Troubles alimentaires, désirabilité sociale, insatisfaction corporelle et estime de soi physique chez des étudiantes de première année

Troubles alimentaires, désirabilité sociale, insatisfaction corporelle et estime de soi physique chez des étudiantes de première année

G Model AMEPSY-2282; No. of Pages 7 Annales Me´dico-Psychologiques xxx (2017) xxx–xxx Disponible en ligne sur ScienceDirect www.sciencedirect.com ...

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AMEPSY-2282; No. of Pages 7 Annales Me´dico-Psychologiques xxx (2017) xxx–xxx

Disponible en ligne sur

ScienceDirect www.sciencedirect.com

Me´moire

Troubles alimentaires, de´sirabilite´ sociale, insatisfaction corporelle et estime de soi physique chez des e´tudiantes de premie`re anne´e Eating disorders, social desirability, body dissatisfaction and physical self-esteem among nurses freshmen Delphine Rochaix a,*, Sophie Gaetan b, Agne`s Bonnet c a

De´partement de psychologie, universite´ Grenoble Alpes, BSHM BP47X, 38040 Grenoble cedex, France Universite´ faculte´ des sciences du sport, 13288 Aix-Marseille, France c Universite´ de Lyon, 69007 Lyon, France b

I N F O A R T I C L E

R E´ S U M E´

Historique de l’article : Rec¸u le 16 octobre 2015 Accepte´ le 25 octobre 2016

L’objectif de cette recherche est d’e´tudier les troubles alimentaires chez 114 e´tudiantes en premie`re anne´e de soins infirmiers, au regard de la de´sirabilite´ sociale, de l’insatisfaction corporelle et de l’estime de soi physique. Au sein de cet e´chantillon, 20 % des e´tudiantes pre´sentent des conduites alimentaires proble´matiques (restriction alimentaire et/ou symptomatologie boulimique). Les re´sultats montrent que les troubles alimentaires sont ne´gativement lie´s (corre´lation) a` la de´sirabilite´ sociale. L’insatisfaction corporelle est mise en avant chez les e´tudiantes pre´sentant des conduites alimentaires proble´matiques, et en serait un facteur explicatif principal. L’estime de soi physique est e´galement plus faible chez ces e´tudiantes. En outre, l’estime de soi et l’apparence sont des facteurs explicatifs secondaires de la restriction alimentaire alors que la de´sirabilite´ sociale et l’apparence sont des facteurs explicatifs secondaires des conduites boulimiques. Nos re´sultats mettent en e´vidence la pre´sence d’une insatisfaction corporelle au sein de notre e´chantillon, ne semblant pas ope´rer comme une re´ponse a` la pression sociale sous-jacente aux influences me´diatiques. Selon cette optique, l’investissement du corps leur permettrait d’acce´der a` une forme de controˆle d’elles-meˆmes.

C 2016 Elsevier Masson SAS. Tous droits re ´ serve´s.

Mots cle´s : Estime de soi E´tudiant Image de soi Image du corps Influence sociale Norme sociale Trouble du comportement alimentaire

A B S T R A C T

Keywords: Body image Eating disorders Physical self-esteem Self image Social influence Social norm Students

Objectives. – The relation between the subject and its own body seems to be problematic in Eating Disorders. This study aims to better understand eating disorders in non-clinical population, by focusing on social desirability, body dissatisfaction and physical self-esteem. The students represent a high-risk population for eating disorders. These latters usually begin during this period, especially in the first years of study. Weight control as observed in eating disorders could report for the tendency of the individual to seek peers’ approval and could reflect a need to respond to a ‘‘social desirability’’. It seems important to grasp the concerns of body image by focusing on the individual’s perception of his body and the value it assigns. This research deals with eating behaviours disturbances and focuses, on the one hand, on body dissatisfaction, on the other hand, on the analysis of the role of different physical self-esteem dimensions on these behaviours. In addition we explore the relationship between social desirability, body dissatisfaction and eating disorders. We wish to bring light on individuals’ body perception within the framework of eating behaviours disturbance. Methods. – This work was conducted with 114 females enrolled in a first year nursing program. We used the Eating Attitudes Test, the Social Desirability Scale, the Body Shape Questionnaire and the Physical Self Inventory.

* Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (D. Rochaix). http://dx.doi.org/10.1016/j.amp.2016.10.010 C 2016 Elsevier Masson SAS. Tous droits re ´ serve´s. 0003-4487/

Pour citer cet article : Rochaix D, et al. Troubles alimentaires, de´sirabilite´ sociale, insatisfaction corporelle et estime de soi physique chez des e´tudiantes de premie`re anne´e. Ann Med Psychol (Paris) (2017), http://dx.doi.org/10.1016/j.amp.2016.10.010

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Results. – Regarding EAT scores, 23 students have problematic eating behaviours. The results showed negative links between EAT scores and social desirability, General Self-Esteem, Physical Self-Worth, more especially Sport Competence and Attractive Body. We also found a strong positive link between EAT scores and body dissatisfaction. In addition, women with problematic eating behaviours had moderate body dissatisfaction, which was higher than the others students. Women with problematic eating behaviours had a General Self-Esteem and a Physical Self-Worth, especially Attractive Body, lower than none problematic eating disturbance. Furthermore, body dissatisfaction was a main explanatory factor from problematic eating behaviours. However, General Self-Esteem and Attractive Body seemed to be secondary explanatory factors from anorexia, while Social Desirability and Attractive Body seemed to be secondary explanatory factors from bulimia. Conclusions. – The research aim was to determine the specificity of social desirability, body dissatisfaction and physical self-esteem within eating disturbances. The results show a body dissatisfaction which seems not to follow social pressure underlying by the media influences. According to this view, body investment would reach, or maintain, individual’s control and omnipotence, acting on itself and the relationship. These results lead us to consider otherwise the impact of body perception on eating disturbances.

