de CBC, et pour les formes invasives ou sclérodermiformes. Cependant, pour les CBC superficiels, un traitement local par imiquimod ou PDT peut être discuté en première intention, dans l’objectif de réduire l’impact cicatriciel de la prise en charge.

Carcinome épidermoïde intraépidermique (maladie de Bowen)

Carcinome basocellulaire Le CBC est le plus fréquent des carcinomes cutanés et il survient dans les zones photo-exposées dans plus de 85 % des cas. Le CBC a un potentiel invasif local pouvant entraîner une destruction tissulaire importante. Les métastases sont exceptionnelles, moins de 300 cas sont rapportés dans la littérature [20]. Si le traitement de choix reste la chirurgie [5], les modalités du traitement doivent mettre en balance la nécessité d’une exérèse carcinologique avec le risque de délabrement chirurgical. Les cas les plus complexes relèvent d’une discussion multidisciplinaire associant dermatologues et chirurgiens. Les recommandations de prise en charge du CBC de l’adulte [5] distinguent trois zones topographiques selon le risque de récidive :  une zone a ` bas risque : tronc et membres ;  une zone a ` risque interme´diaire : front, joues, menton, cuir chevelu et cou ;  une zone a ` haut risque : pyramide nasale et zones pe´ri-orificielles de l’extre´mite´ ce´phalique. Selon leur type histologique et leur localisation, on distingue trois catégories de pronostic pour les CBC :  CBC de bon pronostique : type superficiel ou nodulaire, diame`tre infe´rieur a` 1 cm (zone a` risque interme´diaire) ou 2 cm (zone a` risque faible) ;  CBC de pronostic interme ´ diaire : re´cidive de CBC superficiel, ou CBC nodulaire localise´ sur une zone a` haut risque, ou diame`tre

Le traitement de référence est la chirurgie, cependant deux alternatives non invasives efficaces ayant un risque moindre de rançon cicatricielle peuvent être proposées dans les carcinomes intraépidermiques confirmés histologiquement : la PDT et le 5-FU topique. La prise en charge de ces lésions a fait l’objet de recommandations de bonne pratique pour la prise en charge diagnostique et thérapeutique de la Société française de dermatologie [5]. Les options thérapeutiques sont fonction des caractéristiques de la maladie de Bowen (tableau III). Une approche non-invasive nous semble justifiée. Elle permet de réduire l’impact ciatriciel, et d’améliorer l’adhésion du patient au traitement et au suivi. Ces indications doivent cependant être pesées en fonction du risque de récidive.

Carcinome épidermoïde La classification pronostique [5] distingue deux groupes de CE sur la base de six critères cliniques et cinq critères histologiques (tableau IV). La chirurgie est le traitement de référence du CE. Elle doit être discutée dans tous les cas [5]. Le potentiel métastatique du CE limite les possibilités de traitement alternatif. En cas de contreindication formelle à la chirurgie, une discussion multidisciplinaire est nécessaire pour évaluer les possibilités alternatives, principalement orientées vers la radiothérapie.

Tableau II Carcinome basocellulaire.

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Première ligne CBC de bon pronostique

Chirurgie

CBC de pronostic intermédiaire CBC de mauvais pronostique

Seconde ligne

Exérèse incomplète

PDT ou cryothérapie

Reprise ou surveillance ou radiothérapie

Chirurgie

PDT ou radiothérapie

Reprise chirurgicale ou radiothérapie ou PDT

Chirurgie

Radiothérapie (sauf sclérodermiforme)

Reprise chirurgicale

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Tableau III Carcinome épidermoïde intra-épidermique (maladie de Bowen) 1re intention

Caractéristiques de la lésion et du malade Caracteristiques de la lésion

Cis isolé Cis multiples Cis de grande taille

Chirurgie 5-FU, imiquimod ou PDT PDT

Localisation

Zone cicatrisant mal

5-FU, imiquimod ou PDT

Caractéristiques du patient

Peu autonome ou éloigné d’un centre de soin Traitement en un temps

Cryochirurgie, PDT Chirurgie

2nde intention Cryochirurgie, 5-FU, imiquimod ou PDT Chirurgie ou Cryochirurgie 5-FU, imiquimod ou Chirurgie

Mise au point

Cance´ rologie/Dermatologie

5-FU, imiquimod Cryochirurgie

Tableau IV Carcinome épidermoïde Critères

Groupe 1 : à faible risque

Groupe 2 : à risque significatif

Cliniques Primitif vs récidive

Primitif

Récidive

Degré d’infiltration clinique

Absence

Adhérence au plan profond

Symptômes neurologiques d’envahissement

Non

Oui

Statut immunitaire

Immunocompétent

Immunodéprimé

Taille (diamètre) en fonction de la localisation

< 10 mm en zone R+ < 20 mm en zone RS

 10 mm en zone R+  20 mm en zone RS

Anatomopathologiques Envahissement périnerveux

Non

Oui

Degré de différenciation cellulaire

Bon

Moyen à indifferencié

Formes histologiques

CEC commun, verruqueux, fusiforme (hors zone irradiée), mixte ou métatypique

CEC desmoplastique > muco-épidermoïde > acantholytique

Profondeur (niveau de Clark)

Niveau  III

Niveau  IV

Épaisseur

Épaisseur  3 mm

Épaisseur > 3 mm

Zone à risque bas (RS) : autres localisations de l’extrémité céphalique, du tronc et des membres (zones photo-exposées). Zone à risque significatif (R+ ) : les zones péri-orificielles (nez, lèvres, oreille externe, paupières), les zones non insolée (périnée, sacrum, plantes des pieds, ongles) ou sur radiodermite, cicatrice de brûlure, inflammation chronique, ulcères chroniques.

Conclusion Si le traitement chirurgical reste le traitement de référence pour les états précancéreux et les carcinomes cutané, plusieurs alternatives existent. Elles permettent une prise en charge moins invasive, un résultat cosmétologique de bonne qualité et apportent un contrôle satisfaisant des lésions. Leur mise en

oeuvre nécessite une concertation entre chirurgien et dermatologue pour définir au mieux les options thérapeutiques et l’adéquation des moyens avec le risque carcinologique de chaque lésion. Conflits d’intérêts : Nicolas Meyer et Carle Paul ont travaillé comme consultants pour Galderma

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tome 40 > n87/8 > juillet–août 2011