Troubles dépressifs et qualité de vie : étude transversale auprès de 360 patients consultant en psychiatrie au CHU de Mahdia

Troubles dépressifs et qualité de vie : étude transversale auprès de 360 patients consultant en psychiatrie au CHU de Mahdia

L’Encéphale (2008) 34, 256—262 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com journal homepage: www.elsevier.com/locate/encep SANTÉ PUBLIQUE Troubl...

167KB Sizes 0 Downloads 93 Views

L’Encéphale (2008) 34, 256—262

Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com

journal homepage: www.elsevier.com/locate/encep

SANTÉ PUBLIQUE

Troubles dépressifs et qualité de vie : étude transversale auprès de 360 patients consultant en psychiatrie au CHU de Mahdia Depressive disorders and quality of life: A cross sectional study including 360 depressive patients followed at the psychiatry consultation of the Mahdia university hospital M. Hadj Ammar ∗, S. Khammouma, M. Nasr Service de psychiatrie, CHU de Tahar-Sfar, 5111 Mahdia, Tunisie Rec ¸u le 13 mars 2006 ; accepté le 13 novembre 2006 Disponible sur Internet le 3 d´ ecembre 2007

MOTS CLÉS Troubles dépressifs ; Qualité de vie ; SF-36 ; Évaluation ; Facteurs de risque



Résumé Ce travail avait pour objectifs d’évaluer la qualité de vie des patients présentant un trouble dépressif caractérisé et d’identifier les facteurs de risque quant à l’origine de cette altération. Cette étude transversale réalisée à la consultation de psychiatrie du CHU de Mahdia durant une période de quatre mois a concerné 360 patients déprimés. Les variables étudiées portaient sur les caractéristiques générales des patients, les caractéristiques cliniques et évolutives du trouble dépressif et les données concernant la prise en charge. L’échelle générique de qualité de vie, la SF-36, (short form) a été utilisée pour l’évaluation. Une standardisation des scores moyens initiaux a été effectuée. Le score moyen global (SMG) à la SF-36 était de 44,6 et 81 % des patients avaient une qualité de vie altérée. La standardisation a révélé une composante mentale particulièrement plus altérée que celle physique. Les régressions logistiques ont permis d’identifier que la survenue d’une altération de la qualité de vie était en rapport avec des paramètres sociodémographiques, cliniques et thérapeutiques. Cette démarche clinimétrique, nous semble permettre de concevoir toute personne souffrant de trouble dépressif dans sa vie entière et non pas seulement sous le seul angle de sa maladie. © L’Encéphale, Paris, 2008.

Auteur correspondant. Adresse e-mail : hadjammar [email protected] (M. Hadj Ammar).

0013-7006/$ — see front matter © L’Encéphale, Paris, 2008. doi:10.1016/j.encep.2006.11.001

Troubles dépressifs et qualité de vie

KEYWORDS Depressive disorders; Quality of life; SF-36; Assessment; Risk factors

257

Summary Introduction. — Depressive disorders affect many psychosocial and functional aspects, leading to a real social handicap and an alteration in quality of life. Aim of the study. — Our purposes were to evaluate the depressive patient’s quality of life and to identify the risk factors responsible for this deterioration. Design. — Our cross sectional study lasted for four months, from 1st March to 30th June 2003, and included 360 depressive patients followed at the psychiatry consultation of the university hospital in Mahdia. The data were collected with a questionnaire composed of 60 items exploring the general characteristics of subjects, the clinical and evolutional characteristics of depressive disorder and providing information on the treatment. Quality of life was measured using the SF-36 (short form) generic scale. A global average score was calculated and it was considered that quality of life was altered if the score was less than 66.7, according to the threshold value of L´ ean [Arch Intern Med 159 (1999) 837—843]. Moreover, an average score was calculated for each dimension, thus permitting us to identify those most affected. We standardized initial average scores. Results. — The assessment of quality of life revealed a global average score of 44.6 and an alteration in 81% of patients. The study of the dimensional average scores revealed that all dimensions were affected. The standardization also revealed deterioration in all the dimensions, with the mental component particularly more affected than the physical component with respectively estimated scores of 37.3 and 39.1. The analytic approach concerned the relationship between qualitative and quantitative variables and the occurrence of an alteration in quality of life. For this effect, a bivariate study displayed a statistically significant correlation between the eight dimensions of the SF-36 and 20 variables. In order to take into account the relationships which link each variable to the others, and to avoid the bias of the bivariate study, a logistic regression analysis was carried out. Only 12 variables with truly discriminating weight emerged from this analysis. According to the number of dimensions affected, the following factors were classified in decreasing order: the presence of at least two suicide attempts, the association of a psychotropic, the partial or absent observance, the feminine gender, the presence of somatic diseases, the absence of autonomy, the low social-economic level, the presence of a recent hospitalization (<12 months), the age greater than 45 years, the marital status of widow or separated, the number of children under charge greater than five and the presence of severe side effects. Conclusion. — This clinimetric approach permitted us to consider the whole life of each patient suffering from depressive disorder, rather than just the angle of their illness. © L’Encéphale, Paris, 2008.