C 2016 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

1. Introduction La population e´tudiante se caracte´rise par une importante vulne´rabilite´ face a` l’e´mergence de proble`mes psychiques et comportementaux [5]. En effet, cette population non clinique est dite « a` risques », notamment vis-a`-vis des Troubles de l’Alimentation et des Conduites Alimentaires (TACA) [6]. On observe e´galement chez les e´tudiants des manifestations symptomatiques – s’exprimant avec une intensite´ mode´re´e et ne remplissant pas ne´cessairement les crite`res diagnostiques des TACA de´finis par le DSM [2] – que l’on qualifie de « troubles non spe´cifie´s de l’alimentation et des conduites alimentaires », ou troubles alimentaires [39]. Cette notion de trouble fait re´fe´rence a` la souffrance des individus et aux processus lie´s a` ces conduites proble´matiques. Les patientes adultes souffrant de TACA situent ge´ne´ralement le de´but de leurs troubles durant leurs anne´es universitaires, particulie`rement au cours des premiers pas dans la vie e´tudiante [37]. La premie`re anne´e d’e´tude repre´sente une pe´riode de transition avant la vie active et ne´cessite un ajustement important pour les e´tudiants [6]. Ainsi, les risques sont inhe´rents a` cette pe´riode de la vie, ou` l’e´tudiant doit faire face a` des changements environnementaux (familiaux et sociaux), scolaires et professionnels qui re´actualisent les menaces de perte lie´es a` la proble´matique de se´paration [15]. Les TACA font re´fe´rence a` « un rapport a` la nourriture devenu pathologique » [30]. L’anorexie mentale correspond a` un « refus de s’alimenter » ainsi qu’a` une restriction volontaire de l’alimentation [6], associe´e a` la peur de grossir et la volonte´ persistante de maigrir, en de´pit du poids atteint [3]. Son appre´hension est complexe puisque ce trouble fait re´fe´rence a` des facteurs psychologiques, somatiques et comportementaux multiples [31]. La boulimie se caracte´rise par la survenue d’e´pisodes re´pe´titifs de suralimentation. Ces compulsions alimentaires aboutissent ge´ne´ralement a` des vomissements provoque´s ou des prises de purgatifs [18]. Les e´pisodes ˆ ne et de de surconsommation sont fre´quemment suivis de jeu pe´riodes d’activite´ intense dans le but de controˆler la prise de poids. Les perturbations de l’image du corps et les pre´occupations corporelles sont souvent conside´re´es comme l’e´le´ment saillant de la psychopathologie des TACA [21,32]. L’image du corps concerne les perceptions et repre´sentations que l’individu a de son corps, tout en e´tant sensible au contexte socioculturel dans lequel il e´volue [26]. Elle est propre a` chaque sujet et se construit en fonction de son histoire personnelle. Cette image fait re´fe´rence a` l’articulation du « corps anatomique, de l’eˆtre-au-monde et de l’inconscient » [10]. Les dimensions culturelle et sociale interviennent dans l’apparition ou la persistance des TACA [9]. En effet, les me´dias ve´hiculent des images de « corps parfaits » re´pondant a`

des crite`res de minceur impossibles a` atteindre pour une grande partie des individus [39]. La perception ne´gative du surpoids participe a` la mise en place de restrictions alimentaires [12]. Le controˆle du poids tel qu’il est observe´ dans les TACA pourrait rendre compte de la tendance de l’individu a` rechercher l’approbation de ses pairs et ainsi te´moigner d’un besoin de re´pondre a` une « de´sirabilite´ sociale » re´elle ou perc¸ue comme telle. Ce concept fait re´fe´rence a` « la connaissance que les gens ont de ce qui est conside´re´ comme de´sirable et socialement valorise´ » et a` leur tendance a` vouloir se montrer aux autres sous un jour favorable [8]. Ainsi, a` travers diverses conduites, chacun agit plus ou moins conforme´ment aux normes culturelles en vigueur. Nous pouvons penser que le poids et l’image du corps sont e´galement soumis a` une forme de de´sirabilite´ sociale, parfois mortife`re, amenant certains sujets a` re´pondre aux normes physiques qu’ils identifient et qu’ils pensent eˆtre valorise´es par la socie´te´ ou les groupes dans lesquels ils e´voluent. Par ailleurs, la tendance me´diatique revient a` ve´hiculer quotidiennement des crite`res esthe´tiques qui proˆnent un physique aux mensurations norme´es et culturellement partage´es [13]. La fac¸on dont les individus perc¸oivent leur corps est soumise a` l’inte´riorisation d’un ide´al, souvent oriente´ vers la minceur [14]. Ce dernier encourage l’e´mergence de pense´es critiques ayant trait a` la dimension physique [17]. De plus, les individus qui estiment ne pas eˆtre en ade´quation avec leur ide´al de minceur manifestent une tendance a` l’insatisfaction corporelle [36]. Il s’agit, selon Dittmar [14], de « l’expe´rience de pense´es et conside´rations ne´gatives a` l’e´gard du corps », qui constitue un e´le´ment commun aux TACA. L’insatisfaction corporelle souligne l’e´cart ressenti entre le corps perc¸u et le corps ide´al, et s’accompagne d’auto-jugements critiques associe´s a` des pre´occupations et des comportements visant un controˆle du poids [33]. Il existerait un continuum d’insatisfaction corporelle, allant d’un me´contentement « normal », commun a` la majorite´ de la population, a` une pre´occupation excessive a` l’e´gard de l’image du corps associe´e a` une de´tresse et des perturbations dans la vie quotidienne [35]. La tentative de maıˆtriser le corps par le biais de l’alimentation pourrait constituer une solution adaptative pour le sujet, c’est-a`-dire un moyen de re´duire l’e´cart entre ce qu’il est et ce qu’il voudrait eˆtre [19]. La pre´occupation excessive vis-a`-vis de l’image du corps [22] peut constituer un e´le´ment de´clencheur de symptoˆmes, ou une des composantes les maintenant saillants [4]. En effet, une importante insatisfaction corporelle est releve´e au sein de population souffrant de TACA [38]. L’e´cart re´el ou imaginaire entre cet ide´al me´diatise´ et la fac¸on dont l’individu se perc¸oit peut constituer un des facteurs de risques au de´clenchement de TACA [20]. L’insatisfaction corporelle est mise en e´vidence dans le cadre clinique des TACA mais, a` notre

