COMMUNICATION
BREVE
Une gale norv6gienne compliquant un traitement immunosuppresseur ' 5. propos d'une observation* K. BOUSLAMA**, M.H. HOUMAN***, F. BEN HMIDA CHERIF****, M. LAMLOUM****, A. BEN OSMAN**** et M. MILED***
SUMMARY
NORWEGIAN SCABIES : A COMPLICATION DURING IMMUNOSUPPRESSIVE THERAPY. A CASE REPORT
Norwegian scabies, also called crusted scabies because of hyperkeratotic lesions, is rare. The infection is fl'equently overlooked because of its atypical presentations. It is a highly contagious variant of classical scabies, has traditionnally been associated with mentally retarded and physically impaired patients. Recent reports have increasingly linked scabies to immunosuppression, as in acquired immunodeficiency syndrome. Norwegian scabies, an ectoparasitic infestation by Satvoptes scabiei, features hyperkeratotic lesions of the palm, of the sole, scalp and ears. These lesions contain a great number of mites. The attthors report a case of Norwegian scabies in a patient undergoing immunosuppressive therapy for a polyarteritis nodosa. Diagnostic and treatment are briefly reviewed. Key-words: Norwegian scabies. Immunosuppressive therapy. Mots-el~s : Gale norvdgienne. Traitement immunosuppresseur.
La gale norv6gienne ou gale crofiteuse est une forme exceptionnelle de gale acarienne humaine. Outre sa raret6 et son expression clinique particuli6re, elle se distingue p,'u"le terrain sur lequel elle survient. Sa survenue chez Ies patients atteints de syndrome d'immunoddficience acquise (SIDA)est de description r6cente. La connaissance de cette forme clinique de gale est donc rendue n6cessaire par l'extension croissante de l'infection par le virus de l'immunod6ficience humaine (VIH). Nous rapportons une nouvelle observation de gale norv6gienne survenue chez une patiente sous traitement immunosul~presseur prescrit pour une pdrial'tdrite noueuse. * Re~u le 28.7.98. Acceptation ddfinitive le 11.9.98. ** Service de M6decine interne, Pr M. Ben Dricli, CHU Mongi Slim, Sidi Daoud - 2046 La Marsa, Tunisie. *** Service de Mddecine interne, Pr Miled, CHU La Rabta, Tunis, Tunisie. **** Service de Dermatologie, CHU La Rabta, Tunis, Tunisie.
Mfd Mal Infect. 1998 ; 28 : 997-8
OBSERVATION Mine Z., 66 ans, est suivie pour une p6fiart6fite noueuse syst6mique trait6e par l'association de co~ico'~des (prednisone) et immunosuppresseurs (cyclophosphamide). L'6volution est caract6ris6e par la survenue d'une 6ruption 6ryth6matosquameuse non prurigineuse 6voluant depuis un tools, ayant d6but~ aux mains et aux pieds et s'6tendant progressivement aux coudes, aux genoux, au dos, au visage (figure 1). Les premiers diagnostics 6voqu6s 6talent ceux de syndrome paran6oplasique de Basex, d'6rythrodermie psoriasique ou de toxidermie. L'6volution se poursuivait par l'apparition de 16sions croOteuses des mains (figure 2) et des pieds, r6alisant par endroit une v6ritable carapace blanch~tre engainant les ongles et associ6es ~ une paehyonychie. L'aspect elinique ~voquait une gale norv6gienne confi~Tnde par la pr6sence de tr6s nombreux sarcoptes a l'examen direct des squames. La patiente cut plusieurs applications d'Ascabiol% mais la maladie 6volua vers le ddc6s de la patiente dans un tableau de choc septique.