Introduction

Patients et m´ ethodes

La morbidit´ e des troubles d´ epressifs n’est pas li´ ee seulement aux seules modifications affectives mais atteint de nombreux aspects sociaux et fonctionnels et les indicateurs ´volution s’expriment en terme de QdV. La mesure de leur e de l’atteinte fonctionnelle, constitue le premier niveau d’approche de la QdV du patient d´ eprim´ e. L’identification ` consid´ des incapacit´ es fonctionnelles revient a erer le degr´ e de g` ene du sujet pour r´ ealiser normalement une fonction importante et le d´ esavantage social qui en d´ ecoule. Cette perspective fonctionnelle, interm´ ediaire entre sant´ e et r´ ealisation d’un rˆ ole social, est souvent sous-estim´ ee ` envisager les cons´ en raison de la tendance a equences de la d´ epression comme surtout subjectives et de moindre signification clinique que celles associ´ ees aux affections ´taient essentielleorganiques graves [7]. Nos objectifs e ment d’´ evaluer la QdV des patients pr´ esentant un trouble d´ epressif caract´ eris´ e et d’identifier certains param` etres pouvant l’alt´ erer.

´tude transversale, r´ ` la consultation de C’est une e ealis´ ee a psychiatrie du CHU de Mahdia durant la p´ eriode allant du 1er mars jusqu’au 30 juin 2003. Elle a concern´ e 360 patients d´ eprim´ es soit 21,3 % de la file active. Les crit` eres d’inclusion ´taient un diagnostic de trouble d´ e epressif selon le DSM-IV ˆge compris entre 18 et 65 ans, une dur´ [1], un a ee d’´ evolution ` six mois et un accord pr´ au moins sup´ erieure a ealable ´taient la pr´ du patient. Les crit` eres d’exclusion e esence ´pisode d´ d’un e epressif majeur en cours, d’une pathologie m´ edicale chronique et s´ ev` ere, associ´ ee d’un trouble cognitif ´v` s´ ev` ere ou d’un e enement stressant r´ ecent. Les donn´ ees ont ´t´ ` l’aide d’un questionnaire pr´ ´tabli de 60 e e recueillies a ee items permettant d’explorer les caract´ eristiques g´ en´ erales ´volutives des patients, les caract´ eristiques cliniques et e du trouble d´ epressif et les donn´ ees concernant la prise en charge. L’existence de rendez-vous manqu´ es, la non ´t´ r´ egularit´ e de prise du traitement ou son arrˆ et ont e e pris ´valuer l’observance ; quant a ` l’autonomie, en compte pour e

258

M. Hadj Ammar et al.

´t´ elle a e e appr´ eci´ ee de mani` ere empirique. La mesure de ´t´ ` l’aide de l’´ la QdV a e e r´ ealis´ ee a echelle g´ en´ erique la SF-36 (short form) qui comporte 36 items r´ epartis en huit dimensions. Les r´ eponses aux questions sont cot´ ees de 0 ` 100. Un score moyen global (SMG) est obtenu par le a ` la calcul de la moyenne des cotations. En se r´ ef´ erant a valeur seuil de L´ ean et al. [10], on admet qu’un SMG de moins de 66,7 signifie une alt´ eration de la QdV. Par ailleurs, un score moyen est calcul´ e pour chaque dimension (SMD) permettant d’identifier les dimensions les plus touch´ ees. Afin de mieux interpr´ eter nos r´ esultats, une standardisation ` l’´ des scores moyens initiaux conform´ ement a etude ‘‘USA ´t´ 98’’ a e e opt´ ee avec r´ epartition des dimensions en deux composantes principales, physique et mentale [18]. Les ana´t´ lyses statistiques ont e e effectu´ ees en utilisant le logiciel SPSS 10.0 pour Windows. Les SMD ont fait l’objet d’une analyse bivari´ ee en utilisant le test chi-carr´ e, puis d’une analyse multivari´ ee. Les coefficients de r´ egression multiple ˇ et R2 ainsi que les significations statistiques correspon´t´ dantes ont e e utilis´ es pour d´ eterminer les param` etres les plus impliqu´ es dans l’alt´ eration de la QdV. L’intervalle de ´tait de 95 %. confiance accept´ ee

