Un authentique infarctus du myocarde après inhalation de cocaïne

Un authentique infarctus du myocarde après inhalation de cocaïne

© JEUR, 2004, 17, 161-166 Masson, Paris, 2004 Cas clinique Un authentique infarctus du myocarde après inhalation de cocaïne À propos d’un cas An a...

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JEUR, 2004, 17, 161-166

Masson, Paris, 2004

Cas clinique

Un authentique infarctus du myocarde après inhalation de cocaïne À propos d’un cas An authentic acute myocardial infarction after cocaine inhalation. A case report N. ASSEZ (1), C. ADRIANSEN (1), M. JOANEZ (2), I. DUFOUR (1), P. GOLDSTEIN (1) (1) SAMU 59, Centre 15 du Nord, Centre Hospitalier Régional Universitaire, 5, avenue Oscar-Lambret, 59037 Lille Cedex. (2) Services des Urgences, Centre Hospitalier, 59280 Armentières.

RÉSUMÉ L’infarctus du myocarde (IDM) est la première complication cardiovasculaire du consommateur de cocaïne, même occasionnel. Sa présentation clinique ne diffère en rien de l’IDM « classique », mais ses mécanismes physiopathologiques justifient certaines thérapeutiques spécifiques comme le recours aux inhibiteurs calciques et limitent l’indication des bêta-bloquants. Si les complications sont celles de l’IDM rudimentaire, le pronostic est globalement bon, la mortalité est faible. Mots-clés : Cocaïne. Infarctus du myocarde. Inhibiteurs calciques. Bêta-bloquants.

SUMMARY Acute myocardial infarction is the leading cardiovascular complication of even occasional cocaine use. The clinical presentation is not different from typical acute myocardial infarction, but the pathophysiological characteristics require specific therapy including prescription of calcium channel blockers and a limited indication for betablockers. The complications are those of “rudimentary” infarction and overall prognosis is good. Mortality is low. Key-words: Cocaine. Acute myocardial infarction. Calcium-inhibitors. Beta-blockers.

La cocaïne est connue depuis longtemps sous sa forme « naturelle » : ses feuilles sont mâchées depuis les civilisations précolombiennes. Les effets recherchés sont le bien-être, l’euphorie et la stimulation psychique et intellectuelle qu’elle procure. La cocaïne a bénéficié d’une réputation usurpée de drogue sans danger, de drogue

Tirés à part : P. Goldstein, à l’adresse ci-dessus. E-mail : [email protected]

« propre » avec un faible risque d’assuétude, d’où l’engouement dans les années 60 pour cette « drogue » et son usage sous sa forme inhalée dans la « high society » et les soirées jet-set. Depuis une quinzaine d’années, le nombre croissant de complications cardio-vasculaires et cérébrales sévères a retiré ce label d’innocuité. En 1992, l’ischémie et la nécrose myocardique apparaissent comme les premières complications cardio-vasculaires chez les cocaïnomanes. Nous rapportons le cas d’un jeune patient présentant une nécrose myocardique postéro-inféro-latérale, consécutive à la prise de cocaïne inhalée. Une importante littérature tente d’étudier les effets de la cocaïne sur les artères coronaires.

