Dossier / Accès direct
Kinesither Rev 2019;19(216):50–52
Un investissement de longue date de l'Ordre des masseurskinésithérapeutes pour l'accès direct au kinésithérapeute A long-standing investment of French national council of physiotherapists for direct access to physiotherapist Pascale Mathieu
91 bis, rue du Cherche-Midi, 75006 Paris, France Reçu le 31 juillet 2019 ; accepté le 16 septembre 2019
MOTS CLÉS
RÉSUMÉ
Dans un contexte d'accès aux soins inégal et inéquitable pour nos concitoyens en raison de la difficulté d'accès au médecin, le kinésithérapeute, bien formé et réparti sur tout le territoire national, est un élément-clé du parcours de soin si l'on permet que le patient s'adresse à lui en premier recours. Garant de la qualité des soins, l'Ordre des masseurs-kinésithérapeutes défend cette proposition dans l'intérêt des patients. Niveau de preuve : Non adapté. © 2019 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés
Accès aux soins Accès direct Désert médical Économie Kinésithérapeute Patients Urgence
KEYWORDS SUMMARY
In a context of unequal and inequitable care access for our fellow citizens because of the difficulty of access to physicians, physiotherapists, well trained and well distributed nationwide, is a key element of the care pathway if the patient is allowed direct access to him first. Responsible of health care quality, the Order of physiotherapists defends this proposal in the interest of patients. Level of evidence: Not adapted. © 2019 Elsevier Masson SAS. All rights reserved
C
réée par la loi en 1946, la profession de kinésithérapeute n'a cessé d'évoluer depuis pour s'adapter à la transformation des besoins des patients, des possibilités techniques, des découvertes scientifiques. Elle a ainsi fait peau neuve en 2015 et 2016 avec une réingénierie de sa formation et une nouvelle définition dans le Code de la santé publique. La profession a ainsi vu reconnues par la loi, des mutations importantes, constatées et accompagnées depuis longtemps par les praticiens et la science : elle est désormais définie par ses missions, dans une approche plus holistique de son art. Une formation plus longue et plus complète de 5 ans, des compétences plus larges,
50
une indépendance et une autonomie plus importantes : les capacités des masseurskinésithérapeutes ne cessent de se renforcer. Il semble donc naturel qu'en résonnance avec cette évolution et alors que la France connaît une situation de désertification médicale de plus en plus problématique, la profession assume davantage de responsabilités pour assurer la meilleure prise en charge possible des patients. C'est pour cela que l'Ordre défend l'accès direct aux soins de kinésithérapie. Car c'est bien le patient qui sera le premier bénéficiaire de cette mesure. Dans les déserts
Health care access Direct access Medical desert Economy Physiotherapists Patients Emergency
Adresse e-mail :
[email protected]
DOI des articles originaux : http://dx.doi.org/10.1016/j. kine.2019.09.008 http://dx.doi.org/10.1016/j. kine.2019.09.009 http://dx.doi.org/10.1016/j. kine.2019.09.006 http://dx.doi.org/110.1016/j. kine.2019.09.004 http://dx.doi.org/10.1016/j. kine.2019.09.005 http://dx.doi.org/10.1016/j. kine.2019.09.002 http://dx.doi.org/10.1016/j. kine.2019.09.003
http://dx.doi.org/10.1016/j.kine.2019.09.010 © 2019 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés
Un investissement de longue date de l'Ordre des masseurs-kinésithérapeutes pour l'accès direct au kinésithérapeute
Note de la rédaction Cet article fait partie d’un ensemble indissociable, publié dans ce numéro sous forme d’un dossier nommé « L’accès direct, l’effort de tous », coordonné par Michel GEDDA, et composé des articles suivants : • Gedda M. L'accès direct, l'effort de tous. Kinesither Rev 2019;19(216). • Mangot A. Comparaison entre les systèmes de santé étrangers où l'accès direct est mis en place et le système français, aboutissant à une proposition de formation. Kinesither Rev 2019;19(216). • Lemersre P. Critères pertinents de la mise en place de l'accès direct au vu des exemples internationaux. Kinesither Rev 2019;19(216). • Vallet É. Les masseurs-kinésithérapeutes pensent-il posséder les compétences de raisonnement clinique et de collaboration interprofessionnelle pour rendre l'accès direct sécurisé et efficient ? Kinesither Rev 2019;19(216). • Quentin J. Avis des masseurs-kinésithérapeutes français sur l'accès direct. Kinesither Rev 2019;19(216). • Héry M. Avis de la population française sur l'accès direct. Kinesither Rev 2019;19(216). • Novena F. Lien entre les conditions d'exercice actuelles en masso-kinésithérapie en France et la prise en charge en accès direct. Kinesither Rev 2019;19(216). • Vervaeke R. Perspective d'une prise en charge en accès direct de la lombalgie : enquête de pratique de l'examen subjectif des MK français libéraux. Kinesither Rev 2019;19(216). • Matthieu P. Un investissement de longue date de l'Ordre des masseurs-kinésithérapeutes pour l'accès direct au kinésithérapeute. Kinesither Rev 2019;19(216).