R´ esultats ´ Etude descriptive Caract´ eristiques g´ en´ erales ´tude a r´ Notre e ev´ el´ e essentiellement une moyenne d’ˆ age de 45,8 ans, une pr´ edominance f´ eminine avec un sexe ratio de 0,18, un statut marital de veuf(ve) ou s´ epar´ e(e) dans 12,5 % ` charge en moyenne de 2,3, des cas, un nombre d’enfants a un niveau d’instruction bas et un niveau socio´ economique faible ou modeste, respectivement dans 84,4 et 68,8 % des cas, une absence d’activit´ e professionnelle dans 79 % des cas, une autonomie absente ou partielle dans 42 % des cas, une pr´ esence de pathologies organiques chroniques dans 33,8 % des cas et de tentatives de suicide chez 16,6 % des patients. Caract´ eristiques cliniques et ´ evolutives ´chantillon se r´ Notre e epartissait en fonction du diagnos´pisode isol´ tic comme suit : trouble d´ epressif majeur, e e (13,3 %) , trouble d´ epressif majeur r´ ecurrent (27,7 %) et trouble dysthymique (59 %). Pour l’ensemble des patients, ´tude a r´ cette e ev´ el´ e une moyenne d’ˆ age au d´ ebut des troubles de 37,6 ans, une moyenne de d´ elai entre l’apparition de troubles et la premi` ere consultation de 12,6 semaines et une anciennet´ e des troubles en moyenne de 8,5 ans. Donn´ ees concernant la prise en charge Notre travail a r´ ev´ el´ e un taux d’hospitalisation pour troubles d´ epressifs de 35 % avec en moyenne un nombre total d’hospitalisations de 0,6 ; un d´ elai de la derni` ere hospi` talisation par rapport au jour de l’enquˆ ete inf´ erieur a 12 mois dans 48,5 % des cas ; une association de psycho` un antid´ tropes dans 87 % des cas correspondant a epresseur ` une benzodiaz´ ` un neurolepcombin´ e a epine (77,2 %), a ` un thymor´ ` tique s´ edatif (15,7 %), a egulateur (2,9 %) et a un thymor´ egulateur plus une benzodiaz´ epine (4,2 %) ; une

Figure 1 Répartition des scores moyens par dimension à la SF-36 des patients consultant pour troubles dépressifs.

pr´ esence d’effets secondaires dans 38 % des cas et une observance nulle ou partielle dans 35 % des cas. Qualit´ e de vie L’´ evaluation de la QdV a r´ ev´ el´ e un SMG de 44,6 et une alt´ eration chez 81 % des patients. La r´ epartition des SMD a montr´ e que l’alt´ eration touchait toutes les dimensions (Fig. 1). La standardisation des scores moyens initiaux a montr´ e aussi une baisse attestant une alt´ eration de toutes les dimensions et une composante mentale particuli` erement plus alt´ er´ ee que celle physique avec des scores estim´ es res` 37,3 et 39,1. pectivement a

´ Etude analytique Elle a concern´ e les liens entre les variables quantitatives et qualitatives et la survenue d’une alt´ eration de la QdV. ´tait essentiellement bas´ Le choix de ces variables e e sur leurs significations statistiques, cliniques et leurs implica` cet effet, a tions th´ erapeutiques. L’´ etude bivari´ ee men´ ee a r´ ev´ el´ e des corr´ elations statistiquement significatives entre les huit dimensions de la SF-36 et 20 variables. Pour mieux pr´ eciser le r´ eel poids discriminant de ces variables, nous avons effectu´ e des r´ egressions logistiques qui ont permis ´merger seulement 12 plus pr´ d’en e edictives que les autres dans la survenue d’une alt´ eration de la QdV (Tableau 1).