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N. ASSEZ ET COLLABORATEURS

OBSERVATION Dans la journée du 31 mars, M. A..., âgé de 22 ans, sans antécédent cardio-vasculaire, présentait une douleur thoracique constrictive, d’allure angineuse, durant 5 minutes, et cédant spontanément. La veille, le patient avait ressenti d’intenses douleurs, rapidement résolutives, dans les deux membres supérieurs. Dans la soirée du 31, à 23 h 10, une récidive de précordialgies intenses et prolongées, accompagnées d’irradiations au bras gauche, décidait le patient à consulter aux urgences de l’hôpital de secteur. À l’arrivée, la douleur rétrosternale était toujours présente. L’examen clinique était sans particularité : FC : 90 c/min, PA : 110/60 mmHg, SpO2 : 98 %, score de Glasgow à 15, absence de signe d’insuffisance cardiaque. Les facteurs de risque cardiovasculaire étaient marqués par un tabagisme actif (un paquet par jour). Un électrocardiogramme était réalisé à 23 h 45 : il montrait un rythme sinusal avec des QRS fins, des troubles de la repolarisation avec un discret courant de lésion sous-épicardique de topographie inférieure, et des images en miroir en antéro-septal. Les marqueurs biologiques de la souffrance myocardique montraient une élévation des CPK à 638 UI/L (N : 135) et des CKMB à 40,3 UI/L (N : 5). La troponine était à 13 ng/l (N < 0,1). Le reste du bilan (ionogramme, NFS, fonction rénale) était normal. Le traitement instauré consistait en des dérivés nitrés 2 mg/h, de l’héparine en bolus de 4 000 UI, et relais par seringue autopulsée 800 UI/h. L’aspirine n’était pas instaurée, compte tenu d’une intolérance antérieure. L’évolution clinique et électrique était favorable sous traitement, avec diminution de la symptomatologie douloureuse, disparition de la lésion sous-épicardique et des images en miroir. La douleur ayant disparu, l’interrogatoire était alors affiné. Deux éléments étaient alors retenus : a) la notion d’une prise de cocaïne inhalée, en faible quantité dans la nuit du 29 au 30 mars ; b) un contexte viral avec hyperthermie, myalgies, angine, associé à un syndrome mononucléosique traité par Rulid®. La recherche de toxiques urinaires était positive pour le cannabis et la cocaïne. Devant ce syndrome coronarien aigu, un transfert médicalisé était demandé le 1er avril, à 1 h 07 pour une angiocoronarographie en urgence. Le patient était stable durant le trajet, avec toutefois la persistance d’un fond douloureux. À son arrivée dans l’unité de soins intensifs cardiologiques (USIC) à 02 h 16, l’examen clinique était inchangé, l’hémodynamique était stable, tous les pouls étaient perçus, l’auscultation cardiopulmonaire était normale. La radiographie pulmonaire était normale ; l’échographie cardiaque montrait des troubles de la cinétique segmentaire avec akinésie postérieure. La ventriculographie du 1er avril à 3 h 30 montrait une hypokinésie inférieure, mais avec une absence totale de lésions sténosantes sur le réseau coronaire. Les suites de la procédure inter-

ventionnelle étaient sans complication. Le pic de troponine à 31,4 ng/l était atteint le 1er avril à 7 h. On ne notait pas de récidive douloureuse. L’ECG évoquait une nécrose myocardique avec apparition d’une onde T négative en inféro-latéral. Le bilan biologique était en faveur d’un syndrome inflammatoire avec une CRP à 43 UI/L, un fibrinogène à 6 g/l, sans hyperleucocytose. Le bilan lipidique était normal. Le patient quittait l’USIC le 3 avril pour le service de cardiologie, sous Erythrocyne®, Lovenox®, Kardegic® 160 mg, Mopral® 20 mg, Triatec® 5 mg, Tenormine® 25 mg, Tranxène® 20 mg. Devant ce tableau d’infarctus du myocarde à coronaires angiographiquement saines, deux hypothèses étaient alors retenues : a) IDM secondaire à la prise de cocaïne, b) myocardite aiguë pseudo-infarctoïde. Le bilan étiologique était poursuivi. Le contrôle échographie Doppler cardiaque du 5 avril montrait un ventricule gauche non dilaté, avec un volume télédiastolique à 49 mm et une fraction d’éjection à 53 %, une hypokinésie inférieure et une insuffisance mitrale minime, sans hypertension artérielle pulmonaire, ni valvulopathie. Les sérologies HVB et HVC, HIV, EBV, CMV et streptocoque étaient négatives. La sérologie de la toxoplasmose n’était pas réalisée. Le dosage immuno-chimique et hémolytique des protéines de la voie classique du complément était normal. La résonance magnétique nucléaire (RMN) cardiaque au gadolinium, réalisée le 5 avril avant son retour au domicile, attestait de l’absence de thrombus intraventriculaire gauche, ainsi que l’absence d’anomalies de perfusion du muscle cardiaque. Le patient rentrait à son domicile sous Triatec® 5 mg, Aspirine® 160 mg et Isoptine® 240 LP. Pour des raisons techniques, la réserve coronaire initialement prévue n’avait pas pu être réalisée. Ainsi les examens complémentaires étaient en faveur d’un authentique IDM après prise de cocaïne, chez un toxicomane occasionnel. DISCUSSION HISTORIQUE C’est en 1860 que le chimiste allemand Albert Niemann parvint à isoler et à synthétiser le principe actif (C17 H21 N04), puis à fabriquer les premiers cristaux de la poudre blanche. Dès 1884, les effets de cet alcaloïde extrait de la feuille de coca (Erytrhoxylon coca) sont exploités en anesthésie comme anesthésique local. Cependant, à la fin des années 60, la poudre miracle est devenue un réel problème de santé publique aux Etats-Unis. En 1985, on estimait que 22 millions d’américains avaient utilisé au moins une fois cette substance et 6 millions l’avaient fait dans le mois précédent l’enquête. En 1986, on comptait 30 millions d’usagers, dont 5 millions de sujets

