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Mise au point
Tumeurs du grêle et du côlon : importance de l’anatomie en coupes§ Small bowel and colorectal tumors: Importance of CT scan anatomy S. Houdebine *, P. Meingan, I. Doutriaux, D. Geffroy, C. Labbe, D. Nenciu, M. Ricaud Service de médecine nucléaire, institut de cancérologie de l’Ouest (ICO), boulevard Jacques-Monod, 44805 Saint-Herblain, France Reçu le 27 juin 2014 ; accepté le 3 juillet 2014 Disponible sur Internet le 20 aouˆt 2014
Résumé Le but de cet article est de décrire les caractéristiques morphologiques des principales tumeurs digestives, de montrer l’intérêt de l’injection intraveineuse de produit de contraste et du balisage intestinal. Quelques rappels sur les aires ganglionnaires et l’anatomie du péritoine seront faits. # 2014 Publié par Elsevier Masson SAS. Mots clés : GIST ; TNE ; Lymphomes ; Adénocarcinomes colorectaux ; Imagerie TDM
Abstract The aim of this article is to describe the anatomic specificities of each different digestive tumors in CT imaging and to show the interest of contrast-enhanced CT and bowel opacification. Some specific points about lymph nodes of the abdomen and peritoneum anatomy will be discussed. # 2014 Published by Elsevier Masson SAS. Keywords: GIST; Neuroendocrine tumor; Intestinal lymphoma; Colorectal carcinoma; CT scan
1. Imagerie des principales tumeurs du grêle et du côlon
La clinique est variable, non spécifique : découverte fortuite, ou dans le cadre du bilan d’une masse abdominale, d’une hémorragie digestive.
1.1. Les GIST (gastrointestinal stromal tumor) Ce sont des tumeurs conjonctives rares, mais les plus fréquentes du tube digestif [1]. Elles siègent pour 60 % dans l’estomac et autour de 35 % dans le jéjunum et l’iléon. Un tiers d’entre elles sont métastatiques au diagnostic. Leur diagnostic est histologique, immuno-histochimique et nécessite une étude par biologie moléculaire. La localisation gastrique présente le meilleur pronostic.
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Présentation faite lors des Hivernales 2014, 26 au 30 janvier 2014. * Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (S. Houdebine).
http://dx.doi.org/10.1016/j.mednuc.2014.07.009 0928-1258/# 2014 Publié par Elsevier Masson SAS.
1.1.1. Aspect TDM La lésion se présente sous forme de masse endo- ou exoluminale, plus ou moins nécrotique et/ou hémorragique. Son rehaussement peut être hétérogène, intense et précoce. Il est indispensable de rechercher systématiquement une extension au foie et au mésentère. 1.1.2. Surveillance des GIST En dehors de la chirurgie, le traitement des GIST se fait par imatinib. Sous imatinib, la bonne réponse au traitement peut se traduire par une masse devenant hypodense, dont la taille peut se majorer, donnant un aspect de « pseudo-progression » [2]. Dans ce contexte, les critères RECIST, qui apprécient une diminution de taille des cibles, ne sont pas adaptés.
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Fig. 1. GIST métastatique hépatique ; a : scanner injecté avant traitement : lésion mesurée à 34 UH ; b : surveillance sous imatinib : diminution de la densité de la lésion (20 UH) : bonne réponse au traitement. GIST with hepatic metastases; a: pretreatment enhanced CT scan: lesion attenuation, measured in Hounsfield units, is 34 UH; b: follow-up during treatment with imatinib: the lesion shows significant decrease in the attenuation (20 UH). This is a good response to imatinib.