Pour citer cet article : Rochaix D, et al. Troubles alimentaires, de´sirabilite´ sociale, insatisfaction corporelle et estime de soi physique chez des e´tudiantes de premie`re anne´e. Ann Med Psychol (Paris) (2017), http://dx.doi.org/10.1016/j.amp.2016.10.010

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connaissance, elle n’a pas e´te´ e´tudie´e dans le contexte infraclinique des troubles alimentaires. Or, elle pourrait intervenir en amont des TACA et de leur de´clenchement a` proprement parler. En outre, il a e´te´ montre´ que la perception du corps, et notamment l’apparence physique, influence fortement l’estime globale de soi [29] chez des individus souffrant ou non de TACA [16]. L’estime de soi et la composante physique a` laquelle elle renvoie sont des variables indicatrices de la sante´ mentale des individus [29]. La centration sur le corps et la fac¸on dont l’individu l’investit constituent donc des e´le´ments a` prendre en compte dans l’e´tude des Troubles Alimentaires [34]. L’estime de soi physique correspond a` la perception qu’a le sujet de ses possibilite´s physiques. Il s’agit d’une dimension e´valuative qui s’appuie sur la valeur que l’individu attribue a` son corps et a` ses compe´tences, alors que l’insatisfaction corporelle renvoie a` une composante descriptive qui concerne la perception que le sujet a de son corps. L’estime de soi physique n’est pas e´tudie´e dans le cadre des TACA ; pourtant, la valeur que le sujet attribue a` son corps paraıˆt eˆtre un aspect important a` explorer. L’objectif de notre recherche est de proposer des e´le´ments de compre´hension des troubles alimentaires aupre`s d’e´tudiants en soins infirmiers, en distinguant la restriction alimentaire de la symptomatologie boulimique, au regard de la de´sirabilite´ sociale et des repre´sentations ne´gatives vis-a`-vis de son corps. Il nous paraıˆt important d’appre´hender les pre´occupations lie´es a` l’image corporelle en nous centrant sur la perception qu’a l’individu de son corps et la valeur qu’il lui attribue. Pour ce faire, nous e´valuons le degre´ de de´sirabilite´ sociale, d’insatisfaction corporelle et d’estime de soi associe´e a` la sphe`re physique des sujets. Nous avons formule´ trois hypothe`ses ope´ratoires :

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Le recueil des donne´es a e´te´ effectue´ au sein de l’institut de formation. En pre´ambule du protocole, chaque participante a signe´ un consentement libre et e´claire´.

de Likert en six points allant de « jamais » a` « toujours ». Plus le score est e´leve´ et plus les conduites alimentaires du sujet sont proble´matiques, le score de 20 e´tant conside´re´ comme e´tant le seuil indiquant un trouble alimentaire [25]. Cet outil est compose´ de deux sous-e´chelles permettant de diffe´rencier : (1) la restriction alimentaire ; (2) la boulimie et l’obsession pour la nourriture. Les analyses de fiabilite´ effectue´es ont souligne´ l’aspect proble´matique de l’item 25 (« j’aime essayer des aliments nouveaux et riches ») pour lequel la cotation est inverse´e. Nous avons suivi les recommandations de Maı¨ano et al. [27] qui pre´conisent le retrait de cet item. Ce questionnaire montrait alors une consistance interne satisfaisante (a = 0,91 ; restriction alimentaire : a = 0,89 ; boulimie : a = 0,82), supe´rieure a` celle de la validation franc¸aise (a = 0,86 ; restriction alimentaire : a = 0,85 ; boulimie : a = 0,62 [25]). La Social Desirability Scale [40] permet d’e´valuer la volonte´ du sujet a` vouloir se pre´senter favorablement aux yeux de l’autre et de la socie´te´, c’est-a`-dire la tendance du sujet a` coller aux normes sociales. Cet outil se compose de 33 items de´crivant des attitudes dans diffe´rentes situations, le sujet indique par « vrai » ou « faux » sa correspondance avec ces descriptions. Plus le score est e´leve´, plus le sujet se pre´sente de fac¸on socialement de´sirable/acceptable. Les analyses de fiabilite´ effectue´es ont permis de repe´rer quatre items proble´matiques : l’item 20 (« Lorsque j’ignore une chose, cela ne me fait rien du tout de l’avouer »), l’item 25 (« Je ne suis jamais indigne´(e) lorsque quelqu’un qui m’a rendu service me demande de lui rendre la pareille »), l’item 27 (« Je ne fais jamais un long voyage sans m’assurer que ma voiture est en bon e´tat ») et l’item 30 (« Je suis parfois irrite´(e) quand quelqu’un me demande de lui rendre un service »). En retirant ces items peu fiables, ce questionnaire montrait une consistance interne satisfaisante (a = 0,70), correspondant a` celle de la validation francophone (a = 0,72 [40]). Le Body Shape Questionnaire [35] permet d’e´valuer l’insatisfaction corporelle a` travers 34 items pour lesquels le sujet indique leurs fre´quences d’occurrence a` l’aide d’une e´chelle de Likert en six points, allant de « jamais » a` « toujours ». Plus le score est e´leve´, plus le sujet est pre´occupe´ et insatisfait de son apparence corporelle. De plus, un score de 81 est conside´re´ comme la note seuil indiquant une insatisfaction corporelle, celle-ci est faible lorsque le score est compris entre 81 et 110 inclus ; mode´re´e entre 111 et 140 inclus ; excessive a` partir d’un score supe´rieur a` 140. La consistance interne de cet outil e´tait satisfaisante (a = 0,97) et correspondait a` celle de la validation franc¸aise (a = 0,97 [35]). L’Inventaire du Soi Physique [29] est un outil d’e´valuation hie´rarchique d’estime de soi relatif au domaine corporel. Il est compose´ de 25 items renvoyant a` 6 dimensions : l’estime de soi globale (EGS) et la valeur physique perc¸ue (VPP), elle-meˆme de´compose´e en sous-domaines : la condition physique ou endurance (E), la compe´tence sportive (CS), l’apparence physique (App) et la force (F). Le sujet indique son degre´ d’accord a` l’aide d’une e´chelle de Likert en 6 points allant de « pas du tout » a` « tout a` fait ». Plus le score est e´leve´ et plus l’estime de la dimension concerne´e est e´leve´e. Ce questionnaire montrait une consistance interne satisfaisante (a = 0,89 ; EGS : a = 0,80 ; VPP : a = 0,83 ; CS : a = 0,89 ; App : a = 0,71 ; F : a = 0,89 ; E : a = 0,73) et correspondait a` celle de la validation franc¸aise (EGS : a = 0,77 ; VPP : a = 0,85 ; CS : a = 0,90 ; App : a = 0,76 ; F : a = 0,86 ; E : a = 0,89 [29]).