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INFARCTUS DU MYOCARDE APRÈS INHALATION DE COCAÏNE

dépendants. En 1990, l’apparition du « crack », cocaïne base ou « cocaïne du pauvre », aux redoutables effets, faisait son apparition remarquée sur le marché des stupéfiants. Actuellement, selon le National Institute of Drug Abuse, plus de 5 millions d’américains seraient ainsi des consommateurs réguliers et le fléau envahit maintenant l’Europe.

mulant). Une co-intoxication éthylique potentialise les effets par trans-estérification de la cocaïne en coca-éthylène. La puissance est alors supérieure et la T1/2 augmente, multipliant par 18 le risque de mort subite de l’adulte par rapport à l’usage de la cocaïne seule. EFFETS PHYSIOLOGIQUES

PHARMACOLOGIE La cocaïne se présente sous diverses formes consommables, les voies d’administration sont multiples et dépendent de la forme galénique. Ses propriétés pharmacologiques et thérapeutiques sont désormais clairement établies (tableau I). C’est sous sa forme « coupée » (farine, sucre, talc…et strychnine) qu’elle parvient au consommateur. Les doses utilisées sont variables : 30 mg en moyenne pour une « ligne », contre 150 mg pour une dose de crack. Trois à 5 minutes suffisent pour obtenir le début des effets de la cocaïne, tandis que l’effet « flash » du crack est fulgurant : 4-6 secondes en moyenne. Le pic d’action est de 10 à 20 min. La durée d’action et la demi-vie d’élimination sont inférieures à une heure et de l’ordre de 30 min pour les formes IV ou inhalées ; la voie muqueuse entraîne des effets retardés [1]. Le métabolisme chez l’homme passe par l’action des estérases plasmatiques. Sous sa forme inhalée, elle traverse les muqueuses quasi instantanément, gagne le sang par l’intermédiaire des poumons. Très soluble dans les graisses, elle passe rapidement la barrière hémato-encéphalique pour exercer son action sur le système nerveux central (hypothalamus). Le benzoylecgonine est le métabolite urinaire détectable 5 minutes après une injection et jusqu’à 6 jours après inhalation, avec une moyenne de détection de 48 heures par des méthodes immunochimiques d’anticorps anti-benzoylecgonine dans les urines. La confirmation est apportée par chromatographie gazeuse et spectrométrie de masse. Les deux principaux effets sont dopaminergique (responsable de l’euphorie) et noradrénergique (psychosti-