Il a donc été proposé d’utiliser d’autres critères pour évaluer les GIST sous imatinib : une diminution de taille (mesure unidimensionnelle) > 10 % ; et/ou une baisse de la densité lésionnelle après injection d’au moins 15 %. La Fig. 1 donne un exemple de suivi sous traitement : la métastase hépatique surveillée reste de taille stable, par contre, sa densité diminue de façon significative traduisant l’efficacité de l’imatinib. 1.2. Les tumeurs neuroendocrines (TNE) Ce sont des tumeurs rares. Elles se développent essentiellement dans l’arbre bronchique et dans le tube digestif. Une
origine génétique est retrouvée dans 5 % des cas. Les localisations digestives les plus fréquentes sont situées dans l’intestin grêle, le côlon et le pancréas. Le foie est le site métastatique le plus fréquent. Les métastases hépatiques et ganglionnaires sont fréquentes au diagnostic [3]. La symptomatologie est très variable en raison de leurs localisations diverses et de leur physiopathologie complexe : la tumeur peut être asymptomatique (découverte fortuite) ou se traduire par des douleurs abdominales, des vomissements, une masse palpable, une hémorragie en rapport avec la masse tumorale ou des symptômes liés à une sécrétion hormonale de la tumeur (un syndrome carcinoïde, par exemple). Aspect TDM : ces lésions se présentent le plus souvent sous forme de masses sous-séreuses, fortement rehaussées au temps artériel de l’injection. Une des caractéristiques de ces tumeurs est la fibrose radiaire des masses mésentériques qui rétracte et/ou comprime le tube digestif et les vaisseaux, associée à une infiltration du mésentère (Fig. 2). Leur aspect est cependant variable selon leur localisation et leur taille. Les lésions peuvent, par ailleurs, être multiples (Fig. 3). Une IRM abdominale ou pelvienne peut être indiquée dans le cadre du bilan d’extension, notamment pour la détection des métastases hépatiques (leur présence est liée au pronostic du patient) [4]. 1.3. Les lymphomes
Fig. 2. Scanner sans injection montrant une masse mésentérique rétractile contenant des calcifications et une infiltration de la graisse adjacente. Non-enhanced CT scan shows a mesenteric mass with calcifications and desmoplastic reaction.
L’atteinte peut être primitive ou secondaire. Il existe des facteurs de risque tels que l’immunodépression. La clinique est variable selon le site du primitif : fièvre, asthénie, masse palpable, douleurs abdominales. Aspect TDM : la forme typique est infiltrante, circonférentielle (effacement des plis, épaississement des parois), pouvant donner un aspect de dilatation anévrismale. Il n’y a en général pas d’obstruction digestive associée par opposition aux adénocarcinomes [5,6].
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Fig. 3. TNE du grêle avec métastases hépatiques ; a : métastases hépatiques ; b, c, f : masses hypervasculaires du grêle ; d : masse mésentérique rétractile du mésentère ; e : ganglion mésentérique. Small bowel neuroendocrine tumor with hepatic metastases; a: hepatic metastases; b, c, f: hypervascular lesions in small bowel; d: retractile mesenteric mass; e: mesenteric lymph node.
Fig. 4. Adénocarcinome du sigmoïde, d’emblée métastatique hépatique (a). Le scanner injecté montre un épaississement des parois du sigmoïde (flèches ; b, c) et une sténose de la lumière (flèche incurvée ; d). Rectosigmoid adenocarcinoma, with hepatic metastases (a). Contrast-enhanced CT scan shows luminal narrowing (curved arrow; d) and marked circumferential thickening (arrows; b, c).
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Fig. 5. Adénocarcinome rectal : épaississement irrégulier du haut rectum et sténose excentrée (flèche) responsable d’une occlusion (étoile). Rectal adenocarcinoma: contrast-enhanced CT scan shows an irregular and focal eccentric wall thickening and luminal narrowing (arrow) and dilated small bowel (star).
1.4. Les adénocarcinomes Ils représentent 90 % des cancers colorectaux [7]. Ils sont plus rares sur le grêle. Aspect TDM : lésion classiquement décrite comme « un trognon de pomme », avec épaississement irrégulier et asymétrique des parois et sténose excentrée, plus ou moins serrée, pouvant être responsable d’une occlusion (Fig. 4 et 5). Il peut exister une infiltration de la graisse adjacente [7,8]. 2. Intérêt de l’injection intraveineuse de produit de contraste iodé et du balisage intestinal L’évolution technique (acquisition spiralée, scanner multidétecteurs) de la tomodensitométrie permet une exploration rapide, en une seule apnée, du thorax, de l’abdomen et du pelvis, et de déterminer le stade d’extension clinique d’une néoplasie. L’exploration en coupes fines, les reconstructions multiplanaires, la lecture dynamique (défilement dynamique de coupes fines) associées à l’injection intraveineuse de produit de contraste facilitent le repérage des adénopathies et des masses digestives. La quantité de contraste nécessaire est d’environ 2 mL/kg, injecté à un débit de l’ordre de 2,5 à 4 mL/seconde. L’injection intraveineuse d’iode permet, par remplissage vasculaire, de mieux différencier les ganglions des structures vasculaires artérielles et veineuses, de bien visualiser les organes pleins, facilitant la recherche d’une anomalie de perfusion ou d’une anomalie focale traduisant une pathologie. Elle rehausse les parois digestives, qui sont alors mieux visualisées et donc mieux analysées, le foie au sein duquel on peut mettre en évidence de multiples lésions bénignes ou malignes : ces différentes lésions peuvent avoir une cinétique de rehaussement différente et pour les caractériser il est parfois utile de faire plusieurs passages à différents temps de l’injection, classiquement un passage avant injection (saignement ? calcifications ?), un passage au temps artériel (tumeurs ou métastases hypervasculaires), puis au temps portal.
