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Article original
Tumeurs digestives et bévacizumab J. Bennouna Centre René-Gauducheau - Nantes Correspondance : J. Bennouna, Centre René Gauducheau, Site Hospitalier Nord bd J. Monod, 44805 Saint Herblain cedex. e-mail :
[email protected]
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Eu égard à la très large implication du VEGF dans l’angiogenèse tumorale, le bévacizumab fait actuellement l’objet d’une utilisation ou d’un développement dans des modèles très divers de tumeurs malignes : les données les plus complètes se rapportent aux cancers du poumon, du côlon, du rein et du sein. Etant donné le rôle décisif joué par l’angiogenèse dans le cancer du rein, c’est à cette indication que se rapporte la première publication, en 2003, d’une utilisation du bévacizumab en clinique humaine et la démonstration, en monothérapie, d’une augmentation de la survie sans progression [1]. L’année suivante, paraissait dans New England Journal of Medicine l’étude pivotale de Hurwitz et al. dans les cancers colorectaux métastatiques en première ligne [2]. L’association du bévacizumab à une chimiothérapie faisait la preuve d’une prolongation statistiquement et cliniquement significative de la survie. Trois ans plus tard, l’étude randomisée de l’ECOG apportait la même démonstration en deuxième ligne métastatique [3]. Dans les cancers pulmonaires évolués ou métastatiques, en première ligne de traitement, la place du bévacizumab, en association à une chimiothérapie contenant un dérivé du platine, a été validée par deux études distinctes, dont
Traitements ciblés dans les cancers colorectaux métastatiques : les grandes dates L’année 2004 a marqué définitivement l’avènement des thérapeutiques
IFL +/- Bevacizumab dans les CCRM n=815 1ère ligne
100
Taux de R.O IFL + Placebo
35%
IFL + Bevacizumab
45%
HR = 0,54, p < 0,00001 Médiane : 6,2 vs 10,6 mois
80
100
60
40
HR = 0,65, p = 0,00003 Médiane : 15,6 vs 20,3 mois
80
% survie
Historique
ciblées dans les cancers colorectaux, avec la publication de deux essais cliniques en association à la chimiothérapie, l’un avec le cétuximab [9], l’autre avec le bévacizumab [2]. Dans l’étude de Hurwitz et al. [2], la chimiothérapie associée au bévacizumab comportait de l’irinotécan, du 5fluoro-uracile (5FU) et de l’acide folinique, selon un schéma IFL assez largement utilisé outre-Atlantique. L’année suivante, l’annonce des résultats de l’essai E3200 de l’ECOG, publiés sous leur forme définitive en 2007, montre que le bénéfice du bévacizumab est également significatif lorsqu’il est associé à un schéma FOLFOX4 (oxaliplatine, fluoro-uracile, acide folinique) en 2e ligne métastatique [3]. Ici encore, un bénéfice significatif est obtenu non seulement en termes de survie sans progression, mais aussi de survie globale (figure 1). En 2007, lors du symposium de l’ASCO consacré aux tumeurs digesti-
l’une non encore publiée, présentée en 2007 à l’ASCO [4,5]. Dans les formes épidermoïdes, toutefois, le risque d’hémoptysie foudroyante interdit son utilisation. C’est encore en 2007 que l’étude AVOREN, présentée en séance plénière à l’ASCO, a montré que l’adjonction de bévacizumab à l’interféron alfa permettait un doublement de la survie sans progression dans les cancers du rein métastatiques [6]. Dans le cancer du sein en première ligne métastatique, une augmentation de la survie sans progression a été démontrée (résultats non publiés) lorsque le bévacizumab était associé au paclitaxel [7,8].
% sans progression
Des progrès significatifs ont été accomplis au cours des dix dernières années dans le traitement des cancers colorectaux métastatiques. La démonstration d’une amélioration de la survie grâce à l’utilisation d’un anti-angiogénique, le bévacizumab, est l’une de ces avancées majeures. Après avoir retracé l’histoire et l’état du développement de cet anticorps monoclonal en cancérologie, le présent exposé sera centré sur son apport en cancérologie digestive.
60
40
20
20
Groupe de traitement
Groupe de traitement
IFL/Placebo IFL/BV
IFL/Placebo IFL/BV
0
0
Survie sans progression (mois)
Survie globale (mois)
Figure 1. Chimiothérapie IFL avec ou sans bévacizumab dans les cancers colorectaux métastatiques en première ligne. D’après Hurwitz et al. [2]. RO = Réponse objective.
