Une cause rare d'hémorragie intra-alvéolaire: l'accident transfusionnel avec leucoagglutination par anticorps antigranuleux (syndrome Trali)

Une cause rare d'hémorragie intra-alvéolaire: l'accident transfusionnel avec leucoagglutination par anticorps antigranuleux (syndrome Trali)

1998 ; 19 : 434-7 Rev Mdd Inteme Communication 8 Elsevier, Paris b&e Une cause rare d’hbmorragie intra-alvbolaire : l’accident transfusionnel ave...

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1998 ; 19 : 434-7

Rev Mdd Inteme

Communication

8 Elsevier, Paris

b&e

Une cause rare d’hbmorragie intra-alvbolaire : l’accident transfusionnel avec leucoagglutination par anticorps antigranuleux (syndrome Trali) N Cailleux l, H LCvesque l, D Bastit 2, A Cuvelier 3, JF Muir 2, H Courtois l 1D&artement

de mddecine inteme. 3service de pneumologie. h6pital de Boisguillaume, zcentre rJgiona1 de transfusion sanguine, 76230 Boisguillaume,

CHU, France

76031 Rouen

cedex;

(Rqu le 10 novembre 1997 ; accept6 le 20 janvier 1998)

RbumC Introduction.

- Le syndrome de dttresse respiratoire aigu5 post-transfusioxmel (transfusion-related acute lung injury syndrome [Trali]) est un accident post-transfusionnel rare mais grave, 1iC le plus souvent B un transfert passif d’anticorps antigranuleux. C’est un diagnostic d’tlimination, rendu difficile du fait du contexte de polypathologie dans lequel il se dtveloppe, souvent en milieu chirurgical ou de reanimation. Exigt%e. - Nous rapportons une observation de d6tresse respiratoire aigut post-transfusionnelle lite ?Jl’existence d’un anticorps antigranulocytaire chez une patiente atteinte d’une multinCvrite s&&e au tours d’un syndrome de Gougerot-Sj(Sgren associt! B une cryoglobulintmie IgM kappa de type II. prkalablement traitke par immunoglobulines intraveineuses. Conclusion. - Cette observation souligne la difflcultC du diagnostic d’une d&esse respiratoire aigu8 et d’une hdmorragie intra-al&ok&e sur un terrain dysimmunitaire. Surtout, elle permet de rappeler l’existence de cet accident transfusionnel rare et la nCcessitt de s’entourer de pr&cautions lorsqu’une transfusion globulaire est n&essaire. Q 1998, Elsevier, Paris. d6tresse Gougerot

respiratoire aigue SjSgren (syndrome

post-transfusionnelle de)

/ anticorps

antigranuleux

/ cryoglobuline

/ immunoglobulines

intraveineuses

/

Summary - An uncommon cause of alveolar hemorrhage: transfusion-related acute lung injury caused by granulocyte-specific antibody. Introduction. - Transfusion-related acute lung injury (TZULI) is an infrequent but life-threatening complication of henwtherapy, usually secondary to passive transfer of antibody from the donor’s plasma to the recipient. TRAW is a diagnosis of exclusion often masked by underlying factors. Exegesis. - We report a new case of TZiALi in a patient with severe multinevritis associated with Sjtigren’s syndrome and cryoglobulinemia. who had received intravenous immurwglobulins. Conclusion. - This case report underlines the difficulty to establish a diagnosis in both acute respiratory failure and intra-alveolar hemorrhage in patients with auto-immune disorders. This case report also emphasizes the necessity of taking precautions in these immunocompromised patients in whom hemoglobin transfusion is required. Q 1998, Elsevier, Paris. transfusion-related immunoglobulins

acute

lung

injury

I anti-granulocyte

antibodies

Nous rapportonsl’observation d’un syndromede d&esse respiratoire aiguC, avec hkmorragie intra-alvkolaire, survenant au &ours d’une transfusion kythmcytaire chez une patiente de 66 ans traitke par immunoglobulines intraveineuses pour une neuropathie sensitivomotrice s&&e associ& &un syndromede Gougerot-Sjtigren avec pr&ence d’une cryoglobulirkmie de type II.

