Infarctus du myocarde révélant un phéochromocytome : à propos d’un cas

Infarctus du myocarde révélant un phéochromocytome : à propos d’un cas

Annales de Cardiologie et d’Angéiologie 59 (2010) 97–99 Fait clinique Infarctus du myocarde révélant un phéochromocytome : à propos d’un cas Acute m...

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Annales de Cardiologie et d’Angéiologie 59 (2010) 97–99

Fait clinique

Infarctus du myocarde révélant un phéochromocytome : à propos d’un cas Acute myocardial infarction revealing a pheochromocytoma: A case report A. Tamdy ∗ , L. Oukerraj , D. Khatri , S. Ait Bella , N. Etalibi , H. Fetouhi , Y. Boukili , N. Ismaili , H. Jalal , I. Fellat , M. Arharbi Service de cardiologie B, CHU Ibn-Sina, Rabat, Maroc Rec¸u le 22 juin 2008 ; accepté le 7 septembre 2008 Disponible sur Internet le 11 octobre 2008

Résumé Nous rapportons l’observation d’un phéochromocytome chez une patiente de 38 ans, dont la présentation clinique initiale évoquait un infarctus du myocarde (IDM). Le diagnostic de phéochromocytome a été évoqué devant les variations tensionnelles majeures apparues secondairement. Le phéochromocytome est une tumeur le plus souvent médullosurrénale dont la symptomatologie clinique est très polymorphe. La tumeur peut être responsable de graves désordres cardiovasculaires. Cependant, l’atteinte cardiaque est exceptionnellement au premier plan. Notre cas clinique illustre l’importance d’évoquer le diagnostic de phéochromocytome devant des manifestations atypiques du syndrome coronarien aigu, afin de réduire la mortalité. © 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Abstract We report a case of a 38-year-old woman with pheochromocytoma admitted to our department for an acute myocardial infarction. The diagnosis of pheochromocytoma was evoked in view of the major pressure variations that appeared secondarily. Pheochromocytoma is mainly medullosurrenal tumour with clinical polymorphism; it can lead to severe cardiovascular disorders. Nevertheless, cardiac involvement is rarely in the foreground. Our clinical case illustrates the importance to evoke the diagnosis of pheochromocytoma in front of atypical manifestations of acute coronary syndrome so as to reduce mortality. © 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Phéochromocytome ; Infarctus du myocarde ; Catécholamines Keywords: Pheochromocytoma; Acute myocardial infarction; Catecholamines

1. Introduction Le phéochromocytome est une cause rare d’hypertension artérielle (HTA) (0,1 à 0,2 %) [1], la triade classique (sueurs, palpitations, céphalées) peut être absente et le diagnostic est alors évoqué devant des signes atypiques. ∗

Auteur correspondant. Résidence Anajd, immeuble 17, appartement 188, cite plateau, Maarif, Rabat, Maroc. Adresse e-mail : [email protected] (A. Tamdy). 0003-3928/$ – see front matter © 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.ancard.2008.09.001

Cette tumeur peut être à l’origine d’une véritable cardiomyopathie adrénergique ; responsable parfois de véritables tableaux cliniques, biologiques et électriques de syndrome coronarien aigu (SCA). Nous rapportons dans ce travail le cas d’une patiente hospitalisée pour SCA, l’évolution clinique nous a fait suspecter une origine secondaire et le diagnostic d’un phéochromocytome a été évoqué et confirmé. La patiente a été opérée avec bonne évolution clinique et biologique.

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Fig. 1. Électrocardiogramme per critique avec rythme sinusal, abrasion de l’onde R en antéroseptal avec sus-décalage du segment ST et ondes T négatives profondes et symétriques en antérieur étendu.

Le tableau clinique d’un infarctus du myocarde (IDM) révélant un phéochromocytome a été rarement rapporté dans la littérature [2–8]. À travers ce cas clinique et par une revue de la littérature, nous allons faire le point sur cette rare association.