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ves, ont été annoncés les résultats mis à jour de l’étude BICC-C qui montre, entre autres résultats, que le bévacizumab associé au schéma FOLFIRI en première ligne métastatique permet d’obtenir une médiane de survie sans progression de 11,2 mois, résultat encore supérieur à celui de l’association de bévacizumab et d’IFL (modifié) [10]. Toujours en 2007, lors de la réunion de l’AACR, une étude présentée par Peeters et coll. a montré qu’une autre thérapeutique ciblée, le panitumumab, anticorps monoclonal dirigé contre le récepteur de l’EGF, est efficace chez des patients résistants à la chimiothérapie conventionnelle [11]. Enfin, l’étude NO16966, actualisée en 2007 à l’ASCO, amène à s’interroger sur la définition de la chimiothérapie de référence en première ligne métastatique, à savoir FOLFOX4 ou XELOX associé au bévacizumab [12, 13,14].
Étude princeps : IFL ± bévacizumab L’étude a comparé, chez plus de 800 patients atteints d’un cancer colorectal en première ligne métastatique, une chimiothérapie par irinotécan, fluorouracile et acide folinique (IFL) au même schéma avec le bévacizumab [2]. L’étude était randomisée avec groupe témoin recevant un placebo. Le taux de réponse a été de 45 % dans le groupe bévacizumab contre 35 % dans le groupe placebo. Le bévacizumab a permis d’obtenir une augmentation statistiquement significative de la survie globale (médiane 20,3 mois contre 15,6 mois, p < 0,001). La médiane de survie sans progression était de 10,6 mois contre 6,2 mois, (p < 0,00001).
Étude BICC-C Dans la phase initiale de l’étude BICC, trois schémas de chimiothérapie incluant l’irinotécan et le 5FU ont été comparés chez des patients atteints de cancer colorectal en première ligne métastatique : IFL de l’étude précédente, modifié pour améliorer la tolérance, CapIri (capécitabine + irinotécan) et FOLFIRI. Après la démonstration de l’apport du bévacizumab, le protocole a été amendé pour que celui-ci soit ajouté dans tous les groupes et le bras CapIri a été fermé aux inclusions en raison d’une efficacité inférieure aux deux autres
schémas. Présentés en 2007 à l’ASCO, les résultats des deux groupes de patients ayant reçu le bévacizumab, soit avec IFL modifié (n = 60), soit avec FOLFIRI (n = 57), sont très nettement en faveur de l’association bévacizumab-FOLFIRI [10]. La médiane de survie sans progression dans ce dernier groupe était de 11,2 mois contre 8,3 mois avec IFL modifié. La médiane de survie globale n’était pas encore atteinte alors qu’elle n’était que de 19,2 mois avec IFL. Le taux de réponse objective s’élève à 63 % (53 % avec IFL, moins de 50 % avec les trois schémas de chimiothérapie sans bévacizumab). Avec 87 %, le taux de survie à un an est le plus élevé jamais atteint dans cette population de patients.
Bévacizumab en 2e ligne métastatique : essai E3200 Avec une chimiothérapie de type FOLFOX4, le bévacizumab augmente le taux de réponse objective (21,8 % contre 9,8 %, p < 0,0001), prolonge la survie sans progression (médiane 7,2 mois contre 4,8 mois, p < 0,0001) et prolonge la survie globale (12,9 mois contre 10,8 mois, p = 0,0018) [3]. L’étude a également permis de démontrer que le bévacizumab ne devait pas être employé en monothérapie, mais en association à la chimiothérapie. La posologie de bévacizumab était ici de 10 mg/ kg tous les 14 jours. Des données ultérieures donnent à penser que 5 mg/kg tous les 14 jours (dose-intensité de 2,5 mg/kg par semaine) est une posologie suffisante.
FOLFOX4 vs XELOX en 1ère ligne métastatique : étude NO16966 Présentée en 2006 à l’ESMO et en 2007 à l’ASCO, l’étude NO16966 a d’abord comparé deux schémas de chimiothérapie : soit FOLFOX4 classique, soit XELOX, associant la capécitabine, dérivé du 5FU actif par voie orale, et l’oxaliplatine. Cette première phase de l’essai a inclus entre juin 2003 et mai 2004 un millier de patients, atteints de cancer colorectal métastatique déjà traités auparavant. Secondairement, un amendement a été introduit pour évaluer par randomisation l’apport du bévacizumab dans ces deux groupes, selon un schéma 2 x 2. Entre février 2004 et février 2005, 1400 patients ont été inclus.