/ cryoglobulinemia

/ Sjiigren’s

syndrome

/ intravenous

OBSERVATION Depuis 1988, une femme de 66 ans, m&e de deux enfants, sans ant6c6dent transfusiormel, est suivie dam le dkpartement de mt%lecine inteme pour un syndrome de GougerotSjagren associt B une neuropathie sensitive mod&e des membres inft?rieurs, essentiellement subjective, et il une

Leucoagglutinationpar anticorps antigranuleux

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la gazomttrie et de la radiographicpulmonaire.Le lavage bronchoalveolaire,r&list au dkcoursimnkdiat (j3), confiimait I’hbmotragieintra-alvbolaire (score de Gold de 300). Lesbiopsiesbronehiquessysttkratiquesmontraientun infiltrat lymphoplasmocytairedense,sansvascularite,6voquant une loealisationdu syndromede Gougerot-Sjagren.La survenue d’un syndrome de dktresse respiratoire aiguC au d&ours irnmkliat d’une transfusionde concentreskythrocytaires non clkleucoeyt&, &evolution clinique et radiologique rapidement

Fig 1. Radiographic pulmonaim r&h&e aumoment dela d&esserespiratoirea$? mettant en Cvidence des infiltrats alv6oolo-interstitiels diffus dam les deux champs.

cryoglobulintmie de type II (IgM kappa). L’evolution a &? marqueepar plusieursepisodesde purpuravase&ire corticod&pendants motivant l’introduction d’hydroxychloroquine en 1990.La neuropathieetait stablejusqu’en oetobre 1993 oti apparaissait un deficit moteur majeur des quatre membres.Lors de l’hospitalisation,l’examenclinique notait une amyotrophie considerable,clistale et proximale, des quatremembreset un deficit moteurmajeurpredominanten distal&. Les troubles sensitifs,jusqu’alorsessentiellement subjectifs,CtaientCgalementau premierplan. L’electromyogrammes’etait considerablementah&e par rapport it celui realist 3 moisplus tat. La recherched’un lymphome,d’une infection par le virus de l’hbpatite C ou par le virus du syndromed’imrmnmdeficienceacquise,d’anticorpsantimydline ttait negative. La gravitt de I’atteinte neurologique a conduit a proposer un traitement par immunoglobulines polyvalentes intraveineuses(1 g/kg/j, 2 jours consteutifs), aprts rdalisation d’une biopsie neuromusculaire. L’ttat generalet hemodynamiquede la patientecontre-indiquaitla realisation d’echangesplasmatiques.Dix-sept jours apres la cure d’immunoglobulines, l’existence d’une anernie profonde d’origine multifactorielle (hemoglobine a 5,6 mmol/L, hematoerite a 27 %), symptomatiqueet mal tolereeconduisait21la prescriptionde concent& &ythrocytaires non deleucocytes.Quarante-cinqminutesapr&sla fin du secondculot, survenaitun syndromede d&resserespiratoire aigui! febrile (PO, A 56 mmHg, PCO, a 45 mmHg, saturationa 88 %). avec Mmoptysie, sansmodification tensionnellemajeure.L’blectrocardiogramrneet l’bchographie cardiaque (notamment la fraction d’ejection) &Gent normaux. La radiographiepulmonairemettait en evidencedes infiltrats alveolo-interstitiels diffus lfigure I). L’evolution sous oxygenotherapie nasale et assautscortisoniques (methyl-prednisolone 1 g/j, 3 jours de suite) Ctait rapidement favorable, avec normalisationd&sle troisibmejour de

favorable, conduisait

B mener une enqu&e

immunoh&natologiquea la recherched’une immunisation antileucocytaire. LB reeherehes &ient effect&s sur trois &hantillons post-transfusionnels (il. j50 et j80). Danstous les cas, la reeherched’anticorps anti-HLA (technique de microlymphocytotoxicite) dtait negative. En revanche, la recherched’anticorps antigranuleux (technique de granuloagglutinationet immunofluorescenee indirwte) &tit positive. 11s’agissaitd’un anticorpsde type IgM, sansspkificite, granuloagglutinant,titrant l/40 sur les deux premiers prkkvements (jl, j50), au l/l0 sur le troisibmeekhantillon (j80) (Dr J Cartron, seeteurd’hCmobiologie-transfusion sanguine de Paris-SudII, Le Kremlin-Bi&.re). Malhenreusement, il n’a paset&possiblede rechereherla presenced’anticorps antigranuleux sur un prelbvement anttrieur a la transfusionchez la patiente, ni d’etktuer a posteriori une enqu&etransfusionnelle.