2. Cas clinique Il s’agit d’une patiente âgée de 38 ans admise aux unités de soins intensifs (USI) pour SCA, sans antécédents personnels ni familiaux particuliers, ayant comme facteurs de risque cardiovasculaire : une HTA de découverte récente et la notion de prise de contraceptifs oraux durant une période de 12 ans. La symptomatologie fonctionnelle faite de douleurs épigastriques accompagnées de vomissements et de nausées non calmées par le traitement symptomatique remontait à dix jours avant son hospitalisation. L’examen clinique à l’admission était sans particularité, la tension artérielle à 100/50 mmHg, l’électrocardiogramme (ECG) per critique était inscrit en rythme sinusal, avec une abrasion de l’onde R en antéroseptal avec sus-décalage du segment ST et des ondes T négatives profondes et symétriques en antérieur étendu (Fig. 1). Le bilan biologique montrait une glycémie à jeun élevée, une dyslipidémie et une hypokaliémie, la troponine était à 1,51 ␮g/L (N < 0,1). L’échocardiographie avait objectivé un ventricule gauche de taille et de volume normal sans troubles de la cinétique segmentaire. Le diagnostic d’un SCA avec sus-décalage persistant était retenu mais faute de moyens, la patiente n’avait pas bénéficié de coronarographie, ni de geste de revascularisation. L’évolution était marquée par l’apparition de chiffres tensionnels très élevés (230/100 mmHg) et très labiles avec normalisation des enzymes cardiaques. Devant ce tableau atypique d’IDM associé à des chiffres tensionnels élevés et labiles, une origine secondaire était suspectée et le diagnostic d’un phéochromocytome était évoqué et confirmé par le dosage des dérivés méthoxylés urinaires ; la tomodensitométrie (TDM) abdominale avait objectivé la présence d’une tumeur rétropéritonéale en inter-aortocave, les glandes surrénales était par ailleurs libres (Fig. 2).

Fig. 2. Tomodensitométrie abdominale montrant la tumeur en rétropéritonéal et en inter-aortocave (tumeur marquée par le carré au centre).

La patiente était mise sous alpha-bloquants et inhibiteurs calciques, puis confiée aux chirurgiens pour exérèse de la tumeur (Fig. 3 et 4) dont l’étude anatomopathologique était en faveur d’un phéochromocytome. Les suites opératoires étaient simples avec normalisation du bilan biologique et des chiffres tensionnels.

Fig. 3. La tumeur en peropératoire (flèche).

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Fig. 4. La tumeur après exérèse.

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Électriquement, les aspects sont variables allant de lésion sous-épicardique à l’aspect d’onde Q de nécrose en passant par des signes d’ischémie sous-épicardique. Les signes électriques prédominent le plus souvent dans le territoire inférolatéral [4–7,9,10]. Chez notre patiente, l’ECG montrait des lésions et une ischémie sous-épicardique dans le territoire antéroseptal. Les enzymes myocardiques peuvent être élevés (34 % des cas rapportés). Les coronaires sont par ailleurs angiographiquement saines dans 100 % des cas. D’autres hypothèses telles qu’une insuffisance coronaire de type organique liée à la déstabilisation de lésion athéromateuse par la stimulation adrénergique ou encore un éventuel spasme des gros troncs coronaires ont été avancées pour expliquer ces tableaux mimant parfois un véritable infarctus [12]. Le traitement curatif repose sur l’exérèse chirurgicale de la tumeur [13].