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Les résultats d’ensemble (figure 2) ont montré un bénéfice du bévacizumab significatif, mais d’amplitude plus modeste qu’avec une chimiothérapie à base de CPT-11, la médiane de survie sans progression étant de 9,4 mois avec le bévacizumab contre 8 mois dans les deux groupes n’en ayant pas reçu (p = 0,0023). L’analyse par sous-groupe de randomisation pour la chimiothérapie a montré que le bénéfice était plus marqué dans le groupe XELOX (9,3 mois contre 7,4 mois, p = 0,0026) que dans le groupe FOLFOX (9,4 mois contre 8,6 mois, p = 0,187). Comment faut-il interpréter ces résultats ? Quelles sont leurs conséquences pour les décisions thérapeutiques ? Les débats sont encore ouverts. L’une des questions importantes pour la pratique consistera à définir quel est, en dehors du 5FU et de l’acide folinique, le meilleur partenaire du bévacizumab : l’irinotécan ou l’oxaliplatine.
Études d’observation Les études de cohorte ont l’intérêt d’apporter des informations sur le devenir de patients moins sélectionnés que ceux inclus dans les études de phase III et de refléter plus fidèlement les situations rencontrées en pratique clinique.
BRiTE L’étude BRiTE a colligé les observations de près de 2000 patients ayant reçu le bévacizumab en association à une chimiothérapie, quel qu’en soit le type, en première ligne métastatique. La mesure principale était le délai jusqu’à progression. La cohorte la plus nombreuse est celle des patients traités par un schéma FOLFOX (plus de la moitié de l’effectif). Les autres avaient reçu soit la simple association de 5FU en bolus et d’acide folinique, soit une combinaison de 5FU et d’acide folinique (ou de capécitabine) avec l’irinotécan (IFL ou FOLFIRI) ou avec l’oxaliplatine (FOLFOX ou XELOX). Les résultats d’ensemble sont remarquablement cohérents avec ceux des études randomisées [15,16]. La médiane de survie sans progression est de 10 mois et la médiane de survie globale de 27 mois. Plus d’un patient sur trois a reçu trois agents actifs. Une question cruciale se pose de plus en plus souvent aujourd’hui : lorsqu’un patient progresse après un traite-
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Étude NO16966 : Survie Sans Progression FOLFOX4/XELOX vs FOLFOX4/XELOX + Avastin® 100 HR = 0,83 [IC à 97,5% 0,72–0,95] (ITT) p = 0,0023
SSP estimée
80 60 40 20 8,0
0
0
9,4
5
10
15
20
25
Mois FOLFOX+placebo/XELOX+placebo N=701; 547 événements FOLFOX+bévacizumab/XELOX+bévacizumab N=699; 513 événements
A
Étude NO16966 : Survie Sans Progression FOLFOX4/XELOX vs FOLFOX4/XELOX + Avastin® 100
Sous-groupe XELOX HR = 0,77 [IC à 97,5% 0,63–0,94] (ITT) p = 0,0026
SSP estimées
80
60
40
20
1S18
7,4
0 0
9,3
5
10
15
20
25
Mois
B
XELOX+placebo
N=350 ; 270 événements
XELOX+bévacizumab
N=350 ; 258 événements
100
Sous-groupe FOLFOX HR = 0.89 [IC à 97,5% 0,73–1,08] (ITT) p = 0,1871
SSP estimées
80
60
40
First BEAT Dans l’étude observationnelle FirstBEAT, près de 2000 patients atteints de cancer colorectal métastatique ont reçu, en première ligne thérapeutique, une chimiothérapie (5FU et capécitabine, FOLFOX, XELOX ou FOLFIRI) associée au bévacizumab (2,5 mg/kg par semaine, à raison d’une perfusion toutes les deux ou trois semaines), jusqu’à progression [17]. La médiane de survie sans progression est de 10,8 mois pour l’ensemble de la cohorte, le résultat le plus favorable étant celui du sous-groupe traité par FOLFIRI (n = 504), avec 11,6 mois. Parmi les patients avec localisations secondaires initialement non résécables, 11,2 % ont pu être ensuite opérés avec un objectif curatif et 8,9 % étaient classés R0 (résection en tissu sain). Si l’on considère uniquement les cas avec métastases hépatiques exclusives, ces taux s’élèvent respectivement à 14,5 % et 11,5 %.
