La Revue de médecine interne 34 (2013) 125–126
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Une cause rare de douleur abdominale A rare cause of abdominal pain F. Desmots a,∗ , J.-M. Cournac b , N. Cazes c , G. Morand c , Y. Geffroy a a
Service d’imagerie médicale, hôpital d’instruction des armées Laveran, BP 60149, 13384 Marseille cedex 13, France Service de médecine interne, hôpital d’instruction des armées Sainte-Anne, 2, boulevard Sainte-Anne, BP 20545, 83041 Toulon cedex 9, France c Service d’accueil des urgences, hôpital d’instruction des armées Laveran, BP 60149, 13384 Marseille cedex 13, France b
i n f o
a r t i c l e
Historique de l’article : ´ Disponible sur Internet le 21 decembre 2012 Mots clés : Nécrobiose Fibrome interstitiel Thrombophlébite septique de la veine ovarienne Keywords: Necrobiosis Intersitial leiomyoma Septic ovarian vein thrombophlebitis
1. L’histoire Une femme, âgée de 50 ans, consultait aux urgences pour des douleurs abdominales diffuses prédominant en région périombilicale. Dans ses antécédents, on notait un méningiome frontal droit opéré un mois auparavant suivi d’une corticothérapie orale (40 mg/jour d’équivalent prednisone) pour deux mois. Lors de l’hospitalisation en neurochirurgie, une échographie abdominopelvienne avait mis en évidence un utérus polymyomateux avec un fibrome interstitiel de 12 cm. À son admission, elle avait une fièvre à 40 ◦ C, une fréquence cardiaque à 156/minutes et une fréquence respiratoire à 26/minutes. Il n’existait ni défense ni contracture. Une masse périombilicale sensible était retrouvée à la palpation. Les examens biologiques montraient : taux d’hémoglobine 9,7 g/dL, CRP 158 mg/L, NFS normale. L’électrocardiogramme montrait une tachycardie sinusale sans signe de cœur droit. La radiographie pulmonaire éliminait un épanchement pleural ou un foyer de condensation systématisé. Les hémocultures isolaient un Escherichia coli. Un scanner abdomino-pelvien avec injection de produit de contraste était réalisé (Fig. 1).
∗ Auteur correspondant. Adresse e-mail : fl
[email protected] (F. Desmots).
2. Le diagnostic Une thrombophlébite de la veine ovarienne droite. 3. Les commentaires Il s’associait également une nécrobiose de fibrome utérin et une embolie pulmonaire bilatérale. La thrombose veineuse ovarienne se manifeste principalement dans le post-partum immédiat (48 heures) [1] et représente environ 45 % des thrombophlébites pelviennes [2]. Elle peut compliquer un état inflammatoire du pelvis comme chez notre patiente, une chirurgie gynécologique ou obstétricale ou être en rapport avec une atteinte néoplasique favorisée ou non par une prédisposition thrombotique [3,4]. Ces autres causes sont la radiothérapie pelvienne, les torsions ovariennes, les maladies inflammatoires digestives et les abcès périrectaux [5]. Les ovaires sont drainés par des veinules ovariques appelées plexus pampiniforme puis par les veines ovariennes. La veine ovarienne droite se draine directement dans la veine cave inférieure au niveau de L2 tandis que la veine ovarienne gauche se draine plus haut dans la veine rénale gauche. Elles possèdent toutes deux des valvules incompétentes, leur flux étant antérograde pour la veine ovarienne droite et rétrograde pour la veine ovarienne gauche notamment en présence de varices pelviennes ou d’un utérus gravide ou fibromateux où il existe fréquemment une dextroversion utérine (stase veineuse droite augmentée). Cela explique en partie que la
0248-8663/$ – see front matter © 2012 Société nationale française de médecine interne (SNFMI). Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. http://dx.doi.org/10.1016/j.revmed.2012.08.009
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33 % des cas [9]. Le traitement associe une antibiothérapie pendant deux à trois semaines et une anticoagulation pendant six mois [6–9]. Certains auteurs proposent une thrombectomie chirurgicale pour les thrombus siégeant dans la veine cave inférieure et pour les cas d’embolie pulmonaire associée [10]. La mise en place d’un filtre cave temporaire peut être discutée dans le cas d’un thrombus flottant afin de prévenir le risque d’embolie pulmonaire [10]. La ligature de la veine ovarienne droite est possible si le thrombus reste localisé. Déclaration d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article. Références
Fig. 1. Scanner avec injection de produit de contraste iodé en coupe coronale oblique : thrombus hypodense endoluminal distal de la veine ovarienne droite sans extension à la veine cave inférieure.
majorité des thromboses veineuses ovariennes se localise du côté droit (80 % à droite, 4 % bilatérales et 16 % à gauche) [6]. Le diagnostic clinique reste difficile car les signes sont non spécifiques. Dans la plupart des cas, le diagnostic est découvert fortuitement. L’étude de Twickler et al. avait démontré que le scanner avait une meilleure sensibilité (100 %) comparée à l’IRM (92 %) et à l’échographie doppler (50 %) [7]. L’échographie reste toutefois l’examen de choix et de première intention dans la pathologie pelvienne aiguë chez la femme, même si l’étude vasculaire pelvienne peut être prise en défaut. Une enquête bactériologique doit être effectuée mais la bactérie (très souvent un germe digestif) n’est isolée que dans un cas sur cinq [5,8]. Un bilan de thrombophilie est anormal chez 50 % des cas [1,5,9] et une embolie pulmonaire est retrouvée dans 13 à
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