Discussion M´ ethodologie En mati` ere de d´ epression, l’´ evaluation de la QdV est non sans difficult´ es. En effet, comme le signalent Dazord et ´valuer la QdV li´ ` la sant´ No¨ el [6], si e ee a e des patients en

Troubles dépressifs et qualité de vie

259

Tableau 1 Corrélation entre variables étudiées et scores moyens par dimension à la SF-36 des patients consultant pour troubles dépressifs. Score moyen par dimension SMD1

SMD2

ˆ >45 ans Age

ˇ −0,347 R2 16,1 % P < 10−4

ˇ −0,278 R2 3,6 % P = 0,001

Sexe f´ eminin

ˇ −0,127 R2 3,4 % P = 0,04

SMD3

SMD4

ˇ −0,249 R2 5,7 % P < 10−4

ˇ −0,145

ˇ −0,091

R2 2,1 % P = 0,001

R2 2 % P = 0,001 ˇ 0,187 R2 5 % P < 10−4

` charge >5 Nombre d’enfants a

SMD6

SMD7

ˇ −0,199 R2 1 % P = 0,02

ˇ 0,134 R2 2,1 % P = 0,009

Niveau socio´ economique faible

Statut marital de veuf(ve) ou de s´ epar´ e(e)

SMD5

SMD8

ˇ −0,154 R2 1,8 % P = 0,003

ˇ 0,113 R2 1,1 % P = 0,02

ˇ −0,171 R2 1,8 % P < 10−4

ˇ 0,111 R2 3,5 % P = 0,003

Autonomie absente

ˇ 0,240 R2 9,8 % P < 10−4

ˇ 0,175 R2 6,6 % P = 0,001

ˇ 0,162 R2 6,2 % P = 0,002

Pr´ esence de pathologies somatiques

ˇ 0,240

ˇ 0,175

ˇ 0,162

R2 9,8 % P < 10−4

R2 6,6 % P = 0,001

R2 6,2 % P = 0,002

Pr´ esence d’ATCD de tentatives de suicide ≥2

Pr´ esence d’une hospitalisation r´ ecente (<12 mois)

Association de psychotropes

ˇ −0,143

ˇ −0,053

ˇ −0,176

ˇ −0,192

ˇ −0,198

ˇ −0,173

R2 3,9 % P = 0,09

R2 2,7 % P = 0,008

R2 6,6 % P = 0,03

R2 2,5 % P = 0,02

R2 4,7 % P = 0,002

R2 2 % P = 0,001

ˇ 0,259

ˇ 0,227

ˇ 0,154

R2 5,2 % P = 0,06

R2 7,3 % P = 0,02

R2 5,2 % P = 0,02 ˇ 0,120 R2 2,7 % P = 0,02

ˇ −0,166 R2 5,7 % P = 0,001

ˇ −0,157 R2 6,9 % P = 0,001

ˇ −0,123 R2 2,4 % P = 0,004

ˇ −0,182 R2 4,4 % P = 0,04

ˇ −0,192

Pr´ esence d’effets secondaires s´ ev` eres

R2 4, 2 % P = 0, 03 Observance nulle ou partielle

Somme des R2 (%)

46

ˇ : Coefficient de r´ egression standardis´ e,

R2

ˇ 0,257 R2 1,8 % P = 0,004

ˇ 0,177 R2 3,1 % P < 10−4

20,8

20,3

06,2

ˇ 0,164 R2 3,6 % P = 0,002

ˇ 0,175 R2 3,8 % P = 0,004

18,6

16,9

ˇ 0,131 R2 2 % P = 0,008 20,6

25,7

: carr´ e du coefficient de corr´ elation, P : signification statistique.

pathologie somatique rel` eve d’une probl´ ematique relativement simple, puisqu’il s’agit de r´ eintroduire le point de vue des patients dans un domaine o` u le d´ eveloppement des techniques de pointe a mis davantage l’accent sur la maladie et les possibilit´ es de l’enrayer, la situation est plus

complexe en psychiatrie, o` u l’int´ erˆ et du clinicien par d´ efinition concerne le patient en tant que sujet. De plus, ´chelles de la QdV apporon pouvait se demander si les e ´l´ ´chelles teraient des e ements nouveaux par rapport aux e ´mettre classiques de la d´ epression. Pourtant, on peut e