Tolérance
20
8,6
0 0
5
9,4
10
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20
25
Mois FOLFOX+placebo
C
ment de première ligne ayant comporté du bévacizumab, faut-il reprendre ce traitement avec la chimiothérapie de deuxième ligne ? Bien qu’il ne s’agisse pas d’une étude randomisée, l’étude BRiTE apporte d’importants éléments de réponse. Elle montre en effet que la médiane de survie est d’un an supérieure chez les patients qui ont reçu du bévacizumab après la première progression (32 mois) que chez ceux qui n’en ont pas reçu (20 mois). De même, la médiane de survie sans progression est de 19,2 mois contre 9,5 mois. Ces données suggèrent que la résistance à la chimiothérapie de première ligne ayant comporté du bévacizumab n’est pas synonyme de résistance ultérieure à cet agent.
N=351 ; 277 événements
FOLFOX+bévacizumab N=349 ; 255 événements
Figure 2. Survie sans progression (SSP) dans l’étude NO16966 : cancer colorectal en deuxième ligne métastatique. A.Chimiothérapie FOLFOX4 ou XELOX vs même chimiothérapie + bévacizumab. B.XELOX vs XELOX + bévacizumab. C.FOLFOX4 vs FOLFOX4 + bévacizumab ITT : intention de traitement – IC : intervalle de confiance – HR : hazard ratio IFL : irinotécan, 5-fluoro-uracile, acide folinique
Avec près de 4000 patients, les études BRiTE et First-BEAT représentent une vaste base de données pour l’évaluation de la tolérance [18,19]. L’effet indésirable le plus fréquent est l’hypertension artérielle (35 % des patients). Elle atteint ou dépasse rarement le grade 3 (18,5 % dans l’étude BRiTE, 4,6 % dans l’étude First BEAT). L’hypertension préexistante n’est pas une contre-indication au traitement. Moyennant une prise en charge adéquate, l’hypertension n’est pas non plus un
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motif d’arrêt du traitement. L’incidence des perforations digestives a été identique dans les deux cohortes, de 1,7 %. Le risque de thromboses artérielles est augmenté de façon significative, mais l’incidence absolue reste faible, inférieure à 2 % dans les deux cohortes. En revanche, l’incidence des événements thrombo-emboliques veineux n’est pas plus élevée avec le bévacizumab qu’avec une chimiothérapie seule.
Autres tumeurs digestives
Cancers du pancréas Pour le bévacizumab, une étude randomisée de phase III a été conduite chez 590 patients atteints de carcinome pancréatique inopérable [20]. La chimiothérapie associée était la gemcitabine à la posologie de référence. Les résultats montrent l’absence de bénéfice de l’adjonction de bévacizumab à cette chimiothérapie sur la survie. Dans une étude randomisée portant sur 569 patients, un inhibiteur de l’EGF, l’erlotinib, a été évalué en association à la gemcitabine [21]. Un bénéfice de survie globale faible, non cliniquement significatif, mais statistiquement significatif a été démontré : la survie médiane passe de 5,91 à 6,37 mois (soit un bénéfice de 12 jours…) et la survie à un an de 17 % à 24 % (p = 0,025). Au vu de ces résultats, l’étude AVITA a été mise en place pour évaluer l’intérêt d’une association d’erlotinib et de bévacizumab en association à la gemcitabine.
