La Revue de médecine interne 27 (2006) 563–565 http://france.elsevier.com/direct/REVMED/
Image
Une cause rare de douleurs dorsales A rare cause of dorsal pain P. DePerthuis a, C. Toledano a, C. Pradel b, K.P. Tiev a, B. Fabre a, J. Cabane a, A. Kettaneh a,* a
Service de médecine interne, hôpital Saint-Antoine, 184, rue du Faubourg-Saint-Antoine, 75571 Paris cedex 12, France b Service de radiologie, Assistance publique–Hôpitaux de Paris, université Paris-VI, Paris, France Reçu le 29 septembre 2005 ; accepté le 26 octobre 2005 Disponible sur internet le 09 décembre 2005
Mots clés : Hydroxyapatite ; Rhumatisme ; Rachis Keywords: Hydroxyapatite; Rheumatism; Spine
1. L’histoire Un patient de 47 ans d’origine algérienne et sans antécédent notable consultait pour des douleurs dorsales évoluant depuis un mois. Ces douleurs d’apparition brutale, intenses, permanentes et invalidantes irradiaient en hémiceinture du côté gauche. Elles étaient calmées par le paracétamol, et leur intensité avait diminué progressivement au cours des semaines précédentes. À l’examen clinique, le patient était apyrétique avec un état général conservé. L’examen ne trouvait pas de contracture des muscles paravertébraux et aucun signe d’atteinte médullaire (réflexes ostéotendineux normaux, réflexes cutanés plantaires indifférents, force musculaire normale). La numération, la formule sanguine, l’ionogramme sanguin, la calcémie et l’électrophorèse des protéines étaient normaux. La vitesse de sédimentation était à 17 mm à la première heure et la CRP à 25,9 mg/l (n < 5 mg/l). La radio du thorax était normale et l’examen cytobactériologique des urines stérile. Une radiographie du rachis dorsolombaire (Fig. 1) ne montrait aucune anomalie hormis la présence d’une calcification du disque situé entre T9 et T10. Un scanner sans injection (Fig. 2) montrait un pincement discal modéré T9–T10, avec présence de calcifications intradiscales, ainsi que des calcifications hétérogènes *
Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (A. Kettaneh).
0248-8663/$ - see front matter © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.revmed.2005.10.023
Fig. 1. Radiographie standard du rachis dorsal de profil : calcification discale.
564
P. DePerthuis et al. / La Revue de médecine interne 27 (2006) 563–565
postérieure des plateaux inférieur de T9 et supérieur de T10 des zones en hyposignal T1 et hypersignal T2, rehaussés après injection de produit de contraste, évocatrices de spondylite avec importante extension épidurale sus- et sous-jacente, entraînant un discret effet de masse sur la moelle dorsale. Bien qu’il n’y ait pas d’atteinte discale ni d’abcès paravertébral, la première étiologie évoquée fut une origine infectieuse (tuberculeuse ou staphylococcique en particulier). 2. Le diagnostic Un rhumatisme microcristallin multifocal avec localisation intracanalaire et vertébrale rachidienne dorsale. 3. Les commentaires
Fig. 2. Scanner sans injection de la moelle, coupe axiale au niveau du disque T9–T10 : calcifications intradiscales et intracanalaires.
Fig. 3. Imagerie par résonance magnétique du rachis dorsal, coupe sagittale, séquence pondérée en T2 sans injection de produit de contraste : hypersignaux rehaussés par le gadolinium des corps vertébraux T9 et T10 et hyposignaux du canal rachidien.
dans l’espace épidural antérieur gauche et dans le foramen au contact de la racine T9 gauche. L’imagerie par résonance magnétique (Fig. 3) mettait en évidence au niveau de la partie
L’aspect radiologique très évocateur d’une maladie à dépôts d’hydroxyapatite, permit d’écarter le diagnostic de spondylite infectieuse. Pour conforter ce diagnostic d’autres clichés à la recherche des localisations habituelles de la maladie furent effectués. Le cliché de l’épaule gauche mit en évidence une calcification de l’insertion humérale du deltoïde. Les explorations complémentaires n’ont identifié aucun facteur favorisant de cette maladie, en particulier pas d’insuffisance rénale, de diabète ou d’hyperparathyroïdie. Trois mois plus tard le patient était toujours asymptomatique. Si nous n’avons pas été en mesure de préciser la nature des calcifications en cause chez ce patient, leur forme ainsi que la topographie de l’atteinte évoquait fortement un rhumatisme à hydroxyapatite. La maladie à dépôts de cristaux d’hydroxyapatite est caractérisée par la présence de calcifications périarticulaires, des tendons, bourses et capsules, responsable de douleurs. Les cristaux d’hydroxyapatite ne sont pas visibles en microscopie optique mais peuvent être révélés par la coloration au rouge d’alizarine. La tendinite calcifiante de l’épaule en est la forme la plus typique. Les autres localisations classiques sont la hanche, le tendon du moyen fessier, les poignets, les coudes, les doigts. Les calcifications d’hydroxyapatite sont parfois associées à des cristaux de pyrophosphate de calcium. Le diagnostic différentiel entre rhumatisme à hydroxyapatite et chondrocalcinose est donc parfois difficile à établir et il est vraisemblable que le diagnostic de maladie des cristaux d’hydroxyapatite de localisation atypique soit souvent masqué par la présence d’une chondrocalcinose associée. Quelques observations d’atteinte rachidienne ont été rapportées. Il s’agit le plus souvent de calcifications des ligaments périodontoïdiens réalisant l’aspect de « dent couronnée » [1]. Il peut également s’agir comme dans le cas de notre patient, de calcifications intracanalaires, notamment du ligament jaune, ou discales, réalisant une « nucléopathie calcifiante ». Une revue de la littérature [2] en rapportait 16 observations en 2000 : l’atteinte était localisée au rachis cervical dans tous les cas. Ces calcifications souvent asymptomatiques, se manifestent parfois par des cervicalgies fébriles et plus rarement par des signes de compression médullaire pouvant nécessiter un geste chirurgical [3]. Une localisation lombaire des lésions peut être à l’origine d’un syn-
P. DePerthuis et al. / La Revue de médecine interne 27 (2006) 563–565
drome de la queue de cheval et nécessiter là encore un geste chirurgical [4]. L’originalité de notre observation réside dans la localisation thoracique des lésions, qui à notre connaissance, n’a pas encore été rapportée dans la littérature. Références [1] Aouba A, Vuillemin-Bodaghi V, Mutschler C, De Bandt M. Crowned dens syndrome misdiagnosed as polymyalgia rheumatica, giant cell arteri-
565
tis, meningitis or spondylitis: an analysis of eight cases. Rheumatology (Oxford) 2004;43:1508–12. [2] Yamagami T, Kawano N, Nakano H. Calcification of the cervical ligamentum flavum: case report. Neurol Med Chir (Tokyo) 2000;40:234–8. [3] Baba H, Maezawa Y, Kawahara N, Tomita K, Furusawa N, Imura S. Calcium crystal deposition in the ligamentum flavum of the cervical spine. Spine 1993;18:2174–81. [4] Baba H, Maezawa Y, Furusawa N, Imura S, Tomita K. The role of calcium deposition in the ligamentum flavum causing a cauda equina syndrome and lumbar radiculopathy. Paraplegia 1995;33:219–23.