2.3. Les instruments utilise´s

2.4. Analyses statistiques

Nos objectifs de recherche nous ame`nent a` e´valuer le niveau de de´sirabilite´ sociale, d’insatisfaction corporelle et d’estime de soi associe´e a` la sphe`re physique des sujets. Les outils de mesure de notre protocole de recherche sont les suivants. La version franc¸aise de l’Eating Attitudes Test [25] e´value la se´ve´rite´ des troubles alimentaires a` travers 26 items, pour lesquels le sujet indique leurs fre´quences d’occurrence a` l’aide d’une e´chelle

L’analyse des re´sultats s’est de´roule´e en deux e´tapes. Nous avons tout d’abord re´parti notre e´chantillon en deux groupes a` partir des re´sultats obtenus a` l’EAT : les femmes qui pre´sentent une proble´matique concernant leurs comportements alimentaires (TA) et celles pour qui leurs comportements alimentaires ne sont pas proble´matiques (Non-TA). Puis nous avons proce´de´ aux analyses descriptives (moyenne, e´cart-type, e´tendue) et a` l’analyse du lien

 hypothe`se 1 : les troubles alimentaires sont positivement lie´s avec la de´sirabilite´ sociale et l’insatisfaction corporelle ; ils sont ne´gativement lie´s avec l’estime de soi physique ;  hypothe`se 2 : les femmes qui pre´sentent un trouble alimentaire ont des scores de de´sirabilite´ sociale et d’insatisfaction corporelle plus e´leve´s, mais aussi un score d’estime de soi plus faible que les femmes sans trouble alimentaire ;  hypothe`se 3 : la de´sirabilite´ sociale, l’insatisfaction corporelle et de l’estime corporelle sont des facteurs explicatifs des Troubles Alimentaires. 2. Me´thodologie 2.1. Population Cent quatorze e´tudiantes en premie`re anne´e de soins infirmiers en re´gion Provence-Alpes-Coˆte-d’Azur ont pris part a` cette recherche (sur 118 sollicite´es). La moyenne d’aˆge e´tait de 26,6 ans ( 7,1). 2.2. Proce´dure

Pour citer cet article : Rochaix D, et al. Troubles alimentaires, de´sirabilite´ sociale, insatisfaction corporelle et estime de soi physique chez des e´tudiantes de premie`re anne´e. Ann Med Psychol (Paris) (2017), http://dx.doi.org/10.1016/j.amp.2016.10.010

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4 Tableau 1 Analyses descriptives. n = 114

Moyenne

E´cart-type

Minimum

Maximum

Aˆge Eating Attitudes Test Restriction alimentaire Boulimie De´sirabilite´ sociale Insatisfaction corporelle Inventaire du soi physique Estime globale de soi Valeur physique perc¸ue Endurance Compe´tence sportive Apparence Force

26,6 10,2 7,1 1,7 13,1 91,4

7,1 11,4 7,1 2,9 4,3 37,9

19 0 0 0 3 34

46 43 27 12 24 175

3,9 3,1 2,9 2,3 3,8 2,9

1 1 1,1 1,1 1 0,6

1 1 1 1 1 1

entre nos variables (indice de corre´lation). Nous avons ensuite proce´de´ aux analyses infe´rentielles de nos donne´es (test-t de Student). Nous avons ainsi compare´ les scores moyens d’insatisfaction corporelle aux diffe´rentes notes seuils (test-t de Student pour e´chantillon unique, comparaison a` une norme) afin de repe´rer et spe´cifier le niveau d’insatisfaction corporelle au sein de notre e´chantillon et de nos groupes. Nous avons e´galement compare´ les scores moyens de de´sirabilite´ sociale, d’insatisfaction corporelle et d’estime de soi physique au sein de nos deux groupes (analyse de la variance, test-t de Student pour e´chantillons inde´pendants). Puis nous avons teste´ diffe´rents mode`les de re´gression line´aire afin d’estimer la part explicative de nos variables dans le trouble des conduites alimentaire. Le seuil de significativite´ des tests e´tait fixe´ a` p < 0,05. Ces analyses ont e´te´ effectue´es a` l’aide du logiciel SPSS 16.0.

d’insatisfaction corporelle et d’estime de soi physique et ses sousdimensions. L’EAT est faiblement corre´le´ ne´gativement a` la de´sirabilite´ sociale (r = 0,24 ; p < 0,05) et a` la compe´tence sportive (r = 0,21 ; p < 0,05). Il est moyennement corre´le´ ne´gativement a` l’estime globale de soi (r = 0,49 ; p < 0,001), a` la valeur physique perc¸ue (r = 0,46 ; p < 0,001) et a` l’apparence (r = 0,5 ; p < 0,001). Il est fortement corre´le´ positivement a` l’insatisfaction corporelle (r = 0,71 ; p < 0,001). Ainsi, plus les troubles alimentaires sont se´ve`res, moins le sujet a tendance a` vouloir correspondre aux normes sociales. En outre, plus les troubles alimentaires sont se´ve`res et plus le sujet est insatisfait de son corps, plus il aura une mauvaise estime de lui-meˆme, de sa valeur physique, de ses compe´tences sportives et de son apparence. Ces re´sultats valident partiellement notre premie`re hypothe`se. 3.2. De´sirabilite´ sociale, insatisfaction corporelle et estime de soi physique dans les troubles alimentaires