DISCUSSION Le syndrome de dkresse respiratoire a&us post-transfusionnelle (transfusion-related acute lung injury : Trali syndrome des Anglo-Saxons) a btk ddfini par Popovsky en 1983. 11est lit, le plus souvent, A un transfer-t passif d’ anticorps antiieucocytes P&ent chez le donneur [ 11. Son incidence, vraisemblablement sous-6valuk du fait de la difficult& du diagnostic de Trali syndrome (car rarement &oqu~ chez ces patients aux pathologies multiples et intriquhes, dans un contexte de r&nimation m&IicaIe ou chirurgicale...) est de 0,02 % par unite de sang transfude et de 0,16 % par patient transfus6. Le nombre de cas est estimd Zt1 pour 5 000 transfusions [ 11. La plupart des observations publi&s concernent &s patients ayant b&&Icik d’une transfusion sanguine au COLUS ou au d&ours d’une intervention chirurgicale [2]. 11 n’est pas not6 de p&dominance de sexe ou d’Lge. Les signes cliniques apparaissent 1 B 6 heures apr&sla transfusion (sang total, concent& &ythrocymires, plasma frais congel6, cryoPt+cipit&) et aboutissent a une ddtresserespiratoire a&u&i [3]. La fibvre est constante, parfois supkrieure Zt 39 “C, souvent associke a des frissons. ParallBlement, une hypotension marqude (infdrieure ou tgale a 80 mmHg) et une dyspnke, li type de polypnke, aver cyanose s’installent. L’auscultation puhnonaire met en &idence des &es

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N Cailleux

crepitants diffus dans les deux champs. Les gaz du sang temoignent d’une hypoxemie severe, inferieure ou tgale a 50 mmHg (65 kPa) et d’une acidose respiratoire. La radiographie pulmonaire objective des infiltrats diffus et bilateraux. Une origine cardiovasculaire est tslimin&. par la mesure des pressions veineuse centrale et art&ielle pulmonaire (normales ou basses) ou l’echographie cardiaque (absence de dysfonctionnement du ventricule gauche). Le diagnostic est ttabli, a posteriori, par la mise en evidence d’anticorps antigranulocytes par les techniques de leucoagglutination, d’immunofluorescence indirecte ou de granulotoxicite [4]. Des anticorps anti-HLA, mis en evidence par lymphotoxicid, peuvent &re associes. D’apr&s l’etude de Popovsky et Moore [2], sur 36 cas de Trali syndrome, 89 % des receveurs pr&entaient des anticorps antigranulocytes, 72 % des anticorps antilymphocytes et 65 % d’anticorps anti-HLA specifiques. Dans de rares cas, les anticorps antigranulocytes et antilymphocytes sont presents chez le receveur et diriges contre les globules blancs du donneur [5,6]. Selon ces mCmes auteurs, l’evolution est favorable en 2 a 7 jours dans plus de 80 % des cas. Une issue fatale est notee dans 5 a 10 8 des cas [7, 81. Selon Sazama [9], le Trali syndrome est la troisibme cause de mortalit6 post-transfusionnelle (12,l %) devant les contaminations bacttriennes (lo,2 %) et les chocs anaphylactiques (3,l %). Le mecanisme physiopathologique du Trali syndrome n’est pas encore completement tluci&. Swank suggbre que les complexes antigtne-anticorps fixant le complement induisent l’agregation des polynucleaires neutrophiles et leur sequestration dans la microcirculation puhnonaire ou ils sont normalement presents en grande quantite [lo]. Toujours sous l’action du compl6ment, les neutrophiles subiraient une degranulation avec liberation enzymatique et production de radicaux libres oxygen&. Ces elements seraient responsables d’une inflammation locale et de deterioration de l’endothelium vasculaire pulmonaire, avec augmentation de la permBabilitQ capillaire et extravasation d’un liquide plasmatique riche en proteines dans l’interstitium puis dans les alveoles. La traduction en est la survenue d’un aedbme pulmonaire lesionnel avec detresse respiratoire. Le Trah syndrome est un diagnostic d’tlimination, d’autant plus difficile a porter qu’il survient le plus souvent sur un terrain polypathologique. Les causes cardiaques de detresse respiratoire sont assez simples a Climiner. Plus difficile est le syndrome de ddtresse respiratoire de l’adulte qui se distingue du Trali syndrome par une frequence plus grande (150 000 cas par an aux I?tats-Unis), des facteurs Ctiologiques varies (infections pulmonaires, traumatismes thoraciques, septicemies a bacille a Gram negatif.. .) et une forte