Fig. 6. Masse du cæcum révélée par l’injection et l’opacification digestive (b ; flèche), non visualisée sans injection et sans balisage intestinal (a). Cecum masse seen after contrast-enhanced CT scan with oral contrast material (b; arrow), not seen on non-enhanced CT scan and without oral contrast material (a).
Le balisage intestinal se fait par absorption d’eau ou de produit de contraste dilué en fonction de la pathologie étudiée pour l’estomac, le duodénum et le grêle, et par lavement pour l’opacification du rectum et du côlon. En « remplissant » la lumière intestinale, il apporte un contraste supplémentaire qui permet de mieux analyser les parois, les épaississements, de mieux voir les éventuelles masses. La Fig. 6 montre l’apport du balisage intestinal. Il s’agit d’une patiente de 40 ans chez laquelle il a été diagnostiqué une TNE de la valvule de Bauhin. La photo « a » correspond au PET scan sans injection, sans balisage : la masse accolée au cæcum est difficilement décelée. Sur la photo « b » correspondant au scanner injecté réalisé après ingestion de baryte, on visualise mieux la masse qui se rehausse et qui réalise une empreinte sur le cæcum. Un exemple d’exploration hépatique sans et après injection iodée est illustré par la Fig. 7. Le scanner sans injection (a) ne permet pas de voir la métastase qui est facilement mise en évidence après injection (b). La Fig. 8 montre une TNE non détectée sur le scanner sans injection (a, c). L’examen injecté montre la présence de multiples lésions de petite taille présentes sur la totalité de l’intestin grêle (b, d).
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Fig. 7. Meilleure visibilité d’une métastase hépatique après injection iodée (b) qui n’est pas détectée sur le scanner sans injection (a). Hepatic metastase, not seen on non-enhanced CT scan (a). Enhanced CT scan shows the metastatic lesion (b).
Fig. 8. PET-TDM non injecté (a, c) et TDM diagnostique injecté (b, d) : sans injection, les lésions du grêle ne sont pas visibles. Après injection, elles sont bien visualisées (flèches). Non-enhanced PET scan (a, c) and enhanced CT scan (b, d): on non-enhanced CT scan, the small bowel lesions cannot be seen. The contrast-enhanced CT scan shows several small lesions (arrows).
La Fig. 9 compare le scanner injecté (a, c) au scanner non injecté (b, d) : en « a », scalloping hépatique (empreinte de nodules de carcinose sur le foie) bien visible après injection ; en « c », métastase hépatique révélée par l’injection. Sur la Fig. 10, une infiltration tumorale de la paroi digestive, avec sténose, est bien identifiée après injection (a) par rapport à l’exploration faite sans iode (b). 3. Quelques repères anatomiques 3.1. Les ganglions Les aires ganglionnaires sont satellites des axes vasculaires (dont elles peuvent prendre le nom ; Fig. 11). Le diagnostic formel d’adénopathie maligne est difficile à faire au scanner [9].
Les critères les plus fiables seraient la présence d’une rupture capsulaire, la présence d’une infiltration péri-ganglionnaire, une forte prise de contraste (identique à la tumeur primitive). Les adénopathies calcifiées de certains cancers sont également très évocatrices de métastases. La confluence des adénopathies est en faveur de la malignité. Le critère de taille, classiquement le petit axe fixé à 10 mm, ne suffit pas à faire la différence entre un ganglion tumoral et un ganglion inflammatoire, réactionnel [10]. L’augmentation de volume d’un ganglion lors de la surveillance scanographique d’un cancer est plus caractéristique de sa malignité. La présence d’une nécrose centrale hypodense peut se voir dans certaines néoplasies, mais existe également dans la tuberculose.