3. Re´sultats 3.1. Caracte´ristiques de l’e´chantillon et analyses descriptives Parmi les 114 e´tudiantes qui composent notre e´chantillon, 23 pre´sentent des conduites alimentaires proble´matiques, soit 20 % de l’e´chantillon (nTA = 23 et nNon-TA = 91). La moyenne d’aˆge ge´ne´rale est de 26,6 ans ( 7,1), elle est de 26,2 ( 6,6) dans le groupe TA et de 26,7 ( 7,3) dans le groupe Non-TA (t (112) = 0,292 ; p > 0,05). Le Tableau 1 pre´sente les analyses descriptives de notre e´chantillon concernant les diffe´rentes variables : troubles alimentaires, de´sirabilite´ sociale, insatisfaction corporelle et estime de soi physique. Les e´tudiantes de l’e´chantillon ont un score d’insatisfaction corporelle supe´rieur a` la note seuil indiquant la pre´sence d’une faible insatisfaction (t (113) = 2,9 ; p = 0,04). Le Tableau 2 pre´sente les relations de corre´lation entre les scores et sous-scores de l’EAT et les scores de de´sirabilite´ sociale, Tableau 2 Liens de corre´lation entre troubles alimentaires, de´sirabilite´ sociale, insatisfaction corporelle et estime de soi physique.

De´sirabilite´ sociale Insatisfaction corporelle Inventaire du soi physique Estime globale de soi Valeur physique perc¸ue Endurance Compe´tence sportive Apparence Force

6 5,6 5,8 6 6 4,7

Eating Attitudes Test

Restriction alimentaire

Boulimie

0,24* 0,71**

0,23* 0,74**

0,28** 0,56**

0,49** 0,46** 0,1 0,21* 0,5** 0,1

0,5** 0,48** 0,13 0,23* 0,53** 0,1

0,34** 0,36** 0,02 0,16 0,4** 0,11

Les caracte`res en gras fait re´fe´rence aux valeurs significatives. *p < 0,05, **p < 0,01.

Le Tableau 3 pre´sente les comparaisons des moyennes des deux groupes de sujets (TA/Non-TA) pour chacune des variables, mais aussi les comparaisons aux normes concernant l’insatisfaction corporelle. Notre deuxie`me hypothe`se est invalide´e puisque la de´sirabilite´ sociale ne varie pas entre les groupes TA et Non-TA (p > 0,05). Les femmes du groupe TA ont une insatisfaction corporelle significativement supe´rieure a` celle des femmes du groupe Non-TA (p > 0,001). De plus, les femmes du groupe TA ont un score moyen d’insatisfaction corporelle significativement supe´rieur a` la note seuil indiquant une insatisfaction corporelle mode´re´e (t (22) = 3,6 ; p = 0,002). Toutefois, ce score moyen n’est pas significativement infe´rieur a` la note seuil indiquant une insatisfaction corporelle excessive (t (22) = 0,6 ; p > 0,05). Les femmes du groupe Non-TA ont un score moyen d’insatisfaction corporelle qui n’est pas significativement infe´rieur a` la note seuil indiquant une le´ge`re insatisfaction (t (90) = 0,3 ; p > 0,05). Ainsi, les femmes du groupe TA pre´sentent une insatisfaction corporelle mode´re´e a` excessive alors que les femmes du groupe Non-TA manifestent une insatisfaction corporelle le´ge`re, voire nulle. Ces re´sultats valident nos troisie`me et quatrie`me hypothe`ses. Les femmes du groupe TA ont une estime globale d’elles-meˆmes infe´rieure a` celles du groupe Non-TA (p < 0,001). Elles ont e´galement un score de valeur physique perc¸ue et une estime de leur apparence infe´rieure aux femmes du groupe Non-TA (p < 0,001). Ces re´sultats valident partiellement notre cinquie`me hypothe`se. 3.3. Le roˆle de la de´sirabilite´ sociale, de l’insatisfaction corporelle et de l’estime corporelle dans les troubles alimentaires Le Tableau 4 pre´sente les diffe´rents mode`les de re´gression line´aire teste´s afin d’estimer la part explicative des diffe´rentes

Pour citer cet article : Rochaix D, et al. Troubles alimentaires, de´sirabilite´ sociale, insatisfaction corporelle et estime de soi physique chez des e´tudiantes de premie`re anne´e. Ann Med Psychol (Paris) (2017), http://dx.doi.org/10.1016/j.amp.2016.10.010

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Tableau 3 De´sirabilite´ sociale, insatisfaction corporelle et estime de soi physique chez des sujets avec et sans troubles alimentaires. TA n = 23

De´sirabilite´ sociale Insatisfaction corporelle Inventaire du soi physique Estime globale de soi Valeur physique perc¸ue Endurance Compe´tence sportive Apparence Force

Non-TA n = 91

M

E.T

M

E.T

11,3 136,1a,b

4,1 33,3

13,6 80,1c

4,3 29,8

3 2,5 2,9 1,9 2,9 2,9

1 0,8 1,2 0,9 1 0,8

4,1 3,3 2,9 2,4 4 2,9

0,9 1 1,1 1,2 0,9 0,6

t (112)

p

2,3 7,9

< 0,001 < 0,001

5,2 3,7 0,03 1,7 5,6 0,2

< 0,001 < 0,001 NS NS < 0,001 NS

T-test pour groupes inde´pendants, p significatif a` 0,05. a Comparaison a` la note seuil (= 81) : t (22) = 3,6 ; p = 0,002. b Comparaison a` la note seuil (= 111) : t (22) = 3,6 ; p = 0,002. c Comparaison a` la note seuil (= 81) : t (90) = 0,3 ; p > 0,05. Tableau 4 Roˆle de la de´sirabilite´ sociale, de l’insatisfaction corporelle et de l’estime corporelle dans les troubles alimentaires. VD a

Troubles alimentaires Restriction alimentairea Boulimiea Troubles alimentaires Restriction alimentaire Boulimie a

Variables introduites

b

Sig.

R

R2 ajuste´

Sig.