et al

morbidite et mortal&e (50 B 60 %) [lo]. Le diagnostic de Trali syndrome ne peut &re retenu que lorsque la transfusion sanguine est le seul facteur etiologique possible, les autres ayant &ti systimatiquement exclus. Le traitement est essentiellement symptomatique. L’oxygenoth&apie est indispensable, et une ventilation m&anique est parfois necessaire [2]. L’administration de corticdides a fortes doses y est associ&e de fac;on quasi systimatique, bien que son efficaciti ne soit pas clairement d&morn&e. Ils agiraient en inhibant l’agr& gation puis la d&ranulation des granulocytes. Pour limiter le risque de survenue d’un Trali syndrome, plusieurs mesures therapeutiques sont proposees [3]. Certaines visent B prevenir les risques de transfert passif d’anticorps (donneurs Zt risque) : s’informer des ant&&lents obstitricaux des donneuses de sang (le risque de developper des anticorps notamment anti-HLA augmente avec la parit@. exclure les donneurs clairement impliquCs dans la survenue d’un syndrome Trali, d’autres visent B Cviter la toxicite d’anticorps &entuellement presents chez le receveur en utilisant de preference des concern&s globulaires decongelts ou laves chez les sujets fi risque [6]. Enfin, il importe d’assurer une borme information des personnels de Santa impliquds dans la transfusion sanguine (mkdecins prescripteurs notamment) de l’existence de ce syndrome et de son traitement. Dans l’observation pr&.entbe, une origine posttransfusionnelle est retenue sur des arguments anamnestiques, cliniques et immunologiques. Plusieurs hypotheses peuvent &re formul&es : soit l’apport d’un anticorps passif par le produit &ythrocytaire, hypothese peu vraisemblable du fait de la faible quantite de plasma residuel, soit la presence prealable chez le receveur d’anticorps reagissant avec les leucocytes presents dans le culot &ythrocytaire. Deux hypotheses peuvent Qtre formul&s : - les immunoglobulines prealablement administrees, fabriquees a partir d’un pool important de donneurs de sang peuvent Ctre a l’origine d’un apport passif d’anticorps, reagissant avec les leucocytes du concentre globulaire, mais une telle &entnalite n’a jamais ettc rapport6e dam la lit&attire ; - la cryoglobuline IgM kappa possbde une activite antigranuleux permettant d’expliquer pourquoi l’anticorps antigranuleux, mis en evidence etait de nature IgM, etude non effectute du fait du faible titre de la cryoglobulin&n.ie. Chez notre patiente, nous ne pouvons Climiner avec certitude la presence d’un autoanticorps du fait de I’absence de recherche sur le strum avant la transfusion et de l’absence d’btude d’une &entuelle activite dirigee contre les granulocytes de la cryoglobuline. L’hypothbse d’une manifestation respiratoire en rapport avec le syndrome de Gougerot-Sjiigren n’a

Leucoagglutination par anticorps antigranuleux

pas &t retenue dans cette observation, du fait de l’anamntse et surtout de l’kvolution t&s rapidement favorable. Aucun cas d’hbmorragie intra-alv6olaire n’a btC rapportt? au tours d’un syndrome de GougerotSjijgren primitif et isolt [ll]. En revanche, la pr& sence d’une cryoglobuline, par la vascularite qu’elle peut induire, est incrirnin~ dans la survenue d’hbmorragie intra-alvtolaire et sa recherche doit faire partie du bilan Ctiologique [12-141. Cependant, chez notre patiente, l’absence de vascularite histologique et surtout l’tvolution rapidement favorable sugg&ent que l’hkmorragie alv6olaire n’ait pas 6d en rapport avec la cryoglobulixknie [ 151. En conclusion, cette observation souligne la diffcult6 du diagnostic d’une dktresse respiratoire aigut et d’une hkmorragie intra-alv6olaire sur un terrain dysimmunitaire. Surtout, elle incite B la prudence et B la nCcessitB de s’entourer de prkautions lorsqu’une transfusion globulaire est nCcessaire Ir. ces patients. RI~F~~RENCES 1 Popovsky MA, Abel MB, Moore SB. Transfusion-related acute lung injury associated with passive transfer of antileukocyte antibodies. Am Rev Respir Dis 1983 ; 128 : 185-9 2 Popovsky MA, Moore SB. Diagnostic and pathogenetic consideiations in transfusion-related-acute lung injury. Transfusion

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I

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