La cocaïne agit par blocage du recaptage synaptique (au niveau des terminaisons nerveuses pré-ganglionnaires) de la noradrénaline (NA) et de la dopamine à l’origine du comportement dopaminergique. Elle inhibe la mono-amine-oxydase (MAO), enzyme clé de la métabolisation des catécholamines. Des similitudes chimiques avec l’atropine expliquent l’effet anticholinergique. A faible dose, son effet D-adrénergique est prédominant, à l’origine d’une vasoconstriction et du vasospasme. L’effet stabilisant des membranes (effet quinidine-like) est responsable d’un collapsus « mixte » cardiogénique et vasoplégique, auquel s’ajoutent des modifications électriques avec aplatissement de l’onde T, allongement du QT et QRS larges par inhibition des canaux sodiques. COMPLICATIONS CARDIAQUES L’IDM est la première de ces complications : ainsi, en 1991, 114 cas ont été rapportés dans la littérature. Ce pourcentage reste faible, comparé au nombre de doses consommées chaque jour [2]. D’autres complications ont pu être décrites (tableau II). MÉCANISMES PHYSIOPATHOLOGIQUES L’ischémie myocardique est la conséquence d’une augmentation de la consommation myocardique en oxygène, conséquence de l’hypertension et de la tachycardie avec, comme corollaire, une majoration du travail cardiaque.

TABLEAU I. – Formes et voies d’administration de la cocaïne. Formes galéniques Coca (Pérou, Bolivie, Amérique du sud)

Présentation Feuilles séchées + chaux

Administration Mastication Fumée

Pasta = sulfate de cocaïne

Pâte brun-vert

Fumée

Hydrochlorite de cocaine = cocaïne base

– Poudre blanche, cristalline réfringeante : « neige » – « one kilo-brick » de couleur brune

Transcutanée (anesthésie locale) Inhalation trans-nasale (sniff) Mastication IV

Cocaïne base synthétique = crack (kérosène/éther et acétone)

Cailloux : « rocks »

Fumée

Cocaïne + héroïne

«Speedball »

Inhalée

Cocaïne + phénylcyclidine

« Croack »

Fumée

Association à l’alcool

Coca-éthylène

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N. ASSEZ ET COLLABORATEURS

TABLEAU II. – Complications cardio-vasculaires et cocaïne. Complications cardiaques

Mécanismes

Infarctus du myocarde

– Ischémie – Nécrose myocardique

Insuffisance cardiaque

– Œdème aigu pulmonaire ou – Insuffisance cardiaque congestive réversible

Myocardiopathies dilatées chroniques

– Ischémiques ou – Primitives

Troubles du rythme cardiaque (effet noradrénaline)

– Tachycardie ventriculaire, fibrillation ventriculaire +++ – Fibrillation auriculaire, tachyarythmie paroxystique supra-ventriculaire

Maladies infectieuses/inflammatoires

– Endocardite – Myocardite

Mort subite

– Bradyarythmie – Asystolie – Torsade de pointes (si QT long préexistant)

L’effet D-adrénergique et l’action du calcium intracellulaire [3] sont à l’origine d’une vasoconstriction des vaisseaux épicardiques responsable de l’ischémie aiguë, tandis que la vasoconstriction des petits vaisseaux résistifs intramyocardiques entraîne des IDM « rudimentaires », angor ou insuffisance ventriculaire gauche aiguë. Une prolifération intimale de mastocytes dans les coronaires des cocaïnomanes entraîne la libération d’histamine qui augmente la perméabilité de l’endothélium aux lipoprotéines ; celles-ci contribuent à une athéromatose coronarienne précoce [4]. Une thrombose intraluminale est également possible par le biais de modifications de la coagulation due à l’adrénaline et la noradrénaline circulantes [2]. L’inhibition des facteurs vasodilatateurs (prostaglandines,...) et la stimulation de facteurs vasoconstricteurs (thromboxane A2, sérotonine, histamine et noradrénaline) favorisent une vasoconstriction, contemporaine de l’inhibition de facteurs antiagrégants (EDRF : oxyde nitrique) et la stimulation de facteurs proagrégants ; l’action sur les plaquettes est déterminante. Un effet procoagulant a même été démontré par le biais d’une déplétion en protéine C et antithrombine III [3]. Le rôle de la p38-mitogen-activated protein-kinase (stress responsive enzyme) dans la « mort cellulaire » du muscle cardiaque est de découverte plus récente. Il a été établi que le système cardiovasculaire était stimulé et contrôlé par la voie d’un mécanisme central. La cocaïne a donc un effet pharmacologique indirect sur le système nerveux sympathique et une toxicité directe sur le cœur, la cardiotoxicité étant médiée par un comportement catécholaminergique [5]. CLINIQUE Les tableaux cliniques sont variables allant de la douleur thoracique atypique à l’IDM massif et mortel. La douleur thoracique est le premier symptôme rencontré,