Insatisfaction corporelle

0,71 0,74 0,56 0,027 0,031 0,023 0,036 0,035 0,02

0,000 0,000 0,000 0,026 0,010 0,044 0,02 0,000 0,029

0,71 0,74 0,56 0,53

0,5 0,55 0,31 0,27

0,000 0,000 0,000 0,000

0,55

0,29

0,000

0,44

0,18

0,000

EGS Apparence EGS Apparence Apparence DS

Variables exclues avec p > 0,05 : DS, EGS, VPP et apparence.

variables dans les troubles alimentaires, mais aussi plus spe´cifiquement dans la restriction alimentaire, d’une part, et la conduite boulimique, d’autre part. Le premier mode`le de re´gression line´aire montre que seule l’insatisfaction corporelle est un facteur pre´dictif important des troubles alimentaires (R2 ajuste´ = 0,5 ; p < 0,05 avec b = 0,71 ; p < 0,05), de la restriction alimentaire (R2 ajuste´ = 0,55 ; p < 0,05 avec b = 0,74 ; p < 0,05) et de la boulimie (R2 ajuste´ = 0,31 ; p < 0,05 avec b = 0,56 ; p < 0,05). Nous nous sommes e´galement inte´resse´s a` l’implication secondaire (en retirant l’insatisfaction corporelle du mode`le) des autres variables (de´sirabilite´ sociale, estime globale de soi, valeur physique perc¸ue et apparence) dans les troubles alimentaires et leurs sous-dimensions (restriction alimentaire et boulimie). Ainsi, l’estime globale de soi et l’apparence sont des facteurs explicatifs de ces troubles (R2 ajuste´ = 0,27 ; p < 0,05 avec bEGS = 0,27 ; p < 0,05 et bApparence = 0,31 ; p < 0,05) et notamment de la restriction alimentaire (R2 ajuste´ = 0,29 ; p < 0,05 avec bEGS = 0,23 ; p < 0,05 et bApparence = 0,36 ; p < 0,05). Enfin, l’apparence et la de´sirabilite´ sociale sont des facteurs explicatifs de la boulimie (R2 ajuste´ = 0,18 ; p < 0,05 avec bApparence = 0,35 ; p < 0,05 et bDS = 0,2 ; p < 0,05). 4. Discussion La population e´tudiante est conside´re´e comme une population « a` risque » face aux troubles alimentaires [2,33]. Ainsi, 25 a` 40 % des e´tudiantes auraient des pre´occupations vis-a`-vis de leur corps, de leur poids et de leur consommation alimentaire [4]. Elles auraient e´galement recours, de fac¸on e´pisodique, a` des vomissements provoque´s et a` la consommation de laxatifs et coupe-faim dans le but de re´guler leur poids [24]. La pre´valence des troubles alimentaires en population franc¸aise est d’environ 21 % [7,38]. Nos re´sultats sont cohe´rents avec les donne´es de la litte´rature. En effet, au sein de notre e´chantillon, 20 % des e´tudiantes pre´sentent des

conduites alimentaires proble´matiques, qualifie´es de troubles alimentaires. Ce terme a e´te´ propose´ pour de´signer une forme subclinique de comportements alimentaires ne remplissant pas l’ensemble des crite`res internationaux des TACA [3]. Il se trouve au centre d’un continuum allant de conduites alimentaires « normales » a` pathologiques (TACA). La notion de trouble ne correspond pas a` l’aspect pathologique des comportements mais renvoie a` la souffrance associe´e a` ces conduites, qui pourrait alors entraıˆner une intensification et donc une pathologisation du comportement. La moyenne d’aˆge de notre e´chantillon, e´gale a` 26 ans, est supe´rieure a` celle releve´e dans la majorite´ des travaux qui situent l’entre´e dans la vie e´tudiante et l’apparition des troubles alimentaires entre 17 et 19 ans [4]. Nous pouvons envisager qu’en de´pit de l’aˆge « avance´ » de notre e´chantillon, ce sont les conditions de vie lie´es au cursus e´tudiant qui pourraient eˆtre mises en cause dans la symptomatologie alimentaire. En effet, bien qu’e´tant adultes, les e´tudiantes se situent dans une forme de pre´carite´ marque´e par le fait qu’elles soient encore en formation, ce qui diffe`re l’acce`s a` une stabilite´ professionnelle. Cette dimension impacte sur le niveau de vie, que ce soit sur le plan financier comme affectif. Cette position les maintiendrait dans un entredeux inconfortable empeˆchant la re´alisation imme´diate des projets que l’on peut supposer a` cet aˆge (stabilite´ professionnelle et affective). Ces difficulte´s viendraient renforcer le conflit psychique sous-jacent aux troubles alimentaires, ou le maintenir, ouvrant ainsi la voie a` un rapport pathologique a` l’alimentation. Selon Corcos [11], les jeunes filles souffrant de TACA, particulie`rement d’anorexie, chercheraient une forme paradoxale d’autonomie s’exprimant par leur rapport a` l’alimentation. Elles tenteraient d’acce´der a` une maıˆtrise de leur corps et adopteraient une attitude de de´fi en refusant de s’alimenter. L’alimentation repre´senterait alors un lieu possible de controˆle, s’installant par contraste a` leur situation pre´caire. Les e´tudiantes seraient confronte´es au maintien d’une position infantile subjective marque´e par l’allongement

Pour citer cet article : Rochaix D, et al. Troubles alimentaires, de´sirabilite´ sociale, insatisfaction corporelle et estime de soi physique chez des e´tudiantes de premie`re anne´e. Ann Med Psychol (Paris) (2017), http://dx.doi.org/10.1016/j.amp.2016.10.010