260

M. Hadj Ammar et al.

l’hypoth` ese qu’une approche « qualit´ e de vie » permet de sortir du cadre nosographique habituel, dans la mesure o` u ´chelles c’est dans les diff´ erents domaines de la vie que les e `e ´tudier le v´ de la QdV s’attachent a ecu des sujets ; on peut `e ´valuer la quandire qu’´ evaluer la d´ epression vise plutˆ ot a ` la tit´ e d’´ energie disponible, alors qu’´ evaluer la QdV li´ ee a ` pr´ sant´ e consiste aussi a eciser o` u et de quelle mani` ere se ´nergie. Par ailleurs, alors que les e ´chelles d´ echarge cette e de la d´ epression sont essentiellement centr´ ees sur le malˆtre, les e ´chelles de la QdV e ´valuent e ´galement le degr´ e e du bien-ˆ etre [6,11]. Cela, ne pose pas forc´ ement les deux types d’´ echelles en termes de comp´ etitivit´ e, mais plutˆ ot en ´valuations respectermes de compl´ ementarit´ e. En fait, les e ` la QdV tives des symptˆ omes et des dimensions relatives a se situent dans des registres diff´ erents et il n’existe pas toujours de relation d’´ equivalence entre la gravit´ e clinique et les cons´ equences d’impact de QdV. En d’autres termes, l’appr´ eciation de la gravit´ e clinique ne suffit pas, il faut ´valuer le retentissement des troubles dans le mˆ eme temps e ´tions dans la vie du malade [7]. Lors de ce travail, nous e ` deux probl` confront´ es essentiellement a emes. Le premier a concern´ e le cadre nosographique de la d´ epression et par `e ´tudier ; a ` ce cons´ equent l’inhomog´ en´ eit´ e de la population a propos le DSM-IV [1] nous a offert un cadre utile, pr´ ecis et pragmatique. Le second a concern´ e le choix de l’instrument ` utiliser. Nous avons opt´ de mesure de QdV a e pour une ´chelle g´ e en´ erique, en l’occurrence la SF-36, en consid´ erant ses avantages et sa pertinence. Ce choix n’´ etait pas justifi´ e seulement pour ses qualit´ es psychom´ etriques et la facilit´ e de sa passation, mais aussi pour la possibilit´ e de standardisation de nos r´ esultats permettant ainsi leur comparaison avec ´tudes utilisant la mˆ ´chelle [4,9,15,20]. ceux d’autres e eme e Toutefois, dans notre pratique, certains biais et limites ˆtre pris en consid´ ` l’utilisation devraient e eration quant a ` notre contexte sociode cet instrument : son adaptation a ´motionnel du patient durant la passation, culturel, l’´ etat e ` l’enquˆ la distorsion due a eteur des r´ eponses des patients illettr´ es et l’absence de conditions d’´ evaluation standar` l’interpr´ dis´ ees. Quand on proc` ede a etation des r´ esultats, ` la norme, autrement surgit la difficult´ e de la r´ ef´ erence a ` partir de laquelle on peut estimer dit la note seuil utilis´ ee a qu’une personne pr´ esente ou non une alt´ eration de sa QdV. Certains auteurs consid` erent que l’une des raisons pour refuser la norme est sa pr´ etention uniformisante et n´ egatrice des diversit´ es alors que le concept de la QdV implique une

approche singularis´ ee, sans r´ ef´ erence ext´ erieure et multidimensionnelle [11]. Toutefois, en pratique, un SMG est souvent demand´ e, de la part du clinicien qui veut avoir une id´ ee g´ en´ erale sur la QdV de son patient, mais aussi de la part de ce dernier qui pourrait s’interroger sur le niveau de sa QdV.

R´ esultats Qualit´ e de vie ´tudes e ´valuant la QdV des patients Nous avons choisi cinq e ` l’aide de la SF-36. La ayant des troubles d´ epressifs a ´tude longitudinale r´ premi` ere, est une e ealis´ ee par Kroenke ´tudiant l’efficacit´ et al. [9] aupr` es de 601 patients, e e dans l’am´ elioration de la QdV de trois inhibiteurs de la recapture de la s´ erotonine. La deuxi` eme, est celle de Pukrop et al. [14] qui compare la QdV des patients schizophr` enes ` celle des d´ par rapport a epressifs. La troisi` eme, est une ´tude longitudinale r´ e ealis´ ee par Bedi et al. [2] aupr` es de 323 patients d´ epressifs comparant l’influence de la participation du malade concernant le choix du traitement sur l’am´ elioration clinique de la d´ epression et sur la QdV par ` un traitement choisi et prescrit par le clinicien. La rapport a ´tude longitudinale r´ quatri` eme, est une e ealis´ ee par Nichols et Brown [13] aupr` es de 1161 patients d´ epressifs comparant ` celle l’efficacit´ e de l’intervention du m´ edecin psychiatre a de la famille dans d’am´ elioration de la QdV. La derni` ere, est celle de Sullivan et al. [16] r´ ealis´ ee aupr` es de 330 patients ´tudiant les facteurs pr´ d´ epressifs e edictifs concernant la r´ eponse au traitement en fonction de la connaissance et de ` la d´ la croyance des patients quant a epression. L’analyse ´tudes a montr´ des r´ esultats de ces e e que la dimension la plus pr´ eserv´ ee est l’activit´ e physique (D1 ), que la dimension ` l’exception de notre la plus touch´ ee est la vitalit´ e (D7 ) a ´tude o` e u il s’agissait de la douleur physique (D3 ) et que ´tude et celle de Pukrop et al.[14], les scores dans notre e moyens de la sant´ e psychique (D8 ) s’av` erent plus manifes` ceux retrouv´ tement bas par rapport a es dans les autres ´tudes (Tableau 2). La standardisation des scores moyens e initiaux a r´ ev´ el´ e que l’alt´ eration de la composante mentale ´tait plus importante que celle physique. Le mˆ e eme r´ esultat ´t´ ´tude transverae e retrouv´ e par Brown et al. [4] dans son e ` l’aide de la mˆ ´chelle portant sur 401 patients sale a eme e d´ epressifs avec des scores respectifs de 37,4 et de 39,5.