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Fig. 9. Carcinose péritonéale au niveau du dôme hépatique sur le TDM injecté (a) et sur la TEP/TDM (sans injection ; b). Métastase hépatique sur le TDM injecté (c) et sur la TEP/TDM (d). Implants of peritoneal carcinomatosis at the dome of the liver seen with intravenous contrast enhanced CT scan (a), not seen without (b). Hepatic metastase on enhanced CT scan (c), not seen without intravenous contrast.
Fig. 10. Épaississement tumoral du rectosigmoïde : bien visible avec injection (a ; flèche), plus difficile à voir sans injection (b). Sigmoid wall thickening: seen on enhanced CT scan (a; arrow), not seen on non-enhanced CT scan (b).
La morphologie peut aider : un ganglion normal est ovalaire, en forme de « haricot ». Un ganglion rond dont le sinus graisseux n’est plus visible a une VPP élevée d’atteinte métastatique. Attention : un ganglion de taille et morphologie normales peut être envahi, un ganglion volumineux d’allure suspecte peut être uniquement inflammatoire ou d’origine infectieuse [11]. Il existe donc beaucoup de faux positifs et de faux négatifs au scanner, et notamment sur un « premier » bilan d’extension. 3.2. Le péritoine C’est une membrane séreuse qui tapisse les parois de la cavité abdomino-pelvienne et qui enveloppe en totalité ou en partie le tube digestif.
Il est fait de deux feuillets en continuité, un feuillet pariétal qui recouvre les parois abdomino-pelviennes et un feuillet viscéral qui recouvre les viscères [12]. La cavité péritonéale est séparée en deux par le mésocôlon : l’étage sus-mésocolique contenant les espaces péri-hépatiques (sous-phrénique droit, sous-hépatiques antérieur et postérieur) et l’arrière cavité des épiploons, et l’étage sous-mésocolique qui est lui-même séparé en deux espaces droit et gauche par la racine du mésentère [13]. Il est important de comprendre comment se fait la circulation des épanchements intrapéritonéaux pour savoir où chercher les lésions de carcinose : l’anatomie de la cavité abdominale, la présence des récessus et accolements du péritoine, la localisation des épanchements dans les zones déclives (espace de Morrison et cul-de-sac de Douglas)
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Fig. 11. Ganglions mésentériques (flèche) et rétropéritonéaux : para-aortique gauche (petite flèche), inter aortico-cave (flèche courbe). Mesenteric (arrow) and retroperitoneal lymph nodes: left paraaortic (small arrow), aortocaval (curved arrow).
Fig. 12. Nodule de carcinose dans la gouttière pariéto-colique droite. Carcinomatosis mass in the right paracolic gutter.
associées à l’ascension des liquides du fait des différences de pression intra-abdominale en rapport avec les mouvements respiratoires expliquent la localisation préférentielle des masses de carcinose le long des accolements postérieurs du côlon droit (Fig. 12) et du côlon gauche, du mésocôlon transverse, du mésentère, du mésosigmoïde et du grand épiploon [14] (Fig. 13). Les épanchements accumulés dans le pelvis peuvent remonter par la gouttière pariéto-colique droite (Fig. 14) jusqu’à l’espace sous-phrénique droit. À gauche, la gouttière pariéto-colique est obstruée par le ligament phrénico-colique au niveau de l’angle gauche. Fig. 13. Masse de carcinose dans le grand épiploon. Carcinomatosis mass in the greater omentum.
Fig. 14. Gouttière pariéto-colique droite (flèche) et gauche (étoile). Right paracolic gutter (arrow) and left paracolic gutter (star).
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4. Conclusion Il est important de connaître l’anatomie en coupe et l’aspect normal des différents organes pour pouvoir en rechercher une éventuelle pathologie. Il est nécessaire de connaître le drainage ganglionnaire des néoplasies pour faciliter le diagnostic et la recherche de la récidive. Les scanners actuels, multibarrettes, améliorent, après injection de produit de contraste et balisage intestinal, la reconnaissance des tumeurs (bénignes et malignes) et facilitent le bilan d’extension des cancers. Déclaration d’intérêts Les auteurs n’ont pas transmis de déclaration de conflits d’intérêts. Références [1] Hong X, Choi H, Loyer EM, Benjamin RS, Trent JC, Charnsangavej C. Gastrointestinal stromal tumor: role of CT in diagnosis and in response evaluation and surveillance after treatment with imatinib. Radiographics 2006;26:481–95. [2] Horwitz BM, Zamora GE, Gallegos MP. Best cases from the AFIP: gastrointestinal stromal tumor of the small bowel. Radiographics 2011; 31:429–34.
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