DISCUSSION La gale norv6gienne ou crofiteuse, par sa raret6, reste une curiosit6 dermatologique. Depuis l'observation initiale faite en 1844 par Boeck et Danielson chez des 16preux (1), de nombreux cas survenant dans des circonstances 6tiologiques vari6es ont 6t~ rapport~s. Paterson, en 1973, a rapport~ le premier cas survenu sous traitement immunosuppresseur (2). Cliniquement, cette gale est caract6ris6e par des 16sions squamo-crofiteuses diffuses, en nappes, avec hyperk6ratose palmo-plantaire et d6fon~ations ungu~ales. Malgr6 la pullulation des parasites, le prurit n'est pas toujours considerable et ce n'est souvent que la contamination de l'entourage qui oriente le diagnostic. Celui-ci est facilement confirmd par l'examen parasitologique des squames. La biopsie cutan6e met en 6vidence de multiples Sarcoptes et oeufs de Sarcoptes dans une couche corn6e tr~s 6paissie au-dessus d'un 6piderme et d'un derme moddr6ment inflammatoires. Outre leur expression clinique, ces formes 6rythrodermiques de gale sont particuli~res par le terrain sur lequel elles surviennent. Elles s'observent surtout chez des sujets en mauvais 6tat g6n6ral (3), en cas d'atteinte du syst~me nerveux central ou p6riph6rique, de dermatose crofiteuse pr6-existante, d'immuno-d6pression induite par un traitement immunosuppresseur (2) ou au cours d'une infection r6trovirale (4-6). Dans les pays o~a le virus HTLV-1 a une forte pr6valence, la gale crofiteuse g6n6ralisde est meme consid6r6e cornme un marqueur de l'infection r6trovirale (4). Chez le patient VIH positif, la gale croateuse gdn6ralisde est d'autant plus volontiers rencontrde que le chiffre de lymphocytes CD4 est bas (5, 6). La pathogdnie est multifaetorielle; l'absence de sensation de prurit, donc de grattage, avec incapacit6 d'dliminer les
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Fig. 2 : Hyperkfiratose palmaire ponsable d' une contagion extreme et de difficult6s th6rapeutiques (6, 7). Le traitement est le m~me que celui de la gale ordinaire mais les applications sont r6p6t6es et concernent tout le t~gument, y compris la t~te, la persistance de Sarcoptes dans te cuir chevelu 6tant source de r6cidive (8). L'hyperk6ratose est trait6e par des k6ratolytiques, notamment la vaseline salicyl6e ~t 10 %. Les ongles sont raccourcis et bross6s avec l'anti-scabieux deux fois par jour. I1 est parlois ndcessaire d'alterner diff6rents antiparasitaires actifs sur les acariens, notamment le benzoate de benzyle (Ascabiole), la pyr6thrine (Spr6gal | ou le lindane (Scabecid| La gu6rison est obtenue apr~s une dur6e moyenne de 3 semaines de traitement. Le benzoate de benzyle est le plus utilis6 en France, mais la survenue de rdsistances et le risque de convulsions, surtout chez le jeune enfant, font plut6t pr6f6rer la perm6thrine 5, 5 % (non encore commercialis6e en France). R6cemment, des essais th6rapeutiques par l'ivermectine par vole orale semblent tr~s prometteurs, mais au prix d'un possible risque de surmortalit6 (9). N'ayant pas d'autorisation de raise sur le march6 dans cette indication, l'ivermectine est propos6e dans le cadre d'essais th6rapeutiques darts les formes de gales r6fractaires aux traitements habituels (10).
Fig. 1 : L6sioas 6rythfmato-squameuses du visage
(joues, r6gion sourcili~re et oreilles) parasites, li6e ~ une anestMsie cutan6e (]bpre) ou ~ une dENlit6 mentale (mongolisme), favoriserait la multiplication des Sarcoptes. L'absence de dEveloppement des r6actions immunitai:res sp6cifiques serait responsable de la gale norv6gienne chez les immunonodfprim6s, L'existence d'une dermatose pr6existante constitue un site propice au d6veloppement des acariens. La prolif6ration parasitaire est consid6rable, res-
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