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paradoxal du temps de transition amorce´ par le cursus e´tudiant. Au vu des changements qui ope`rent au sein de notre socie´te´, nous pouvons envisager l’existence d’un recul quant a` l’aˆge d’e´mergence de certains troubles, et/ou un allongement de leur expression. Celui-ci serait lie´ a` l’installation de plus en plus tardive des jeunes gens dans la vie active associe´e a` l’augmentation du temps alloue´ aux e´tudes [23]. Nos re´sultats montrent que les conduites alimentaires proble´matiques sont ne´gativement lie´es a` la de´sirabilite´ sociale, ce qui peut paraıˆtre e´tonnant au vu des travaux qui soulignent l’impact de la pression sociale et me´diatique sur le de´veloppement des TACA [39]. La de´sirabilite´ sociale repre´senterait une strate´gie d’autore´gulation de soi permettant au sujet de pre´server une estime de soi fragile en re´pondant conforme´ment aux attentes sociales suppose´es [28]. Un lien ne´gatif entre la de´sirabilite´ sociale et les TACA a e´galement e´te´ mis en e´vidence et interpre´te´ comme e´tant le signe de la souffrance psychologique du sujet [28]. Ainsi, une faible de´sirabilite´ sociale et une faible estime de soi contribueraient au de´veloppement de conduites alimentaires proble´matiques [28]. En outre, ce lien ne´gatif a` la de´sirabilite´ sociale pourrait nous renseigner sur ce qui se joue dans le rapport a` l’autre. L’absence de congruence aux normes partage´es exprimerait la tentative de la jeune fille de mettre a` distance ce qu’elle ne peut maıˆtriser dans l’alte´rite´. Ce re´sultat marquerait une forme de refus des normes e´dicte´es par l’autre, soulignant une part du conflit intrapsychique inhe´rent aux TACA ou` le maintien de la de´pendance et le de´sir d’autonomie sont mis en jeu [11]. Les perturbations de l’image du corps observe´es dans les TACA [22] renverraient ainsi davantage a` une insatisfaction corporelle plutoˆt qu’une de´sirabilite´ sociale excessive. En effet, nos re´sultats confirment le lien entre les troubles alimentaires et l’insatisfaction corporelle. Les e´tudiantes qui manifestent des conduites alimentaires proble´matiques pre´sentent e´galement une insatisfaction corporelle mode´re´e a` excessive. Cette dernie`re apparaıˆt eˆtre le facteur pre´dictif principal de ces conduites alimentaires proble´matiques, qu’il s’agisse de restriction alimentaire ou de conduites boulimiques. Ces re´sultats sont donc cohe´rents avec les donne´es issues de la litte´rature [23,37]. Ne´anmoins, le lien entre les troubles alimentaires et l’insatisfaction corporelle semble eˆtre plus pre´gnant dans le cadre de restrictions alimentaires que dans le cadre des conduites boulimiques. Par ailleurs, les e´tudiantes pre´sentant des conduites alimentaires proble´matiques ont une estime globale de soi et une estime de leur valeur physique infe´rieures a` celles pour qui les conduites alimentaires ne sont pas proble´matiques. L’estime globale de soi et l’apparence constituent des facteurs pre´dictifs secondaires des troubles alimentaires, et notamment de la restriction alimentaire. Le de´veloppement de conduites alimentaires proble´matiques serait un moyen pour le sujet de modifier une apparence physique insatisfaisante et de rehausser une faible estime de soi, par cette tentative de prise de controˆle du corps et de son image. Cependant, l’objectif recherche´ ne semble pas pouvoir eˆtre atteint. Le sujet resterait alors insatisfait de son apparence et se percevrait comme peu compe´tent, renforc¸ant peut-eˆtre ainsi la mise en place de conduites alimentaires proble´matiques. Nos re´sultats soulignent e´galement que plus les compe´tences sportives sont perc¸ues comme inadapte´es et/ou insuffisantes, plus le sujet aura recours a` un comportement de restriction alimentaire. L’e´valuation des compe´tences, voire de la performance physique et/ou sportive, est observe´e dans le cadre de troubles alimentaires spe´cifiques aux populations sportives. En effet, l’anorexie athle´tique se caracte´rise par une restriction alimentaire re´pondant a` des pre´occupations lie´es aux performances plutoˆt qu’a` l’insatisfaction corporelle [1]. Or, la pratique d’une activite´ physique et/ou sportive diminue de manie`re significative a` l’entre´e a` l’universite´ [5]. Ce lien entre la restriction alimentaire et les compe´tences sportives, au sein d’une

population e´tudiantes, ne te´moignerait donc pas d’une anorexie sportive, mais d’une tentative d’ajustement de l’e´tudiante a` un nouveau rythme de vie. En effet, une telle re´duction des activite´s physiques aurait pour conse´quence une diminution des performances et une modification de la silhouette, laquelle induirait secondairement une modification des performances lors d’une reprise de l’activite´ physique, le plus souvent ponctuelle. Nous pouvons penser que les conduites de restrictions alimentaires serait un moyen de compenser, voire de re´e´quilibrer, les conse´quences ne´gatives issues de la vie e´tudiante. Le mode`le de re´gression line´aire montre que l’apparence et la de´sirabilite´ sociale seraient des facteurs explicatifs secondaires a` l’insatisfaction corporelle observe´e dans le cadre des conduites boulimiques. Ainsi, une e´valuation ne´gative de son apparence couple´e a` une faible de´sirabilite´ sociale sous-tendrait le de´veloppement de telles conduites. Les travaux de Miotto et al. [28] nous ont permis d’articuler les troubles alimentaires a` une faible de´sirabilite´ sociale en tant que signe d’une souffrance du sujet. En effet, en re´pondant conforme´ment aux attentes sociales, les e´ventuels e´checs ne seraient pas attribue´s au sujet mais seraient la conse´quence de conventions et obligations sociales. La de´sirabilite´ sociale serait une strate´gie d’autore´gulation de soi, permettant au sujet de pre´server une estime de soi fragile [28]. Nous pourrions ainsi dire que plus la de´sirabilite´ sociale du sujet est e´leve´e et plus l’e´cart entre ce qu’il est et ce qu’il devrait eˆtre est faible, le sujet essayant de correspondre a` ses propres attentes et a` celles de son entourage ou, plus largement, de la socie´te´. Ainsi, une faible de´sirabilite´ sociale traduirait un e´cart important entre ce que l’individu est et ce qu’il pense devoir eˆtre. Ceci pourrait signifier qu’il n’essaierait pas ne´cessairement de re´pondre aux attentes sociales et se risquerait ainsi a` agir « de luimeˆme ». En outre, le sujet pourrait re´guler son comportement en fonction de l’e´cart entre ce qu’il est (Soi actuel), ce qu’il voudrait eˆtre (Soi ide´al) et ce qu’il devrait eˆtre (Soi social) [21]. Nous pouvons ainsi nous demander si la restriction alimentaire ne re´sulterait pas d’une dynamique particulie`re impliquant une image de soi re´elle perc¸ue comme e´tant infe´rieure a` une image de soi ide´ale que le sujet tente d’atteindre. A` l’inverse, les conduites boulimiques re´sulteraient davantage d’une dynamique mettant en jeu une image de soi re´elle et une image de soi « attendue » ou sociale a` laquelle le sujet tente de correspondre.