Tableau 2 Résultats d’études comparant l’évaluation de la qualité de vie à l’aide de la SF-36 des patients suivis pour troubles dépressifs. Dimension

Kroenke et al. (2001) [9]

Pukrop et al. (2003) [14]

Bedi et al. (2000) [2]

Nichols et Brown (2000) [13]

Sullivan et al. (2003) [16]

Notre ´tude e

D1 : D2 : D3 : D4 : D5 : D6 : D7 : D8 :

75 63 55 42,6 55,3 57,7 29 57,4

51,2 44,3 51 48,7 33,4 48,5 32,5 41,4

77,7 57,4 67,9 49,6 42,2 65,4 37,4 54,1

64 43,5 50,5 54,3 44,8 58,2 35,7 51

64 47,8 55 52,6 36 61 33,7 58,5

52 44,9 38 50,3 38,8 49,2 43,9 40,5

activit´ e physique ` l’´ limitations dues a etat physique douleur physique sant´ e perc ¸ue ` l’´ limitations dues a etat psychique vie et relations avec les autres vitalit´ e sant´ e psychique

Troubles dépressifs et qualité de vie ´tude longitudiPar contre, Williams et al. [20], dans une e nale portant sur 415 patients pr´ esentant une dysthymie et comparant l’efficacit´ e de la parox´ etine et de la psy` l’am´ choth´ erapie quant a elioration de la QdV ont trouv´ e une alt´ eration de la composante physique plus importante que celle mentale avec des scores respectifs de 37,4 et de 38,9. Dans une perspective voisine, le profil de la qualit´ e de vie subjective (PQVS) d´ evelopp´ e par Dazord et al. [5] et utilis´ e aupr` es de 3000 patients atteints d’affections physiques ou psychiatriques dont 65 patients d´ epressifs en hospitalisation et plus de mille en ambulatoire, a r´ ev´ el´ e que le degr´ e de satisfaction ressentie dans diff´ erents domaines chez ces patients d´ epressifs fait apparaˆıtre paradoxalement (par rap` l’´ port a evaluation fonctionnelle) que c’est le domaine physique qui est le plus douloureusement ressenti. Paramètres liés à l’altération de la qualité de vie Une corr´ elation positive entre l’ˆ age (>45 ans) et une ´t´ ´t´ alt´ eration de la QdV a e e retrouv´ ee. Cette variable a e e aussi retenue par McCall et al. [12]. Concernant le sexe, la ´tait plus d´ QdV des femmes e egrad´ ee que celle des hommes ´tude. Bramsfeld et al. [3], ont e ´valu´ dans notre e e en deux ` l’admission a ` l’hˆ temps, a opital et apr` es gu´ erison la QdV de ´tait corr´ 44 patients d´ eprim´ es et ont montr´ e que la QdV e el´ ee avec une r´ emission des troubles et que cette r´ emission ´tait plus fr´ e equente chez les sujets du sexe masculin. En revanche, Koivumaa-Honkanen et al. [8] n’ont pas trouv´ e de ´valuant la QdV des corr´ elation li´ ee au sexe dans leur travail e patients ayant des troubles d´ epressifs majeurs, une schizophr´ enie ou des troubles anxieux. Le niveau socio´ economique faible et le statut marital de veuf (ve) ou de s´ epar´ e (e) ´taient corr´ ` une QdV alt´ e el´ es a er´ ee dans notre travail. ´tude de Koivumaa-Honkanen et al. [8], D’apr` es la mˆ eme e le haut niveau socio´ economique et la pr´ esence d’un bon support social prot` egeraient contre la d´ et´ erioration de la ´tude, la pr´ QdV. Dans notre e esence d’ant´ ec´ edents de tenta´gale a ` deux e ´tait le facteur le tives de suicide inf´ erieure ou e plus impliqu´ e dans la survenue d’une alt´ eration de la QdV. ˆtre expliqu´ L’alt´ eration par le biais de ce facteur pourrait e ee par la perte de d´ esir de vivre et le sentiment d’indignit´ e, indicateurs d’´ evolution des troubles d´ epressifs s’exprimant ` cot´ en terme de QdV, a e d’autres indicateurs comme la ` remplir les douleur morale, la diminution des capacit´ es a rˆ oles sociaux et l’appauvrissement des relations interpersonnelles [7]. La pr´ esence de pathologies somatiques dans ´tude e ´tait corr´ ` la survenue d’une alt´ notre e el´ ee a eration ` celui de l’´ de la QdV. Ce r´ esultat est comparable a etude ´tait plus de Small et al. [15] qui ont montr´ e que la QdV e alt´ er´ ee en pr´ esence d’ant´ ec´ edents personnels m´ edicaux et que cette alt´ eration touchait les dimensions suivantes : l’activit´ e physique (D1 ), la vitalit´ e (D7 ), la sant´ e perc ¸ue (D8 ), la vie et relations avec les autres (D6 ) et la sant´ e psychique (D4 ). Selon Martin et Ferreri [11], il est n´ ecessaire ` l’interpr´ de faire attention a etation des r´ esultats obtenus lors de l’´ evaluation de l’impact des troubles d´ epressifs sur la QdV, compte tenu des diff´ erents param` etres tels que le traitement et la comorbidit´ e. L’association de psychotropes, la pr´ esence d’effets secondaires s´ ev` eres et l’observance ´taient corr´ ` la survenue d’une nulle ou partielle e el´ es a alt´ eration de la QdV dans notre travail. Au cours d’une ´tude transversale e ´valuant la QdV a ` l’aide de la SF-36 de e sujets d´ eprim´ es repartis en deux groupes selon le traite-