mais seulement 6 % d’IDM chez des consommateurs présentant des précordialgies [6]. Elle est rétrosternale (71,3 %) et constrictive (46,7 %). Il est des formes paucisymptomatiques ou à expression infraclinique. Ces nécroses myocardiques n’ont aucune particularité sémiologique. Une prise concomitante d’héroïne peut masquer la douleur en cas de poly-intoxication, celle-ci majorant la gravité et les difficultés de prise en charge [6]. Des complications rythmiques et surtout ventriculaires, contemporaines d’épisodes ischémiques sont possibles, dans ce cas, le mécanisme prédominant est l’effet pro-arythmique de la NA. Il s’agit en majorité d’hommes (77 %) jeunes (38 ans en moyenne) [7]. Les noirs américains sont majoritairement représentés (84 %) selon les études [8]. Le tabac comme unique facteur de risque cardiovasculaire est retrouvé dans deux tiers des cas, un effet synergique de l’association tabac-cocaïne a été étudié, portant à 19 % la diminution du diamètre artériel [9]. L’incidence des autres facteurs cardiovasculaires (diabète, hypercholestérolémie, HTA, hérédité) est faible. La consommation de cocaïne a eu lieu dans les 24 heures (88 %) [8]. Des cas d’IDM plus tardifs ont pu être décrits, en rapport avec des métabolites actifs au niveau des coronaires ou une absorption retardée au niveau des muqueuses. La douleur débute en moyenne 60 min après la prise et persiste encore 120 min après. Chez le cocaïnomane, aucun paramètre clinique ne permet cependant d’identifier les patients à haut risque de nécrose myocardique devant une douleur thoracique. Il n’existe pas de relation dose-dépendante, ni de relation avec la voie d’administration, encore moins avec la durée de l’intoxication. Le risque d’IDM existe d’emblée dès la 1re dose et pour une dose minime de quelques milligrammes. Le diagnostic en urgence s’appuie sur l’ECG et les marqueurs de la souffrance myocardique. L’ECG initial a une spécificité de 89,9 %. Il révèle un authentique IDM

INFARCTUS DU MYOCARDE APRÈS INHALATION DE COCAÏNE

constitué (44 %) ou une ischémie (18 %). On observe un pourcentage important d’IDM sans onde Q (61 %) [7] ; une lésion sous-épicardique existe dans 15 % et des séquelles de nécrose dans 4 % [10]. L’ECG est anormal chez 29 % des sujets ; parfois, seuls des troubles de repolarisation peu spécifiques sont observés, à type d’une repolarisation précoce (sujet noir). En fait, 5,7 % (extrêmes : 2,7-8,7) des IDM sont diagnostiqués par une élévation des CK et CK-MB, mais la troponine est, ici aussi, plus spécifique.

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sion paroxystique et associé dans ce cas aux antagonistes calciques. Les D-bloquants comme la phentolamine permettent théoriquement la réversibilité du spasme. Les anti-arythmiques notamment de classe IA prolongent l’espace QT : ils seront donc à priori évités. En cas de nécessité, on a recours à la lidocaïne. La place des inhibiteurs calciques a fait l’objet de controverse [15], malgré les données expérimentales. Ils pourraient jouer un rôle majeur sur le vasospasme coronaire.