5. Conclusion Nos re´sultats nous ame`nent a` eˆtre prudentes quant a` la lecture et l’interpre´tation des donne´es recueillies. En effet, une des limites de cette e´tude concerne la spe´cificite´ de la population e´tudie´e. Cette dimension implique de circonscrire nos re´sultats et l’interpre´tation que l’on peut en faire a` ce cursus de formation repre´sente´ par des sujets, d’une part, exclusivement fe´minins et, d’autre part, plus aˆge´s comparativement au cursus universitaire. Il serait inte´ressant, lors d’une prochaine e´tude, d’inclure un e´chantillon de sujets masculins mais aussi de diversifier les cursus de formation, afin d’avoir une approche des TACA plus comple`te. Au-dela` de l’insatisfaction corporelle mise en e´vidence chez les personnes ayant des conduites alimentaires proble´matiques, nos re´sultats apportent de nouvelles perspectives quant a` l’appre´hension du corps. Nous pouvons envisager que la tendance me´diatique a` proˆner un ide´al de beaute´ influence les individus sans conduites alimentaires perturbe´es. En revanche, elle semble agir diffe´remment chez les personnes qui manifestent des comportements alimentaires proble´matiques. L’investissement du corps ne repre´senterait pas un moyen d’adhe´rer aux normes et de s’approcher d’un ide´al socialement partage´. Au contraire, nous pouvons envisager qu’a` l’instar de ce qui est observe´ au sein des TACA, il

Pour citer cet article : Rochaix D, et al. Troubles alimentaires, de´sirabilite´ sociale, insatisfaction corporelle et estime de soi physique chez des e´tudiantes de premie`re anne´e. Ann Med Psychol (Paris) (2017), http://dx.doi.org/10.1016/j.amp.2016.10.010

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soulignerait le maintien d’une forme d’omnipotence relevant d’un controˆle du corps et de l’alimentation. Cette recherche de maıˆtrise re´pondrait a` la pre´carite´ caracte´ristique de la vie e´tudiante et expliquerait, pour une part, la persistance des troubles. De´claration de liens d’inte´reˆts Les auteurs de´clarent ne pas avoir de liens d’inte´reˆts. Re´fe´rences non cite´es [9,10]. Re´fe´rences [1] Afflelou S, Boujut E. Troubles des conduites alimentaires et de l’image du corps chez les sportifs. In: Descamps G, editor. Psychologie du sport et de la sante´. Paris: De Boeck; 2011. p. 295–316. [2] American Psychiatric Association. Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorder (DSMV), 5th ed., Washington, London: American Psychiatric Publishing; 2013. [3] Bonnet A, Fernandez L. Psychologie en 15 fiches. Enfant, adolescent, adulte. Paris: Dunod; 2007. [4] Boujut E, Bruchon-Schweitzer. Les troubles des comportements alimentaires chez des e´tudiants de premie`re anne´e : une e´tude prospective multigroupes. Psy Fr 2010;55:295–307. [5] Boujut E, De´camps G. Relations entre les e´motions ne´gatives, l’estime de soi, l’image du corps et la pratique sportive des e´tudiants de premie`re anne´e. J Ther Comport Cog 2012;22:16–23. [6] Boujut E, Koleck M, Bruchon-Schweitzer M, Bourgeois ML. La sante´ mentale chez les e´tudiants : enqueˆte aupre`s d’une cohorte de 556 e´tudiants de 1e`re anne´e. Ann Med Psy 2009;167:662–8. [7] Callahan S, Rousseau A, Knotter A, Bru V, Danel M, Cueto C, et al. Les troubles alimentaires : pre´sentation d’un outil de diagnostic et re´sultats d’une e´tude e´pide´miologique chez les adolescents. Encephale 2003;29:239–47. [8] Cambon L. La fonction e´valuative de la personnologie, vers la mise en e´vidence de deux dimensions de la valeur : la de´sirabilite´ sociale et l’utilite´ sociale. Psy Fr 2006;51:285–305. [9] Cathe´bras P, Fayard L, Rousset H. L’anorexie mentale est-elle un de´sordre culturel ? Rev Med Int 1991;12:104–10. [10] Chaput C. Image du corps. In: Marzano M, editor. Dictionnaire du corps. Paris: PUF; 2007. p. 485–8. [11] Corcos M. D’un corps l’autre : l’ame´norrhe´e dans les troubles des conduites alimentaires. Champ Psy 2005;4:135–43. [12] Cserje´si R, Vermeulen N, Luminet O, Marechal C, Nef F, Simon Y, et al. Explicit vs. implicit body image evaluation in restrictive anorexia nervosa. Psychiatry Res 2010;175:148–53. [13] Dany L, Morin M. Image corporelle et estime de soi : e´tude aupre`s de lyce´ens franc¸ais. Bull de psycho 201;5(509):321–34 [14] Dittmar H. How do ‘‘body perfect’’ ideals in the media have a negative impact on body image and behaviors? Factors and processes related to self and identity. J Soc Clin Psych 2009;28:1–8. [15] Duclos J, Cook-Darzens S, de Rincquesen D, Doyen C, Mouren MC. E´tude pilote – un nouvel e´clairage attachementiste de l’anorexie mentale : les adolescentes anorexiques ont-elles un attachement inse´cure ? Ann Med Psy 2014;172:714–20. [16] Fairburn C, Shafran R, Cooper Z. A cognitive behavioural theory of anorexia nervosa. Behav Res and Ther 1999;37:1–13. [17] Fernandez S, Pritchard M. Relationships between self-esteem, media influence and drive for thinness. Eating Beh 2012;13:321–5.

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