261 ment rec ¸u, Martin et Ferreri [11] trouvent une am´ elioration significative de cette derni` ere chez le groupe ayant rec ¸u ` tropisme s´ l’antid´ epresseur a erotoninergique du fait, de ` ce traitement. moindre effets secondaires imputables a ´t´ D’apr` es les mˆ emes auteurs, il a e e sugg´ er´ e que la dimi` nution des effets secondaires ou le risque d’accidents li´ es a la prise des m´ edicaments seuls ou en association, pourrait non seulement am´ eliorer l’observance th´ erapeutique, mais ´t´ aussi la QdV. Des r´ esultats comparables ont e e retrouv´ es par ´tude Kroenke et al. [9]. L’absence d’autonomie dans notre e ´tait corr´ ` la survenue d’une alt´ e el´ ee a eration de la QdV. En pratique m´ edicale courante, une s´ erie d’´ etudes a trouv´ e une association entre d´ epression et incapacit´ e fonctionnelle [7,11]. Il est vrai que cette relation n’est pas simple en raison de l’association fr´ equente de la d´ epression avec une affection physique, d’autant plus que cette comorbidit´ e parait avoir un effet additionnel sur l’incapacit´ e. Ainsi, il est parfois difficile de faire la part de ce qui revient ` d´ ` la d´ a epression dans l’atteinte fonctionnelle. A efaut de ` cette question, Von Korff et al. [17] ont observ´ r´ epondre a e que pour des patients pr´ esentant des symptˆ omes d´ epressifs, ´tait concomitante de celle l’am´ elioration de ces derniers e ´tude, la pr´ de l’´ etat fonctionnel. Dans notre e esence d’une ´tait corr´ ` la surhospitalisation r´ ecente (<12 mois) e el´ ee a venue d’une alt´ eration de la QdV. Wells et al. [19], dans ´tude transversale cas-t´ une e emoins, ont montr´ e que les patients ayant des d´ esordres psychiatriques, en particulier ´t´ des troubles d´ epressifs pour lesquels ils ont e e r´ ecemment hospitalis´ es, avaient une limitation de leurs activit´ es fonctionnelles et une mauvaise perception de la sant´ e plus importante que ceux n’ayant pas ces d´ esordres.