Cancer de l’estomac En phase II, le bévacizumab a été associé à l’irinotécan et au cisplatine pour le traitement de carcinomes gastriques ou œsogastriques inopérables ou métastatiques. Les résultats ont été publiés en 2006 et montrent un temps médian jusqu’à progression de 8,9 mois [22]. Avec les réserves qui s’imposent à l’égard des comparaisons historiques et d’une étude ayant comporté seulement 47 patients, ce délai semble supérieur à celui de la même chimiothérapie utilisée seule. De même, la médiane de survie est supérieure à 1 an, alors que les études de phase III avec des chimiothérapies incluant le cisplatine font état d’une médiane ne dépassant pas 10 mois. Ces
données restent bien sûr à confirmer dans une étude plus vaste de phase III. Le risque de perforation digestive au niveau de la tumeur primitive pourrait être limitant : 3 cas sur 47 dans cette étude, alors que les taux habituellement rapportés dans les cancers colorectaux ne dépassent pas 2 %. Deux de ces patients étaient en phase de progression tumorale, mais le troisième était répondeur. L’incidence des événements thromboemboliques a été de 23 %. Le plus souvent asymptomatiques, ils ne paraissent pas plus fréquents qu’avec la chimiothérapie seule, si l’on se réfère aux 30 % rapportés avec irinotécan et cisplatine seuls [23]. D’autres essais comparant une chimiothérapie seule ou associée au bévacizumab sont en cours dans les cancers de l’estomac et de la jonction œsogastrique. Dans les formes localement évoluées ou métastatiques, l’essai randomisé de phase III BO20904 comportera une chimiothérapie associant la capécitabine et le cisplatine. Le critère de jugement principal sera la survie. En situation adjuvante et néo-adjuvante, l’étude MAGIC2 du Medical Research Council se situe dans la lignée de l’essai MAGIC, qui avait montré la valeur d’une chimiothérapie péri-opératoire de type ECF (épirubicine, cisplatine, 5FU) dans les tumeurs gastriques opérables [24]. Il est prévu d’inclure dans cet essai 1100 patients atteints d’adénocarcinome opérable de l’estomac ou de la région œsogastrique. Les trois cycles de chimiothérapie préopératoires et postopératoires, de type ECX (épirubicine, cisplatine, capécitabine), seront ou non associés au bévacizumab. Les patients du groupe bévacizumab recevront un traitement d’entretien par bévacizumab seul à raison de 6 perfusions espacées de 4 semaines. Un intervalle libre de 8 semaines sera respecté entre la dernière perfusion de bévacizumab et l’intervention, de 8 à 10 semaines entre l’intervention et le traitement adjuvant postopératoire.
Hépatocarcinome Le développement du bévacizumab dans les hépatocarcinomes est encore en phase II. Lorsqu’il a été employé seul dans les hépatocarcinomes inopérables, le taux de réponse chez 30 patients a été de 10 % et le temps médian jusqu’à progression de 6,5 mois [25]. En association à la gemcitabine et à l’oxaliplatine,
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le taux de réponse objective a été de 20 % et le temps médian jusqu’à progression de 9,6 mois [26]. Seul le sorafénib a fait la preuve à ce jour, dans une étude randomisée de phase III, d’une augmentation de la survie globale dans l’hépatocarcinome [27].
Radio-chimiothérapie et bévacizumab L’association du bévacizumab à un traitement incluant une radiothérapie repose sur des bases rationnelles solides, comme l’a indiqué G. Tobelem. La surexpression du VEGF est en effet associée à une radiorésistance. Dans les cancers du rectum, on a montré que le bévacizumab augmente le flux sanguin irriguant la tumeur, réduit la pression interstitielle intratumorale et diminue la densité vasculaire moyenne. L’ensemble des ces effets contribue à augmenter la chimiosensibilité et la radiosensibilité. Plusieurs études de phase I ont été mises en place pour explorer l’impact clinique de ce concept. Dans les cancers évolués du pancréas, inopérables, plusieurs paliers de dose de l’association de capécitabine et de bévacizumab ont été testés en association à une irradiation de 50,4 Gy [28]. L’étude a démontré la faisabilité de ce schéma et quatre patients ont pu bénéficier secondairement d’une duodéno-pancréatectomie. La médiane de survie globale, toutes cohortes confondues, a été de 11,6 mois, le taux de survie à 1 an de 45,8 % et le taux de réponse objective de près de 20 %. Une autre étude de phase I associe dans les cancers du rectum le bévacizumab à une radio-chimiothérapie concomitante (50,4 Gy en 28 fractions, capécitabine et oxaliplatine) [29]. La toxicité limitante est la diarrhée. Deux patients sur 11 étaient en réponse complète histologique. Une étude de phase II est en cours.
Conclusion Dans les cancers du côlon métastatiques, l’efficacité du bévacizumab a été démontrée en première comme en deuxième ligne. La question de la durée du traitement n’est toutefois pas tranchée. Des arguments théoriques plaident en faveur d’une poursuite du trai-
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tement jusqu’à progression, mais les preuves cliniques du bien-fondé de cette pratique manquent encore. De même, il n’est pas formellement démontré que l’on doive poursuivre le bévacizumab après échappement à une première ligne de traitement, même si les résultats des études d’observation sont favorables. Enfin, seules les études randomisées de phase III en cours (AVANT, NSABP-C08, ECOG 5202, QUASAR 2, dans le cancer du côlon, AVF3105S dans le cancer du rectum…) permettront de situer l’intérêt du bévacizumab dans une stratégie de traitement adjuvant pour les formes opérables. Dans les autres situations, les études doivent encore être poursuivies.
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