3. Discussion Le phéochromocytome, au pronostic souvent favorable après son exérèse, peut aussi être à l’origine de complications cardiovasculaires parfois dramatiques. La complication la plus classique est l’hypertrophie ventriculaire gauche secondaire à l’HTA, pouvant donner une véritable cardiomyopathie hypertrophique obstructive. La cardiomyopathie adrénergique, quant à elle, est moins connue. Elle a été initialement suspectée par Pearce en 1906 [9] qui a mis en évidence des lésions de myocardite sur des animaux morts après injection d’adrénaline, ces mêmes lésions ont été retrouvées par la suite chez des malades traités par adrénaline pour des états de choc ou atteints de phéochromocytome. Physiopathologiquement, cette cardiomyopathie est liée à une imprégnation catécholergique qui entraîne des perturbations des mouvements ioniques transmembranaires par entrée intracellulaire massive de calcium aboutissant à une myofibrolyse. Histologiquement, on retrouve un aspect d’hémorragie sous-endocardique, une cytolyse des myofilaments et plus tardivement une fibrose [10,11]. La symptomatologie clinique est variable, réalisant deux formes différentes : soit un tableau d’insuffisance cardiaque chronique gauche ou globale en dehors de toute HTA avec fraction d’éjection effondrée et hypokinésie globale prédominant parfois en antéroseptolatérale, soit un tableau de SCA dont le mécanisme reste discuté. L’hypothèse d’une insuffisance coronaire de type fonctionnelle par épuisement des réserves énergétiques sur un cœur imprégné de fac¸on chronique par les catécholamines est avancée [7]. Lors des paroxysmes hypertensifs, il se produit un largage massif de catécholamines, responsable d’une tachycardie et donc d’un accroissement brutal des besoins du myocarde en oxygène [7]. La douleur thoracique peut être typique. Dans notre cas, la douleur était de siège épigastrique sans irradiation particulière.

4. Conclusion L’association d’un tableau d’IDM au phéochromocytome est assez rare pouvant être à l’origine de complications cardiovasculaires graves, d’où l’intérêt d’un diagnostic précoce, d’autant plus que le traitement chirurgical est radical sans complications postopératoires. Références [1] Landsberg L, Young JB.Pheochromocytoma. Harrison’s principles of internal medicine, vol. 2. New York: Mc Graw-Hill; 1991. p. 1735–9. [2] Nirgiotis JG, Andrassy RJ. Pheochromocytoma and acute myocardial infarction. South Med J 1990;83:1478–80. [3] Carlos R, Jessurun MD, Karolina J. Pheochromocytoma-induced myocardial infarction in pregnancy. Tex Heart Inst J 1993;20:120–2. [4] Moulin, et al. Phéochromocytome simulant un infarctus du myocarde. À propos d’un cas. Arch Mal Coeur Vaiss 1999;92(12):1789–94. [5] Kanjaa, et al. Phéochromocytomes : formes graves et inhabituelles. Ann Fr Anesth Reanim 1999;18:458–64. [6] Eduardo S, Roberto L. Pheochromocytoma-induced segmental myocardial dysfunction mimicking an acute myocardial infarction in a patient with normal coronary arteries. Arq Bras Cardiol 2004;82:2. [7] Tournoux F, Bal L, Hamoudi N, Desmonts JM, Steg PG. Syndromes coronariens aigus et phéochromocytome. Ann Cardiol Angeiol 2004;53:273–5. [8] Costa J, Brandao A, et al. Extra-adrenal pheochromocytoma simulating acute myocardial infarction. Rev Port Cardiol 1999;18:1025–9. [9] Pearce RN. Experimental myocarditis: a study of the histological changes following intravenous injection of adrenaline. J Exp Med 1906;8: 400–25. [10] Cho T, Tanimura A, Saito Y. Catecholamine-induced cardiopathy accompanied with pheochromocytoma. Acta Pathol Jpn 1987;37:123–32. [11] Baratella, et al. An unusual case of myocarditis. Int J Cardiol 1998;65:305–10. [12] Haft JI. Cardiovascular injury induced by sympathetic catecholamines. Prog Cardiovasc Dis 1974;17:73–86. [13] De Baker TL, Teamans Y, Cleamen DL. Cardiac involvement in pheochromocytoma. J Hum Hypertens 2000;14:469–71.