Conclusion En d´ epit des difficult´ es conceptuelles et m´ ethodologiques ` la notion de la QdV et celles li´ intrins` eques a ees au cadre ´valuative nosographique de la d´ epression, notre d´ emarche e nous a permis d’identifier les dimensions les plus alt´ er´ ees au regard des valeurs des patients d´ eprim´ es et les facteurs ` cette alt´ de risque quant a eration sur lesquels le praticien pourrait agir. Cette d´ emarche clinim´ etrique, nous semble permettre de concevoir dans sa vie enti` ere toute personne souffrant de troubles d´ epressifs et non pas seulement sous ` e ˆtre plus le seul angle de sa maladie. Cela nous am` ene a attentifs aux aspects de vie que les patients investissent et ` moduler certaines approches dans la pratique nous incite a quotidienne en consid´ eration de leurs demandes afin d’avoir des proc´ edures optimales et adapt´ ees.

Références [1] American psychiatric association. DSM-IV. Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux. Paris: Masson; 1996. Traduction de l’anglais coordonée par Guelfi JD. [2] Bedi N, Lee A, Harrison G, et al. Assessing effectiveness of treatment of depression in primary care. Br J Psychiatry 2000;177:312—8. [3] Bramsfeld A, Alder G, Brassen S, et al. Day-clinic treatment of late-life depression. Int J Geriatr Psychiatry 2001;16(1):82—7. [4] Brown C, Dunbar-Jacob J, Palenchar DR, et al. Primary care patients’ personal illness models for depression: a preliminary investigation. J Fam Pract 2001;18:314—20.

262 [5] Dazord A, Mercier C, Manificat S, et al. Évaluation de la qualité de la vie : mise au point d’un instrument d’évaluation dans un contexte francophone. Rev Eur Psychol App 1995;45(4): 271—9. [6] Dazord A, Noël F. Évaluation de la qualité de vie des patients déprimés traités de manière ambulatoire. Encéphale 1996;22(4):247—54. [7] Guillaud-Bataille JM, Terra JL. L’impact des troubles dépressifs : qualité de vie et santé publique. In: Lemperière T, editor. Aspects évolutifs de la dépression. Paris: Acanthe; 1996. p. 141—54. [8] Koivumaa-Honkanen HT, Honkanen R, Antikainen R, et al. Selfreported life satisfaction and treatment factors in patients with schizophrenia, major depression and anxiety disorder. Acta Psychiatr Scand 1999;99:377—84. [9] Kroenke K, West SL, Swindle R, et al. Similar effectiveness of paroxetine, fluoxetine, and sertraline in primary care. JAMA 2001;286:2947—55. [10] Léan MD, Michael EJ, Thung S, et al. Impairment of health and quality of life using new US federal guidelines for identification of obesity. Arch Intern Med 1999;159:837—43. [11] Martin P, Ferreri M. Le concept de la qualité de vie. Dépression et . . ., 15. Neuilly-sur-Seine: Pil et Ardix; 1997. [12] Mccall WV, Cohen W, Reboussin B, et al. Effects of mood and age on quality of life in depressed inpatients. J Affect Disord 1999;55(2—3):107—14.

M. Hadj Ammar et al. [13] Nichols GA, Brown JB. Do family practice physicians ask about depression at different rates than internal medicine physicians ? Arch Fam Med 2000;9:478—82. [14] Pukrop R, Schlaak V, Moller-Leimkuhler AM, et al. Reliability and validity of quality of life assessed by the Short Form 36 and the modular system for quality of life in patients with schizophrenia and patients with depression. Psychiatry Res 2003;119:63—79. [15] Small GW, Birkett M, Meyers BS. Impact of physical illness on quality of life and antidepressant response in geriatric major depression. Fluoxetine collaborative study group. J Am Geriatr Soc 1996;44(10):1220—5. [16] Sullivan MD, Katon WJ, Russo JE, et al. Patient beliefs predict response to paroxetine among primary care patients with dysthymia and minor depression. J Am Board Fam Pract 2003;16:22—31. [17] Von Korff M, Ormel J, Katon W, et al. Disability and depression among high utilizers of health care: a longitudinal analysis. Arch Gen Psychiatry 1992;49:91—100. [18] Ware JE. SF-36 health survey update. Spine 2000;24(25): 3130—9. [19] Wells KB, Golding JM, Burnam MA. Psychiatric disorder and limitations in physical functioning in a sample of the Los Angeles general population. Am J Psychiatry 1988;154:712—7. [20] Williams JW, Barrett J, Oxman T, et al. Treatment of dysthymia and minor depression in primary care. JAMA 2000;284:1519—26.