À L’ÉCHOGRAPHIE En cas de consommation au long cours, la masse ventriculaire gauche peut être augmentée, stigmate d’une hypertrophie ventriculaire gauche importante. Des anomalies de contractilité du ventricule gauche peuvent être observées [11]. PARTICULARITÉS ANGIOGRAPHIQUES La coronarographie réalisée précocement ou à distance de l’épisode aigu montre souvent des coronaires saines (38-40 %) [12]. Ces constatations sont compatibles avec l’hypothèse d’un spasme coronaire par effet D-adrénergique, non révélé par l’épreuve au méthyl d’ergotamine (Methergin®). Mais si les artères coronaires apparaissent indemnes de toute composante sténotique, elles peuvent révéler des microplaques athéromateuses en échographie intracoronaire ou à l’autopsie. Chez ce patient, une RMN au gadolinium avec étude de la réserve coronaire a été préconisée afin d’évaluer la réserve coronaire amputée au décours de l’accident aigu. Cet examen ne se pratique pas en routine et n’a pas d’intérêt en urgence. Pour certains, une évaluation par scintigraphie myocardique au thalium-201 est possible. THÉRAPEUTIQUE La thrombolyse a prouvé son innocuité lors de l’IDM : le risque hémorragique n’est pas augmenté, mais elle est ici de peu d’efficacité sur le spasme. Les dérivés nitrés et l’aspirine par ses propriétés antiagrégantes font partie de l’arsenal thérapeutique. De nombreuses études ont démontré un effet néfaste des E-bloquants dans l’IDM, induit par la prise de cocaïne, ainsi que sur les dysrythmies ; en renforçant l’effet Dconstricteur, ils peuvent aggraver l’ischémie myocardique [13]. Les E-bloquants purs peuvent démasquer un effet D et sont donc contre-indiqués. L’esmolol semble moins dangereux. Si un E-bloquant est indispensable en phase aiguë, le labétalol, en raison de son activité D-bloquante, est préféré [14], notamment en cas d’hyperten-

MORTALITÉ ET COMPLICATIONS Les complications sont précoces : 36 % (28-44 %) et surviennent dans les 12 premières heures (90 %) [7]. Les troubles du rythme, notamment ventriculaires, sont les plus redoutés, mais peu fréquents (0,8 %). Les autres complications sont des bradyarythmies, des troubles supraventriculaires et l’insuffisance cardiaque [8]. CONCLUSION Si les infarctus du myocarde sont rares par rapport à la consommation mondiale de cocaïne, ils n’en sont pas moins la première complication cardiovasculaire et l’étiologie doit être évoquée de principe chez les jeunes patients présentant un syndrome coronarien aigu. Ces consommateurs, même occasionnels, peuvent présenter des précordialgies d’origine ischémique, difficiles à distinguer d’un angor instable. En général, le pronostic est bon et la mortalité est faible pour les patients hospitalisés (0-2 %), mais toute douleur thoracique chez un cocaïnomane doit être explorée. Sa reconnaissance implique une prise en charge spécifique. RÉFÉRENCES [1] INABA T, STEWART DJ, KALOW W. Metabolism of cocaine in man. Clin Pharmacol Ther 1978 ; 23 : 547-52. [2] GITTER MJ, GOLDSMITH SR, DUNBAR DN, SHARKEY SW. Cocaine and chest pain: clinical features and outcome of patients hospitalized to rule out of myocardial infarction. Ann Intern Med 1991 ; 115 : 277-82. [3] ISNER JM, CHOKSHI SK. Cocaine and vasospasm (Editorial). N Engl J Med 1989 ; 321 : 1604-6. [4] KOLODGIE FD, VIRMANI R, CORNHILL JF, HERDERICK EE, SMIALEK J. Increase in atherosclerosis and advential mast cells in cocaine abusers: an alternative mechanism of cocaine-associated coronary vasospasm and thrombosis. J Am Coll Cardiol 1991 ; 17 : 1553-60. [5] ZHANG L, XIAO Y, HE J. Cocaine and apoptosis in myocardial cells. Anat Rec 1999 ; 257 : 208-16.

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N. ASSEZ ET COLLABORATEURS

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