sanitaires, de nombreux patients ne trouvent plus de prescripteur – le médecin – et cela n'est pas sans conséquences : certains renoncent à consulter et donc à certains soins ; certains recourent aux urgences renforçant une situation déjà critique dans ces services ; certains se tournent vers des non-professionnels de santé pour qui l'accès est direct et les risques de pertes de chance sont réels. Grâce à l'accès direct, le patient pourra être directement pris en charge par un kinésithérapeute, sans prescription, pour des soins ponctuels ou un suivi régulier. Par exemple pour les problèmes de petite traumatologie ou pour les douleurs aiguës du dos comme le proposent les rapports sur le premier accès aux soins1 et l'accès territorial aux soins2 remis
1 Rapport de Thomas Mesnier, député de Charente, « Assurer le premier accès aux soins ». 2 Rapport sur l’accès territorial aux soins de Sophie Augros, médecin généraliste, Thomas Mesnier, député de Charente, et Elisabeth Doineau, sénatrice de la Mayenne
Dossier / Accès direct
les 22 mai et 15 octobre 2018 à la Ministre des solidarités et de la santé, Mme Agnès Buzyn. Les consultations en premier recours, comme pour l'entorse de cheville, permettraient d'éviter une consultation « d'orientation » du médecin. En outre, l'accès direct s'inscrit dans une mutation profonde de notre système de soins, la logique d'exercice pluriprofessionnel et d'une plus grande complémentarité de l'équipe de soins. Il libérera du temps médical efficace pour tous et permettra à chaque professionnel de prendre ses responsabilités. Cette évolution semble d'autant plus logique que l'accès direct est permis en cas d'urgence en l'absence d'un médecin et que leur formation prépare les kinésithérapeutes à une telle prise en charge. C'est ce message d'une mesure bénéfique pour les patients, pour la profession et l'ensemble des soignants qui a été porté par l'Ordre dans toutes ses actions à l'attention des décideurs publics. Les candidats à l'élection présidentielle avaient ainsi été sollicités, puis les députés et les sénateurs fraîchement élus en 2017. La proposition a été présentée à Mme Agnès Buzyn, Ministre des solidarités et de la santé, après Mme Marisol Touraine quelques temps plus tôt, et leur administration. L'Ordre s'est également saisi des différentes initiatives lancées par le Gouvernement et le Parlement depuis 2017 pour défendre l'accès direct à la kinésithérapie. Il a ainsi contribué en ce sens aux missions sur les soins non programmés, l'accès territorial aux soins, à la commission d'enquête de l'assemblée nationale sur l'égal accès aux soins, aux groupes de travail de la stratégie #MaSanté2022 et bien sûr tout au long des débats sur la loi relative à l'organisation et à la transformation du système de santé. Il nous faut nous interroger maintenant pourquoi, malgré la situation complexe d'accès aux soins en de nombreux points du territoire national, la possibilité d'accès direct au kinésithérapeute a été balayée d'un revers de main par la Ministre devant la représentation nationale. Fait inédit, de nombreux députés et sénateurs ont souhaité reprendre les propositions de l'Ordre et des syndicats, et ont déposé des amendements visant à permettre l'accès direct au kinésithérapeute. Il est intéressant de se pencher sur la réponse de la Ministre lors de son audition à l'occasion des débats en commission des affaires sociales du Sénat le 14 mai 2019. Pour Agnès Buzyn, « l'élargissement du droit de prescription pour les masseurs-kinésithérapeutes, ça me pose un problème car aujourd'hui nous avons une démographie de ces professionnels en expansion, nous avons eu +20 % d'actes de kinésithérapie en 2018. En réalité l'accès direct à des actes va encore créer une inflation des actes. Je souhaite pour l'instant maintenir la prescription médicale obligatoire. On est pas du tout dans le même cas de figure de difficultés d'accès aux soins, que dans le cadre de la médecine. ». À l'évidence, la prochaine mission de l'Ordre devra être de convaincre la Ministre que les chiffres qui lui ont été présentés ne correspondent pas à la réalité, puisque les dépenses liées aux actes des kinésithérapeutes ont augmenté de 2,6 % sur l'année 2017 (nous sommes loin des 20 %) et que d'importantes économies sont générées dans les pays qui ont choisi 51
Dossier / Accès direct
Points à retenir • La profession de kinésithérapeute n'a cessé d'évoluer pour s'adapter à la transformation des besoins des patients. • La France connaît une situation de désertification médicale de plus en plus problématique, c'est pour cela que l'Ordre défend l'accès direct aux soins de kinésithérapie. • Grâce à l'accès direct, le patient pourra être directement pris en charge par un kinésithérapeute, sans prescription, pour des soins ponctuels ou un suivi régulier. • L'accès direct s'inscrit dans une mutation profonde de notre système de soins, la logique d'exercice pluri-professionnel et d'une plus grande complémentarité de l'équipe de soins. Il libérera du temps médical efficace pour tous. • La possibilité d'accès direct au kinésithérapeute a été refusée par la ministre de la santé lors des débats sur la loi de transformation du système de santé, alors que d'importantes économies sont générées dans les pays qui ont choisi l'accès direct.
52
P. Mathieu
l'accès direct au kinésithérapeute. C'est à cela que nous allons désormais nous employer. Déclaration de liens d'intérêts L’auteur déclare ne pas avoir de liens d’intérêts.